Des hirondelles pour ton dernier voyage
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Des hirondelles pour ton dernier voyage
Madame Germaine s’en est allée ce matin dans un râle discret………comme sa vie.
Elle était alitée depuis une petite semaine, essayant de happer quelques goulées d’air comme ces poissons convulsant dans l’herbe.
Juste un mauvais coup de froid qu’elle disait, pourtant la dernière fois que je l’avais vue, elle m’avait soufflé, d’un air presque soulagé : » mon petit je crois bien que cette fois-ci c’est la bonne ».
Elle était de ces gens qui ne se couchent que pour mourir. Elle avait rendu son tablier à l’existence, bien qu’au préalable elle se soit astreinte à tout nettoyer et ranger, les draps embaumés de lavande empilés dans l’armoire, l’eau des fleur changée et la vaisselle propre égouttant sur l’évier ; il fallait quitter les lieux avec le sentiment apaisé des choses en ordre.
Dans l’immeuble, les gens parlent à voix basse, cela fera le sujet des jours à venir, jusque chez le boucher entre deux bavettes saignantes et un chapon dodu.
Le curé est passé dans un dandinement de soutane, suivi par le docteur Touchard, mallette en cuir craquelé et chapeau mou vissé sur la tête, constat d’huissiers de notre mort clinique et de notre vie soi-disant éternelle.
Son chat est resté jusqu’au bout, couché au bout du lit comme un sphinx immobile et puis quand le pompier a voulu le saisir, dans un éclair de griffes il a sauté par la fenêtre, comme une âme aux yeux jaunes.
Ils iront t’enterrer quelque part dans un cimetière de banlieue, où les tombes s’alignent comme des dents déchaussées, la pauvreté vous fait des sépultures loin de la grande ville. On a bien prévenu un cousin éloigné de province, mais le temps qu’il arrive…
Et pourtant ce matin, l’amour cavale dans ta rue
Les filles se déhanchent aux abords du printemps
Leurs seins se dévoilent quand elles se penchent un peu
Et leurs robes s’envolent quand le vent s’encanaille
Le ciel est d’un bleu tendre que le soleil réchauffe
Des violettes se poussent du col aux parterres de la ville
Quelques gamins marellent sur le trottoir d’en face
Et l’odeur du lilas se mêle à celle du pain frais
Là haut dans la petite chambre mansardée à la tapisserie fanée, à travers les persiennes, seul un rai de lumière éclaire ton maigre corps que le froid a gagné.
Entre tes mains ridées, veinées de bleu un chapelet aux grains améthyste
Demain dès l’aube, alors que le convoi funèbre s’ébranlera, la garde ailée des hirondelles alignées sur les fils saluera ton départ.
Elle était alitée depuis une petite semaine, essayant de happer quelques goulées d’air comme ces poissons convulsant dans l’herbe.
Juste un mauvais coup de froid qu’elle disait, pourtant la dernière fois que je l’avais vue, elle m’avait soufflé, d’un air presque soulagé : » mon petit je crois bien que cette fois-ci c’est la bonne ».
Elle était de ces gens qui ne se couchent que pour mourir. Elle avait rendu son tablier à l’existence, bien qu’au préalable elle se soit astreinte à tout nettoyer et ranger, les draps embaumés de lavande empilés dans l’armoire, l’eau des fleur changée et la vaisselle propre égouttant sur l’évier ; il fallait quitter les lieux avec le sentiment apaisé des choses en ordre.
Dans l’immeuble, les gens parlent à voix basse, cela fera le sujet des jours à venir, jusque chez le boucher entre deux bavettes saignantes et un chapon dodu.
Le curé est passé dans un dandinement de soutane, suivi par le docteur Touchard, mallette en cuir craquelé et chapeau mou vissé sur la tête, constat d’huissiers de notre mort clinique et de notre vie soi-disant éternelle.
Son chat est resté jusqu’au bout, couché au bout du lit comme un sphinx immobile et puis quand le pompier a voulu le saisir, dans un éclair de griffes il a sauté par la fenêtre, comme une âme aux yeux jaunes.
Ils iront t’enterrer quelque part dans un cimetière de banlieue, où les tombes s’alignent comme des dents déchaussées, la pauvreté vous fait des sépultures loin de la grande ville. On a bien prévenu un cousin éloigné de province, mais le temps qu’il arrive…
Et pourtant ce matin, l’amour cavale dans ta rue
Les filles se déhanchent aux abords du printemps
Leurs seins se dévoilent quand elles se penchent un peu
Et leurs robes s’envolent quand le vent s’encanaille
Le ciel est d’un bleu tendre que le soleil réchauffe
Des violettes se poussent du col aux parterres de la ville
Quelques gamins marellent sur le trottoir d’en face
Et l’odeur du lilas se mêle à celle du pain frais
Là haut dans la petite chambre mansardée à la tapisserie fanée, à travers les persiennes, seul un rai de lumière éclaire ton maigre corps que le froid a gagné.
Entre tes mains ridées, veinées de bleu un chapelet aux grains améthyste
Demain dès l’aube, alors que le convoi funèbre s’ébranlera, la garde ailée des hirondelles alignées sur les fils saluera ton départ.
mitsouko- Nombre de messages : 560
Age : 63
Localisation : Paris
Date d'inscription : 08/11/2008
Re: Des hirondelles pour ton dernier voyage
Un joli texte triste sans l'être parce que il relève aussi d'un constat imparable, comme on dirait "c'est la vie", qui continue d'ailleurs, ailleurs.
C'était hier, ça pourrait, à quelques détails près, être aujourd'hui.
Je crois que ce qui fait beaucoup pour le charme du récit, outre la musique surannée en hommage à une humble, c'est le passage de l'anonyme "Mme Germaine" au "tu" familier qui en dit long sur les sentiments du narrateur et permet imperceptiblement au lecteur de se rapprocher du personnage au centre du texte et de lui (le narrateur), donc.
C'était hier, ça pourrait, à quelques détails près, être aujourd'hui.
Je crois que ce qui fait beaucoup pour le charme du récit, outre la musique surannée en hommage à une humble, c'est le passage de l'anonyme "Mme Germaine" au "tu" familier qui en dit long sur les sentiments du narrateur et permet imperceptiblement au lecteur de se rapprocher du personnage au centre du texte et de lui (le narrateur), donc.
Invité- Invité
Re: Des hirondelles pour ton dernier voyage
"Et l'odeur du lilas se mêle à celle du pain frais"
Tu me fais penser à Brel : "c'est dur de mourir au printemps, tu sais !"
Le récit d'une mort ordinaire après une vie sans éclat.
Un regard plein de tendresse sur les "petites gens". Poétique et touchant.
Merci pour cette évocation, ce plaisir de lecture.
Tu me fais penser à Brel : "c'est dur de mourir au printemps, tu sais !"
Le récit d'une mort ordinaire après une vie sans éclat.
Un regard plein de tendresse sur les "petites gens". Poétique et touchant.
Merci pour cette évocation, ce plaisir de lecture.
Invité- Invité
Re: Des hirondelles pour ton dernier voyage
Germaine, qui fait son grand ménage avant d'outrepasser, me fait penser au pauvre Martin de Brassens qui "creusa lui-même sa tombe et s'y étendit sans rien dire, pour ne pas déranger les gens".
J'ai bien aimé ce texte émouvant qui apparaît, paradoxalement, comme un hommage à la vie.
J'ai bien aimé ce texte émouvant qui apparaît, paradoxalement, comme un hommage à la vie.
Invité- Invité
Re: Des hirondelles pour ton dernier voyage
en finissant ma lecture,
j'ai pensé qu'au début de l'histoire, j'aurai rajouté un jour de Septembre, pour les hirondelles de la fin...
ce qui ajoute à l'image d'un temps plus incertain que l'été, et qui renforce d'un seul mot, la symbolique du texte qui va suivre.......... sauf le poème qui, il me semble, se situe au printemps....
sinon,
tout le long de ma lecture,
je disais oui à ce texte
oui
sans modération
j'ai pensé qu'au début de l'histoire, j'aurai rajouté un jour de Septembre, pour les hirondelles de la fin...
ce qui ajoute à l'image d'un temps plus incertain que l'été, et qui renforce d'un seul mot, la symbolique du texte qui va suivre.......... sauf le poème qui, il me semble, se situe au printemps....
sinon,
tout le long de ma lecture,
je disais oui à ce texte
oui
sans modération
Re: Des hirondelles pour ton dernier voyage
Se sachant indispensables l'une à l'autre, la vie et la mort se saluent respectueusement en se croisant. D'accord pour Brel (plutôt dedans) et Brassens (plutôt dehors). On sent jusqu'au doucereux de l'odeur d'intérieur, plus lavande que chou. Je trouve la partie en vers très juste, la prose un tout petit peu surchargée (ça doit être les double-rideaux).
Très...
Très...
Ariel- Nombre de messages : 160
Age : 68
Localisation : Finistère, ascendant CévennE
Date d'inscription : 03/10/2011
éclaircissement
merci à tous pour vos commentairesAriel a écrit:Se sachant indispensables l'une à l'autre, la vie et la mort se saluent respectueusement en se croisant. D'accord pour Brel (plutôt dedans) et Brassens (plutôt dehors). On sent jusqu'au doucereux de l'odeur d'intérieur, plus lavande que chou. Je trouve la partie en vers très juste, la prose un tout petit peu surchargée (ça doit être les double-rideaux).
Très...
Ariel, pouvez vous m'expliquer les "double rideaux".......un peu mystérieux pour moi
merci à vous
mitsouko- Nombre de messages : 560
Age : 63
Localisation : Paris
Date d'inscription : 08/11/2008
Re: Des hirondelles pour ton dernier voyage
J'ai immédiatement vu le monde de Robert Doisneau, pour ma part.
Très réussi, même si on n'échappe pas à la poussière des double-rideaux!
Très réussi, même si on n'échappe pas à la poussière des double-rideaux!
Polixène- Nombre de messages : 3287
Age : 61
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re: Des hirondelles pour ton dernier voyage
Oui, bien sûr...mitsouko a écrit:
Ariel, pouvez vous m'expliquer les "double rideaux".......un peu mystérieux pour moi
merci à vous
...encore que....
Si: je me souviens d'un passage du "Patient Anglais", sur cet écrivain qui s'interdisait les épithètes dans ses articles. Les adjectifs (ou les qualifications qui ne remettent pas en cause le sens) donnent de l'épaisseur au texte. Et des fois je me demande (c'est pareil sur mon écriture, et c'est pour ça que je lis celle des autres avec cet angle) ce que cette épaisseur apporte - ou enlève- au texte. Comme les rideaux à la fenêtre de l'appartement.
C'est une idée personnelle, je note que les autres lecteurs n'ont pas relevé cette impression. Et comme j'ai horreur des donneurs de leçons (probablement à tort), j'espère ne pas en donner!!!
Ariel- Nombre de messages : 160
Age : 68
Localisation : Finistère, ascendant CévennE
Date d'inscription : 03/10/2011
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