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Quand les moules ont la frite

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Kilis
Gobu
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Quand les moules ont la frite Empty Quand les moules ont la frite

Message  Gobu Sam 28 Déc 2013 - 21:55

Quand les moules ont la frite.

Quoi de meilleur qu’un plat de moules bien fraîches ? Un vrai moules-frites ! Sans patate, la moule n’a plus la frite, si l’on peut dire. C’est pas de moule !

Trêve d’à peu près. Le vrai moules-frites ne souffre pas l’approximation. C’est le plat le plus commun du monde, mais comme beaucoup de mets économiques, c’est loin d’être le plus simple à réaliser. Moins on a de sous, plus faut user d’huile de coude.

Le moules-frites remonte à la plus haute Antiquité. Ou tout au moins à l’invention de la patate, qu’on doit à Parmentier. Avant lui, elle n’existait que dans les limbes de l’imaginaire, sauf chez les amérindiens. Mais ces peuples ont toujours eu l’imaginaire bouillonnant. Quant aux moules, elles peuplaient déjà les océans du jurassique, mais il n’y avait personne pour les accommoder avec des pommes de terre frites. Les dinosaures avaient de l’estomac, mais le palais un peu rustique.

Les meilleures moules du monde, vous n’en mangerez probablement jamais. Toutes celles qu’on trouve dans le commerce sont d’élevage, certaines succulent grave, mais rien ne vaut la sauvage. A condition qu’elle ait crû dans un milieu propice et pas trop pollué. Ces moules réfractaires sont généralement minuscules, très difficiles à détacher de leur support rocheux et plus hermétiques qu’un coffre-fort de notaire helvétique. Autant dire qu’il faudrait se lever de bon matin pour en récolter de quoi faire une seule portion. De toutes façons, c’est à peine cueillies et crues qu’on les dégustera, le visage fouetté par les embruns. La moule sauvage est un délice de sportif.

Le bon sens commande de s’en remettre à son poissonnier, ou tout au moins aux étals marins des commerces de grande surface. Si la qualité n’est pas toujours au rendez-vous, la fraîcheur est garantie et l’on ne se ruine pas, même si toute la chaîne de commercialisation conspire à gonfler les marges. Quant au producteur, il n’a qu’à serrer les siennes, et sa ceinture par la même occasion. C’est ainsi que va la grande distribution.

On les choisira de préférence ni trop petites ni trop grosses. Trop menues, on n’y trouve rien à manger, trop mafflues, elles se révèleront fades et cartonneuses. Quant à la provenance, c’est selon. Celles de bouchot qu’on élève sur les côtes normandes et bretonnes sont excellentes, mais celles de la Mer du Nord ont leurs inconditionnels. D’une manière générale, la moule est plus gaillarde en eau froide que dans la tiédeur de la Méditerranée ou des côtes atlantiques de l’Espagne. Ces dernières, plus grosses, sont surtout consommées gratinées avec une persillade.

Après les moules, les patates. Pour les frites, le belge, expert en la matière, ne prendra que de la bintje déjà vieille, et surtout pas de la nouvelle, trop aqueuse. Les autres variétés de ce tubercule, dites à chair ferme, ne conviennent pas. Elles auront tendance à roussir trop vite à l’extérieur et risquent de ne pas être cuites à cœur, sauf à les brûler. Après les avoir épluchées, on les coupera selon son goût. Le pragmatique les tronçonnera de façon grossière tandis que le puriste les choisira plus grosses afin d’y sculpter un parallélépipède dans lequel il détaillera des bâtonnets de section carrée, parfaitement identiques et réguliers…en y perdant la moitié de la chair. Quelle que soit la technique utilisée, on les rincera abondamment à l’eau froide pour en enlever l’amidon de surface, avant de les essuyer soigneusement dans un linge propre.

Le moment sera venu de préparer l’accompagnement des moules, qu’on aura bien entendu rincées à l’eau froide et grattées si nécessaire. On peut naturellement les accommoder de mille et une manières, mais la plupart des recettes ont une base identique. On commencera par éplucher et ciseler finement des échalotes, mais pas n’importe lesquelles. L’échalote grise est de loin la meilleure, mais la rose conviendra aussi, dès lors qu’il ne s’agit pas de l’oignon-échalote, sans aucun intérêt gustatif. On vérifiera suspicieusement l’origine et l’appellation pour ne pas se laisser leurrer par les pièges de la grande distribution. On détaillera de la même manière une carotte et un poireau, et l’on préparera un bouquet garni avec persil, thym et laurier. On trouve dans le commerce des aromates déshydratés pour la cuisson des moules, ils conviendront si l’on est pressé ou cossard, mais rien ne vaut le frais.

Avant de commencer à les apprêter, on procèdera au premier bain des frites. Le choix de la graisse de cuisson est capital, il déterminera le goût. Dans le Nord et en pays flamand, on ne jure que par les graisses animales, blanc de bœuf ou graisse de cheval. Elles possèdent d’excellente propriétés thermiques mais donnent aux frites un goût bien particulier. Si l’on n’y tient pas, il vaudra mieux employer une huile végétale neutre, telle que l’huile d’arachide ou de tournesol, qui constituent l’essentiel de la composition des huiles de friture du commerce. La meilleure huile de friture du monde est l’huile de coton, que les japonais emploient pour leurs fameux tempuras, mais elle est introuvable sous nos latitudes. On évitera, en revanche, les pains de graisse type Végétaline, qui possèdent aussi un goût assez marqué.

La température des deux bains de cuisson est un élément capital dans la réussite du plat. Il faut commencer par pocher les frites dans un bain à température assez basse ( maximum135 degrés) de façon à les cuire à cœur sans colorer la surface. On vérifiera l’appoint de cuisson en pressant un échantillon entre les doigts (après l’avoir laissé refroidir, 135 degrés, ça brûle !) La chair doit s’écraser sans opposer de résistance. Ceci vérifié, on les retirera de la graisse, on les épongera avec un essuie-tout pour enlever le maximum de gras et on les laissera reposer ailleurs qu’au dessus de la friteuse.

On pourra dès lors mettre les moules en route. Dans une cocotte suffisamment large et haute pour les contenir toutes (il faut compter environ un litre de moules par personne) On fera suer sans coloration la garniture aromatique (échalotes, carottes, poireaux et bouquet garni) sans en mettre trop : il s’agit d’un plat de moules, pas d’une soupe. Ceci fait, on y versera les mollusques, on ajoutera une bonne giclée de vin blanc sec on baissera le feu et, en les remuant sans cesse, on les fera s’ouvrir, puis on les couvrira en les retirant du feu pour qu’ils ne cuisent pas trop et s’imprègnent des arômes.

Il sera temps alors de lancer la deuxième cuisson des frites. On aura au préalable monté l’huile à minimum 175 degrés. Durant le premier bain, une carapace se sera formée autour des frites, qui dorera au cours de cette phase, tandis que l’humidité emprisonnée et qui retient de minuscules bulles d’air les fera gonfler. On les retirera du feu lorsqu’elles seront suffisamment dorées et on les servira de suite après les avoir une seconde fois épongées.

C’est pendant ce temps que l’on finalisera la préparation des moules. On peut les consommer telles quelles – c’est-à-dire à la marinière – mais on peut y rajouter sur le feu de la crème, de la moutarde, de la sauce tomate, voire du roquefort en plus de la crème – une préparation délicieuse  pour qui aime le fromage persillé. Sans oublier de rectifier l'assaisonnement en  sel et en poivre. La moule ne déteste pas le piquant.

On les dégustera de préférence à la main – le moules-frites est tout sauf un plat de chochotte – sans négliger de préparer une bonne mayo maison pour accompagner les patates. J’ai vu de mes yeux vu, lors d’un concours gastronomique télévisé, le grand chef alsacien Paul Haeberlain reprocher à une candidate belge pourtant talentueuse de n’en avoir pas proposé. Il avait parfaitement raison. Le moules-frites à la belge est un tout.

Paul Gobuse
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Message  Invité Dim 29 Déc 2013 - 21:33

Tu es Belge, Gobu ?
Une recette bien tournée - toutefois j'avouerai un petit faible pour les moules à la bière et ... (voilà, je vais me faire traiter d'hérétique!!!) pour les frites Weight Watcher !

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Message  Gobu Lun 30 Déc 2013 - 11:25

coline Dé a écrit:Tu es Belge, Gobu ?

Non. Mais je réside parmi eux depuis presque 15 ans et en plus j'ai fait une partie de mes études à Bruxelles (à l'ULB) J'ai une fouais un peu pris le pli, alleï !

J'ai oublié de citer le céleri branche parmi les aromates, il est important. Quant aux moules à la bière c'est très bon aussi...
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Message  Kilis Lun 30 Déc 2013 - 14:12

Gobu a écrit:J'ai oublié de citer le céleri branche parmi les aromates, il est important. Quant aux moules à la bière c'est très bon aussi...

Ah ben oui !
Te lisant me suis dit : Holà, l'a oublié le céleri, le scélérat !

Sinon, l'est goûteux ton texte, comme d'hab.
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Message  Jean Lê Lun 30 Déc 2013 - 19:37

Pour info : si Parmentier tient sa notoriété de la patate, il n’en est pas l’inventeur.
L’abbé Gawiezel, d’origine irlandaise qui fut curé de la paroisse de Messac (35) effectua ses premières expériences dans le jardin de son presbytère après son arrivée à Messac, en 1771. Selon une inscription dans l’église, il fut « le premier qui cultiva la pomme de terre, avant Parmentier ».
En réalité, le brave abbé Gawiezel avait été devancé par un cultivateur de la région, du nom de Blanchet, qui résidait à Port-de-Messac, et qui en 1761, après un séjour en Angleterre et en Irlande, se révéla, selon Parmentier lui-même : « le cultivateur le plus avisé de Bretagne ».
On trouve la première recette de la salade de pomme de terre sous la plume du marquis Barbier de Lescoët.
On connaissait dès le milieu du XVIIIe la recette des frites, elle avait été pour ainsi dire codifié dès 1749 dans « L’école du jardin potager ». Elle tenait en deux lignes : « Couper crue en tranches minces et faire frire dans du beurre ou à l’huile, après les avoir saupoudrées légèrement de farine… »
Parmi les autres propagandistes de la cartoufle citons le Docteur Lavergne, né à Loudéac, qui faisait lire ses plaidoyers à la messe. Grâce à lui, les populations locales furent convaincues que la « petite truffe », si contestée par certains ( il y avait eu des empoisonnements suite à la consommation des fruits, les solanacées locales comme la morelle noire donnent aussi des fruits toxiques ), pouvait en fait enrayer les disettes.
Toute ces actions conjuguées, auxquelles s’ajoutèrent à la même époque, celle d’une vieille Anglaise installée à Cesson près de Rennes, celle des Acadiens de Belle-Ile qui avaient transité par l’Irlande et d’un cultivateur de la région Lorientaise nommé Guillerme, allaient faire de la pomme de terre l’un des éléments essentiels de notre alimentation.

Un texte savoureux qui donne envie de se retrouver dans une baraque à frites chez Tintin.
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Message  Gobu Lun 30 Déc 2013 - 20:05

Jean Lê a écrit:Pour info : si Parmentier tient sa notoriété de la patate, il n’en est pas l’inventeur.

C'était une boutade, sinon je n'aurais pas utilisé le mot inventeur.

Ceci étant mon père m'avait raconté une anecdote à propos d'un propriétaire terrien hongrois. Ce gentilhomme, fort influencé par les Philosophes, avait développé la culture de la patate dans son pays, dans le but louable d'améliorer l'alimentation du peuple. Hélas, ce dernier restait réfractaire à ce nouveau produit, considéré comme suspect ou tout juste bon pour les cochons. Il eut donc l'idée de faire garder manu militari les champs où il les faisait cultiver.

Le résultat ne se fit pas attendre : alléchés par l'interdit, les chapardeurs se sont mis à piller les cultures, tandis que la garde, au parfum, regardait de l'autre côté, de sorte qu'aujourd'hui, la pomme de terre est devenue une des bases principales de la cuisine hongroise, au demeurant succulente. C'est ainsi que la gastronomie progresse et que la famine recule...
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Message  Jean Lê Mar 31 Déc 2013 - 17:54

Gobu, inventeur, je l'avais pris dans le sens archéologique : celui qui découvre un nouvel objet.

Durant la guerre de sept ans, Parmentier tomba plusieurs fois aux mains de l'ennemi. C'est dans leurs geôles qu'il fut nourri de pommes de terre. Le tubercule était alors réservé à l'alimentation des cochons et des prisonniers.
Au mitard, il grossit ! Il découvrit ainsi que la patate était propre à la consommation humaine. Il n’eut de cesse par la suite d'en faire la promotion.
A ma connaissance, c'est aussi lui qui utilisa le stratagème de faire garder ses premiers champs de tubercules ( qui étaient dans un terrain militaire, la plaine des sablons ), par les soldats du roi avec la consigne de laisser les voleurs s'emparer des semences pour en assurer la diffusion. Un Hongrois a pu reprendre l'idée par la suite…
Pour servir et faire valoir à qui de droit.
Jean Négrosurlapatate
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Message  Sahkti Sam 4 Jan 2014 - 12:45

Ha Gobu... en te lisant, je retrouve le plaisir que je peux éprouver en vivant à mi-temps au plat pays ! Et pas que pour la nourriture, pour l'esprit aussi. Et ce souci pointilleux de faire de bonnes frites, je le partage :-)
Ta démonstration est claire et précise, je retrouve les leçons qui m'ont été données et tu as bien raison, ne réussit pas un bon moules-frites qui veut ! Même Léon ;-))
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Message  Gobu Sam 4 Jan 2014 - 13:33

Sahkti a écrit:Ha Gobu... en te lisant, je retrouve le plaisir que je peux éprouver en vivant à mi-temps au plat pays ! Et pas que pour la nourriture, pour l'esprit aussi. Et ce souci pointilleux de faire de bonnes frites, je le partage :-)
Ta démonstration est claire et précise, je retrouve les leçons qui m'ont été données et tu as bien raison, ne réussit pas un bon moules-frites qui veut ! Même Léon ;-))

Et on ajoute : miam !

Merci Sahtki...
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Message  Ba Sam 11 Jan 2014 - 10:43

Merci pour elles ;-)
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Quand les moules ont la frite Empty Salut habibi

Message  silene82 Ven 31 Jan 2014 - 9:25

Est-ce un pastiche de Vialatte que nous nous as livré, preuve de l’éclectisme de ta façon ? Dis-moi, ôte-moi d'un doute, ce n'est tout de même pas toi, l'homme au mille visages, et quand tu m'as appelé, l'autre jour, tu ne contrefaisais tout de même pas l'innocent ?
Tu excelles dans les histoires culinaires, et je relis de loin en loin le grand Migou, dont je ne suis pas sûr qu'il ait été achevé.
J'aime cette netteté d'encyclopédiste, même si le côté un tantinet didactique pourrait s’accommoder d'un soupçon de baroque, à mon sens ; dans la recette, s'entend.
Mais c'est tout de même bien gouteux.
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