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Le roman ou l'antimatière

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Le roman ou l'antimatière Empty Le roman ou l'antimatière

Message  Cerval Lun 24 Mar 2014 - 23:53

Je suis le plus grand des écrivains de ce temps, ou tout du moins j'ai failli l'être ; il est donc un monde possible dans lequel je le suis effectivement. Et qu'est-ce qui compte plus que la possibilité formulée, ce reflet happé aux lèvres des vitres, la lumière remise en sa demeure, le miroir dénoué enfin, enfin dénouée la raison du miroir ? Les romans commencent comme les miroirs : on avance d'un pas et l'univers s'y retourne. Le jeu des choses que fait la perspective, leur combinatoire à l'espace cartésien des couleurs, permet une syntaxe, et bientôt des idées. Cette notion de monde possible qui m'est chère, on en trouvera la première occurrence dans un texte d'Octobre 2012... j'écrivais alors :

le monde est beau quand je le vois
plus beau quand je l'écris
plus beau encore quand j'essaye de l'écrire sans y arriver
c'est plus beau quand c'est seulement POSSIBLE

un monde possible se note M'.
mais ma vie dans tous les mondes possibles
eût été nécessairement triste
si tu n'avais été là,
toi,
MA CONDITION SUFFISANTE.


Un texte charmant, on peut le trouver sur ce forum ; revenez-y.
Quitte à donner dans l'archéologie de moi-même, mentionnons ce passage également, dans un texte (celui-ci plutôt mauvais) de Mai 2013 :

(j'ai cru écrire "il va pleurer" et c'est vrai, mais c'était ailleurs que sous ce ciel où je suis, c'est dans un endroit plus beau de ne pouvoir le voir, comme d'habitude, je ne comprends pas pourquoi aucun philosophe des choses de l'esthétique en a fait une loi universelle)


Ce "comme d'habitude" pesant de toute son intertextualité intra-auctoriale.
Cette notion de possible, cette façon enfin de l'imagination de rendre les armes lorsqu'elle se retrouve devant l'action de n'y voir pas l'enfant de son geste mais à peine une surnuméraire parure constitue un thème récurrent de mon imaginaire, et donc de ma vie. Ce possible ne doit pas pourtant s'entendre comme n'importe quelle fleur poussée aux désinences d'une imagination farfelue, ce n'est pas tolérer l'ancien adventice comme à régulariser par l'usage les difformités du Logos. Le possible ici est une croyance justifiée, mais non vraie de n'être simplement pas incarnée. C'est donc dans ce sens particulier que je suis l'un des plus grands écrivains contemporain, dans ce sens possible.

Pourquoi ? Je ne suis pas las au point de vraiment me justifier. Il me semble évident, il suffit de se pencher un peu sur mes textes, de voir souvent, ça et là, ces fleurs du talent, ces éclats dans le tamis de l'inspiration qui font le prix de ma prose, et la distingue des productions du commun des grattes-papier. Ces choses sont moins réelles, aujourd'hui. Il est à cela de nombreuses raisons. La véritable lassitude ; une certaine tendance à ne pas prendre soin de mes facultés ; et tous les petits événements de la vie. Ô mon Dieu les justifications. Par respect du possible, il faut alors que je me charge d'étudier moi-même, de commenter mes oeuvres qui ne furent que promesses à défaut d'Annonciations (comme à Pâques), puisque le goût du vulgaire pour ce qui ne fait que platement exister empêche vraisemblablement que toute démarche de ce genre ne s'accomplît un jour dans notre monde intellectuel ou universitaire.

Mon destin d'écrivain commença en février ou mars 2010. J'avais 18 ans. Mon Dieu si j'avais su. Je suis né avec un certain talent pour l'imitation. Je devais le conserver toute ma vie. Je finis enfin par imiter, sans le corrompre, l'Eidos de mon propre génie : je veux dire simplement permettre sa production. Je crois que je n'ai jamais écrit autre chose que des textes d'amour, ou des textes me permettant de me distraire un peu des textes d'amour. Je n'ai jamais guère pensé qu'à l'amour. C'est certes handicapant pour devenir un grand écrivain : tout le monde ne peut le comprendre n'ayant tout le monde un coeur. Il est de ma nature de ne pas chercher de compromis. Je suis de la race des Volcans. Étudions un peu la représentation de l'amour dans mes textes, et dans ma vie. J'utiliserai pour ce faire les divers matériaux postés sur ce forum, le reste s'étant perdu à jamais dans l'Elysée de la chair redevenue possible ; cette esthétique a tout de même un désagréable parfum de morale.

Cerval

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Message  Polixène Mar 25 Mar 2014 - 9:00

...et également de forts remugles d'onanisme intellectuel, si je peux me permettre.

Sans une once d'humilité, le talent est inutile. Les ailes de géant, tout ça...
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Message  Polixène Mar 25 Mar 2014 - 9:10

Ironie?
...pas le sens de l'humour, moi, ce matin!

Surtout, continue à écrire.
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Message  Nicolah Jeu 27 Mar 2014 - 12:40

" mes oeuvres qui ne furent que promesses à défaut d'Annonciations (comme à Pâques), puisque le goût du vulgaire pour ce qui ne fait que platement exister empêche vraisemblablement que toute démarche de ce genre ne s'accomplît un jour dans notre monde intellectuel ou universitaire."
Ce passage me parle.

L'écrivain qui a déjà trop réussi dans son possible et qui dégringole sans cesse vers la réalité. Il se fait alors sorte d'intermédiaire entre deux mondes. Ne pouvant à la fois contenter l'un et l'autre, une sorte de schizophrénie naît en lui.  

Y'aurait tellement matière à réflexion sur ce sujet. Merci de nous ouvrir la voie !

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Message  jfmoods Ven 28 Mar 2014 - 9:02

"je ne comprends pas pourquoi aucun philosophe des choses de l'esthétique n'en a fait une loi universelle"
"des productions du commun des gratte-papier"

Un texte... étonnant. Il faut, évidemment, ne pas se cantonner à l'affirmation initiale. J'avoue que j'apprécie beaucoup la manière dont tu incorpores le poétique à l'argumentatif. C'est vraiment très plaisant de te lire.

J'y reviendrai.
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Message  seyne Ven 28 Mar 2014 - 10:25

oui, et puis cet entremêlement du sérieux réflexif et du second degré, ça aussi c'est plaisant, attirant.
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Message  Cerval Sam 29 Mar 2014 - 1:52

la perte du sommeil

il y a deux façons de résoudre la vie : en se laissant vivre ou en ne dormant pas. l'une n'est pas meilleure que l'autre. ce qui les distingue est pareil à ce qui fait différer les chiffres sortis d'un coup de dés. il y a d'infinies façons de mener sa vie au hasard. l'insomnie est une manière comme une autre de s'adapter, de s'épanouir. elle demande certaines capacités que la première n'a pas, mais l'inverse vaut aussi. l'insomnie est bien sûr une forme de revanche sur la veille. pourtant la nuit veillée ne participe ni vraiment de la veille ni des rêves. dans ces deux cas, il y a moins de place pour le corps que pour les gestes qu'il accomplit. l'insomnie donne toute sa place au corps. il organise autour de lui les choses comme le caillou jeté à l'eau y fait naître des mondes concentriques. on peut dire que le corps de l'insomnie est un corps glorieux : en lui ne vaut plus le principe de la chair. lorsque la journée, le "lendemain", recommence, cette inversion vaut d'avantage. le pénible de la journée qui suit, l'état marécageux qu'elle fait connaître, couronne par l'effort l'absence d'effort qu'il y a à la veille. c'est effort pour ce corps de devoir toujours se rappeler à la mobilité, lui qui devient, comme dans le sommeil, vraiment immobile, même si éveillé. il est vraiment immobile puisqu'il confond tout avec sa chair. il se déplace comme s'il était possible en son propre souffle. en ce sens il se défait donc de la chair comme à dormir on se défait de ses pensées : la symétrie est logique. veiller pour lui n'était pas un effort. en restant immobile, il s'est laissé étendre à la totalité de la perception. dormir est comme une porte qu'on ferme, voir par le rai de lumière les principes du jour rétrécir. le corps qui veille est très fidèle à ces principes. tant qu'afin de les exploiter tout à fait, il les perpétue sans le jour et l'activité qu'il oblige. le principe du jour est celui de la mémoire. comme chaque chose qui existe, la mémoire est faite mais refuse de se savoir faite, elle veut être. en ne dormant pas, ma mémoire continue à être. c'est un grand effort, afin qu'elle soit, de renoncer à sa mémoire. les gens qui ne dorment pas sont l'impatience même.
on gagne une sorte de plaisir étrange à l'insomnie. qu'on y goûte, on ne l'oublie pas facilement. il y a d'un côté une sorte de fierté un peu puérile, ou bien de goût pour l'incongru. il est des gens, à savoir que vous ne dormez pas, qui s'énervent ; d'autres s'inquiètent. d'autres enfin sont suspicieux. évidemment, la plupart s'en foutent. mais ne pas dormir leur parait bien bizarre. louche. que faites-vous de vos nuits ? trouver les mobiles idoines. tout le monde a tôt fait de condamner les petits plaisirs égoïstes. mais qu'on se range à la vie d'horloge, bientôt l'insomnie se rappelle à vous. c'est une sorte de regret comme d'une tristesse ancienne parce qu'elle l'était en l'ignorance d'une autre. puis c'est le goût, assez exotique, d'un ancien risque, d'une effronterie. enfin on mesure qu'on a perdu quelque chose, et qu'est-ce qu'on a perdu ? cette question ne peut se résoudre par le sommeil. bientôt le calendrier des rêves devient insupportable. on repousse. une, deux heures. voilà qu'un soir, de nouveau, on ne dort plus.
peut-être que ces choses là se résorbent en vieillissant ; vieillir après tout résorbe tout sauf l'âge. ce qui permet l'insomnie n'est pas pourtant la force -du corps, de l'esprit, de la capacité de veille. elle est tout à l'oubli de soi-même, qui signe l'investissement de toutes choses, elle est tension nerveuse, mais tout ce que je touche participe de ce nerf. elle est une façon très égoïste de pratiquer un "oubli de soi-même", ou sémantiquement équivoque. s'oublier, c'est oublier de s'endormir, comme on dit : vous vous oubliez, cher... inconvenances.
finalement, on s'ennuie. on a beau faire, on finit par connaître son corps, et par son corps, ces choses immobiles où il est enclot. on finit par connaître la nuit, qui semble une photographie d'elle-même jusqu'à l'aube. lire, fumer, etc., tous les possibles. je ferme les yeux comme on tourne des pages.

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Message  seyne Sam 29 Mar 2014 - 10:02

J'avais répondu longuement à ce dernier texte limpide, qui parle d'une façon tout à fait nouvelle pour moi de l'insomnie (qu'on présente en général en termes surtout négatifs, comme le manquement à une sorte de devoir biologique......et tu interroges justement ce devoir ). Je vais faire plus bref parce que je l'ai effacé et que ça m'énerve. Juste dire que ça suit et rejoint avec finesse ce que relevait Nicolah dans le premier texte de la "schizophrénie" entre écriture et vie quotidienne, ici entre vie corporelle et action sur le monde, position personnelle au milieu de nos semblables.

Une chanson tout aussi ambigüe sur ces thèmes, en contrepoint :
"Entrez dans le rêve", de Manset

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Message  Cerval Sam 29 Mar 2014 - 12:07

A toute fin utile, je précise que le premier texte, comme aurait dû le montrer par la cohérence avec ses propres principes le moment où il s'arrête, relève de la blague

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Message  seyne Sam 29 Mar 2014 - 12:30

Oui, bien entendu, surtout venant de quelqu'un qui a dit ne pas aimer qu'on parle de ses propres textes, c'est pourquoi j'ai parlé du plaisir du second degré.....mais tu sais bien aussi les vérités "sérieuses" qui se glissent toujours dans l'art de la plaisanterie.
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Message  jfmoods Dim 30 Mar 2014 - 9:28

Je reviens un instant sur ton exercice de style, Cerval. Tu parodies ici, avec un certain bonheur, quelques traits que l'on reproche généralement au mauvais essayiste pour s'attirer un type particulier de lectorat...

- l'utilisation d'un discours un brin ampoulé ("intertextualité intra-auctoriale", "les difformités du Logos", "Annonciations", "l'ancien adventice", "l'Elysée de la chair redevenue possible")
- un penchant affirmé et même revendiqué pour le décalage par rapport à la norme, aux institutions établies ("empêche vraisemblablement que toute démarche de ce genre ne s'accomplît un jour dans notre monde intellectuel ou universitaire.")
- un goût prononcé pour l'affirmation iconoclaste, qui détone ("... tout le monde ne peut le comprendre n'ayant tout le monde un coeur.")
- le propos qui tourne à vide ("Le possible ici est une croyance justifiée, mais non vraie de n'être simplement pas incarnée.")
- l'utilisation enchantée du langage pour persuader le lecteur plutôt que pour le convaincre (chiasme : "le miroir dénoué enfin, enfin dénouée la raison du miroir", personnification et métaphore : "cette façon enfin de l'imagination de rendre les armes lorsqu'elle se retrouve devant l'action de n'y voir pas l'enfant de son geste...")
- une certaine confusion entretenue entre vie et écriture ("... un thème récurrent de mon imaginaire, et donc de ma vie.")

L'exercice étant ici de l'ordre de l'auto-analyse, il convient d'ajouter à cela les inévitables écueils de...

- la pseudo-objectivité du propos, destinée à endormir la méfiance du lecteur ("Un texte charmant... " / "celui-ci plutôt mauvais")
- la vanité ("l'Eidos de mon propre génie", "l'archéologie de moi-même")
- l'auto-congratulation au service de l'autojustification ("Je suis de la race des Volcans.")

Cette phrase...

"Je devais le conserver toute ma vie."

…, sous la plume d'un écrivain de 22 ans, prête immédiatement fait sourire.

Comment nommer une démarche si ré-vo-lu-tio-nnai-re dans l'histoire de la littérature ? L'épars comme raison d'être, le fragment comme raison d'écrire ? Oui, il faut te reconnaître un sens de l'auto-dérision particulièrement développé.
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Message  jfmoods Dim 30 Mar 2014 - 9:32

oups...

"... prête immédiatement à sourire."
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