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Inventaire

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Message  loic Sam 9 Nov 2013 - 19:52

pour avis...

Une semaine en lorraine
Paris,Gare l’Est, sa marquise ferraille, un feulement d’essieux, longues campagnes mornes.
Gare de Metz, relents brique, Tudesque, oppressante déjà, les hommes y sont graves. Correspondance vers le gris, Hayange, Gandrange, plaines luisantes, parc d’attractions mortes,  bifurcations, chemins de rails partant nulle part.
Au loin des hauts fourneaux suppliants vers le ciel, Gare de Thionville buffet fermé,  en face le centre culturel Jacques Brel, des constructions massives.
Plus tard a mon hôtel, une cigarette à la fenêtre, une toundra de buissons rouges, secs, ressuyés de vent. La ville est large, les rues sont vides… La bombe économique sans doute, celle là, mangeuse de tendresse, jardins ouvriers devenus friches. Je revois ces hommes en casques de fondeurs sur les barricades. Les camions noirs en gyrophares, ces journaleux pressés, commentateurs graves au journal de vingt heures.
On vivait loin. La Lorraine, c’était Jeanne d’arc, Donrémy, les mineurs de la Sarre. Ces types à l’accent rugueux, les yeux couleur de ciel, qui venaient chez nous l’été.
Quand ils voyaient la mer, on aurait dit des gosses, le vent curait leurs têtes, c’était bien. Leurs filles étaient pâles, cheveux clairs comme l’estran. Les nôtres étaient dorées, cheveux noirs comme goémon.
Ici, les hommes vont paisibles, gestes lent sur la mer, piquetant les platiers à cueillir les huitres, un clocher pour amer. Leurs cœurs sont en voyages à la crête des vagues. La houle d’Atlantique brisée sur le ponant vient s’endormir ici.
On leur avait promis, ils ont vendu leur âme, en avaient le choix ? Leur vie aux mercantis, tout ça pour de l’argent. Leurs fonderies s’éteignirent, les  rames de wagons se turent dans leur nuit. Silence des torchères, molettes qui s’arrêtent, chevalements qu’on abat.

Ainsi vont mes voyages. En pays de misères, le cœur des hommes est noir. Ce monde devient rudesse, les machines vous mangent. Gosses appesantis consolés dans le sucre, le bonheur à l’encan grugé par les écrans. C’était déjà la guerre, nous ne le savions pas.
Là bas dans les jardins alignés en parade, les hommes se hélaient. Ceux du poste de nuit venaient tourner le sol aux aurores d’Avril, dans des après midi à la douceur de craie. Au fond des potagers, barrés de palissades, il y avait l’usine. Grondement des fourneaux, les chaînes aux palans, les roues sur les éclisses, c’était leur symphonie. La flamme des cheminées, les gerbes d’étincelles, ces lueurs d’incendie, c’était pour eux comme un tableau : Le soleil qui se lève sur la mer. Ils étaient ouvriers, nous étions paysans, notre jardin c’était elle avec la houle pour sillons.
Leurs maisons étaient claires, par leur femme tenues. L’ordre était dans les choses, le fils devenait père en rejoignant l’usine. Dynasties ouvrières, jouant à l’harmonie, arborant un bleu neuf aux jours de la sainte Barbe, s’achetant une voiture chez le concessionnaire et rentrant l’œil faraud à cité Riviera.
Et nous vivions alors en maisons équarries, taillées dans ce granit qui rend les pièces froides, attirant au dehors qui invite au voyage.
Nos pères partaient en guerre ou sur les grands navires, et quand ils revenaient aux cafés de village, nous rinçant d’aventures et de filles dans les ports, ils traçaient le sillage de nos proches partances. Dynasties matelotes, confinées aux chaudières, forts en mer, âpre à terre. Achetant des arpents pour agrandir la ferme, tenue par leurs femmes maigres, aux cœurs assassinés.
On vivait là. Bretagne sans gavottes, les vieux rêvaient d’un pavillon pas loin du terrain de foot et du parking des autocars. Ici, pas d’usines, les conserveries c’était pour les gonzesses. Ailleurs est mieux qu’ici, alors on est partis…


Et depuis je voyage, il n’est pas de laideur, en aucun paysage. Je n’y vois que couleurs aux fugues chromatiques. Des grisailles de peines, des pastels pleins d’ampleur. Des tours d’extraction, cathédrales de fer. Un chemin forestier, l’aurore sur les mélèzes. Et l’asphalte des routes, un grand chemin de rêves.
Travailleur des routes, une cabine en fer, bercé par le diesel. Les fleuves dans le matin, roulant sur les levées. L’odeur d’un orage sur le goudron fondu. L’escalade des cols, solitaire dans les nuits. Les files de lampadaires annonçant les usines. La radio distillant ses bluettes, les rêves éveillés, manomètres éclairés, l’horloge qui s’avance, la chanson des cylindres. Poésie des parkings.
Le monde des petits, univers de Dimanches qu’il faudra bien remplir. Parcours dans le bocage, asphaltes vicinaux, allures de troupeaux. Les familles marchotent et les hommes devisent sur le malheur des autres, les épouses cancanent, le ciel s’emplit de bruines.
La tendresse d’un gosse rêvant de camions rouges, un quartier de faubourg perché sur la rivière, une enfance relative. Une maison, petite, proportions de guingois. Des soirées de Noël revenant de l’église, cette voix dans la nuit qui dit Jérusalem. Et toujours ces jardins aux portails défunts.
Ces ruées solitaires, à l’heure des douze ans, arpentant le triage pendant que les express soufflent dans la tranchée. Dérailleurs cliquetants, demi-course flambant, et le grand pont de fer qui vole sur les voies, le chemin la ville.
Et l’embellie soudain, en lointains Livradois. Le chant d’une scierie, la croupe des montagnes. La voilure des nuages, les fontaines du Sud, celles qui font chanter l’eau. Le Graal  des regrets est éternel ici.
La route en autocar, comme en panoramique, un pays traversé et mes yeux qui regardent. Aurores de Touraine. Au fond d’une vallée, le bâti d’une mine, les câbles des berlines, leurs poteaux métalliques. Et plus loin sur la Sioule, une centrale a charbon qui poudre la vallée. Le monde existe alors, les images des livres seraient réalité ? Une conscience qui s’éveille, quel homme en devenir ?
Il existe cependant au fond de nos musées, le crissement des genêts, claquants sous le soleil. Ces neiges dans les fossés, perdues dans ces Avril. Ces express de Nîmes, aux murs d’un jardin. Une vieille qui trottine, un cerisier, la toile cirée. J’y retourne parfois, sur les banquettes moleskine, voyages en rouge /crème michelines, un vieil enfant fuit en rêvant. L’ abîme des années.
Oublier la pluie, la brièveté du jour aux confins de Novembre. L’odeur d’une classe, pardessus plein de pluie, le fourneau de l’ennui. Les vitrines à Noël.  ”Le défilé d’une ducasse, les cadences douteuses d’une harmonie municipale, aux majorettes sans morale. Ne vivre qu’en été…
Dans ce petit village aux coutumes austères, calé dans ce grand cingle en accent circonflexe. Y revenir parfois, accents de cigarette. Une étrange disette au bord de la rivière. Cité des Tamaris, les combes du Gardon.
Un pèlerin perclus aux confins des Cévennes, courant sur les plateaux envahis par les sagnes. Un parfum de déroute, les gerbes d’un pailler. Ignorant de l’amour, chevalier fatigué, une enfance envolée.

Avant ces Livradois, il y eût une guerre, où de vieux feldwebels rêvaient sur l’Atlantique. Les gerbes d’étincelles au vent des lancasters, les chiens noirs sur la steppe. Baudriers des gendarmes,  les trains bouffeurs d’étoiles.
Ce perfide macaque sur les balcons de Rome. Ces fils de vingt ans immortels et narquois, en uniformes neufs, ils se tiennent le ventre, vers les villages torves.
Un père qui s’en revient parfumé d’Indochine, le cœur sans repentance et les regrets disjoints. Les filles en ao daï, de vieilles villas françaises, des rites improbables.
Le voilà peint en rouge me voyant komsomol,  survolant les remblais qui mènent en Sibérie. Pays de travailleurs, usines de tracteurs. Bulgares Asies mineures, tristes Bessarabies, funestes babouchkas.
Les filles de l’Espagnol, qui jouaient au quartier, une maman ténue au regard crucifié. La fuite et le silence, route de Guernica, estacades Andalouses.  L’odeur de tes joues, mon cœur comme une enclume,  mais qu’est tu devenue pourtant ?
Restée la bas sans doute, dans ce vieux pays d’aubes où filent les travers bancs sous des montagnes fortes, parsemées de moutons aux prunelles orangées. Une ville cheminote, porte de Margeride, y sommeille une gare, buffet sous les platanes, le grincement des freins. Son marché de couleurs, les tréteaux qu’on installe, un café,  La Montagne, posée sur le comptoir et l’accent improbable, pressenti de Cévennes.
Tu m’auras oublié, portant l’enfant d’un autre, un destin provincial, le chemin de l’usine, les vacances vers Sète. Tristes Sud parfois, aux accents de ferrailles où même les rivières se perdent en été.
Je n’ai jamais vécu qu’à l’aune de mes rêves, errant sur des chemins escarpés d’évidences. J’allais le nez au vent en vaines amertumes, enjambant des ruisseaux aux murmures souverains, une route éternelle, un destin d’autoroutes. Je traversais le monde.
Peuplades ouvrières, sciant le travertin aux limes de Toscane, grutant les anthracites sur les canaux du Nord, sortant à mobylette des grandes filatures, une onde industrielle qui s’efface déjà. Et ces femmes enfermées en de grandes usines à trier la sardine, elles avaient dans le cœur des gloires midinettes saccagées les Dimanches à l’arrière des voitures.  
J’ai partagé de force la vie des hommes frustres, une sorte d’attente ponctuée de bitures, la communion des gosses, les mariages pauvrets. Les banquets du patron, les femmes avachies, chemisier satiné, teintes et permanentées
La violence du vide, un univers réduit aux codes étriqués au pied des forteresses, une école bâclée, de petits professeurs fatigués eux aussi, d’être seuls soudain,  en face de gamins promis à la fabrique.
Et l’innocent mépris de ces femmes bourgeoises au sortir de la messe, leurs foulards pastels, la grande gentillesse du sourire avenant, et la fragrance moite d’un parfum capiteux. Leurs jambes étaient longues et leurs chaussures plates, une grâce naturelle, insistante douceur
Nos mères étaient petites, attifées de guingois. Elles avaient l’œil rosse, allant d’un pas rapide…
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Message  bertrand-môgendre Dim 10 Nov 2013 - 8:40

Pardon loic, je vais poster une mauvaise impression suite à la lecture de "inventaire".
La succession de phrases courtes qui n'en sont pas, d'images flash qui éblouissent par leur précision, sont autant de barrières à franchir pour entrer dans ton univers.
Rien à dire sur la manière d'écrire qui est à mon sens, assez hachée, mais après tout, cela peu s'apparenter à un style particulier.
Pourtant, ton écriture me conduit dans l'Est et subitement je me retrouve en bord de mer en passant par la Touraine avant de glisser "aux confins des Cévennes..." .
J'insiste sur le sentiment de "non-partage" que je ressens tout au long de ma lecture. Comme si tu réécrivais tes notes jetées ça et là sur des carnets, pour tenter de les assembler sous des paragraphes introduits par "Ainsi vont mes voyages...", ou "Et depuis je voyage..." ou "Je n’ai jamais vécu qu’à l’aune de mes rêves, errant sur des chemins escarpés d’évidences... "

En conclusion, et cela n'est pas une analyse de ton texte, mais de mon sentiment, j'ai l'impression que tu as tant à dire, tant à raconter qu'il y a bousculade voire engorgement des informations.
J'espère que tu ne le prendras pas mal.
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Message  Invité Dim 10 Nov 2013 - 9:19

Je rejoins tout à fait BM dans son analyse du sentiment que laisse ce texte - celui d'un grand chaudron dans lequel tu aurais versé un peu pas mal en vrac tes impressions de voyageur aux quatre coins de l'humanité rugueuse, et que le lecteur a du mal à décoder.
Toutefois, me concernant, cette manière me dérange peu, sans doute parce que je te lis depuis longtemps en poésie, que je (re)connais ton style - cette écriture hachée, brute, dénuée de fioritures, ainsi que des bribes de poèmes - et m'en accommode plutôt bien.
La question que je me pose néanmoins, c'est justement le pourquoi du choix de la prose tout d'un coup, à quel appel répond cette intéressante tentative ?

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Message  loic Dim 10 Nov 2013 - 17:19

merci Bertrand de ce ressenti bien naturel (je me doutais bien de cet effet...) en réalité il s'agit d'une sorte de sommaire poétique qui correspond aux textes que j'ai posté de l'autre côté du mur

je ne sais pas si cela mériterai d'être détaillé par le menu, car il y un fil conducteur dans tout ce fatras, une réflexion a la fenêtre d'un hôtel a Thionville ou je me trouvais pour mon boulot, puis une sorte d'introspection qui vient, celle d'une vie mi imaginée mi réelle, l'héritage d'une enfance ouvrière,la découverte du monde en voyage dans un autobus qui m'emmenait en vacances dans le massif central une idylle d'adolescent, l'immense sentiment de nostalgie vers ces mines fermées, ces voies abandonnées, une vie de routier, des images des images des images....

Easter tu avais la bonne clé, pour ce qui est de la prose je me tâte mais je suis paresseux et l'exercice est grandiose...
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Message  Invité Dim 10 Nov 2013 - 21:12

je suis  sans fatigue, retrouvant tes errances  et le phrasé si caractéristique   où se glissent maints alexandrins (peut-être involontaires ?)
Prose ou poésie, on reconnait ta plume, l'élégance des mots justes, le mille-feuilles d'impressions  qui est ton gâteau doux-amer préféré... Et chaque fois, ça m'embarque !

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Message  Invité Dim 10 Nov 2013 - 21:16

Et j'ai fait pêcheuse , en apnée, pour cette perle : une enfance relative

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Message  loic Lun 11 Nov 2013 - 11:16

Savez vous si le style existe:
décrire des événements, des lieux, dans une prose qui met en abyme les poèmes correspondants
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Message  Invité Lun 11 Nov 2013 - 12:49

Ben, c'est bien ce que tu viens de faire, non ?

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Message  Invité Lun 11 Nov 2013 - 15:15

Je me conterais d'une citation de Vladimir Ionegine : “le roman est le lieu exact de la poésie“.

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Message  loic Lun 11 Nov 2013 - 20:18

en fait je n'ai pas de culture littéraire, le sens de ma question était si cette technique existe quelque part, dans l'idée illustrer des chapitres de prose par une poésie correspondante, le tout ayant un lien entretenu par le narrateur

mes amitiés

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Message  jfmoods Lun 11 Nov 2013 - 21:09

Je suis un inconditionnel de ce style. Tes nominales envoient du bois et tu lèves une mémoire qui n'a rien de soporifique.
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