Je t'en supplie mon corps

[Frédéric Prunier]

anacréon, ode XLII

je t’en supplie mon corps
accepte ce banquet
à pouvoir me saouler sans rien modérer

aussi cette dernière danse
encore encore encore
encore un baiser sans jamais t’arrêter

pour que du plaisir toujours un peu plus
un jour un autre après ce sera le dernier
au plus tard l’addition j’emprunte à l’usurier

ma fête sans lendemain mes intérêts de retard
je paierai d’imaginaire en joyeuse fanfare
on m’a dit que l’humain est sous l’aura divin

j’entends crier ma haine et ma vie que j’entasse
autant de bourrelets, de douleurs et de chaînes
de tuyaux encrassés, de peine à relever

mon corps je t’en supplie mon corps
accepte ce banquet
pour mieux s’en consoler

et céder au bonheur
mon ultime instant d’écrire
la fin de chanter alors mon désir

l’épilogue comme vit :
—  Douce, douce, belle et dure,
surtout que ma vie dure…

[Invité]

Cette supplique du vieux noceur à son corps qui commence à renâcler serait magnifique si quelques imperfections ne venaient l'altérer.
On brûle d'envie de les corriger.
Mais à la réflexion, elles peuvent exprimer les balbutiements du noceur déjà bien avancé dans son périple bibinatoire.
A cet égard, le vers 3  est particulièrement significatif.

[Invité]

Fred ne s'est pas contenté de traduire ou de paraphraser l'ode XVII *
il l'interprète et lui apporte une densité, une gravité qu'elle n'a pas d'origine
c'est un vrai travail de création

*Je recherche les danses
Du jovial Bacchus:
J'aime à jouer de la lyre
A table avec un bel éphèbe.
Des couronnes d'hyacinthe
A mes tempes ajustées,
Folâtrer avec de jeunes vierges:
Voilà ce que j'aime surtout.
Mon cœur ne connaît pas la haine,
Ignore l'envie dévorante;
De la langue médisante
Je fuis les traits subtils.
Je hais les querelles d'ivrognes
Et de gourmands dans les repas.
Avec de jeunes filles,
Aux sons de la lyre dansant,
Goûtons le bonheur de la vie tranquille.

[Frédéric Prunier]

merci zef d'avoir pris le temps de commenter mon petit travail, sur la 42ème d'Anacréon

ta remarque sur ma façon d'aborder les anacréontiques est exacte
je ne cherche pas à coller à l'original, de toute façon, ce que nous en connaissons, ce qui nous est parvenu, doit probablement être distordu par rapport au sens de l'écriture originelle
(si ce que nous en lisons paraît léger voire frivole, il y a deux mille cinq cents ans, ces mots devaient résonner peut-être de la profondeur du questionnement, sur le sens de la vie)

ce que j'aime à penser aussi
c'est que les soixante odes servent de base à la grande majorité des travaux de Ronsard, Baïf, Renvoisy et Rémi Belleau réunis
(à l'image du rapport Esope / La Fontaine )

mon propos n'est pas de faire du, ou de faire pareil, ou de faire différent...
la question du pourquoi et du comment je me la pose après l'écriture, pas avant ni surtout pendant )))))

pour info, (à tous ceusse qui me liront comme un prétentieux, je souligne qu'émettre un point de vue et d'expliquer comment je crois fonctionner ne me donne aucune légitimité sur la réussite des poèmes achevés, tués diront certains.. )))
doncje,
parfois c'est le sens global de l'ode que je digère, parfois seulement un élément, voire juste un mot, une idée, un principe...
voilàje,

et sinon pour ma syntaxe malabile
que veux-tu cher zef, si j'écrivais parfait
y'a longtemps que je serais célèbe ... !!!

sincère amitié, merci à toije

[troupi2]

Salut Frédéric, pour pouvoir apprécier pleinement tes textes j'aurais besoin de cette part de culture qui me fait défaut, ce qui ne m'empêche pas de reconnaitre la qualité de l'écrit et la dose d'humour que je crois y déceler.
Ceci dit je vous remercie tous les deux, Tizef et toi, car votre échange m'a apporté une parcelle de cette documentation qui justement me manquait.
A bientôt.

[Pussicat]

Carpe diem aux orties, vive l'orgie anacréontique... jusqu'au jour où ça coince : l'après-banquet-banquette... mais pas grave, on m’a dit que l’humain est sous l’aura divin
j'aime :

aussi cette dernière danse
encore encore encore
encore un baiser sans jamais t’arrêter

pour que du plaisir toujours un peu plus
un jour un autre après ce sera le dernier
au plus tard l’addition j’emprunte à l’usurier

ma fête sans lendemain mes intérêts de retard
je paierai d’imaginaire en joyeuse fanfare
on m’a dit que l’humain est sous l’aura divin

[Annie]

Bien sûr Frédéric ne se contente pas de paraphraser ! La réécriture est une forme créative, comme une interprétation musicale, ou une chorégraphie sur un morceau.

Celle ci est encore très réussie, exposé de la misère humaine qui voudrait se soustraire à sa finitude.
Je bute seulement sur le s
"mon corps je t’en supplie mon corps
accepte ce banquet
pour mieux s’en consoler"

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