J'ai une question

[Kash Prex]

J’ai une question



Comment on fait les bébés ? Comment ça se pense, comment ça se fabrique, un bébé ? Comment on lui invente un fil à suivre, une fin, un début, dans quel ordre ? Est-ce que parfois on se trompe, on efface, on réfléchit, on rectifie, on fausse… on s’énerve, on déchire, définitivement, puis on recolle… Est-ce que ?

Avec qui on fait l’amour ? Avec quelle sorte de génie, quelle forme d’inspiration, quelle muse ? Qui ou quoi vient épauler le créateur, lui dire « c’est par là », sans jamais se tromper puisque de toute façon, c’est par où on veut… Ce « c’est par là » qui, en faisant croire au créateur que c’est plus par là qu’ailleurs, impulse la création. Qui le prononce ? Qui donne un bout de Monde à créer à certains, pourquoi, comment ? Est-ce que tout le monde a un bout de Monde à créer ? Si c’est ça, alors pourquoi si peu s’en servent ?

Ca se fait du premier coup, un bébé ? Ou bien ça se rate, ça s’abandonne, quand on n’est pas habitué ? Parce que c’est exigeant quand même… Il faut une harmonie, une beauté, et puis il faut qu’il arrive à vivre dans tout ce Monde le bébé, qu’il se repère dans ce décor, il faut prévoir tout ça. Si par exemple on se rend compte qu’un bout ne va pas avec un autre, on n’arrive pas forcément à bricoler, à recoller… Ou alors c’est moche. Moi je parle de beaux bébés, bien sûr. Ceux dont on est fier, enrichi… Humainement fier, c’est-à-dire fier que d’autres créateurs soient envieux, regrettent de n’avoir pas trouvé eux-mêmes… Mais en même temps, faire un bébé avec la fierté comme objectif, ça peut pas marcher…


J’ai une question. Comment on fait les beaux romans ?


Je suis cet envieux, en fait, celui qui fait que le créateur est fier. J’aimerais savoir comment on crée les beaux bébés, et puis quand je saurai, je m’en foutrai. Il serait d’ailleurs plus fin de votre part de ne pas me répondre, de me laisser désirer savoir plutôt que de me plonger dans la bête indifférence de celui qui sait. C’est de désirer qui rend heureux. Et puis de toute façon, je finirai bien par trouver moi-même.

[Invité]

Là encore, je ne vois pas l'intérêt. L'idée me paraît banale et exprimée de façon plate.

[mentor]

c'est plein d'humour, ça se prend pas au sérieux, et j'aime aussi le clin d'oeil de la fin
bien tenté ! ;-)

[Invité]

Pied-de-nez sympa aussi: "silence! Je réfléchis, mais pas trop".

[Lifewithwords]

J'ai bien aimé ! On a l'impression que c'est un abruti, et on se rend compte que c'est peut-être le lecteur en fin de compte...
Peut-être que tu aurais pu étoffer la comparaison bébé / roman ?

[Zou]

J'aime ce texte et je crois que depuis le debut il parle d'écriture, non ? ;-)))

[Kash Prex]

J'aime ce texte et je crois que depuis le debut il parle d'écriture, non ? ;-)))

Oui exactement =)

Merci de votre lecture =)

[Lifewithwords]

J'aime ce texte et je crois que depuis le debut il parle d'écriture, non ? ;-)))

Oh excuse-moi Kash j'avais pas capté le truc :-)), donc mon commentaire n'a rien de valable...
Mais j'ai relu et tout est de ma faute, j'ai lu trop vite, et certainement avec un manque d'attention :-)))
Pauvre de moi...^^

[Arielle]

Superbe! Ce bébé dont tu parles il y en a qui le rêvent et qui le cherchent toute leur vie (j'en suis!) mais plus je vieillis et plus je me dis que " C’est de désirer qui rend heureux" Que tu en aies déjà l'intuition c'est assez remarquable. J'aime beaucoup ta manière de le dire.

[Yali]

À vrai dire j’ai comme l’impression que le premier arrive par accident, presque par un heureux hasard, alors puisqu’il est là, on s’en occupe et puis voilà. On en tombe un peu raide dingue, on le matte comme s’il était exceptionnel, on sait que c’est pas vrai bien sûr, mais on est tenté d’y croire. Il grandit, on s’assoupit de bien-être. Mais bientôt il marche, et le temps passe et passe encore en sa compagnie, puis un matin il vous réveille, vous tire du lit en vous disant qu’il veut un petit frère, parce que c’est ça aussi la vie : être deux et, là, on réalise qu’on ne sait toujours pas comment faire, simplement parce qu’on l’a jamais su, alors on recommence tout du début, sans plus d’expérience que la première fois. Sans parler que l’inspiration, las de n’être plus courtisée depuis un bail, est allée se vautrer dans la couche d’un autre, un qui lui offre des mots au petit matin, le soir, la nuit, un qui prête plus attention à elle qu’à ses enfants nés d’une toquade.

[à tchaoum]

Je suis cet envieux, en fait, celui qui fait que le créateur est fier.

J'aime cet aveu ; le créateur serait doublement fier s'il le savait, d'ailleurs, je suis sur qu'il le sait.

à tchaoum
df

[Sahkti]

les théories, les conseils, les leçons...

La théorie ne se marie pas bien avec le rêve
Le rêve permet tout
La théorie ennuie

Et ton texte respire la sincérité :-)

[Lyra will]

C'est très intéressant cette comparaison... comparaison qui a déjà été faite, mais pousser la métaphore, comme par exemple l'idée de faire l'amour avec une muse, ou l'inspiration, ... je trouve ça très bien pensé, l'image est belle. Un texte qui prend toute sa dimension à la fin, ce qui pousse à relire, pour ceux, comme moi, qui n'avaient pas pigé dès le départ. C'est aussi là que réside tout son charme.

[Charlemagne]

Bien joué !

Au mot de "créateur", j'ai eu peur que tu n'associes la naissance à une intervention divine (comme dans Les Confessions de Saint Augustin, ouvrage assez...spécial).

Mais, comme pour Lyra, la chute et une relecture m'ont permis d'apprécier pleinement les métaphores et la subtilité du cheminement.

La chute est bien énoncée, détachée mais pas artificielle.

C’est de désirer qui rend heureux. Et puis de toute façon, je finirai bien par trouver moi-même.

Alors chercher ce comment par toi même te plaît aussi, nan ? Et puis, de toute façon, on a chacun son idée : je n'y vois par exemple rien de mystique.

Enfin, je sais pas si, détenteur de la réponse, la "recette" devient inutile, puisqu'elle ne sied qu'à une œuvre.

Fin bref, belle pensée ce texte.

@+

[Kash Prex]

À vrai dire j’ai comme l’impression que le premier arrive par accident, presque par un heureux hasard, alors puisqu’il est là, on s’en occupe et puis voilà. On en tombe un peu raide dingue, on le matte comme s’il était exceptionnel, on sait que c’est pas vrai bien sûr, mais on est tenté d’y croire. Il grandit, on s’assoupit de bien-être. Mais bientôt il marche, et le temps passe et passe encore en sa compagnie, puis un matin il vous réveille, vous tire du lit en vous disant qu’il veut un petit frère, parce que c’est ça aussi la vie : être deux et, là, on réalise qu’on ne sait toujours pas comment faire, simplement parce qu’on l’a jamais su, alors on recommence tout du début, sans plus d’expérience que la première fois. Sans parler que l’inspiration, las de n’être plus courtisée depuis un bail, est allée se vautrer dans la couche d’un autre, un qui lui offre des mots au petit matin, le soir, la nuit, un qui prête plus attention à elle qu’à ses enfants nés d’une toquade.

Très jolie réponse Yali =)

Merci à tous d'avoir lu.

[claire]

Une belle question, vrai ! qui, je pense, en taraude plus d'un !
Ya la réponse de Yali et puis, je viens de lire Demande à la poussière (Ask the dust) de J. Fante: il parle (quasi) que de ça; enfanter, écrire, la fierté de la première nouvelle publiée, l'assurance et la force de se savoir écrivain, lis-le Kash, lis-le.

[bertrand-môgendre]

Exact Kash Prex, tu le trouveras toi-même, car les bébés sont moches fripés, gluants. Ils viennent au monde dans la souffrance ressentie par leur mère épuisée, de leur père évanouis. Les nourrissons propulsent leurs glaires et autres délivrances hors de ce ventre distandu. Les beaux bébés, rondouillards roses, proprets crient, hurlent, ingurgitent le colostrum, pètent et rotent tout leur saoul. Ils sont beaux quand ils dorment la première semaine. Puis peu à peu ils ne sont plus beaux ; il deviennent merveilleux.
Exact Kash Prex, ton premier roman sera moche, triste étriqués ennuyeux. Il vient au monde accompagné par le stress du créateur, l'inquiétude de l'éditeur, la déception du diffuseur. Seule consolation, la venue d'un petit frère, amorce d'une grande lignée prometteuse. Ne couvons pas les enfants qui apprennent à marcher.

[Loupbleu]

Un propos finalement plutôt intéressant. Parce qu'au début, la comparaison bébé / roman ne m'emballait pas plus que ça. Mais j'aime la posture interrogative, la fin, qui rend le propos très humain. C'est bien joué ! Ca, plus la pertinence ou l'originalité de certaines questions ( Si c’est ça, alors pourquoi si peu s’en servent ?).

Pour le style, j'aime la démarche, même s'il y a ) mon sens encore quelques maladresses à régler :

J'ai noté la volonté du langage "parlé", et de l'invention, mais quelques trucs me semblent un peu "too much" : Je ne suis pas fan du "Est-ce que ?" , la répétition de "c'est pas là".

Il y a plusieurs éléments qui pourraient être enlevés et alléger le propos : les propositions relatives, les interrogations sont un peu trop répétées (quand, que, qui, est-ce que, comment, etc.). Je pense que ça peut être plus élégant en en mettant moins. Je te proposerais l'exercice de tout ce que tu peux enlever en gardant le sens (juste pour voir), et après à toi de juger...

A noter (détail) quelques répétitions (recoller, fier, créateur)

Attention : il y a aussi de très jolies choses. Je t'envie la question "Avec qui on fait l'amour ?" :-)

Bref : malgré ces réticences, j'apprécie ton approche de style, mon conseil est que tu continues, (bouscule la langue, tente des trucs), dans un second temps que tu pourras affiner... bref, continue la création !

Pas 100% convaincu, mais pour moi la nette impression que de très bonnes choses se profilent !

[Kash Prex]

Merci infiniment pour ce commentaire si complet et critique =)

Pour le fait qu'il y ait des choses qu'on pourrait enlever, je ne suis pas sûr de te suivre dans cette remarque... Elle me donne l'impression d'une sorte de pragmatisme qui me semble assez incompatible avec l'écriture, en tout cas avec la mienne. J'ai envie de demander finalement : l'inutile n'est-il pas indispensable ?

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