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Besoins naturels

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Message  Raoulraoul Lun 20 Oct 2014 - 13:29

Besoins naturels

         Au bout du chemin, il y a une trouée de lumière. Une rangée de fougère longe la prairie. Sur la macadam, l’ombre ciselée des arbres. Quelques tiges de fougères remuent doucement. Un bidon de plastique a été jeté au pied du chêne. La moissonneuse-batteuse est sous le hangar. Au bord de la prairie, deux fûts de peupliers parfaitement parallèles. Quelques glands tombent. Ces derniers temps avec Josiane on s’engueule trop. L’odeur de l’humus mouillé est prégnante. Sur un poteau d’EDF une plaque d’identification bleue. Soudain le bruit de quelque chose heurtant la voiture stationnée. Pour moi, ce sera vraiment une première fois. J’espère ne pas être déçu. La prairie récemment fauchée est inondée de soleil. Des lierres entortillent les troncs noueux. Les ornières terreuses de chaque côté de l’herbe sur le chemin. Les rayons lumineux transpercent le fouillis dru des branchages. Evidemment deux fois par mois, ça commence à faire un budget. Toujours la chute intermittente des glands. J’aimerais bien avant pouvoir me parfumer. Le ciel au nord est intensément bleu. La petite route goudronnée s’engouffre dans une dépression du terrain. Les fils électriques au-dessus de la route se fondent dans le feuillage. Au rythme doux et changeant du vent les feuilles légères sur leur tige se balancent. Jusqu’au sol, la ramure fournie d’un chêne tortueux s’affaisse. Elle est discrète heureusement. Mais pourquoi donc elle fait ça ? Dans le sol argileux les cailloux ronds se mélangent aux glands écrasés, les feuilles pourrissantes et les débris de branches. J’ai une jument qui a la fièvre, je n’aurai pas le temps de faucher. Un nuage passe devant le soleil. Les ombres s’estompent dans le paysage. Le sentier envahi par les herbes s’efface dans la forêt. Le ronflement lointain d’un avion. Le bruit sur la voiture tout à l’heure n’est toujours pas élucidé. Ça ne dure qu’une demi-heure avec elle. Pauvre femme, devoir descendre si bas. Probabilité d’un gland encore tombant. Une clôture électrifiée borde le champ, au sud, vers la chaîne montagneuse. Sous les grands arbres, un tapis doré de feuilles. Un camion roule sur la route départementale. Une variété d’essences végétales compose le bosquet. Moi je préfère être propre dans ces moments là. Par instant, silence et immobilité figent la forêt, les collines. Sauf une mouche ou un gazouillis d’oiseau. Après vingt ans de mariage, ça peut se comprendre. Sur les sols, le dessin complexe des ombres que sculpte la lumière. Un pic-vert martèle l’écorce d’un frêne. A partir de midi, ma barbe est piquante, tant pis !
Le tapotement des gouttes sur la carrosserie faiblit. Sous la voûte des arbres, au bout du chemin, la clairière est moins lumineuse. Il faut surtout bien se protéger, par prudence. La buée persiste sur les vitres. Seulement un chuintement de pluie entre les branches. Au-milieu de la prairie, le sentier détrempé est luisant, il se perd dans la pénombre bosquet. Au fond, je suis peut-être un salaud. La cime des chênes est nettement distincte. La haie de fougère, complètement rousse. Les perles d’eau, suspendues aux branches, étincèlent. Si seulement avec Josiane, ça pouvait aller mieux. Les rayures de la pluie comme un rideau sur fond de feuillage. L’horizon des collines est traversé de nuages bas. Faudra vite réparer la toiture de l’étable avant l’hiver. Des bâtiments de ferme émergent des parcelles et du bocage. Mouvement lent des nuages. Les vieilles pierres des bâtisses sont recouvertes de tôles. Une citerne roulante a été amenée au-milieu du champ. Et le cours du maïs qui n’arrête pas de baisser. Dans les flaques la clarté du ciel éblouit. La pluie n’est plus qu’un imperceptible chuchotement. Le soir, en rentrant, je suis crevé, quand je la vois l’après-midi. Sur le chemin des plaques de goudron colmatent les trous. Les nuages, comme une fumée dont on ne verrait jamais le foyer. Un jour je lui dirai tout à elle, franchement. Sur les pans inclinés du paysages, surgissent frondaison et torsades de verdure. Tous mais silos ne sont pas encore remplis, c’est inquiétant. Parfois la conversation est très animée entre les oiseaux. Des coques hirsutes de marrons jonchent le sol. Encore un avion invisible qui se déplace dans l’air. Vigoureusement s’élancent les tiges lustrées des herbes mouillées. A l’horizontale, l’enchevêtrement des fines branches. La paix revient petit à petit dans la nature. Les uns après les autres, elle nous reçoit toutes les  demi-heures, elle ne nous parle pas. Le chemin goudronné, sinueux, pénètre dans la forêt. Les piquets des clôtures, dans l’herbe, ressemblent à des gardiens. Moi, malgré son âge, ça m’est égal. Une feuille peut devenir un oiseau. Ce rouge-gorge à l’extrémité d’une branche. La Clio vient se garer au bord du chemin, dérangeant le silence. Une vieille femme, très grosse, à lunette, un chignon de cheveux blanc, est au volant. Le corbeau se perche sur un piquet de clôture. Je n’irai pas aujourd’hui à l’assemblée générale de la coopérative. Pourquoi les vaches broutent-elles toujours dans le même sens ? La crête des montagnes se découpe joliment sous la lumière vive des nuages. Dans la Clio les ombres s’enlacent. Les ornières du chemin disparaissent sous l’épaisseur des feuilles.

**
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Message  Polixène Lun 20 Oct 2014 - 18:16

Habile tisserand!
texte-île ourdi de main de maître afin de laisser le lecteur ébahi en train de sécher sur un fil de clôture!
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Message  jfmoods Lun 20 Oct 2014 - 18:54

Polixène a écrit :

"Habile tisserand !"

Difficile de faire plus court et plus pertinent.

D'autres lectures s'imposent donc.

Une constante demeure : tu négliges encore trop les virgules. Autant de freins à un suivi optimal de ton texte.
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Message  PieAir Jeu 23 Oct 2014 - 13:04

J'ai apprécié la lecture, l'alternance observation-pensée est vraiment bien, les mots sont bien choisis...
Mais c'est un gros pavé ( de boeuf ), qui aurait été plus facile à suivre avec quelques espacement et d'aération...
Quoi que ça aurait peut-être perdu de l'effet de défilement qu'on ressent par cette forme

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Message  Ba Ven 24 Oct 2014 - 8:59

J'ai cru voir les " choses de la vie " quand la voiture étreint le temps et que Piccoli rentre enfin chez lui.
Texte dense et danse aussi.
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Message  jfmoods Sam 25 Oct 2014 - 16:42

"Sur le macadam"
"Évidemment"
"dans ces moments-là"
"étincellent"
"au milieu"
"Tous mes silos"

Comme bien souvent dans tes textes se dessine l'image d'une dualité. Un personnage en mouvement rend compte du monde intérieur par l'expression de ses pensées, du monde extérieur par l'exercice de ses sens. Chacun des deux domaines se subdivise. Ainsi l'intérieur traverse-t-il tantôt le champ de l'intime (le couple que le locuteur forme avec Josiane, la mésentente des conjoints, l'évocation d'un adultère tarifé, les circonstances précaires de sa réalisation, etc.), tantôt celui du professionnel (présentation des éléments propres au fonctionnement d'une exploitation agricole, affirmation : "Je n’irai pas aujourd’hui à l’assemblée générale de la coopérative."), s'aventurant même dans un questionnement d'ordre philosophique plutôt amusant ("Pourquoi les vaches broutent-elles toujours dans le même sens ?"). Les passages descriptifs, proportionnellement beaucoup plus nombreux, pourraient lasser. Cependant, le glissement régulier des verbales vers les nominales, du haut vers le bas, de la verticalité vers l'horizontalité, d'un sens vers l'autre prévient toute monotonie dans la narration.

Voici, encore une fois, un bel exercice de style, Raoul !

Merci pour le partage !
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Message  Raoulraoul Jeu 30 Oct 2014 - 9:26

Merci à tous pour vos commentaires.
PieAir ; tu as raison, quant à la disposition de ce genre de texte. Paragraphes ou non ? En effet le défilement de lecture est essentiel. Tu l'as bien compris.
jfmoods : merci pour ta précision et ta compréhension.
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