Les anges de Bacchus

[Frédéric Prunier]

engourdis par la nuit
au froid des abris
les anges de Bacchus
inhumains devenus

ont le beau rôle
leurs glissades sont jeux de drôles
putti potelés
chérubins grassouillets

ils urinent des fontaines
mauvaises qui nous entraînent
vers des fêtes posthumes
et nos vies d’amertume

Oh ! Joyeux lendemains
sans crainte recommencez
buvez, meurez jamais

dieux ivrognes, élégants, et nous dégueulant
nous les suiveurs de bonheur juste mauvais imitateurs

nous, pauvres diables, nous, écœurants pitoyables
sirotons nos chagrins éclusons notre vin
jusqu’à sa lie magnifique

Oh ! cantique des cantiques

[Invité]

Ça sent le vécu
et c'est de l'excellent Prunier
dont on imagine aisément qu'il a la cuite poétique
comme Gabin et Belmondo
dans "un singe en hiver"

[Invité]

On imagine bien quelque tableau ou quelque sculpture représentant ces chérubins urinant gracieusement des fontaines sous l’œil de Bacchus.
Juste un mot qui m'a fait sursauter :" meurez"

[mychelc]

Beaucoup de musicalité dans ce texte ...

Il y a juste le "meurez" qui jure un peu ...

Mychelc

[Invité]

j'aime bien ce texte, (en souhaitant qu'il ne soit pas autobiographique)
pour ce qu'il a de "frontal" (direct)

moins le meurez,
mais comme c'est la sonorité du beurk, dans l'idée
ce mot à sa place là où il est,
on va dire que c'est fait pour, non...?

je ne me sens pas perdue pour commenter celui là, contrairement à ta série précédente
dans laquelle je n'osais pas entrer, ayant l'impression que quelque chose m'échappait...

[Invité]

J'aime bien "meurez"
bien plus agréable à l'oreille que "mourez"
Autant je suis réac en ce qui concerne le respect des règles grammaticales
Autant j'aime qu'on enrichisse la langue en lui faisant de beaux enfants

[Annie]

Il faut oser chanter ainsi les pochards !
Le tableau est réussi, avec cet étonnant renversement qui nous range du côté des pauvres diables.
Toutefois je ne comprends pas ce que vient faire là le Cantique des Cantiques.
Et je me pose une question : puisque tu as choisi de rimer, dois-je comprendre que Bacchus se lit Baku? j'ai toujours dit Bakuss.

[Frédéric Prunier]

merci à tous toutes
pour vos lectures

" beuvez tousjours, ne meurez jamais" ....

au temps béni de l'orthographe indéfini (XV / XVIe...................... et là, c'est le feignasse du dernier rang à l'école qui vous parle.... ))) on pouvait écrire comme ci comme ça ...

pour revenir à mon problopropos,
dans les mélanges sonores :
bacchus / devenus... puis buvez / meurez....

le premier, c'est une fausse rime, mais je l'aime mieux qu'une vraie
parce que justement il manque un S, qui vaut une syllabe... ce sont nos vies interrompues, celles que l'on a engourdies aux gourbis )))

pour le buvez / meurez
je prononce bien comme il faut buvez... et je bafouille, pâteux et vineux, un meurez mal assumé

(c'est l'effet que je vois en lecture)

...

quand au cantique des cantiques
je n'ai jamais réussi à en faire une lecture spirituelle, divine, religieuse, morale, uniquement intellectuelle et coupé de la réalité de mon corps animal.
je ne lis dans ce texte antique, qu'un formidable poème comme Anacréon aurait pu écrire.
C'est un texte d'amour de la vie, du sexe, et du vin, de l'ivresse...etc... ou l'homme est obligatoirement tiraillé entre le désir et l'obligatoire équilibre.

ce qui permet de diviniser ce texte, c'est l'embrouillamini du qui est quoi... entre il, vous, le Roi, l'époux, le divin..etc... (mais ça, ce serait un autre sujet de discut...)


....

un petit exemple de lecture profane de ce texte ?

...Comme le pommier parmi les arbres des forêts, ainsi est mon bien-aimé entre les jeunes hommes. Je me suis reposée à l'ombre de celui que j'avais désiré,, et son fruit est doux à ma bouche...
... les délices de votre amour sont préférables au vin le plus exquis...
... ma soeur, mon épouse, est un jardin fermé, elle est un jardin fermé et une fontaine scellée...
... Retirez-vous, aquilon, venez, vent du midi, soufflez dans mon jardin, et que les parfums en découlent...
... je suis venu dans mon jardin, ma soeur, mon épouse. J'ai recueilli ma myrrhe avec mes parfums, j'ai mangé le rayon avec mon miel, j'ai bu mon vin avec mon lait. Mangez, mes amis, et buvez, enivrez-vous, mes bien-aimés...

... etc...

[Pascal-Claude Perrault]

Super !

[Invité]

Je trouve que la prune dans l'eau de vie a de la saveur.
C'est le cas ici.

[Pussicat]

les enjambements sont une grâce,
le rythme coule à flot-s,
l'alternance des pieds pour traverser
la rivière sur les cailloux polis
sans se mouiller ou se casser la margoulette
sur le thème choisi est une merveille de composition.
J'aime

Oh ! Joyeux lendemains
sans crainte recommencez
buvez, meurez jamais

et

jusqu’à sa lie magnifique

Chapeau !
et maintenant... buvons !

[Invité]

Meurez jamais, Fred Pru !

[Sweet Heart]

De belles images à cette lecture... Et une musicalité dans les tournures qui nous emmène aux côtés de ces chérubins grassouillets et de ces dieux. Un très beau tableau, vraiment.

Sweet Heart

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