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Papillon de nuit

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Message  Madeleine Adèle Lun 14 Avr 2014 - 10:40

Il est tard. Elle doit rentrer.
Elle va mourir seule.
Elle le sait. C’est une réalité à laquelle personne ne peut échapper.
Pourquoi s’attacher à aimer, désirer, souffrir pour finir seule dans un cercueil inconfortable au tissu bas de gamme.

Personne aux alentours, ou si peu, mélancolique, elle vagabonde d’un pas lourd qui demande qu’à se laisser porter par la douce brise de cette chaude journée d’Avril.
Elle met en scène sa vie, la regarde. Elle n’est qu’un pantin au milieu de tous ces spectateurs qui la scrutent, la déshabillent. Ils cherchent une émotion, une lueur d’espoir dans ses yeux tristes et délavés par les larmes.  Elle n’est qu’une poupée
dansante, articulée selon les désirs inassouvis des autres. Ces fameux, ces autres qui la hantent. Femme d’objet, femme à convoitise, femme gourmande, elle veut plaire.
Elle ère, le vague à l’âme, dans les rues étroites et sombres de son quartier qui lui est si familier. Trop de charme, trop de bistrots, trop de coins exigus, trop de souvenirs la poussent à lui trouver de nouveaux enchantements. Piétinée parfois par cette foule insensible, salie plus jeune par les démons de minuit, pervertie continuellement par ses magasins qui dégueulent de rue en rue et vous appellent à la débauche matérialiste, elle reste profondément attachée à ses racines parisiennes, son berceau natal.
Il fait sombre. L’heure tourne. A son grand désespoir le temps ne s’arrête pas.
Elle doit rentrer. Elle est attendue.
Elle se demande, perplexe, désenchantée, pourquoi lui ? Qu’a t’il dit ? Qu’a-t-il fait ?
Perdue dans un océan de doutes, elle ne comprend pas l’amour, ce sentiment si rare offert comme un don.

Elle doit accélérer le pas. La grande horloge de la gare Saint-Lazard affiche l’heure de fin. La permission est bientôt consommée.

Elle se résigne à prendre le métro et à abandonner ses rêvasseries aux étoiles. Elle s’engouffre alors dans cette énorme gueule ouverte avaleuse d’humains trop éreintés ou trop pressés pour marcher.
Mais, brutalement, elle s’arrête, ses jambes vacillent, la lâchent et lui imposent de se poser. Le corps cotonneux, le cœur douloureux, l’âme en manque d’affection sincère, elle s’avachit lamentablement dans un soupir de soulagement. Alors, son regard noisette, aux traits de maquillage fuyants et dégoulinants par la chaleur de cette fin du jour, dévisage toutes ces personnes qui l’entourent qu’elles soient individualistes ou empathiques. Elle ressent comme l’envie de partager, avec tous ces oiseaux nocturnes fatigués et épuisés par la chaleur, ses inquiétudes et sa colère contre cet homme indécis et tellement irrésistible. Désemparée et lasse, elle se laisse choir sur les bancs souillés de la ligne 13. Quel triste voyage, se dit-elle.
Elle ne veut pas renter. Elle hésite à envoyer un message, juste un dernier souffle chaud et sensuel, un dernier au revoir. Elle s’y résigne consciente de la stupidité de sa pensée. Alors, sagement elle souffre en silence.
Dans son cocon sous terre, elle reste pour l’instant.
Dans le wagon qui va à vive allure, elle s’insinue tel un cafard affamé. Ce grand monsieur au crâne dégarni, il a le visage très marqué. Pourquoi est-il si triste ? Peut-être s’est-il rendu compte ce matin, en se levant, qu’il ne lui restait plus que quelques jours à vivre ?
Cette jolie blonde d’à peine 30 ans au regard bleu azur, elle respire le bonheur. Pourquoi semble-t-elle si épanouie ? A-t-elle le droit d’étaler sa fraicheur en cette nuit ternie par l’odeur du métro.
Parfois, elle voudrait être une autre pour se voir.
Curieuse, démoniaque, elle scrute fixement chaque situation, tous ces signes de vie qui rendent le métro moins triste.
Des amants qui s’embrassent, langoureusement, passionnément, avant de s’abandonner à leur famille respective. Trop sexuellement attirés pour être fidèles.
Un couple qui se parle de tout et de rien. Trop banal.
Des enfants qui pleurent, réclament de s’assoir. Exténués déjà par vie alors qu’ils n’ont  encore rien vécu.

Les trains passent, défilent. Elle est hors du temps. Transparente. Elle aimerait s’évader loin de cette existence trop épuisante et se laisser bercer par la lune accrochée à ce paradis originel.
Le téléphone vibre, la ramène à la réalité de l’instant.
« Tu es où ?
-J’arrive. Je sors du métro. J’ai fini tard »

Son mari s’inquiète. C’est devenu un peu trop dans ses habitudes de rester plus longtemps le soir, au travail, terminer des dossiers. Il cherche à la faire rentrer plus tôt, lui rappelle sans cesse son besoin de l’avoir à la maison, pour l’aider, lui aussi, à s’occuper des enfants.
Mais où était-elle ? Pourquoi avoir flâné dans les ruelles noircies par la profondeur de l’obscurité légèrement agrémentée de pointes de lumière réfléchies par les astres solaires déclinant vers le sommeil ?
« Tu m’appartiens.
-Je suis à toi »

Elle a appris sans même le savoir à vivre pour lui à en oublier qui elle est parfois.

Elle ne finissait pas des dossiers complexes urgents et importants. Elle ne répondait pas une prérogative de son patron.
Il est charmant, séduisant aux yeux espiègles  qui invitent à l’infidélité ou plus exactement à la fidélité de ses propres désirs cachés, inavoués. Ils se connaissent depuis quelques mois. Personne ne le sait. Ils vivent une histoire secrète pour se préserver de la tempête. Elle taira son nom par peur des représailles. Dans ses propres pensées, elle hésite elle-même vis-à-vis de ses propres fantasmes à lui donner son prénom de crainte de penser à voix haute et de mettre à nu ce jardin intime.
Elle est perdue, perd pied, ne se reconnait plus. Assommée, tout résonne, bourdonne, elle est piquée au vif par l’abeille machiavélique de l’envie de tromper.
Elle est en couple depuis 9 ans.

Madeleine Adèle

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Message  jfmoods Mar 15 Avr 2014 - 19:58

Quelques virgules supplémentaires seraient utiles à certains endroits...

"… d'un pas lourd qui ne demande qu'à se laisser porter..."
"Elle erre..."
" … la gare Saint-Lazare..."
"Elle ne veut pas rentrer."
"A-t-elle le droit d’étaler sa fraîcheur en cette nuit ternie par l’odeur du métro ?"
"… réclament de s'asseoir."
"J'ai fini tard."
"Je suis à toi."
"… ne se reconnaît plus."

Sous l'égide de la métonymie ("… un pas lourd qui ne demande qu'à se laisser porter...") s'ébauche l'urgence d'une déambulation dans un lieu étayant. La mise en perspective d'une vie personnelle perçue comme cloisonnée, pour ainsi dire jouée d'avance (gradation : "... aimer, désirer, souffrir...") et d'une image de soi modelée par le regard des autres, les attentes d'une société d'abondance (autres  gradations : "… la scrutent, la déshabille.", "Femme d'objet, femme à convoitise, femme gourmande") dessine les contours d'une identité friable. Entre volonté ("… elle veut plaire...", "… elle voudrait être une autre...", "Elle ne veut pas rentrer", "Elle aimerait s'évader...") et devoir ("Elle doit rentrer." x 2, "Elle se résigne...", "Elle s'y résigne... "), la vie nous échappe, prise en tenaille entre la mécanique devenue aveugle des exigences amoureuses du partenaire, des nécessités du foyer et les trouées subreptices d'un bonheur volé, déroutant (gradation : "Elle est perdue, perd pied, ne se reconnaît plus."), paré de tous les attraits de la nouveauté (antithèse "… cet homme indécis et tellement irrésistible.", métaphore : " … l'abeille machiavélique de l'envie de tromper."). Point de jonction entre ces deux rives de l'existence, le métro présente l'aspect d'un monstre (animalisation : "… cette énorme gueule ouverte avaleuse d'humains...") assurant toutefois une protection provisoire, une zone d'étanchéité relative ("Dans son cocon sous terre...") avant la plongée en apnée domestique.

Merci pour ce partage !
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Papillon de nuit Empty Re: Papillon de nuit

Message  Madeleine Adèle Mer 16 Avr 2014 - 12:46

Bonjour,
Tout d'abord un grand merci pour avoir pris le temps de lire mon texte.
Je suis animée depuis toute petite par une envie folle d'écrire. Déjà plus jeune j'ai eu l'occasion d'écrire des poèmes dont certains m'inspirent encore.
Cette femme est en effet tiraillée entre le devoir et le vouloir (tout en gardant en tête l'impossibilité de pouvoir).
Trop attachée à l'avis et au regard des autres, elle ne se voit plus comme un être à part entière mais comme un objet, statut dans lequel elle s'enferme encore aujourd'hui, elle doit d'une certaine manière consciente ou inconsciente s'y complaire (par lâcheté ?)
Le métro peut en effet être vu comme un animal à la grande gueule ouverte mais aussi comme un endroit rassurant tel le ventre de la mère.

Au vue de vos remarques, je me laisse à penser que je peux continuer à persévérer dans cette voie de l'écriture.

Je n'hésiterai pas à poster de nouveaux textes d'autant plus si le retour que vous m'en faîtes est aussi bien explicité.

NB : j'ai corrigé les fautes que je n'avais même pas vu tellement je me suis approprié le texte.

Bonne fin de journée.

Madeleine Adèle

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Message  Sahkti Jeu 24 Avr 2014 - 15:28

Je me sens partagée en lisant ce texte. Sans doute le foisonnement d'adjectifs, de détails ou de précisions pas tout le temps utiles, contribue à me donner l'impression d'une noyade. En même temps, c'est sans doute ce que ressent par moment la protagoniste qui perd pied, cherche et se cherche sans forcément se trouver. Mais je me demande - simple avis perso, bien sûr - si le texte n'y gagnerait pas en s'allégeant quelque peu, en laissant au placard des détails qui empêchent l'imaginaire d'entrer pleinement en action. Un peu plus de sobriété pour davantage mettre en valeur cette histoire et ce personnage. Que l'on sente mieux les creux, les vides et les silences, qui sont ici envahis par les mots.
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Message  Ba Dim 18 Mai 2014 - 7:33

On ressent ces émotions de vide, d'ennui, sans doute que sommeillent plein de Bovary dans nos tiroirs ?
Même si le thème n'est pas nouveau il nous rappelle que nous ne sommes que planches à faux-billets de vie...
Surtout ne lâchez rien de votre passion d'écriture ;-)
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