Pousse d'épinards

[roro]

Il y avait quelques pousses d’épinard dehors, elles séchaient au soleil. Du soleil, vraiment ? Ca m’a rappelé la mer, et du coup, je me suis mise à boire du Cointreau orange. Ils en vendent au supermarché et la réclamation publicitaire vient de faire un excellent mini-film sur ce produit. Ca m’a donné envie de boire, d’être célèbre, de voyager. Je suis restée trop longtemps suspendue comme un fil sur ma véranda Bruxelloise ; attendre un peu de chaleur par temps de pluie. Heureusement qu’il ne neige pas encore. Il ne neige pas car c’est la fin de l’hiver, il a sans doute beaucoup neigé avant. Je ne sais pas. Je ne m’en rappelle plus.

J’aurais voulu qu’il y ait un passage d’éléphants géants en bas de chez moi, dans ma rue, pour me faire plaisir. Des éléphants indiens, harnachés de broderies, colorés, joyeux, pimpants, sonores. Quelques voitures passent et il est temps de rentrer à la maison.

La chaudière fonctionne et les échanges de chaleur sont fluides, dans mon appartement que je paie assez cher on pourrait élever des plantes exotiques.

Il y a beaucoup de factures à payer. Cela attendra. Je voudrais faire une visite rêveuse de la ville magique, rencontrer plein de gens chouettes, découvrir l’amour comme dans les magasines. Il faudra prendre un seau de sable et mettre ses lunettes dorées, sortir dans la rue embrumée et prendre une rame de métro, vaincre la solitude des sièges et l’agression sonore des alarmes qui pointent le départ. La ville accélère, je me retrouve dans ce tube rectangulaire sur un chemin de fer, les gens ne me regardent pas, je les dévisage, et ils font semblant de rien, sauf certaines filles très belles, qui me regardent fixement. Et alors c’est moi qui baisse les yeux.
Des souvenirs reviennent. La porte s’ouvre, magique et bruyante.
On me pousse dehors alors je sors.

Je rêve d’un Indien Biriani que je me mettrai à digérer allègrement cet après-midi, je suis encore gargouillante du ventre c’est bien, je ne m’en plains pas, c’est un signe de vie.
Ca pourrait être pire m’avait-on dit.
Et j’ai pensé au cimetière. A ces gens entassés dans des boites cubiques qui n’attendent plus rien, ils ont déjà joué leur morceau, eux. On n’attend plus rien d’eux.

Ni contrôle technique, ni pointage le matin, ni réussite ni mariage ni enfant ni appartement ni amour.

Eux ils sont partis depuis longtemps et on ne les embête plus.

Je ne sais pas pour quelle raison, ici, il pleut. Il pleut. C’est expliqué dans les livres, à l’université, il y a des météorologues, des stations techniques, on pourrait trouver des raisons rationnelles à la pluie. Géographiques, spatiales, physiques, thermodynamiques. Tout ça.

Ca me donne froid ce temps. Ca me donne de la pluie dans l’esprit ça m’éloigne de mon paysage côtier j’étais une sirène il y a longtemps dans une autre vie, avant qu’un avion ne m’emmène loin, très loin de ma vraie vie.

Le soir je n’ai pas de hutte et c’est dommage, on a parfois la nostalgie du feu crépitant des cavernes. Voir au loin scintiller les étoiles du soir et penser à l’infini. Mais pour cela il faudrait une cheminée, au moins, un investissement, de vrais parents, de vrais amis.

Le protocole est long. Je voudrais rejoindre une tribu, me mettre à copuler comme eux, comme eux tous dans leur linge Zara maison ils font la même chose une fois le soir venu.

Danses foisonnantes le musée est public on entre on sort comme dans un moulin. Quel est le rapport, je ne sais pas. Je pose des questions mais je ne réponds à aucune. J’ai faim quelque part entre la glotte et l’estomac un vide se fait. C’est inquiétant. Je mange quelques pousses d’épinards elles ont eu la vie pas facile elles ont pas été sous la vraie pluie, ces poussés d’épinards sont peut-être transgéniques elles n’ont pas été en liberté, leur lumière est artificielle elles sont peut-être stressées. Mortes avant d’avoir même existé.

C’est terrible cette modernité.

[midnightrambler]

Bonsoir,

Drôle de petit texte !
Cela se fume les épinards ... avec un "je ne sais quoi" d'accent belge dans l'écriture ?

Amicalement,
midnightrambler