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La douche

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Message  Raoulraoul Mer 17 Sep 2014 - 9:23

La douche

L’eau douce rince nos fatigues. Le pommeau giclant de la douche fait de mon corps une page blanche pour recevoir la journée qui diffère de la veille. Se débarrasser d’un poids mais devoir en affronter un autre.
La salle est spacieuse. Les fenêtres grandes ouvertes à cause de la chaleur. Plusieurs rangées de chaises occupent presque la totalité de l’espace. Le directeur fait rentrer dans la salle les trois membres du jury. L’un d’eux s’exclame disant « C’est une bonne salle pour travailler ! ». Quelqu’un allume les néons.
Je mange. Je n’ai pas envie de manger. Chaque morceau de brioche est une pierre, un gravats qui ne veut pas descendre. Le directeur donne aux jury les consignes à appliquer. Le café dans mon bol est un liquide solide qu’il me faut briser à coups de cuillère avant de le porter à bouche et à dents. Les gens s’assoient sur les chaises de la première rangée, le directeur au-milieu des jurés. Il dépose sur une chaise vide à ses côtés son téléphone portable. Un juré sur la même chaise met l’étui de cuir qui contient ses stylos. Le groupe de personnes échange quelques plaisanteries.
Tout est matière à vaincre même le café noir liquide dans mon bol.
Un appariteur introduit la première candidate. Il lui présente rapidement le directeur et les trois membres du jury. Le directeur à son tour explique posément à la candidate le déroulement de l’épreuve. La candidate décline son identité, explique ses motivations. Elle parle faiblement. Les jurés lui posent plusieurs questions.
Si on me parle je réponds à côté. D’ailleurs était-ce une question ? Les paroles de l’autre sont un tunnel. Peur maladive de m’y engouffrer. Et les regards. Regarder les regards. Aujourd’hui surtout c’est le regard de moi-même sur moi que je vois dans le regard des autres. Chaque parole dite est l’occasion d’un silence perdu. Tenir une conversation désormais sera intenable. Me tenir droit il le faudrait. Tenir une barre. Laquelle ? Mon abattement soudain est dépourvue de raison. Pourtant si.
La candidate monte sur l’estrade. Elle commence immédiatement sans préparation à dire un texte. Elle ne bouge pas. Son regard se dirige dans toutes les directions sans jamais pouvoir se poser. Elle termine son texte court en s’asseyant. Un juré lui demande « A qui vous vous adressiez ? ». La candidate répond le nom d’un personnage qui avait à voir avec son texte. « Il aurait fallu donc que vous regardiez ce personnage en lui parlant » dit le juré en s’efforçant de rester aimable.
Je dois ce matin encore faire des courses à la supérette. Tout m’énerve. Chercher, choisir, remplir le caddy, piétiner devant les étales. Et les clientes qui tergiversent, lambinent, bavardent, encombrent le passage. Toutes ces bribes de paroles, ses voix aussi aigres qu’un citron pas encore mûr.
L’appariteur annonce le candidat suivant. Même formule de présentation que pour le candidat précédent.
La musique sirupeuse dans les haut-parleurs de la supérette achève de me laminer les nerfs.
Le directeur de temps à autre consulte son téléphone portable. Les jurés notent sur leurs feuillets les renseignements livrés par les candidats. Plusieurs d’entre eux n’ont préparé aucun texte à dire sur l’estrade. Les jurés embarrassés, dans ce cas, leurs proposent d’improviser. Les candidats tentent de se concentrer pendant un silence qui paraît long.
J’ai le corps lourd, les bras paralysés, les rouages de mes articulations coincés. Je suis un sac énorme bourré de renoncement.
Les jurés se regardent dissimulant leur impatience. Le candidat parfois place une chaise au centre de l’estrade et entame son épreuve, en piétinant et en parlant à voix basse. Les jurés font souvent des commentaires bon enfant. Et ainsi de suite. Le directeur est toujours affable, avec précision répétant pour chaque nouveau candidat les règles qui seront celles de sa prestation dans le laps de temps qui lui est autorisé.
Bizarre comme on se demande pourquoi aujourd’hui ne peut pas être un autre jour ? Je m’en veux de ne pas apprécier les journées ordinaires. Je rêve à hier et à demain. La peur c’est comme ces rapaces qui fondent sur les brebis. La peur c’est un crabe qui vous déchire le ventre. On est idiot de se laisser piéger par des chimères.  
Sur l’arrière de l’estrade, il y a un piano à queue avec des pupitres regroupés à côté. De grandes affiches recouvrent le mur du fond. Un hanneton par une fenêtre ouverte est entré. Il tourne bruyamment autour des néons.
Etre en voiture au-milieu des embouteillages. Chaque automobiliste dans sa carapace de tôle me fournit l’occasion de décharger ma colère. Feux rouges interminables, queue de poisson pour doubler, motocyclistes intrépides et insolents, cul des camions plein la vue, autobus aux arrêts intermittents, des paralytiques qu’il fait suivre  
Un candidat de quarante ans dépose sa guitare et son sac à dos contre le mur. Il s’assied sur le bord de l’estrade et discute avec les jurés.
J’ai le pied en feu sur la pédale. Des coups de klaxon m’échauffent. Démarrage en trombe pour freiner pile devant un piéton.
Puis le candidat se relève, dégage le milieu de l’estrade et s’adressant à un quelqu’un d’imaginaire il commence ainsi « Ah non ! c’est un peu court jeune homme… on pouvait dire par exemple… » et il poursuit en grimaçant avec force gestes exagérés.
Une cloche dehors tinte quatre coups consécutifs. Les hauts murs de la salle sont peint d’une couleur claire, une nuance crèmasse  indéfinie.
Je dois me chauffer la voix, entraîner ma diction. J’articule mécaniquement des phrases.
Une autre candidate arrive. Elle ne parle pas le français.
Et respirer aussi me serait nécessaire.
Mais c’est en français qu’elle dira son texte sur l’estrade. La respiration c’est comme une femme secrète qui vous appartient. Les déplacements de la candidate sont correctes. Elle remplie ses silences de sentiments très profonds. Les doigts crispés sur mes côtes je respire. Elle est vêtue d’une robe à fleurs, sa peau cuivrée se confond avec la teinte du bois derrière l’estrade. Les mots de son texte sont difficilement compréhensibles. Je ne dois penser qu’à ma respiration et chasser mes idées de loser. Lentement souffler jusqu’à mourir. Devenir lourd et léger, m’auto-écraser. Oublier tout sauf un filet de vie qui me maintient à la limite.
Au loin des cris d’enfants résonnent mêlés au bourdonnement de la ville. Le hanneton parfois s’aventure au-dessus des têtes des jurés. Des portes claquent. L’un des jurés a posé sa veste sur le dossier vide qui le sépare du directeur.
Je me suis fringué comment aujourd’hui ? Chemise propre. Belles chaussures, ongles coupés. Cheveux négligemment bien peignés. Et le slip ? Changé aussi. Les contrôleurs surveillent tout. Tes capacités. Ils lisent à travers toi.
L’avant dernière candidate improvise une brève séquence comme si elle se trouvait devant une caméra. Elle est coiffée d’un  large béret et des collants noirs à grandes mailles lui quadrillent les jambes. Les jurés approuvent sa prestation.
Le directeur se lève invitant les jurés à boire des rafraîchissements, avant de se retrouver dans son bureau. Les jurés sur le majestueux perron de l’immense bâtisse partent fumer leur cigarette. L’un d’eux prévient ses collègues qu’il a un rendez-vous important et qu’il faudra donc ne pas s’attarder chez le directeur.
J’arrive devant une haute porte que je pousse. La salle est vide. Les néons sont allumés. Les chaises du premier rang ont été déplacées. Autour du néon il y a un insecte. Il descend vers moi. Il veut me dire quelque chose. Ce ne serait pas un frelon asiatique par hasard. Ils sont légions en cette saison. Dans le couloir une jeune fille me fait comprendre dans un mauvais français que l’audition est terminée.    
Il y a des paroles comme une douche glaçée.
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Message  Gyver Mer 17 Sep 2014 - 14:04

2 lectures... J'ai eu beaucoup de mal à comprendre comment la narratrice (narrateur), fait pour être dans la salle et ailleurs, la douche, le petit dej, le supermarché, la circulation ....
La chute me semble téléphoner, avant d'en terminer j'hésitais entre l'arrivée en retard ou la maman (papa) qui va chercher sa fille à l'examen...
La pré arrivée à l'audition proposée me semble un peu douteuse, probablement le supermarché en trop....
Il faut certainement retravailler ça pour le rendre plus abouti...

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Message  hi wen Mer 17 Sep 2014 - 19:09

ce qui me vient à l'esprit, là, tout de suite, c'est "scientifique du contingent".

et puis le texte commence par "douce" et moi j'avais lu douche, mais en fait c'est "douce". et le texte se termine par "douche", et là, ben c'est vraiment douche.




hi wen

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Message  Raoulraoul Ven 19 Sep 2014 - 14:40

Merci beaucoup pour vos commentaires.
Gyver : Si tu lis ce texte avec des critères classiques, évidemment ta remarque sur l'incohérence espace/temps entre le "je" du narrateur et le "il" descriptif est juste. Mais ma recherche est ailleurs. J'ai voulu tenter une écriture factuelle, "objective" traversée par une écriture subjective, pulsionnelle, celle du "je". Autrement dit comment le dehors peut côtoyer le dedans. A la fin, il y a intégration des deux pour ou moins réussies puisque le narrateur arrive  sur les lieux après l'audition... Donc je n'ai pas écris volontairement un récit réaliste. Mais plutôt un essai sur des styles d'écriture, des points de vue.
hi wen : "contingent" en principe signifie qui n'est pas nécessaire. Que veut-tu dire donc par "scientifique du contingent" ?
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Message  hi wen Ven 19 Sep 2014 - 19:07

une approche scientifique de la contingence

hi wen

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