De la jalousie et de ses funestes conséquences

[Gobu]

DE LA JALOUSIE ET DE SES FUNESTES CONSEQUENCES

1) Punition du jaloux

- Accroupis-toi vite et écoute-moi bien : je ne suis pas content de toi.

- Cela t’arrive souvent, maître. Quelle en est la raison cette fois-ci ?

- Ne réponds pas, impertinent ! Et ne fais pas l’hypocrite non plus, je t’ai vu.

- Vu quoi faire, Maître ?

- Embrasser Rosée du Matin à l’instant, alors que tu étais sorti à l’office chercher du bois pour le poêle.

- Je l’avoue, maître. J’ai embrassé Rosée du Matin.

- Et pourquoi ?

- Parce que sa bouche est plus veloutée que le pétale du lotus, qu’elle brille comme le lac noir sous le mercure de la Lune, que ses dents de porcelaine…

- Ah je te prie de ne pas te payer ma tête, hein ! As-tu couché avec elle ?

- Je le confesse aussi, Maître, j’ai couché avec elle. Elle est jeune je suis jeune, c’est la Nature.

- Quand cela ?

- Pas plus tard qu’hier soir, Maître, dans le cabanon, pendant que tu t’entraînais à l’impassibilité.

- Et pendant que moi je m’exerçais à l’impassibilité, toi tu forniquais comme un bouc dans le cabanon avec notre servante ?

- Oui Maître. T’ai-je déplu ?

- Oui, idiot, tu m’as déplu.

- Toi, Maître, serais-tu jaloux ?

- Eh bien oui je suis jaloux. Et fâché.

- Contre moi, Maître ?

- Non. Comme tu l’as dit c’est la Nature.

- Contre Rosée du Matin, alors ?

- Encore moins, crâne de serin ! Quels droits ai-je sur elle ?

- Contre qui es-tu fâché, alors, Maître ?

- Contre moi-même évidemment ! Le sage ne doit éprouver ni désir ni regret ni ressentiment. La jalousie entremêle diaboliquement les trois. J’ai donc bien mérité trente coups de bâton. Punis-moi.

- Je ne saurais, voyons. L’élève ne peut lever la main sur son Maître.

- Alors charge Rosée du Matin de le faire.

- Perds-tu la tête, Maître ? Elle n’osera jamais !

- Dans ce cas c’est décidé, je m’administrerai ces trente coups de bâton moi-même.

- C’est risible, Maître !

- Et alors ? On a bien le droit de rigoler, non ?


2) Fin de la jalousie

- Tu m’as fait peur Maître, hier.

- L’ombre de ton ombre te fait frémir. En quoi t’ai-je effrayé ?

- J’ai cru que tu étais vraiment jaloux, Maître.

- Tu as bien fait de le croire. Je l’étais.

- L’es-tu encore ?

- Non. La jalousie fait souffrir. Je me lasse très vite de la souffrance.

Gobu

[So-Back]

ce n'est pas une relation sado-maso, la jalousie laisse toujours entrevoir des tas de choses ,et l'imagination s'en donne à cœur joie

[Gyver]

joli joli, ça se lit tout seul et on attend la fin tout en questionnement !
La jalousie fait souffrir, et heureusement que l'on n'aime pas souffrir, mais elle accapare aussi, et certains ne s'en sortent pas... ( c'est un des pires sentiments pour moi...)

[Jano]

C'est plutôt amusant, original, mais ça laisse quand même un goût d'inachevé. Je trouve dommage que vous n'ayez pas poussé le filon plus loin en insistant sur les désirs inavoués du maître et son attirance pour Rosée du matin, en approfondissant le conflit entre désir charnel et philosophie orientale. La deuxième partie me semble ainsi beaucoup trop courte.

De plus je note quelques incohérences, par exemple un véritable sage ne peut dire : "On a bien le droit de rigoler, non ?" ou "Je me lasse très vite de la souffrance" quand on sait que son existence est basée sur la paix des sens.

[Sahkti]

Un épisode du maître et de son disciple plus épuré que d'habitude, moins fourmillant de piquant, et pourtant, riche en enseignements. J'ai un peu de mal à traduire mon ressenti avec des mots justes mais je vais essayer.
La jalousie, c'est un truc qui ronge, un des pires, on souffre et on fait souffrir. Cette souffrance, j'ai l'impression de la toucher du bout des doigts dans la personne du maître, elle est là, perceptible et on ressent le mal qui le traverse. Un peu moins, par contre, en ce qui concerne le disciple, qui en souffre sans doute mais sans trop l'exposer. Et puis la sagesse à travers cette fin, cette résignation posée... (ô que j'envie cela sur le plan perso !!)

[Lifewithwords]

Je trouve que ce texte amène de manière très sobre à une réflexion profonde.

Le fait que le maître soigne sa jalousie en se faisant souffrir me laisse perplexe. Je pense que seul un sentiment de satisfaction (de bonheur?) peut la soigner, et non pas la souffrance, dans laquelle la plupart des gens adorent se complaire...

[Kilis]

Parole de Gobu, parole d'or.
Me suis toujours demandé si tu te projetais plutôt dans le disciple ou plutôt dans le maître...

[Gobu]

Me suis toujours demandé si tu te projetais plutôt dans le disciple ou plutôt dans le maître...

Les deux mon colonel. Et content de te revoir parmi nous.

[hi wen]

quelle chute !
j'ai été embarqué de bout en bout
super

bon j'ai eu un peu de mal à situer la scène, pour moi le disciple était un chien ("accroupis toi") et rosée du matin une chienne (très jolie, au demeurant). mais quand ça a commencé à parler de servante, ça collait plus.
me suis fourvoyais.

[minuit]

C'est goûteux, oui.
Mais je n'ai pas trouvé entre ces lignes de vraie jalousie, et encore moins ses funestes conséquences : l'ensemble me paraît plutôt gentiment sage et positif.
Aucune surprise, donc
mais agréable lecture.

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