ANONYME : Plus jamais (Nuance)

[Anonyme]

Plus jamais

C’est fini. Jamais plus elle n’aurait mal, il lui avait promis d’un regard. Ce regard était celui qu’elle avait attendu depuis sa naissance, ces yeux étaient ceux qui la sauvaient dans ses rêves. Il avait pris sa tête dans ses mains, et avait déposé un baiser là, au coin de ses yeux de femme torturée. C’était comme si cet homme avait effacé les tourmentes par sa douceur, par son amour. Pour la première fois, elle n’avait pas eu peur d’un homme, elle n’avait pas pensé une seconde qu’il lui ferait du mal. Elle, elle avait été souillée par les hommes, violée par leurs regards, violée par leurs gestes, violée par leurs désirs. Elle avait été déçue par les autres femmes. Etait-elle, elle, une vraie femme ? Les autres passaient à côté d’elle sans se douter de l’infâme supplice, les autres l’entendaient mais ne l’écoutaient pas, elles avaient peur, peur qu’écouter cette femme suffirait à les violer à leur tour. Haïssait-elle les femmes plus que les hommes ? Serait-il juste de n’aimer que les autres femmes souillées ? Peut-être que cet homme était une femme, puisqu’il comprenait mieux qu’elles…
Il avait apporté l’écoute, le calme, la sérénité, la compréhension, l’amour, la joie, la liberté… Il était comme un air de musique qui reste dans la tête où que l’on aille, dans un magasin, un café, une chambre, une bibliothèque… Il était l’air de musique qui surplombait tous les autres. Le seul moment où il ne pouvait être était celui du sommeil. Le sommeil… Elle le redoutait, l’appréhendait, le fuyait. Ce sommeil que l’on dit réparateur était pour elle son tortionnaire, son bourreau. Il était le film qui vous montre les instants les plus douloureux de votre vie, mais devant lequel vous êtes impuissant, seulement bon à vous laisser torturer… Que montrait son film à elle ? Des poursuites, des emprisonnements, la drogue, le viol, la mort. Et puis elle se réveille, haletante, en détresse, elle cherche l’air de musique mais il a cessé de danser, elle est seule. Seule face à sa mémoire. Cette mémoire qui l’a rendue malade, qui l’a trompée à une époque. En quoi peut-elle avoir confiance ? Sa mémoire lui a créé une vie, a dicté ses pensées, dicté sa vie, elle a saboté son avenir… Cette femme a cru avoir une vie pendant de longues années, sa mémoire lui a fait oublier la réalité pendant toutes ces années… Des spécialistes parleront de schizophrénie…qu’ils parlent, ils ne savent rien d’elle, pas plus qu’elle. La seule chose dont elle soit sûre, c’est que pour elle, elle n’est qu’une anonyme. Une anonyme qui en veut à son autre de lui avoir volé sa vie, de l’avoir paralysée à ne plus savoir qui elle est.
Ces nuits où les sueurs froides et les spasmes brûlants sont sa seule compagnie, cette fille se lève, s’appuie où elle le peut de ses mains tremblantes, dépose un peu de sa détresse à chacun de ses touchers, titube avec espoir afin d’atteindre un autre espace. Ses pas désorientés la mènent dans la salle de bain froide, immobile. Tout son bonheur semble être là, dans cette immobilité, le calme après les tourmentes d’un esprit violenté. Puis ses yeux cherchent son reflet dans le miroir, et la glace lui demande : « Qui es-tu ? ».
Elle n’obtint comme seule réponse qu’un regard vide et anéanti, comme si cette seule question avait apporté toutes les réponses d’une vie. Cette question là ne pouvait avoir de réponse, alors qu’on lui en donne des dizaines…
Certains pensent que dans une vie on doit trouver qui l’on est, d’autres que l’on doit décider qui l’on est.
Cette femme n’avait pas décidé qui elle était. Sa vie l’avait trouvée, la Vie l’avait façonnée. Elle avait décidé que la petite fille serait tuée avant l’heure, car malheureusement il y a une heure. Cependant à présent, la jeune femme bénéficiait d’une protection, une protection rare dont beaucoup croyaient disposer : elle n’était pas seule tout le temps, et un jour, elle ne le serait plus jamais. Un jour seulement, car il faut attendre le temps, ne pas lui courir après ou il s’enfuie, se cache, se joue de nous. Dès lors que ce jour adviendra, la jeune femme ne pourra plus être tuée, car son existence sera intemporelle, comme libérée dans une sphère parfumée, envoûtante, cachée, introuvable… Les Hommes ne pourront plus l’atteindre, plus lui porter des coups plus profonds les uns que les autres.
Aura-t-elle trompé la vie ? Cela signifie donc que la vie ne peut qu’être mauvaise, ou maligne au point de nous faire voir une illusion comme la plus pure des libertés et des réalités sincères ? Que croyait cette femme… elle enferme sûrement en elle ses rêves, ses désirs, ses espoirs, ses envies de changement, comme une petite fille préserve son plus beau bijou dans son plus tendre écrin… Ainsi cette femme ne pouvait se laisser berner par l’illusion, car ses plus bijoux étaient accompagnés de toutes ses guenilles, héritées d’un passé qui s’était acharné.
Regardez cette femme. Certains d’entre vous ne la voient pas, ou ne le veulent pas, car elle est différente, elle fait peur avec son regard malade, presque éteint. Son souffle doit être le dernier tellement elle paraît faible, ce n’est plus la peine de la sauver, elle va bientôt mourir... Triste époque, la différence est une maladie, et il faut fuir les malades ou ils nous contaminent.
Les autres d’entre vous voient cette femme, ils ont remarqué son regard d’ailleurs, ses gestes d’une autre époque et ses lèvres lourdes de vie à délester… Vous vous approchez, mettez un bras autour de ses frêles épaules et vous l’emmenez dans votre monde, celui de tous. Votre vie a besoin de nouveauté, et cette créature est pleine de sensualité dans sa détresse… Vulgaire dompteur que vous croyez être, vous la haïrez cette magnifique créature lorsqu’elle vous aura mordu avec toute l’amertume possible à contenir face à des gens comme vous.

[Numériplume]

ouf! un récit fort, qui vous prend aux tripes. C'est la première fois qu'un texte me procure une telle émotion sur le site.
Bravo et merci l'auteur(e).

[Kash Prex]

Une belle force descriptive, des adjectifs audacieux et percutants, et du coup un excellent texte sur le plan psychologique. Par contre, quelques formulations un petit peu lourdes, et une faute notable sur la conjugaison :

elles avaient peur, peur qu’écouter cette femme suffirait à les violer à leur tour.

Si je ne m'abuse, ce serait plutôt "suffît". Un subjonctif présent passerait encore, mais pas un conditionnel...
Voilà donc très bon sur le fond, perfectible sur la forme =)

[Charles]

pas accroché du tout. suis pas client de ce genre de textes ou on effleure une histoire sans vraiment la raconter, ou on se contente de généralités un peu vagues pour affirmer quelques lieux communs discutables ... Bref, pas pour moi... Suis sévère ce matin ;-)

pas d'idée sur l'auteur. (à part que ce doit plutôt être une auteur)

[Yali]

Que dire : beaucoup de lieux communs : ô faibles femmes face à ces loups que sont les hommes, tous des salauds… Tous machos…
Bref, un texte trop en surface pour moi.
Pour l'auteur je pense comme Charles : je subodore que c'est une auteure, j'ajouterais qu'elle doit être jeune.

[Sahkti]

Il y a des mots qui me sautent de suite à l'oreille, surtout lorsqu'ils sont répétés; c'est le cas de viol et je le retrouve six fois dans ce texte, à travers viol, violence et violée. C'est un peu trop à mon goût.
Ensuite je trouve ce texte beaucoup trop long, mais c'est une question de goût ça, évidemment. Cette longueur m'empêche de me glisser dans la peau du personnage, de ressentir une quelconque empathie, j'ai l'impression que tout cela n'est qu'effleuré alors que ça aborde pourtant des idées fortes et des émotions brutes. Justement noyées dans la masse, dans le flot des mot qui s'étend et détaille. A tort pour moi.

[ninananere]

J'y trouve de la hargne, de la violence. On me balanxce ces mots en pleine figure ; ça m'agggresse. Du coup je m'éloigne et ne fais que survoler, sans rentrer dans le texte. Une accumulation de phrases, de mots, pour expliquer un état d'âme, un mal d'être ; ce qui fait que je ne me sens pas concernée par ce que je lis et que je trouve ça trop long.
Tant pis...

[Invité]

Féminisme post-traumatique. je ne peux pas adhérer non plus.
Dommage, car l'écriture est studieuse, désireuse, mais sert une violence qui est presque l'égale de ses forces motrices. Une bonne leçon pour moi en tout cas.

[Zou]

Suis sortie du texte après quelques phrases en raison d'abord de tournures maladroites et ensuite parce que j'avais l'impression que l'auteur tournait en rond à la surface des choses avec un prétendu "pathos" anesthésiant à force, sans investir son personnage ni son récit.
Désolée.

[Krystelle]

La répétition de "cette femme" m'a génée. Ça peut sembler être un détail mais ça n'en est pas un dans la mesure où tu voudrais nous faire partager un peu de ce qu'elle est et en même temps tu instaures une distance entre elle et nous.
"Cette femme" reste une étrangère, dont quelques bribes de vie sont lâchés, expliqués sans que le lecteur se sente impliqué, concerné voir intéressé par son histoire...
C'est dommage parce que l'écriture est plutôt fluide et le thème assez osé.

[Lifewithwords]

Moi j'ai apprécié l'idée mais pas la forme. Je n'aime pas ces textes où au final on ne raconte pas grand chose. Les idées, les pensées, c'est bien. Mais des choses concrêtes ça parle souvent mieux je pense. Là c'est un peu trop "vérité générale" etc...

Au niveau du style d'écriture je trouve qu'il arrive à produire ce que tu voulais je pense : de la force avec une pointe de dégoût.

[mentor]

il me semble qu'une narration en JE aurait eu plus d'effet, aurait permis au lecteur que je suis de plus "compatir", adhérer au propos, pas à tout, mais en gros.
me manque quelque chose pour dire que c'est réussi
en tout cas il y a de la force
et c'est très bien écrit

[Lyra will]

Je n'ai pas accroché du tout, c'est bourré de clichés, de vérités générales, et je me suis ennuyée à la lecture... oui, passée à côté

[Loupbleu]

A mon avis, pas tant de lieux communs que de concepts généraux, personellement, je n'ai pas compris ui était cette femme, ce qui s'était passé.

Il y a des qualités dans l'écriture, de la force dans l'intention : autant de qualité.

Je ne suis pas partisan de la manière qui je trouve n'emmène pas le lecteur que je suis.

[Gobu]

Un long lamento funèbre et quelque peu morbide, qui éveille en moi une sensation de malaise. Si c'est l'effet recherché, alors on ne peut que saluer la réussite. L'intervention d'un "prince charmant" (homme ou femme peu importe) à la présence apaisante amoindrit la cruauté du propos et fait basculer dans la mièvrerie un texte qui aurait gagné à rester d'une sombre dureté de diamant noir. Enfin c'est mon point de vue, naturellement...

[bertrand-môgendre]

je n'ai pas vu cette femme.

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