Pôle-emploi

[Cerval]

LORSQUE il n'y a plus rien eu à dire
je me suis réveillé, peut-être par une odeur de tabac froid qui a fait tout le manteau de la pièce, et il n'y avait que cette raison  : ce qui traine, sans pourtant que personne n'ait l'idée de le nommer, pour qu'elle puiser aller dans un autre ciel mental, dormir, comme tout ce qu'on a rangé dans les pages du langage, pour trouver à me réveiller;
à partir de là j'ai voulu examiner chaque chose... me justifier d'être avec elles... demander pardon. il s'agit globalement de se prendre par la main et de la poser comme une barque endormie sur une berge sur sa poitrine.
si ç'avait toujours été le soleil j'aurais fini par n'en plus croire la lumière, car je me méfie des principes. mais à tout changement je trouve une raison. tout ce qui s'en va me déchire le coeur. j'aurais voulu pouvoir changer de peau et de saison à la seule inflexion de mon vouloir; j'ai regardé partout autour de moi : les gens restaient, je suis resté aussi.
il n'y a qu'en volonté car l'effort oblige que je suis prêt à accepter tous les prédicats. à croire que je souscris à une ontologie réaliste. n + n + n + n ... sorte de somme méréologique* dont la pensée est le lieu toujours ajouté, le paraphe et la paume tout à la fois, mais qui ainsi, contient tout comme le vent, étant lui-même d'aucune contenance, qui soit de toutes les participations à l'Être, simultanément égoïste et sans vouloir. est-ce une oxymore ? mais ce qui se prédique colore ; on demande un substrat ; le langage exprime mal la simultanéité. mais si encore, j'essayais de décrire ma pensée, d'en extraire la si asubstantifique moelle, à chaque instant comme à être sur des montagnes russes mentales parce qu'on se figure bien l'image, ce qui en viendrait ne serait pas le cas. toute pensée est un manteau trop lâche pour la pensée. s'habiller, se déshabiller. voilà une jouissance ininterrompue qu'on retrouve encore dans la pratique de l'amour.

chaque mot mérite d'être aimé jusqu'aux montgolfières du regard intérieur de se laisser éventrer par l'hélium de ma voix de faire dans le ciel des agrégats magnifiques de ce qui forme à force d'itérations les seules formes de la rationalité, les seules choses qu'on trouve à dire alors qu'on se promène dans les livres et qu'on butte, par hasard, sur un complexe qui vous semble familier, qu'on trouve, stupidement, dans le jardin de ses yeux


et tous les ponts se donnaient la main; étaient-ils des filles ? pourquoi les choses de pierres se prêtent si bien à figurer la tendresse ? pourquoi mes yeux vont trouver un principe dans ce qui en est tout à fait démêlé de ne pas être continu ? amour mes doigts sont dans ta longue chevelure. parce qu'il n'y aura que de la continuité, tout partira lorsqu'on croira marcher à son rythme.


ALORS par bonne volonté j'ai commencé à avoir mes propres pensées.
JE LES ai choisies AVEC SOIN LORSQU'on m'en donna la possibilité.


VOILÀ POURQUOI JE FAIS UNE INSOMNIE, FIDÈLEMENT, CHAQUE SOIR.


UN JOUR LES MÉDECINS S'INQUIÈTERONT DE CES MOUVEMENTS DE MES VEINES QUI LEUR RAPPELLERONT LEURS COURS DE BIOLOGIE VÉGÉTALE EN OPTION SVT DU LYCÉE. EST-CE QUE VRAIMENT UN CORPS PEUT S'INVOLUER EN SOI ? PARCE QU'IL DÉPENSE PLUS VITE LES IDÉES QU'IL NE S'EN PEUT GORGER? ALORS QUE CETTE LIMITATION N'EST QUE LE FAIT D'UN ARBITRAIRE PHYSIQUE ? MAIS OÙ EST L'ÂME DANS TOUT ÇA ? QU'EST-CE QUI FAIT VOTRE PHOTOSYNTHÈSE ?


L'ÂME C'EST ... VOILÀ TOUTE LA CONSTELLATION DU LEXIQUE

J'AVALE DE GRANDES PÊCHES DE COUTEAUX ET D'ÉTOILES

je pleuvrais les gens un jour. je serai mort; chaque pluie c'est un mort qui se rappelle. ce sera un peu aigre. mais chacun sera témoin que j'aurais réussi mon projet.



* : une somme méréologique, c'est quelque chose qui contredit le principe des chaises musicales. celui qui ne trouve pas de chaise où s'asseoir peut encore s'asseoir sur la somme des chaises.

[David]

Bonjour,

J'ai l'impression que le titre ne renvoie qu'à la note en bas de page : Pôle-emploi -> une somme méréologique, c'est quelque chose qui contredit le principe des chaises musicales. celui qui ne trouve pas de chaise où s'asseoir peut encore s'asseoir sur la somme des chaises.

Le texte entre les deux, il va lâcher prise de plus en plus :

"à partir de là j'ai voulu examiner chaque chose... me justifier d'être avec elles... demander pardon. il s'agit globalement de se prendre par la main et de la poser comme une barque endormie sur une berge sur sa poitrine."

Le "elles", ça serait les "chaque chose" juste avant - déjà sa tangue - mais je ne trouve pas la "poitrine"... Il y a un autre sujet féminin avant, le "cette raison", et il revient juste là :

"si ç'avait toujours été le soleil j'aurais fini par n'en plus croire la lumière, car je me méfie des principes. mais à tout changement je trouve une raison."

Après, ça part dans la philosophie, euh... du langage, je retrouve un peu les mots que j'ai pu trouver par ailleurs autour de méréologie. Manteau revient depuis son étrange passage du début :

"je me suis réveillé, peut-être par une odeur de tabac froid qui a fait tout le manteau de la pièce"

"toute pensée est un manteau trop lâche pour la pensée. s'habiller, se déshabiller. voilà une jouissance ininterrompue qu'on retrouve encore dans la pratique de l'amour."

Après, ça renonce, ça renonce pas, ça renonce à la philosophie, ou à ses mots en fait, j'aurais tendance à lire que "amour" et "filles" plus loin, ce sont les rebonds sur la falaise de ce corps-texte qui dégringole, les rebonds qui vont le décrocher de ses rêves de montgolfières :

"chaque mot mérite d'être aimé jusqu'aux montgolfières du regard intérieur de se laisser éventrer par l'hélium de ma voix"


C'est de la poésie, je trouve, c'est pas trop long, pas trop verbeux, j'aime bien le passage au style d'interrogatoire avec :

"QU'EST-CE QUI FAIT VOTRE PHOTOSYNTHÈSE ?"

Qu'est-ce qui fait la photosynthèse des poèmes lunaires, bah... peut-être la comète de Haley

[seyne]

C'est vraiment superbe à lire.
Après, essayant d'en tirer quelque chose à dire - et bien entendu y retrouvant du coup des interrogations que je rumine - j'ai eu l'impression que ça parlait beaucoup de la continuité, de la discontinuité.
Jusqu'à l'oxymore, si adapté à la pensée poétique, qui est comme le comble de la discontinuité...et donc un défi pour l'esprit de créer un pont au dessus de la faille, la juxtaposition des opposés.
Ou la tautologie qui serait le comble de la continuité.
Je réfléchis en ce moment à la question du clivage (au sens psychologique du mot), et de son rôle dans l'oeuvre d'art. L'idée que ce que peut créer l'esprit dans le vide central de l'oxymore, ou (un peu moins) du paradoxe, c'est une forme nouvelle, quelque chose qui n'existe pas.

Mais je suis peut-être à côté, trop prise dans ma propre continuité de pensée.

[minuit]

Je ne sais pas pourquoi, j'omets de lire les majuscules.

[Cerval]

SUR MON COU SANS ARMURE ET SANS HAINE, MON COU
on trouve encore les pieds étalés de la nuit, à tout elle se fait chaise longue, prend la peine de ne rien déranger qu'on n'y verrait de chose changer, de nuage s'asseoir, d'irrégularité à l'étoffe de la mémoire, d'inaccoutumier brassé, milles doigts se sont entremêlés, ont trébuché dans le chemin qu'ils traçaient, mais je disais : d'inaccoutumé à l'ouvrir des paupières, à la grande jupe des paupières, suffisamment longue et fine pour qu'on y fasse corde-sauter l'abîme, point de fait qui ne s'y fasse soleil noyé, étalé avec satisfaction dans sa chair, alors c'est l'immobilité, celle de rester en son principe,

je parle comme un magnétoscope,

Il y aura de la nuit pour tout le monde ! dormir, ne pas dormir : le sommeil c'est une tâche de lumière qu'on ne peut décoller du parquet de la chambre et qui est prête par une sorte de volonté coutumière (la tradition de la lumière d'accueillir spontanément les regards dans ce qui d'autour en est famine) à prendre en elle, faisant traverser le miroir, l'obscurité qu'ont les yeux de se fermer, mais qu'on retrouve par ces jeux de mensonges que figurent les miroirs (pas de plus grands menteurs, de plus grands cascades de perles, de plus grands domaines pour les pies, que les miroirs) et ce principe, cette chose qu'on retrouvera sous chaque apparence que la pensée peut élire, ou la bouche élire, ou les dents élire, comme tes lèvres laissées un soir sur le parquet de l'imagination, les accueille et de leur donne cela qu'elles cherchent en l'inverse de ce qu'elle trouvent; et le sommeil c'est cette carte laissée dans les manches du magicien je n'ai pas cette patience de voir le tour se finir pour me demander où était le truc.

impatience aussi de provoquer la fébrilité en soi alors que la nuit commence mais que le il-est-très-tard des obligations appelle à en fermer les volets. on fermera les uns après les autres les volets. on jouera aux dominos avec les fenêtres comme s'ils permettaient revenant au principe d'en couvrir la nuit.

je tourne en rond comme une ballerine AUX ESCARPINS DE CERNES

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