ANONYME : Au manège des semi-remorqués ailés (Yali)

[Anonyme]

Au manège des semi-remorqués ailés

« C’est fini ! »
Tout ce dont je me souviens, c’est d’avoir eu mal. Que ça faisait mal. Ç’aurait pu être une balle, un coup de pioche, de pelle, de poing, n’importe, mais c’était pas le cas, non, c’était pas ça, c’était juste comme déjà dit, un simple « C’est fini ! ».
Tout ce dont je me souviens, c’est m’être dit, « C’est pas de jeu, moi, j’ai jamais boxé, jamais foutu les pieds sur un ring, pas davantage porté de gants ni rien d’approchant, sans parler qu’à voir comme elle empesait chaque mots, à entendre comme elle en séparait chaque syllabes pour me les assener, je sentais bien qu’on jouait pas dans la même catégorie.
Je frisais le poids plume, elle le poids lourd.
J’ai cherché le pompon des yeux un moment. Je vous l’ai dit, en ring j’y connais rien, ce qui fait que j’espérais un manège, j’imaginais un carrousel tout plein d’icônes statuaires allant de bas en haut, de haut en bas et tournantes, de celles qui font rêver les gamins : des chevaux de bois, des coccinelles, des Maya l’abeille, et un pompon auquel m’accrocher, tandis qu’elle gueulait que j’étais rien, personne :
— T’entends t’es personne ! Personne !
J’ai grimpé sur l’une d’elles, un Pégase bleuté pour m’en aller.
Tout ce dont je me souviens, c’est qu’aux trousses j’avais un semi-remorque de plastoc rouge, avec un klaxon qui gueulait « T’es personne ! », « T’es personne ! », le répétait à l’infini.
Je me souviens aussi du dernier coup de klaxon, du dernier « T’es personne ! Rien ! C’est fini ! », et d’avoir répondu avant que Pégase ouvre ses ailes pour un ailleurs : « Pas si grave, un moment qu’on tourne en rond tous les deux. »
C’est tout ce dont je me souviens.
Ah non, je me souviens aussi que depuis, même sur la demande de cet ailleurs où Pégase me déposa le surlendemain, ou le lendemain d’après — et quel bel ailleurs — je n’ose répondre.
Cette ailleurs dit, questionne, encore lascive, nonchalante au creux du lit :
— Dis tu m’aimes gros comment ?
J’aimerais répondre que je l’aime gros comme un camion, l’un de ceux rutilant, roulant et chauffant ses pneus sur asphalte route 66.
Mais le passé.
— Comme un train qu’aurait pas besoin de rails pour s’en aller devant, pas besoin de ponts non plus pour traverser les océans, rien de tout ça et Pégase comme locomotive. Plutôt qu’aller au charbon des chaudières ; du vent dans les ailes mon amour. Je réponds.
Elle me prend pour un poète, sorte d’esthète.
La vérité, c’est que je suis pas rimeur pour un sou, pas d’avantage ferroviaire, que je déteste les camions, le passé, les manèges de l’enfance si elle me le demandait, pompon ou pas, et que j’aime pas prendre l’air sans elle.
La vérité, c’est juste que je suis bien entre ses roues.
Que j’aime pas prendre l’air sans aile.
J’avoue.

[Zou]

Un texte à lire et relire. Chaque fois des découvertes et comme moi j'aime bien les carrousels et le reste aussi et bien j'ai beaucoup beaucoup aimé ce texte très visuel. Il est de ces textes qu'on aurait aimé écrire ;-)

[Sahkti]

J’ai grimpé sur l’une d’elles
L'une d'elles quoi? Un élément du manège? Cette phrase n'est pas tout à fait claire, même si on comprend où il se trouve.

Sinon, j'ai aimé la torpeur qui se dégage mais il y a quelque chose qui fait que je ne suis pas plus conquise que ça. Sans doute l'impression d'avoir déjà lu cela, de voir des mots joliments assemblés oui mais... c'est tout, ça arrive, un sentiment de déjà vu qui ne me surprend plus, même si c'est beau, qu'il y a de chouettes tournures et une tonalité générale plaisante.

[mentor]

désabusé sans être désespéré et un humour léger qui perle d'un bout à l'autre, j'aime bien, même si c'est un peu "tarabiscoté"
Pour le titre (mouarf !) et le style, je dis que c'est un deuxième texte de Yali

[Gobu]

Tournez manège...roulez jeunesse...de l'angoisse de la rupture vécue comme une rechute en enfance. Quand tous les coups font mal, même les imaginaires. A relire en effet pour mieux en apprécier le charme diffus. Même quand on doit en descendre, le manège tourne encore.

[Invité]

Ne serait-ce pas un Jonjon ça? Improbable, car cette référence à Maya l'abeille... Surprenant. Vraiment agréable. Je le lirai une nouvelle fois demain.

[Krystelle]

J'aime la façon dont sont amenées puis posées les images. Ça donne à ce texte un charme particulier qui me plait, incontestablement.

Juste une question : "C’est pas de jeu" c'est une erreur de frappe où une expression que je ne connais pas ?

[Kash Prex]

Effectivement, à lire plusieurs fois... Un texte richissime !! Plusieurs manières de le lire, plusieurs niveaux on pourrait dire. Les images sont parfois enfantines, parfois romantiques, parfois humoristiques, et le tout est très agréable à lire. Seul petit reproche : à la première lecture il faut vraiment s'accrocher pour arriver à suivre, on peut se perdre.

[Lyra will]

J'ai bien aimé mais pas été totalement transportée. Y a un petit quelque chose qui me gène, je sais pas, c'est confus parfois, pour moi. Il y a pourtant plein de bonnes choses, des images, des jeux...

Je dirai Yali, même si manque un bar :0)

[Lifewithwords]

J'ai adoré cette image du manège, c'est vraiment bien fait. Très beau texte... J'aurais aimé que ça soit plus long et que ça aille encore plus loin ! Un texte que je relirai car il y a certainement beaucoup de choses que je n'ai pas vues..!

[claire]

Une lecture, beau texte mais j'avoue que je me lasse des histoires d'amour et du point de vue homme viril-narrateur (ou l'inverse) sur celle qu'il aime ou ce qu'il aime d'elle ou avec elle.

[Charles]

désabusé sans être désespéré et un humour léger qui perle d'un bout à l'autre, j'aime bien, même si c'est un peu "tarabiscoté"
Pour le titre (mouarf !) et le style, je dis que c'est un deuxième texte de Yali

J'ai bien aimé mais pas été totalement transportée. Y a un petit quelque chose qui me gène, je sais pas, c'est confus parfois, pour moi. Il y a pourtant plein de bonnes choses, des images, des jeux...

Je dirai Yali, même si manque un bar :0)

Un peu feignant ce matin, je me contente de reprendre les avis de Mentor et Lyra que je rejoins ;-)

[Numériplume]

Pour ne pas répéter ce qui a été dit, je pense la même chose que Faustine.
J’ai beaucoup aimé.

[bertrand-môgendre]

je me suis laissé porter par un semi-remorque.

[ninananere]

Un beau texte, oui, mais... Moi je suis restée à regarder tourner le manège... Je n'ai pas pu monter... Désolé.

[Loupbleu]

Ca part un peu dans tous les sens, et beaucoup vers l'enfance, moi ces références m'ont touchées. Et justement, sans faire le psy de bazar, il y a peut-être quelquechose à pousser dans cette direction (tout en restant aussi drôle bien sûr).

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