La fois où je me suis transformé en dinosaure (Théâtre)

[Ratz19]

Scène 1

Une voix : (Off.) Wouah… Wouah…

Ti-Floune : C'est absurde. Je le sais. Du moins, ça semble l'être, c'est vrai. J'vous l'accorde, c'est franchement bizarre.

Une voix : (Off.) Wouah…

Ti-Floune : (Lui répondant avec une voix aigu.) Wouah… 'Faudrait pas vraiment se fier aux apparences. Je suis pas fou. Je suis vraiment pas fou, j'veux dire… Ok, c'te voix-là semble effectivement v'nir de nul part, j'vous l'accorde. Pis ça l'a effectivement l'air fou, une voix qui vient de nul part, c'est vrai. En tout cas, c'est c'qu'on dit… Mais j'vous ferais remarquer que vous aussi vous l'entendez c'te voix-là, faque j'vous conseillerais de pas m'traiter d'fou… Ok ?

Une voix : (Off.) Wouah…

Ti-Floune : (Sans respiration jusqu'au deux points.) Et ça, j'aurais eu beau essayer de leur faire comprend'e, au resse du monde, j'veux dire, j'aurais eu beau leur dire que c'était pas ce qu'ils croyaient, que la réalité correspondait plus ou moins à ce qu'ils voyaient, qu'un sens dans le sens se trouvait derrière l'image qu'ils voyaient : le résultat aurait resté le même, anyway ; c’était absurde. Ma vie toute entière était absurde par cette seule constatation…

Une voix : (Off.) Wouah-ouah-ouah…

Ti-Floune : Si on donne pas crédit à une vérité existante, naturellement elle perdra tout son contenu existant, mais dans ce temps-là, vous manquer une réalité qui est bien présente. C'est ça l'cerveau, le cerveau humain. Quand ça peut pas l'expliquer, ça le classe soit dans ce qu'y'a de fou, de paranormal ou soit dans … Quand on sort de la portée du cerveau humain, on se trouve dans le néant. Dans le gros trou du néant noir inexistant.

Une voix : (Off.) Wouah-ouah-ouah…

Ti-Floune : C’est donc là que je me suis retrouvé. (Avec une petite voix.) Wouah-ouah-ouah…

Une voix : (Off.) Wouah-ouah-ouah…

Ti-Floune : Du jour au lendemain, dans le néant inexistant.





Scène 2

Musique du télé-journal.

Reporter : Aux nouvelles de ce soir, incendie dans Hochelaga-Maisonneuve causé par une dame qui aurait confondu son grille-pain avec une brosse à cheveux. En exclusivité ce soir, témoignages du voisinage avec entre autres, un homme qui nous avoue l'amour secret qu'il avait pour cette femme.

Musique du télé-journal.

La NASA aurait signalé qu'un météorite serait tombé, hier dans la nuit, à St-André-d'Argenteuil. Apparemment, un homme l'aurait caché chez lui, sous prétexte d'un coup de foudre avec la roche. Les autorités attendent toujours leur mandat de perquisition.

Musique du télé-journal.

Un homme dans la vingtaine se trouverait présentement sur le toit d'un immeuble au centre-ville, en train d'imiter le cri du Tyrannosaure-Rex. Selon le Dr. Hébert, cela pourrait être un rituel religieux d'avant-suicide. Plus de détails ce soir, à 23h, après la finale d'Occupation Double.

Merci, bonne soirée.

Musique du télé-journal.




Scène 3

Ti-Floune : Je sais qu'y 'faut pas dire ça, mais c'est vrai pareil.

C'est d'la faute à ma mère. Toute ça, c'est d'la faute à ma Môman. Un jour, à m'a dit : « Ti-Floune ! Vas faire de quoi d'ta vie pis ramène moé des petits-enfants ! Fais de toé un homme gros ciboire !! ». Pis 'à m'as jeté en dehors de chez nous… Ça m'a un peu angoissé. Trouver une femme pis de devenir un homme, j'veux dire. J'savais pas trop comment faire.

Faque j'suis allé voir dans une encyclopédie question de p't'êt'e m'éclairer un peu. C'est là qu'j'ai compris que l'homme était en fait, un animal, un mammifère terrestre. C'est-à-dire, un singe pour êt'e plus précis. C'est fou, hein, un singe ! … C'est nice ! … Faque, j'avais jusse à devenir un singe pis j'allais pouvoir me trouver une belle princesse qui m'ferait à manger… C’est toute c'que j'avais à faire pour devenir un homme. Devenir un singe.

L'ennuie c'est que…

Dans les encyclopédies, ça parlait pas vraiment de femme pis de princesse, j'veux dire… On parlait jusse de l'homme. On disait que l'homme, oui, était un singe, mais on disait pas de quel animal était la femme… Comment je fais pour trouver une femme pis d'êt'e sûr que c'est vraiment ben une femme quand je la vois ? … J'voudrais pas confondre, le mariage c'est pour la vie, t'sé. T'as pas de deuxième chance.

Pis je dois avouer que ça me plait pas vraiment de savoir que la femme de ma vie pourrait être de n'importe quel animal. Même jusse à l'idée que toutes les femmes pourraient peut-être être des louves, des tigres ou des ourses. Ça me rend pas très sécure… Dans 'vie en général. Pour ma vie, j'veux dire… Je trust pas ça des ourses dans 'vie, ça mange le monde. Pourquoi que je les trusterais plus, sous prétexte qu’elles dorment en-dessous de mes couvartes ? C’est pas logique.

Une voix : (Off.) Wouah…

Ti-Floune : (S’adressant à la voix.) T’es pas logique, ok ? …

Une voix : (Off.) Wouah-Wouah…

Ti-Floune : T’es pas logique, mais l’amour non plus c’est pas logique…




Scène 4

Musique du télé-journal.

Reporter : Bulletin spécial. L'homme sur le toit de l'immeuble au centre-ville qui imitait le Tyrannosaure-Rex est disparu. Les autorités sont paniquées. L'homme est devenu transparent jusqu'à disparaître complètement. Le Dr. Hébert n'a aucune explication logique à ce phénomène. Il a d'ailleurs lui-même disparu après avoir lancé cette affirmation. On ne sait pas encore si c’est contagieux, mais une chose qui est sûr, les gens disparaissent soudainement. Surveillez-vous et veuillez contacter les urgences le plus rapidement possible si vous avez quelques signes de transparences. Ceci était un bulletin spécial.

Musique du télé-journal.




Scène 5

Ti-Floune : C'est après avoir songé que les femmes étaient peut-être des dinosaures que j'ai compris comment devenir un homme, un vrai. Je parle pas de ceux qu'on voit sur les fronts pages des magazines. Ceux-là sont en plastique, ç'a pas rapport, ç'a à rien avoir avec l'amour.

Pour devenir un homme, 'fallait pas que je devienne un singe, pa'ce qu'un dinosaure tomberait pas en amour 'ak un singe, 'y tomberait en amour 'ak un aut'e dinosaure… Ça allait d'soi… Pour devenir un homme, j'devais me transformer en Tyrannosaure-Rex. C’est toute c'que j'avais à faire, me transformer en Tyrannosaure-Rex.

Faque je suis allé sur le haut d’un building à Montréal pis je me suis mis à caller ma douce, mon amour, ma tend'e… Comme un vrai homme le ferait.

Je me su's courbé le dos, plié les bras pis les genoux comme un mongole pis j’ai lancé mon premier crie d'homme-naissant.

(Il commence à imiter le Tyrannosaure-Rex.)

Après un moment, j'ai entendu la voix d'une petite fille lointaine qui disait un truc pas possible : « Môman ? L’homme 'y fait quoi ? Pourquoi qu'y imite un dinosaure ? C'est pas normal, me semb'e, un adul'e qui imite un dinosaure ? … ».

Mais j'imitais pas un dinosaure, j'étais un dinosaure. Pis c’est justement parce que la mère pis que toutes les aut'es qui r'gardaient arrivaient pas à comprend'e, à donner un gros sens logique à c'que j'faisais que je me suis mis à entend'e sa voix.

Voix : (Off.) Wouah…

Ti-Floune : (Avec une petite voix.) Wouah…

Voix : (Off.) Wouah…

Ti-Floune : (Tendrement.) Wouah-wouah…

Voix : (Off.) Wouah…

Ti-Floune : J'ai senti des cornes me pousser su'l crâne, pis des écailles de poissons m'ont remplacer peu à peu ma peau de p'tit-cul. Je devenais un homme pis c'est d'à partir de c'te moment-là que je suis tombé en dehors du sens logique. En cherchant l'amour, je suis devenu complètement fou, pis ça m'a faite tomber dans l'néant inexistant.

C'est comme ça que les dinosaures aussi sont disparus. 'Y avaient misé tellement fort su' l'amour qu’ils ont perdu tout sens logique. Et ayant pus d'sens logique, ils sont partit disparaître dans le néant avec. Parce que l'monde avait l'choix d'croire au paranormal ou à la science. Pis comme l'un fait disparaître l'aut’e… Ce en quoi on croit pas, peut pas exister, c'est ça l'cerveau humain.

Voix : (Off.) Wouah…

Ti-Floune : Pis c'est en disant « Je t’aime. » à la voix d'un dinosaure que moé avec, chu disparu.

C'est absurde. Je le sais. Du moins, ça semble l'êt'e, c'est vrai. J'vous l'accorde, c'est franchement bizarre.

Je suis en amour pis y'a pas d'raison à ça, la science a jamais été capable de l'expliquer, y'a jusse le paranormal qui aurait pu comprend'e ça. Je suis en amour 'ak un dinosaure. Pis même si ça m'a amené à ma perte, c’est la plus belle chose qui m'est jamais arrivé de toute mon existence.

Voix : (Off.) Wouah…

Ti-Floune : (Se couchant au sol.) Wouuuuaaaahhhh…. Je t’aime.

Noir.

[Invité]

Je t'ai déjà dit que pour nous z'autres de l'autre bord, on a pas le son d'ça dans les zoreilles.
Et puis les dialogues pour être dit, c'est un truc spécial qui n'a pas grand chose à voir avec l'écriture. Plutôt avec la scène, la lecture, le direct. T'as tord de penser que tu vas apprendre quelque chose ici. Tu vas te faire descendre et tu l'auras bien mérité. Mets nous plutôt tes trucs intimes genre :

Le Lac St-Jacques

Après le travail, je prenais mes tranches de pains de leur sac et j’allais au lac St-Jacques. Je m’assoyais sur un banc et je regardais le bleu. Je lui lançais des miettes et les canards approchaient. Les becs en nez de fouine, Martine apparaissait. Puis, Jean-Marc, Lucie et Jacob. Les petits apparaissaient quelques fois, mais pas ce matin, ce sera pour une autre fois.

Et sans plus, plus une tranche, j’attendais. Une main sur l’autre, je regardais les canards partir, un par un, vers d’autres visiteurs.

Et sans plus, plus une tranche, je repartais à la maison. Un pied devant l’autre, et l’un derrière naturellement, jusqu’au pied de ma porte et jusqu’à celui de mon lit.

Avant le travail, je m’achetais du pain.

Et je pensais à Martine qui surgissait. Comment allait Jean-Marc. Je crois que Lucie l’aime bien, même si Jacob aime Lucie. Et les petits à Martine. Je laisse des soupirs rêveurs. Les canards…

Après le travail, je prenais mes tranches de pains et Paul m’interpellait, mais je l’ignorais. Et je repartais pour le lac St-Jacques.

Un pas devant l’autre, le pied de mon lit que j’appelais Romain. Car je ne connaissais personne de ce nom et car j’aimais à dire que je dormais auprès de lui.

Le pain, le travail, Paul, les canards. Les pieds. Romain et Suzie l’allumette qui enflammait Benoit la bougie. Je me lavais aux bras d’Océane dans la cabine de Maxim, me frottait la peau de la douceur de Rose. Et je mangeais aux mains des assiettes. Jean-Patrick la soucoupe, Fragilité la cuillère. Jean-Pierre à soupe et Suzette à thé.

Paul m’interpellait, mais je l’ignorais. Une main sur l’autre, Frank et Françoise, j’attendais. Coco devant Coquette. Au pied de ma porte. Et Suzie l’allumait. Je les regardais se bécoter. Tout comme Frank et Françoise. Au berceau de leurs creux et au coin-coin de mon lit. Paul m’interpellait, mais je l’ignorais. J’attendais le silence.

Le reste, ça’m fatiguait.

[Invité]

Putain , il y des trucs que je te piquerais volontiers :
“…et Suzie l’allumette qui enflammait Benoit“ par exemple.

[Ratz19]

Et puis les dialogues pour être dit, c'est un truc spécial qui n'a pas grand chose à voir avec l'écriture.

Le théâtre n'a rien à voir avec l'écriture ? Narbah, je te lance une pierre là-dessus !

Sinon, c'est vrai que sur ce forum, pas tout le monde lit mes textes québéco-théâtraux avec aise, mais j'ai tout de même plusieurs bons lecteurs qui passent sur mes textes et qui m'aident à évoluer dans mes démarches. Sur ''C'est pas ce que vous croyez'', je n'avais pas beaucoup de temps pour prendre de recul sur mon texte avant de le présenter devant public - ce qui est un peu le cas ici aussi - et j'avais besoin d'oeils extérieurs. Easter - toujours présente -, Rebecca, Elea, Coline Dé, Polixène sont des exemples de bons lecteurs qui m'ont été constructifs... pour d'autres, j'en laisse passer quelques fois, mais ça, c'est vrai pour n'importe quoi.

Ma pièce ''Comme Max'', que j'ai dû retirer puisque je l'envoyais pour mes auditions dans une grande école au Québec et parce qu'on est dans les démarches pour la monter, est partie en fusée, dans l'écriture, après avoir reçu quelques commentaires ici. J'en suis d'ailleurs, toujours reconnaissant, de la stimulation que les commentaires constructifs ou encourageant peuvent m'apporter.

Je dis pas non à l'intime, mais je le visite moins souvent, ayant plus de préoccupations sociales dernièrement : même si quelques courts textes que j'ai écrit m'ont permis de les transformer en courte pièce assez intéressante. Et puis, je suis pas ici pour répondre à la demande d'un public cible, mais plutôt dans une perceptive de travailler mon écriture, mais sans mettre de côté mes démarches artistiques.

Et je crois pas me tromper, en publiant à l'occasion des textes de théâtre ici. Anyway, qu'est-ce que j'aurais à perdre ? ... J'en laisserais passer, au pire.

Le reste, je metterai ça dans les mains de la Modération si elle trouve que ce genre correspond, oui ou non, à la vocation de ce forum.

[Polixène]

Salut Ratz!

Depuis le temps que tu n'es pas venu!!! j'espère et je crois comprendre que c'est pour de bonne raisons, j'en suis contente pour toi .

Petite pièce amusante et sans prétention, quoique, bien souvent en théâtre, l'apparente légèreté transporte du lourd (et ce serait peut-être une de ses raisons d'exister!!!)

ici je reprocherais à première lecture le pléonasme "néant inexistant": c'est trop !
Mais je ne suis pas vraiment capable d'approfondir aujourd'hui, je repasserai !

Bonne suite en tous cas.

[Invité]

Hello Ratz :-)
Il me semble que l'intrigue est un peu fumeuse, tarabiscotée, forcée ou alors pas exposée très clairement, et du coup pas très convaincante, en tout cas c'est mon impression après lecture attentive.
Je relève deux choses qui m'ont plu en particulier. Celle-ci tout d'abord, pour ce qu'elle recèle de sous-jacent :
-C’est toute c'que j'avais à faire pour devenir un homme. Devenir un singe.

Et celle-ci, pour l'humour grinçant :
-Surveillez-vous et veuillez contacter les urgences le plus rapidement possible si vous avez quelques signes de transparences.

Au sujet d'humour, j'ai l'impression justement qu'il est dilué dans l'exposé un peu brouillon, alors même qu'on le sent pourtant bien présent.

[Invité]

Eh ! si tu trouves ton compte t'as bien raison de le faire.
C'est moi qui te préfère tellement dans d'autres registres.
Disons que pour tes dialogues, je suis pas le bon public.
Mais ceux (celles) que tu cites sont tellement plus compétentes que moi pour commenter.

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