Jour de pluie
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Jour de pluie
Je collai mon nez sur le carreau mais mon père me repoussa du bras comme pour me protéger d’un mal invisible. Grand-mère tassée derrière la fenêtre était résignée face à l’indicible. Les yeux rivés vers les cieux, mes parents semblaient tout aussi impuissants. Dans le building d’en face, nous pouvions observer la même scène, derrière chaque baie vitrée des dizaines de familles imploraient le ciel en tendant leurs visages démunis. L’angoisse se décuplait à tous les étages de notre mégapole. Malgré le blindage des façades de la tour, nous pouvions entendre les sirènes sécuritaires de la ville. Les rues s’étaient vidées et l’on distinguait tout en bas, les fourmilières se bousculer pour rejoindre les abris.
Dans notre appartement, nous avions la chance d’être informés de la nature du danger grâce à notre centrale domotique. Elle indiquait une menace classée naturelle de type pluviométrique ainsi qu’un risque technologique qualifié de pluie acide.
J’avais une dizaine d’années et je ne connaissais pas cette alarme car je n’avais jamais vu de pluie. J’étais habitué aux alertes anti-terroristes qui nous interdisaient parfois de sortir. Pour une fois nous ne scrutions pas le ciel afin d’y détecter un drone téléguidé par des inconnus. Nous n’avions pas peur d’une bombe mais nous étions terrorisés par une goutte d’eau.
En effet la domotique indiquait que les dernières pluies dataient de l’an 2030 c’est-à-dire 22 années auparavant. Depuis, notre climat surchauffé asséchait notre ville aride. L’eau ne venait plus du ciel ni de la terre, son cycle naturel s’était peu à peu tari puis avait disparu. Nos besoins hydrauliques venaient de la mer que nous dessalions dans nos centrales industrielles, c’était couteux mais efficace pour ceux qui avaient les moyens d’acheter cette eau précieuse.
Dans l’attente, je me souviens de mon empressement pour questionner grand-mère ainsi que mes parents au sujet du phénomène pluviométrique, eux qui avaient connu des jours d’ondées. J’étais curieux d’imaginer quelle sensation pouvait procurer un liquide tombé du ciel. Je me souviens avoir demandé :
« Avais-tu peur de la pluie aussi grand-mère quand tu avais mon âge ? »
« Bien sur que non, il n’y avait aucune crainte à avoir, tu n’imagines pas tout ce que nous faisions les jours de pluie. Les paysans irriguaient leurs cultures, à l’époque les plantes poussaient dans d’immenses champs de terre sous des climats humides. Il y avait encore peu de serres et encore moins de murs végétaux où les aliments poussent désormais dans une feutrine arrosée au goutte à goutte. Je me souviens que les paysans rouspétaient contre les piscines des touristes et contre les pelouses vertes des golfeurs qui consommaient beaucoup trop d’eau. Moi les jours de pluie je récupérais le liquide dans ma citerne afin d’arroser le jardin à la sécheresse. Il m’est même arrivé de ramasser les escargots pour les préparer au gros sel. »
« Oui mais tu oublis de dire que la pluie nous a inondé plus d’une fois » ajouta mon père. Les pluies sont devenues brutales et insolites tombant n’importe quand et n’importe où. Les gens disaient qu’il n’y avait plus de saison. »
« C’est vrai « intervint ma mère « Chez nous le crachin s’évaporait en bruine toute la journée. Mais les pluies pouvaient également gronder et faire déborder les nappes d’eau souterraines ou les fleuves en flots dévastateurs. On disait que les hommes avaient déréglé le climat »
«Et bien je suis bien content de ne pas avoir connu votre époque. Manger des plantes et des escargots nourris à la terre et à l’eau en attendant la prochaine inondation ! et bien merci, vous avez drôlement souffert »
« Non ce n’était pas si terrible. La pluie c’était une autre vie ou c’était peut-être toute la vie. Par exemple lorsque le soleil revenait avant même que la pluie n’ai disparu, le ciel s’irisait en autant de teintes que celles de tes crayons de couleurs. Cela formait des arcs courbes et dorées qui cerclaient la voute du ciel. On appelait cela un « arc en ciel ».
La pluie avait aussi ses odeurs, des arômes de terre ou de béton. Après une averse, les rues sales suintaient en relents de bitume lourd et de poussières acres. Mais après la pluie, les parcs urbains révélaient leurs effluves florales tandis que des jardins s’échappait l’enivrante odeur d’herbe coupée. Et lorsque la pluie tombait dans la mer, les vagues scintillaient en une houle argentée. On posait alors son regard sur le ciel, dans un parc ou sur l’horizon marin simplement pour rêver. »
Alors qu’en écoutant ma grand-mère, je m’étais moi aussi mis à rêver, l’alarme de la domotique me fit sursauter : nous n’avions plus que cinq minutes pour descendre aux abris enterrés sous notre ville.
Dans notre appartement, nous avions la chance d’être informés de la nature du danger grâce à notre centrale domotique. Elle indiquait une menace classée naturelle de type pluviométrique ainsi qu’un risque technologique qualifié de pluie acide.
J’avais une dizaine d’années et je ne connaissais pas cette alarme car je n’avais jamais vu de pluie. J’étais habitué aux alertes anti-terroristes qui nous interdisaient parfois de sortir. Pour une fois nous ne scrutions pas le ciel afin d’y détecter un drone téléguidé par des inconnus. Nous n’avions pas peur d’une bombe mais nous étions terrorisés par une goutte d’eau.
En effet la domotique indiquait que les dernières pluies dataient de l’an 2030 c’est-à-dire 22 années auparavant. Depuis, notre climat surchauffé asséchait notre ville aride. L’eau ne venait plus du ciel ni de la terre, son cycle naturel s’était peu à peu tari puis avait disparu. Nos besoins hydrauliques venaient de la mer que nous dessalions dans nos centrales industrielles, c’était couteux mais efficace pour ceux qui avaient les moyens d’acheter cette eau précieuse.
Dans l’attente, je me souviens de mon empressement pour questionner grand-mère ainsi que mes parents au sujet du phénomène pluviométrique, eux qui avaient connu des jours d’ondées. J’étais curieux d’imaginer quelle sensation pouvait procurer un liquide tombé du ciel. Je me souviens avoir demandé :
« Avais-tu peur de la pluie aussi grand-mère quand tu avais mon âge ? »
« Bien sur que non, il n’y avait aucune crainte à avoir, tu n’imagines pas tout ce que nous faisions les jours de pluie. Les paysans irriguaient leurs cultures, à l’époque les plantes poussaient dans d’immenses champs de terre sous des climats humides. Il y avait encore peu de serres et encore moins de murs végétaux où les aliments poussent désormais dans une feutrine arrosée au goutte à goutte. Je me souviens que les paysans rouspétaient contre les piscines des touristes et contre les pelouses vertes des golfeurs qui consommaient beaucoup trop d’eau. Moi les jours de pluie je récupérais le liquide dans ma citerne afin d’arroser le jardin à la sécheresse. Il m’est même arrivé de ramasser les escargots pour les préparer au gros sel. »
« Oui mais tu oublis de dire que la pluie nous a inondé plus d’une fois » ajouta mon père. Les pluies sont devenues brutales et insolites tombant n’importe quand et n’importe où. Les gens disaient qu’il n’y avait plus de saison. »
« C’est vrai « intervint ma mère « Chez nous le crachin s’évaporait en bruine toute la journée. Mais les pluies pouvaient également gronder et faire déborder les nappes d’eau souterraines ou les fleuves en flots dévastateurs. On disait que les hommes avaient déréglé le climat »
«Et bien je suis bien content de ne pas avoir connu votre époque. Manger des plantes et des escargots nourris à la terre et à l’eau en attendant la prochaine inondation ! et bien merci, vous avez drôlement souffert »
« Non ce n’était pas si terrible. La pluie c’était une autre vie ou c’était peut-être toute la vie. Par exemple lorsque le soleil revenait avant même que la pluie n’ai disparu, le ciel s’irisait en autant de teintes que celles de tes crayons de couleurs. Cela formait des arcs courbes et dorées qui cerclaient la voute du ciel. On appelait cela un « arc en ciel ».
La pluie avait aussi ses odeurs, des arômes de terre ou de béton. Après une averse, les rues sales suintaient en relents de bitume lourd et de poussières acres. Mais après la pluie, les parcs urbains révélaient leurs effluves florales tandis que des jardins s’échappait l’enivrante odeur d’herbe coupée. Et lorsque la pluie tombait dans la mer, les vagues scintillaient en une houle argentée. On posait alors son regard sur le ciel, dans un parc ou sur l’horizon marin simplement pour rêver. »
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Invité- Invité
Re: Jour de pluie
Lire et commenter les autres, c'est bien aussi, cilou :-)
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Le fonctionnement du site : ce forum n’est pas une vitrine, mais un atelier d’écriture, il s’agit donc de ne pas seulement poster ses textes, mais de participer un minimum, c’est-à-dire en fonction de votre temps disponible — bien sûr — : de participer aux appels à textes et aux exercices « en direct » ; de commenter les autres textes et de le faire de manière constructive et pertinente, parce que lorsque la critique est argumentée et n’est ni lapidaire, ni expéditive ni démesurément dithyrambique, elle devient l'instrument d'un espace d'écriture où chacun peut progresser.
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Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Jour de pluie
Sinon, voilà une nouvelle très bien accordée à la météo actuelle ;-)
Ba- Nombre de messages : 4855
Age : 71
Localisation : Promenade bleue, blanc, rouge
Date d'inscription : 08/02/2009
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