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Les fées d'Edingourg

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Message  TerebHantin Ven 21 Fév 2014 - 18:24

Une idée. Le monde est rond. Rond, plein, grand, à la fois illuminé et couvert d’ombre, embrassé par le soleil et paisible comme une nuit d’été. Fait de feu puis de roche, de poussière et de terre de son corps à l’écorce. Incrusté de joyaux assez uniques pour valoir des montagnes et d’hommes assez avides pour s’en emparer. Au dehors de ce monde, le vent courbe les arbres de la forêt. On entend le bruissement des feuilles les unes contre les autres, le craquement des branches et on sent l’odeur verte et le chant des sylvains. La vie grouille ici-bas. Au matin, peu après l’aurore, il n’est pas rare d’entendre les gazouillis volatiles ou un battement d’ailes qui s’éloigne. Quelques fois, c’est le brame d’un cerf au printemps qui perce l’environ. Le monde, semble-t-il, est jeune et fort.

Et que font les hommes à cette heure ?
Ils dorment.

Lucile, elle, ne dort pas.

Qui est Lucile ?

Un vague mouvement au creux de la verdure. Une lueur d’or à peine perçue sur la nervure d’une feuille ou d’un tronc. Une étoile filante plus proche et petite que d’habitude. Un feu follet loin de tout marais et plus vif qu’un colibri, laissant derrière-lui une trainée de poussière et des sourires béats. Lucile est de l’ère du vivant ce qui se rapproche le plus d’une comète ; inattrapable et inarrêtable, aussi insaisissable que la brise du matin ou le chant des oiseaux. Elle est ici comme une note tangible d’innocence, d’espoir et de magie, déliée de toute la logique et la maturité qu’il est possible d’avoir. Lucile est une fée. Un être de contes et de légendes.
Lucile, il faut le dire, donne raison à beaucoup d’idées que l’on se fait sur son genre. Premièrement, elle est petite ; peut-être mesure-t-elle dix centimètres les bras levés. Ensuite, elle est blonde ; et ne me dites pas que vous l’imaginiez brune, elle est fée. Lucile ressemble beaucoup à une jeune fille, mais elle est aussi très vieille. Comprenez plus de cent ans. Au cœur de son visage vous trouverez un nez en trompette, petit et mignon ; un peu plus bas, sa bouche, dotée de lèvres à mi-chemin entre l’enfance et l’adolescence, et puis son menton, à peine relevé. Plus haut, ses deux yeux bleus, mais pas loin d’être verts aussi, portent à merveille de fins et courts sourcils d’un blond plus foncé, plus teinté d’ombre que ses cheveux. Et ses cheveux… ses cheveux sont dans le vent. Un dernier détail, Lucile a les pommettes hautes.

Cette nuit encore, Lucile traverse le village d’Edinbourg sous les étoiles. Par Edinbourg en 1851, comprenez des rues étroites et sinueuses, couvertes de hautes maisons en bois de chêne et en chaux blanche. Un fleuve, à l’est de la ville, rencontre les premières habitations en se dispersant par de nombreux canaux pavés et s’infiltre en son cœur avec la digne trajectoire d’un labyrinthe. A tous les coins de rue, on entend le clapotis de l’eau, et il faut l’avouer, c’est très plaisant ; surtout au mois d’Août, quand la chaleur est si forte que vos vêtements semblent se fondre à votre peau.
Des lampadaires peints en noir et recourbés, éclairent faiblement la voie. Au centre de la place, Lucile pourrait bien boire librement ; la rosée des feuilles matinale finit par lasser ; aussi y fut-elle en quelques instants. Elle se posa, fit un creux de ses mains pour recueillir un peu d’eau, et les porta à sa bouche. Le liquide était frais et pur. C’était bien la première fois qu’elle goutait une telle chose depuis longtemps, surtout en ville, là où les hommes si nombreux et sales. Elle en prit une autre rasade, et encore une autre ; elle continua tant qu’elle avait soif. Après réflexion, jamais une eau ne lui avait semblé aussi bonne. Quel goût ! Elle continua de porter le liquide à ses lèvres et de boire, avec moins de retenue qu’une fée devrait en avoir. Puis ce fut à ses lèvres rouges de venir au liquide. Affalée au bord du lit, elle but goulument et sans interruption, si ce n’était pour prendre son souffle. On pouvait aisément voir sa petite glotte monter et descendre au rythme des gorgées. Ses joues ne désemplirent pas avant l’aurore.
Au tout petit matin, Lucile releva la tête, mais ni le ciel rose, ni les étoiles disparues ne l’alertèrent. Elle se baissa pour boire encore au fleuve d’Edinbourg. De toute façon, son ventre était trop gros pour qu’elle puisse voler maintenant. Et la délicieuse eau se trouvait ici, pas dans la forêt.

Quand l’ombre d’une main se dessina au-dessus d’elle, Lucile ne s’enfuit pas.
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Message  TerebHantin Ven 21 Fév 2014 - 18:25

« Ouvre les yeux ma petite. Je ne voudrais pas que tu sois morte... »

La voix s’était élevée aux premiers instants du réveil, comme un écho de montagne. Forte, brute, et gutturale. Elle avait coupé court à la buée nocturne. Lucile ne pouvait plus dormir. Elle ouvrit ses yeux à contrecœur, petit à petit. Mais ça ne changeait pas grand-chose, il faisait nuit. Elle se trouvait dans une pièce étroite. Ou plutôt encombrée. Jonchée de caisses et d’objets poussiéreux. De quoi se souvenait-elle ? De pas grand-chose. Où était-elle ? Une maison. Au sous-sol ? A l’étage ? Dur à savoir. De maigres rayons du jour filtraient à travers les volets, à peine assez pour distinguer quelques formes. Elle balaya les lieux du regard, et vit une chose apparaitre lentement devant elle.
D’abord, une masse floue. Puis un corps à la démarche menaçante. Quelque chose de grand. Très grand. Un colosse ? Il se mouvait brusquement. Que voulait-il ? Il se trouvait de plus en plus proche. Très proche. Trop proche !
Elle recula vivement mais il était trop tard. Il apparut.
C’était un grand vieillard un peu courbé, qui prenait appui sur une canne. Bouffé par une barbe un peu grisonnante, d’un aspect de limaille de fer, et aux yeux bleus bordés de profondes rides.
D’une main, il mit le feu à une lanterne. Lucile fut d’abord rassurée de voir un vieil homme, elle qui s’imaginait un monstre. Mais lentement, ses traits changèrent… Ses lèvres molles et silencieuses se durcirent en un sourire inquiétant. Son regard prit un éclat de glace. Ses rides grincèrent comme du métal en accompagnant son sourire. Les ombres grossirent et s’épaissirent tout autour d’eux. Bientôt, la lanterne n’éclairerait plus rien. Quelle flamme ridicule ! On entendit le bruit du bâton qui tombait avec fracas sur le sol et tout à coup, l’homme étrange se trouvait au plus près de Lucile. Elle sursauta.
« Tu me pardonneras le remue-ménage, je n’ai pas eu d’invités depuis des lustres... », Dit-il en tirant une chaise pour s’y asseoir.
Lucile distinguait maintenant de fins et longs barreaux gris dans sa vision. Le sol était froid, et tandis qu’elle se levait, le monde balançait avec elle en grinçant. Une cage.
« Pourquoi ? » L’homme parut s’amuser de la question.
« Pourquoi quoi ? Pourquoi… Ah ! « Pourquoi ». Oh… il y a beaucoup de raisons à ceci, fée. Beaucoup d’émotions dominent les hommes ! L’envie, la jalousie, le désir. La colère, la rancœur… Mais dans mon cas, il ne s’agit que de curiosité. Rien d’autre ! »
Il fit demi-tour, et se tint dans un rideau de lumière déchiré. Devenu maître d’un grand cirque, il s’écria en levant les bras :
« Te voici dans mon antre, Lucile ! Bienvenue ! »
Plusieurs flashs éclatèrent et Lucile ne vit plus que des taches de couleurs.
Une musique se mit en route. Un air grandiloquent d’accordéons, d’orgue, de flûtes et de violons.  Les pas frénétiques de l’inconnu résonnaient et s’enchainaient sans cesse. Dansait-il vraiment ? La pauvre fée était abasourdie. Que signifiait tout cela ?
« Allons Lucile, allons. Regarde ! Ouvre les yeux, enfin ! N’est-ce pas splendide ? »
Lucile ouvrit les yeux. Elle vit l’homme danser avec son ombre. Il dansait comme un fou. Un, deux, trois pas. Il tournait sur lui-même, puis demi-tour. Et à nouveau en sautillant. Chaque mouvement attirait la fée un peu plus loin de la réalité. Il se mit à rire d’une voix d’ogre, de tout son corps. Il y avait tant de vie en cet homme ! La pièce entière vibrait avec lui. Elle se dit qu’il était étonnant qu’aucun objet ne l’eût suivi. Aussitôt des pots de verre prirent la cadence, avec les tableaux et la table sur ses quatre pattes. C’était un chef d’Orchestre. Un passionné. Il donnait la cadence avec sa canne et ses grands gestes frénétiques. Il se mit à défiler avec sa suite, et les lumières éclatèrent à nouveau. Des arcs-en-ciel de couleurs jaillirent de toutes parts, hypnotisant les yeux de Lucile. La salle entière devint un ciel de nuit incandescent. Des feux d’artifice jaillissaient, éclataient. Des images fleurissaient de toute part. Il n’existait plus de elle, de lui, de ça. Lucile faisait partie du mouvement, de la vibration. Du tout.
Lucile ?
... Qui est Lucile ?

Quand le calme tremblant sortit enfin de son terrier, Jean Einesberg en eut fini avec elle. Elle lui appartenait. Bientôt, il vivrait son rêve.
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Message  TerebHantin Ven 21 Fév 2014 - 18:28

Laissez-moi vous présenter Einesberg.

C’est un homme, né au début du siècle, fils de madame et monsieur Einesberg. Elsa et Pierre de leurs prénoms. Il est né au milieu des champs et de l’après-midi, un été. Un été chaud à en crever. Elsa et Pierre étaient de jeunes gens à sa naissance, il grandit donc avec sa grand-mère paternelle, Domina Einesberg. Une vieille femme très haute, très grosse, aux cheveux clairsemés et grisonnants, très ridée, très autoritaire aussi – la vieille école, et très bonne tutrice. Jean lisait, comptait et écrivait à six ans, quand les autres gosses se rossaient les fesses et le visage aux orties. Quand il eut vingt ans, après avoir trimé ses jours à labourer la terre et ses soirs à apprendre, on l’envoya en ville pour mieux s’instruire. Au soir de son dernier jour, Domina lui dit en quelques mots qu’il ne reviendrait plus ici. Le lendemain, avant l’aube, il sortit de sa paillasse, fit un brin de toilette et enfila ses sabots et ses vêtements. Il quitta doucement la maison, sans un bruit, referma la porte, sans un grincement, et prit la route, sans un mot. Avant la fin de la journée, il arriva à la plus proche ville. Il n’y fit que boire un peu d’eau et se reposer pour repartir ensuite. La route était longue.
Son voyage dura une semaine.

Aux portes de l’université d’Edinbourg, Jean ne fit plus un pas. Il fixa longuement le haut portail en fer forgé, d’un air indifférent. D’un air las.
« Pourquoi ? »

Et alors il fit demi-tour. Jean, au fur et à mesure de son voyage, en était venu à croire que ceci n’était pas utile. Il n’irait pas écouter de vieux sots sur des bancs miteux, entouré d’autant benêts.
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Message  TerebHantin Ven 21 Fév 2014 - 18:32

Erf, bug de police. Georgia ne s'est pas appliqué aux deux autres parties. Si une âme charitable passait par-là... je viens de voir qu'on ne pouvait pas éditer ses messages.



< À toutes fins utiles, pour les demandes à la Modération, c'est ici ! La police « Georgia » a été appliquée partout.
La Modération. >
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Message  Lucy Dim 23 Fév 2014 - 19:31

Un début intéressant !

C’était bien la première fois qu’elle goutait une telle chose depuis longtemps, surtout en ville, là où les hommes si nombreux et sales.

Quelque chose cloche dans cette phrase.
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Message  TerebHantin Lun 5 Mai 2014 - 20:40

Ton commentaire m'avait échappé.
Oui, un oubli de verbe "être" je crois... j'ai aussi égaré un "de" benêts, à la toute fin du troisième post.

Merci retardataire
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Message  Madeleine Adèle Mer 7 Mai 2014 - 13:10

Bonjour,

Je suis admirative devant une telle écriture tant par le choix des mots, la tournure des phrases, la magie qui opère.
Cette petite fée nous donne envie. Tant par sa beauté, sa legereté, sa naîveté ...
Je suis complètement rentrée dans l'histoire et me suis prise au jeu de cette Lucile qui assoifée se remplit l'estomac jusqu'à ne plus pouvoir voler. Une consommation excessive liée (selon ce que j'en comprends) à l'interdit.
Ivre, elle se fait capturer par l'humain en soif lui d'imaginaire trop frustré de tous ces benêts.

Réellement, très joli texte.

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