ANONYME:Les anges du purgatoire n'en ont rien à cirer(Loup)

[Anonyme]

Les anges du purgatoire n'en ont rien à cirer

"C FINI !!!!"
Depuis deux heures, un homme en pyjama bleu passait la cireuse dans le hall de la salle d'embarquement de l'aéroport. Mon vol avait x heures de retard. Je ne savais plus depuis combien de temps j'étais là, ni quelle heure il était, ni très bien qui j'étais, sauf que je mourrais de sommeil. J'avais toujours rêvé de pouvoir voler et je passais mon temps à attendre des avions. A bout d'efforts pour de ne pas m'assoupir pour la troisième fois, je tendais l'oreille à chaque annonce, au cas où. Les hauts-parleurs grésillaient tellement qu'on arrivait même pas à comprendre l'horaire des vols, les numéros des guichets de départ, le nom des passagers en retard qu'ils appelaient, Smith ou Schmitt ou Dupont, qu'est-ce que j'en savais, moi ?


"C FINI !!!!"
La sonnerie du téléphone m'avait fait sursauter. J'avais regardé tout autour de moi, en tentant de donner un air d'incrédulité à ma panique. Sous le hall immense, il n'y avait que des hommes d'affaires devant leur écran d'ordinateur, des gosses devant leur gamebox, un couple les yeux dans les yeux et mon voisin astigmate devant le Herald Tribune qu'il tenait à bout de bras. Il y avait bien aussi une fille très maquillée et plutôt jolie qui jouait avec son téléphone. Une inconnue complète, alors il n'y avait pas de raison... Et plus loin : un autre homme en pyjama bleu.


"C FINI !!!!"
Bon sang, qu'est-ce qui pouvait bien être fini ? Et puis qui m'envoyait ce message à la fin ? Je me suis levé, j'ai inspecté tout autour de moi. Le haut-parleur a fait une annonce que je n'ai pas comprise. C'est vrai que c'était idiot d'imaginer que l'auteur du message était forcément ici, je m'en suis rendu compte ; je devais crouler de sommeil pour en arriver à penser ça. A ce moment, par inattention, je me suis heurté au mec en pyjama bleu. Il a grogné un peu, s'est retourné, mais c'était l'occasion inespérée, parce qu'il fallait que je lui demande des explications à la fin ! J'allais l'attraper par l'épaule quand mon téléphone a reçu un second message :


"T + PERSON POUR MOI !!!!"
Le hall résonnait, ma tête s'est mise à tourner. Et j'ai laissé filer le cireur. C'était dommage, parce que je ne comprenais pas ce manège ! Toutes les demi-heures, les cireurs permutaient, un autre qui portait la même tunique bleue reprenait la machine sans échanger un mot. Du coup, le suivant cirait exactement la même partie du hall que le précédent. Il faut dire que comme des passagers étaient passés sur la partie cirée, on ne pouvait pas réellement faire la distinction entre le modérément sale et le passablement crade.


"C FINI, T + PERSON POUR MOI !!!!"
Ca m'avait vraiment foutu la pétoche. Je n'ai envisagé que deux hypothèses crédibles :
La première, c'était un tueur à gage. Ce mec me prévenait qu'il allait me descendre. Personne ne m'en voulait vraiment, mais ça pouvait très bien être quelqu'un qui m'en voulait juste un peu et qui avait donc engagé un tueur au rabais, un novice, du genre à vous prévenir par SMS qu'il va vous abattre, le genre d'erreur qu'on peut commettre quand on n'est pas un homme de l'art...

La seconde hypothèse, c'est que Dieu lui-même venait de m'annoncer ma mort par SMS, survenue à mon insu au cours d'une sieste. Il m'avait envoyé dans ce purgatoire, dans l'attente d'un avion qui ne viendrait pas, sous le contrôle d'anges sapés en lycra qui dessinaient virtuellement la ligne imaginaire séparant le bien du mal en aspirant sans fin nos pêchés indélébiles. Histoire de me dire que de moi, il n'en avait plus rien à cirer. Et avant que la situation déjà kafkaïenne ne devienne carrément dantesque, il y eut - heureusement - un troisième message qui disait :


"JE C KE TU EN BESE UNE OTR SPES DE SALPOR !!!!"
Lentement, mais avec assurance, le mystère s'est élucidé : il ne s'agissait pas de mon portable mais de celui de mon voisin au Herald Tribune. Je suis retourné à ma place, en empruntant ostensiblement la demi-partie nettoyée du Hall. Il fallait le rendre, ce portable, s'excuser, feindre d'ignorer tout de ces messages intimes en donnant un air d'innocence à ma gêne. A sa place il n'y avait plus que le Herald Tribune. Eviter une affreuse scène de ménage c'était peut-être la bonne action qui allait me faire un premier pas vers le paradis : J'allais le rapporter à l'accueil, ce téléphone. Ils feraient une annonce au haut-parleur. Mais auparavant, il fallait quand même que je sache le nom de son propriétaire. Sans hésiter, j'ai appelé le dernier numéro en mémoire.

- Excusez-moi, ça va vous paraître bizarre, mais j'aimerais que vous me disiez qui je suis.

Et là, la fille au bout de la ligne m'a répondu :

- T'es qu'un connard sans nom !

[Zou]

Des disgressions parfois intéressantes comme lorsqu'il est question de l'expéditeur du sms (tueur ou Dieu). Le texte est aussi parfois amusant en tout cas, j'ai lu sans m'arrêter.Le découpage n'est apparu un peu "lourd", sans grande nécessité et la chute aurait pu être plus déjantée et m'a laissé un peu sur ma faim.

[Krystelle]

Un personnage dont l'univers et les délires me plaisent. L'humour et la poèsie sont distillés avec parcimonie.
Juste un bémol sur la découverte finale. Tu écris: "Lentement, mais avec assurance, le mystère s'est élucidé" . Mais pour le lecteur, il est élucidé d'une façon rapide, abrupte qui contraste avec la phrase citée et le rythme du texte.
Bref, la chute me semble un peu expédiée, mais pour le reste, ça me plait beaucoup.

Le titre et la référence kafkaïenne me laissent peu de doutes sur l'identité de l'auteur :-)

[Sahkti]

Je trouve un peu incongru et simplet le coup du portable appartenant au mec du Herald Tribune, ça sonne faux au milieu de ce texte surréaliste que j'aime beaucoup, à part ce bémol.
Il y a de l'humour et une fluidité dans l'écriture, avec pas mal de rythme et puis une chute attendue qui ramasse cependant bien le tout. Et puis j'aime bien ces petits moments d'observation dans les aéroports :-)

[Yali]

Un texte qui se lit agréablement. J'aime aussi ces moments d'observation simples, retranscits avec dérision. J'ai rien contre la chute, elle n'en est pas vraiment une, juste un constat.

Pour le retard de postage, je dirais Loup :-)

[mentor]

J'aime beaucoup. Cette petite (més)aventure m'a tiré plein de sourires jusqu'à la "chute" que je n'attendais pas
C'est pour l'humour et le style que moi je dis aussi Loupbleu ;-)

[desaparecer]

L'idée de Dieu envoyant un sms pour te prévenir que tu vas mourir est simplement géniale...

[Invité]

Plaisant et déjanté. Inspiré. J'en aurai bien lu plusieurs autres. :-)

sauf que je mourrais de sommeil

C'est parfaitement horrible ce bout de Phrase, M'étonne que cela soit Loup.

[Kash Prex]

C'est pas que j'aime pas les textes tordus mais... Je sais pas, là c'est tordu dans un sens qui ne me parle pas. Pourquoi ce mec se retrouve-t-il avec un portable qui ne lui appartient pas, et comment parvient-il à ne pas s'en rendre compte avant ? Après, les hypothèses sur le tueur et sur Dieu font sourire oui, mais personnellement j'ai tout de suite compris que ces messages étaient ceux d'une rupture amoureuse, donc l'effet n'a pas trop pris. J'ai souri sur le "pyjama". Globalement, je reconnais que c'est bien écrit mais je reste assez perplexe.

[Lyra will]

Pour la situation Kafkaïenne je dirais Loup

Bonne idée le coup du sms, et j'adore le paragraphe sur l'hypothèse de Dieu, je le trouve intélligent, il reprend bien les différents points du textes.
La chute me laisse un peu sur ma faim aussi, je trouve qu'un truc ne colle pas...

Une lecture agréable !

[Lifewithwords]

J'adore aussi le paragraphe des hypothèses (tueur ou dieu), on sourit. Ou quand il imagine que c'est le mec en bleu^^

Le connard sans nom était bien trouvé mais vu la qualité du texte il aurait fallu trouver encore mieux^^!

[claire]

Une écriture qui se lit bien, "aisée", avec des effets, des trucs drôles, des redondances cependant sur la fatigue, des termes que je ne trouve pas très bien choisis comme "mec (en pyjama bleu)"; je sens plus un texte écrit pour écrire qu'une histoire.

[Charles]

Bien aimé dans l'ensemble même si me semble que ç'aurait pu être plus solide, plus "parfait" ;-)

Le coup du portable, oui, on se dit "tiens, vraiment pas de bol que l'autre ait le même que lui ...", et puis peut être que le côté surréaliste (le pijama bleu, les cireurs ...) apparait trop vite, d'emblée...

Je dirais aussi LoupBleu !

[Numériplume]

Excellent, je me croyais sur un « vol au-dessus d'un nid de coucou ». Tout est bizarre et drôle à la fois. Je note la très bonne mise en page. Pour faire le malin je dirais Loupbleu pour le coup du pyjama bleu.

[bertrand-môgendre]

dans l'esprit des rencontres improbables misent en situation au milieu d'inconnus, donne à l'action cette touchegenre grand nettoyage à sec de cervaux vides. Bien construit, jusqu'à la fin non convaincante.

[ninananere]

Une écriture fluide, et ce mélange texto est pas mal. Les interrogations aussi m'ont bien plu, ainsi que les cireurs. Du coup la fin me laisse sur ma faim, c'est un peu simple et facile... On s'attend pour le coup à quelque chose de plus recherché.

[Loupbleu]

C'est plutôt sympathique et rigolo, de bon moments.

Je trouve que dans un sens, le texte n'accompagne pas le lecteur. Je trouve que les éléments narratifs déclencheurs sont mal positionnés : l'échange involontaire de portable, le moment où le narrateur fait une parano (la fatigue ?), la retombée prosaïque (noté par Krys).

Le fait d'écrire au passé est un peu troublant : on ne sait pas "à quel moment" le récit est reconstruit par le narrateur (et en l'occurrence, s'il y croit encore, et de ce fait, utiliser le passé incite à penser que non, mais on perd une part de l'atmosphère "fantastique créée".

[Gobu]

J'aime assez les ambiances d'aéroport, lieu de partance, de transit ou d'arrivée, dans lequel se croisent d'improbables destinées réunies un bref moment. L'écriture pointilliste et les digression quelque peu déjantées rendent bien le côté légèrement irréel de la chose.

L'idée de baser l'intrigue sur des SMS destinés à un autre, bien qu'un peu usée, n'est pas mauvaise en soi, et renvoie à ces romans épistolaires dans lesquels les protagonistes s'échangent des courriers qui ne les concernent pas nécessairement. C'est le coup du message trouvé dans la bouteille à la mer : qui l'a écrit ? Pour qui ? Et que dois-je en faire ?

Cependant la confusion de portable avec celui du voisin me paraît aussi un peu tirée par les cheveux (en général, les gens se cramponnent à leur GSM pire qu'à leur bagnole et il y a peu de chances qu'ils le laissent traîner, surtout un lecteur du H.T. pour qui cet outil de communication est un peu le cordon ombilical le reliant au monde trépidant des affaires) Au fond, rien n'aurait empêché que ton personnage reçoive des messages sybillins sur son propre portable, ce qui aurait rendu la chose plus inquiétante...

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