Mon poupon

[Cerval]

MON POUPON EST UN ORAGE
UN VOYAGE
UNE rage de dents
une façon de s'excuser mon poupon
n'a peur de rien
il ne plisse pas les yeux devant la mer déchaînée mon poupon
est plus joli que la réalité
mon poupon plus beau que les poèmes
plus touchant que les mains
plus drôle que l'humour
vraiment beaucoup plus drôle que l'humour
et plus caressant que le vent
et n'a jamais l'air des habitudes

mon poupon entre les herbes
comme une mélodie tissée rassemble les rêves les écriteaux ce sur quoi on fait des projets
et les autos
il regarde au fond de ses poches on croit qu'il y bleuit le crépuscule
mais ce sont ses petites joues mignonnes ah que ne convient le mot chiquenaude
la laitue romaine de la mythologie n'est pas à la hauteur du poupon
mon poupon qui passe par dessus toutes les sandales grecques
et le soleil à sa comparaison désespère de n'être qu'un ballon crevé au dessus de la cabane dont le jaune se noie dans le lac
mon poupon est un parfum que jalouseraient toutes les brises et mon poupon met ses petits talons sa marche est impitoyable à tout trottoir ses atours à l'élégance
enfin mon poupon sait ce qu'il fait
en tous points de sa vie
poupon rigole et les relie
en une marche forcée poupon emmène le temps
par la main et les vêtements
mon poupon est une marque de mouchoir
une constellation pour magellan
un sbire de lui-même ou bien c'est le contraire
poupon tue s'il le veut et il vous tuera il détruira tout sur son passage terrible et rocambolesque c'est un coup de grisou assez dangereux pour qu'on lui concède un prénom féminin
mon poupon tire sur les étoiles par la manche et rebrousse chemin
il fait des concerts avec des instruments immatériels
il tire sur la nappe du vent et engrange la monnaie perpétuelle des saisons
il a tout lu tout vu tout entendu il connait cette histoire jusqu'à la fin
mon poupon
n'a peur de rien
et il est une autre manière d'employer le mot dimension
il fait des cartes avec tous les points tangibles
il en fait des additions compliquées
mon poupon est son propre lagrangien
mon poupon sommeille dans le spectre hasardeux de la statistique
et pourtant rien n'est plus concret que lui
il enfourche des chevaux qui n'existent pas

mon poupon demande au soleil d'allumer sa cigarette
il est plus beau que la pensée que toute pensée que toute façon de demander pardon
je l'aime jusqu'à ce que le vin des jours s'épuise oh oui je l'aime jusqu'à l'insomnie et jusqu'au cancer des poumons mon poupon est une marée ensoleillée une façon d'étendre les bras une façon de briser les essieux des chars des dieux égyptiens et il mange de la feta avec son kebabou il est un parfait géomètre et son regard est doux
mais néanmoins fragile
je l'aime jusqu'à la fin des temps

incalculable poupon ne fait jamais tomber du mauvais côté sa tartine
tragique poupon n'est jamais pris dans des situations honteuses ou inconvenantes
merveilleux poupon est une joie universelle
universel poupon est une façon de dire moi je
subjectif poupon lorsqu'on ferme les yeux
métaphysique poupon quand on l'embrasse sur les joues
il pleut des embardées du coeur comme des bisous
mon poupon VOUS EMMERDE IL VOUS EST ENORMEMENT SUPERIEUR
VIOLENT POUPON LORSQUIL DETRUIT CENT MILLIONS DEXISTENCES
miséricordieux poupon lorsqu'il réunit les sept boules de cristal pour les ressusciter
magnanime poupon lorsqu'il enterre sa haine pour qu'il y pousse une rose à la place dans le jardin du purgatoire
terrible poupon lorsqu'il lève les sourcils de dédain
sublime poupon lorsqu'il ne lève pas les sourcils du tout
humain poupon lorsque dans ses mains il y a mes mains
cela vous fabrique un parfum
qu'on garde en soi tous les petits jours de toute sa petite vie

[Cerval]

De loin mon meilleur texte

[seyne]

je ne connais pas tous les autres, mais
oui, c'est probable.

[Frédéric Prunier]

grand déballage de poupon

le mot est laid
mais lui va bien

je ne sais trop quoi penser et dire, j'avoue
ce texte est bien dans le sens qu'il ose dire
qu'il fouille au fond des choses, de l'être qui écrit

après
faut-il tout garder sans ciseler la formulation
je ne sais pas

c'est l'auteur qui choisira
dans quelques temps à froid...


amitié

[troupi2]

C'est de la poésie ce texte ?
Je l'aurais plutôt vu en prose.

[Invité]

De loin mon meilleur texte

Peut-être, oui. Je salue cette inspiration volontiers surréaliste, avec ses associations d'idées singulières, ses jeux paronomastiques, ses retours à la ligne et ses ruptures de rythme très signifiants. Il y aurait beaucoup à en dire mais je me contenterai d'écrire ceci : je suis vraiment admiratif de la manière et cela me touche. Bravo.

[Loïc Relly]

Pardon de remonter ce texte mais je l'adore vraiment celui-là, le grand frisson, et superbement construit! Chapeau bas.

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