Sisters

[Gobu]

SISTERS

J’ai fréquenté des tas de féministes, du temps où elles étaient encore fréquentables. Ces nanas encaissaient crânement (c’est le mot !) autant de coups de goumi que les mecs dans les manifs, étaient capables de déchiqueter à coups de griffes un argousin nécessairement présumé phallocrate et n’hésitaient pas à téter fraternellement au kil de rouge cinq étoiles ou au pétard avec les camarades. Nana ou pas ça force le respect.

J’ai fréquenté des tas de féministes, du temps où elles l'étaient encore. Elles organisaient des autodafés de soutiens-gorge, jetaient leurs culottes aux orties, bref, à l’instar de la parisienne, un rien les habillait. Elles ne faisaient pas halte chez le couturier, la coiffeuse et la maquilleuse avant de causer dans le poste, et quand elles y causaient, c’est généralement qu’elles en sortaient, du poste, mais de police, celui-là. La tignasse en bataille, des bleus plein la devanture et le regard furibond. Ca booste l'audimat, une gonzesse amochée, coco !

J’ai fréquenté des tas de féministes, du temps où ça n’était pas encore leur métier. Ou pire encore leur masque mondain. Celles que j’ai connues bossaient. A temps plein : vingt-quatre heures par jour. Huit pour le taf et le reste pour la Cause. Sans parler des tâches domestiques, mais là elles veillaient à ce qu’il y ait parité au logis, sinon c’était fissa la grève du sexe. On ne badinait pas avec la parité au logis des féministes. Certaines vivaient en communauté. On n’y badinait pas davantage avec la parité. Ces communautés passaient pour des antres de dépravation absolue et de subversion tous azimuts. C’était un tableau très flatteur. J’en ai visité quelques unes. On aurait plutôt dit des monastères, les bondieuseries en moins. La liberté y était obligatoire, de même que le bonheur. Ca rigolait pas tous les jours.

J’ai fréquenté des tas de féministes, du temps où l’avortement était un crime, la contraception sévèrement réglementée et le planning familial une utopie gauchiste traitée comme il convient. A la matraque. Un temps où le vieux Code napoléon régentait les ménages, paterfamilias maître en son logis, un temps où les plaintes pour viol étaient classées sans suite neuf fois sur dix, quand les enquêteurs ne mettaient pas graveleusement en doute la bonne foi de la victime, un temps où l’on dissimulait les violences conjugales comme des maladies honteuses. C’en étaient, et l’on ne guérit pas d’une maladie en regardant ailleurs et c’était le temps où les féministes poussaient de grands coups de gueule pour obliger les gens à ôter la boue qu’ils avaient dans les yeux.

J’ai fréquenté des tas de féministes, du temps où elles étaient de chair et d’os. Des brunes et des blondes, parfois même des rousses. Des petites et des grandes, des maigres et des bien en chair, des jeunes et des moins jeunes, des blanches et des noires, des fagotées comme des duchesses et des sapées comme des camionneurs, des croqueuses d’hommes et des tondeuses de pelouse, des mères de famille et des femmes abandonnées – parfois c’étaient les mêmes – des caissières de Prisu et des avocates à la Cour, quand on y pense bien c’étaient toutes des nanas, quoi. Le terme était péjoratif, elles se le sont approprié. On les appelait comme ça, genre on va défiler avec les nanas, les nanas se joignent à nous pour l’occupation, on va pas laisser traîner les nanas au poste sans réagir et ainsi de suite. A croire que pour nous toutes les nanas étaient féministes, que c’était en quelque sorte la condition naturelle des femmes, leur marque de fabrique. Elles, elles savaient que non. Et que c’est souvent face à leurs camarades de travail, leurs amies, leur sœur, leur mère, qu’elles devaient soutenir leurs idées, quand ce n’était pas défendre leur liberté.

J’ai fréquenté des tas de féministes du temps où elles ne voulaient pas couper les couilles aux mecs. Enfin pas à tous. Aux phallocrates seulement, mais ça faisait un paquet de monde, si on y réfléchit. On ne peut pas dire qu’elles aient réussi. A peine a-t-on fait baisser la crête au phallocrate chez nous que le macho redresse la queue partout ailleurs. A peine a-t-on – après quelles empoignades juridiques et politiques ! – accordé aux femmes le droit de disposer de leur corps que l’Union Sacrée des bigots, des frustrés et des hypocrites lance une offensive de front contre cette scandaleuse liberté. A peine, enfin, a-t-on réussi à réduire les disparités de salaires entre hommes et femmes que la Crise, frappant de plein fouet les catégories les plus vulnérables de la population, contraint des centaines de milliers de femmes à accepter plusieurs « petits boulots » qui n’ont de petit que leur rémunération misérable, en plus de leurs tâches domestiques, simplement pour pouvoir survivre.

J’ai fréquenté des tas de féministes du temps où les femmes s’émancipaient. Ca plaisait où ça plaisait pas, mais tant pis pour les pisse-froids et les grenouilles de bénitier. Maintenant que les femmes sont émancipées, les féministes new-look sont devenues les chiennes de garde de la Morale. Au lieu de se préoccuper de leurs sœurs qu’on continue à voiler, opprimer, exploiter, exciser, violer, lapider, que sais-je encore, la fantaisie humaine est sans limite, elles bataillent pour la féminisation des noms de métier, comptent soigneusement les membres du moindre comité directeur du club de boules cantonal pour vérifier que la parité y est respectée et dilapident des fortunes pour traîner en justice un publicitaire qui déshabille ses modèles plus que de raison ou un écrivain qui aurait parlé des femmes en termes jugés insuffisamment respectueux.

On l’aura compris, je ne fréquente plus de féministes. Mais je persiste à soutenir la cause des Femmes. Mes Sœurs

GOBU.

P.S. : J'avais commencé à rédiger ce texte pour la Journée de la Femme. Des aléas impondérables imprévus m'ont bloqué dans mon élan à l'époque, mais j'ai tenu à le finir tout de même. Je ne suis pas sûr que ce forum soit l'endroit idoine, mais je n'en vois pas d'autre...

[Gobu]

Enfer ! Je voulais poster en "Prose" et je m'ai gourré ! Si un modo passe par là...merci d'avance...

(c'est réparé, sujet déplacé.)

[Lucy]

Voilà pourquoi je n'ai jamais adhéré à aucun comité féministe (me faire nommer "chienne de garde", entre autre) !

C'est tous les jours la journée de la femme, anyways. Je me souviens de cette affiche de parfum sensas qu'elles avaient réussi à bazarder car cela humiliait la femme en la plaçant dans une position de soumission à l'homme : marrant, j'ai jamais vu ça en reluquant l'affiche. Quand tu commences à voir le mal partout, "ma sœur" réveille-toi ! On en revient, finalement, à la question des gros sous et des procès ridicules qui, au lieu de faire avancer les choses, les amenuisent.

[Invité]

[...] Je ne suis pas sûr que ce forum soit l'endroit idoine [...]

Sans doute pas, mais (à l'instar de celui de troupi2) le texte ne sera pas supprimé.

[Rebecca]

Un texte qui décoiffe, et tant pis pour nos brushings :-)))
Quelle belle énergie !
Quand nos aïeules féministes étaient pro fêtes en leur pays , elles étaient comme des messies à ne pas confondre avec des lentes ternes.
Que cela éclaire nos lanternes !

[Ba]

Nous avons dû fréquenter les mêmes...,-)
Un texte qui rappelle que quelques unes, dans certains coins du monde, croupissent en cabane pour avoir dérangé des plis serrés.

[Invité]

Si elles ne se proposent plus de couper les couilles aux mecs qui les oppriment, c'est qu'elles ont compris qu'ils n'en ont pas !

Merci, Mister Gobu, ça fait plaisir à lire !

[Invité]

Bel essai qui déroule à la j'accuse ! Je suis bien trop jeune beau et intelligent pour avoir connu les pionnières. Mais leur rendre hommage est un beau geste que toutes les nageuses est-allemandes salueront d'une ondulation de la fourrure jambière.

[Gobu]

que toutes les nageuses est-allemandes  salueront d'une ondulation de la fourrure jambière.

Tu veux dire les nageuses est-allemands, je suppose...

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