Héritage sentimental : les passages à savon

[Docteur Banania]

J'ai eu la malchance de vivre sous le même toit que ma mère, il m'est resté, collé à la peau, le parfum des latrines. Moins qu'un fils, j'étais le toutou qu'elle aseptisait, qu'elle dressait à l'aide du fouet des injures et des malédictions. Ses ambitions hygiéniques étaient démesurées. Elle aimait s'incruster dans la salle de bain pendant que je l'occupais. Je n'étais pas assez mouillé, lui semblait-elle, car elle ne s'empêchait de m'abreuver de mots aigres. C'était le seul traitement, selon ma mère, que méritaient les espèces indécrottables.

La mise de ma mère et l'état de la maison étaient impeccables. Nos invités ne manquaient de faire des flatteries allant dans ce sens. Ma mère n'avait, d'ailleurs, d'autres visées. Ne comptait à ses yeux que l'appréciation extérieure. Son ménage était mené à la baguette, voué à la parade. Au fond, elle me reprochait plus ma mine hagarde que l'insalubrité. Je me refusais d'être un aimable garçon de café. Mes honoraires, lorsque nos prestations prenaient fin, étaient meurtriers. Elle m'avouait cash qu'elle aurait préféré que je ne naisse pas.

[Docteur Banania]

je me refusais*
que méritaient les espèces indécrottables*

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C'est corrigé.

[Invité]

Décidément, ce texte qui fait pendant au premier : l'Etna, dresse un héritage sentimental très lourd ! On imagine la difficulté qu'a dû ressentir l'enfant pour trouver sa place dans un tel milieu, si sévère et si rigide. Je vais relire l'Etna pour avoir une idée du couple parental.

J'ajoute aux corrections que vous avez apportées : me semblait-il.

J'éprouve toujours autant d'intérêt et de plaisir à lire vos textes courts mais incisifs, percutants.

[Anne Veillac]

Un petit texte court et choc. J'aime beaucoup même si la situation décrite est terrible.

[Invité]

Pareil ici. Le texte est cruel et sans concession, il en souligne presque mieux, si possible, la qualité de l'écriture.

[Lucy]

Comment toucher les lecteurs sans, jamais, verser dans le pathos ? Et bien, comme ceci. Je me répéterais en disant que j'ai beaucoup aimé, mais parfois j'aime à me répéter.

[Janis]

Beau, cruel, non dénué d'ironie; noir et distancié, comme j'aime.

[midnightrambler]

Bonsoir !

lui semblait-il, me semble-t-il ...

Je fais cette unique petite remarque car je suis d'accord avec tous les commentaires précédents et je n'ai rien à y ajouter.

[Sahkti]

J'apprécie la fausse distance qu'on perçoit dans ce texte, cette manière apparemment détachée de conter tout en étant partie prenante de A à Z; c'est bien mené et ça renforce la qualité de ce récit dur, cruel et humain.

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