Complainte iambique de la meule romaine
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Complainte iambique de la meule romaine
............................Complainte iambique de la meule romaine
Je suis née au son clair d’une pointe sur la roche
Sous la falaise d’Orvieto au temps des hommes heureux.
Sur un lit d’éclats gris un carrier aux mains bleues
Me pique au têtu et me façonne cylindrique
Me gravant d’un César l’épigraphique encoche.
Puis fier et las, au loin regardant vers le Tibre
Voyant déjà les saccarii me charger au port d’Ostie
Il me voue enfin aux dieux, me soufflant pour ma nouvelle vie :
De mon ciseau taquin qui t’attaquait je te libère,
Que ta pierre à tourner sera belle !
Rappelle-toi de TiBER et dis bien que tu viens
Non pas de l’Etna mais de Volsini où fut dieu Velzna.
Je t’emmène à Rome au pays des hommes libres.
C’est là qu’à tourner dans les poutres qui vibrent
Le meunier te nourrira d’un grain
Que ta pierre fera pain et qui sera miel.
Las ! aujourd’hui je suis là dans mon angle
Je maudis le bois qui m’étreint,
Regrettant jusqu’à ma lave scintillante
Par qui l’on me fait brillante mais esclave.
Je suis par la seule main de l’homme
Enchaînée au moulin de Rome
Tournant les journées pleurant les nuits
Comptant les fournées dans la fumée et le bruit.
Je hais le grain qui m’engoue
Et de noir devient blanc.
Il s’enfile insaisissable par mon trou
Et plus je l’écrase plus il en vient.
Je maudis le mulet sourd et crasseux
A qui l’on voile et les yeux et la face
Et qu’un sot broc de son attire.
Sans cesse il m’entraîne et me tire
Attelé au châssis poussiéreux et grinçant qui m’enlace.
Je tourne en silence au contraire du soleil je travaille
On loue la magie des semailles,
De l’épeautre et bien d’autres,
Que la secrète chimie de ma pierre éveillée
Métamorphose en blanche ripaille puis dorée.
Mais, c’est bien là mon tourment,
Je tourne et retourne sans distance,
Sans nulle complainte ni stance,
Et c’est au silence que je fais insistance.
Je sais pourtant qu’on me ment, à commencer d’Apulée :
Ce n’est point l’homme qu’on attache
Ni l’aveugle mule grise, ni encore la jument :
C’est toujours d’Orvieto la belle meule prise.
Je suis lasse de mes sangles
Je voudrais qu’on me vende
A quelque lointain barbare ou Peul.
Désormais je mouds mal et je maudis
Je suis veille et lisse, basse est mon épaule
Je penche et j’oscille,
Mes tours se font ovales
Je voudrais que l’on me dévisse
Qu’enfin l’on me mette tranquille.
Après huit siècles de services
A l’heure où l’on enfourne
Voici les derniers pas que je tourne.
Je sais que l’on me suit
Et que le nouvel âge a choisi
Une autre pierre.
Toute plate et moins fière,
C’est au ruisseau qu’elle tourne farine.
Car c’est l’eau qu’elle préfère
A l’ombre blanchie de la maison d’Ostie
Et aux sanglots de mon âne.
.......................Marvejols
Je suis née au son clair d’une pointe sur la roche
Sous la falaise d’Orvieto au temps des hommes heureux.
Sur un lit d’éclats gris un carrier aux mains bleues
Me pique au têtu et me façonne cylindrique
Me gravant d’un César l’épigraphique encoche.
Puis fier et las, au loin regardant vers le Tibre
Voyant déjà les saccarii me charger au port d’Ostie
Il me voue enfin aux dieux, me soufflant pour ma nouvelle vie :
De mon ciseau taquin qui t’attaquait je te libère,
Que ta pierre à tourner sera belle !
Rappelle-toi de TiBER et dis bien que tu viens
Non pas de l’Etna mais de Volsini où fut dieu Velzna.
Je t’emmène à Rome au pays des hommes libres.
C’est là qu’à tourner dans les poutres qui vibrent
Le meunier te nourrira d’un grain
Que ta pierre fera pain et qui sera miel.
Las ! aujourd’hui je suis là dans mon angle
Je maudis le bois qui m’étreint,
Regrettant jusqu’à ma lave scintillante
Par qui l’on me fait brillante mais esclave.
Je suis par la seule main de l’homme
Enchaînée au moulin de Rome
Tournant les journées pleurant les nuits
Comptant les fournées dans la fumée et le bruit.
Je hais le grain qui m’engoue
Et de noir devient blanc.
Il s’enfile insaisissable par mon trou
Et plus je l’écrase plus il en vient.
Je maudis le mulet sourd et crasseux
A qui l’on voile et les yeux et la face
Et qu’un sot broc de son attire.
Sans cesse il m’entraîne et me tire
Attelé au châssis poussiéreux et grinçant qui m’enlace.
Je tourne en silence au contraire du soleil je travaille
On loue la magie des semailles,
De l’épeautre et bien d’autres,
Que la secrète chimie de ma pierre éveillée
Métamorphose en blanche ripaille puis dorée.
Mais, c’est bien là mon tourment,
Je tourne et retourne sans distance,
Sans nulle complainte ni stance,
Et c’est au silence que je fais insistance.
Je sais pourtant qu’on me ment, à commencer d’Apulée :
Ce n’est point l’homme qu’on attache
Ni l’aveugle mule grise, ni encore la jument :
C’est toujours d’Orvieto la belle meule prise.
Je suis lasse de mes sangles
Je voudrais qu’on me vende
A quelque lointain barbare ou Peul.
Désormais je mouds mal et je maudis
Je suis veille et lisse, basse est mon épaule
Je penche et j’oscille,
Mes tours se font ovales
Je voudrais que l’on me dévisse
Qu’enfin l’on me mette tranquille.
Après huit siècles de services
A l’heure où l’on enfourne
Voici les derniers pas que je tourne.
Je sais que l’on me suit
Et que le nouvel âge a choisi
Une autre pierre.
Toute plate et moins fière,
C’est au ruisseau qu’elle tourne farine.
Car c’est l’eau qu’elle préfère
A l’ombre blanchie de la maison d’Ostie
Et aux sanglots de mon âne.
.......................Marvejols
teverino- Nombre de messages : 460
Age : 67
Date d'inscription : 23/05/2014
Re: Complainte iambique de la meule romaine
c'est bien écrit , çà m' a fais voyagé, l'Ombrie est une région magnifique
cette meule représente l'humain , son destin, son cheminement, sa fin
a chaque étape un constat, mais surtout la traduction de ses épreuves.
ses états d'âme sont bien le reflet de nos interrogations face au temps qui passe
cette meule représente l'humain , son destin, son cheminement, sa fin
a chaque étape un constat, mais surtout la traduction de ses épreuves.
ses états d'âme sont bien le reflet de nos interrogations face au temps qui passe
So-Back- Nombre de messages : 3652
Age : 100
Date d'inscription : 04/04/2014
Re: Complainte iambique de la meule romaine
Marrant, j'écoutais ce matin l'émission La Fabrique de l'histoire consacrée aux moulins médiévaux, et il a aussi été question des moulins antiques.
Je l'ai lu avec plaisir, la description est très évocatrice, mais le détail du voyage reste confus : la pierre de meule chargée à Ostie, l'a donc été sur le Tibre pour remonter à Rome ?
Et comment est-elle descendue de la région d'Orvieto à la mer ?
à quelque lointain barbare / à quelque lointain barbare, un Scythe ou un Peul.
et puis Rappelle-toide TiBER
Un pays mystérieux, lac de Bolsena, oeil ouvert sur les profondeurs infernales.
Je l'ai lu avec plaisir, la description est très évocatrice, mais le détail du voyage reste confus : la pierre de meule chargée à Ostie, l'a donc été sur le Tibre pour remonter à Rome ?
Et comment est-elle descendue de la région d'Orvieto à la mer ?
opposer barbare à Peul me paraît maladroit, je verrais plutôt:A quelque lointain barbare ou Peul.
à quelque lointain barbare / à quelque lointain barbare, un Scythe ou un Peul.
quel est le rôle ici de Tiber ? est-ce le fleuve ? un personnage, le carrier ?Rappelle-toi de TiBER
et puis Rappelle-toi
Un pays mystérieux, lac de Bolsena, oeil ouvert sur les profondeurs infernales.
Annie- Nombre de messages : 1452
Age : 73
Date d'inscription : 07/07/2010
Re: Complainte iambique de la meule romaine
Annie, merci. Qui était dans l'émission ? Paul Benoit ?Jaccottey (Luc), J-Pierre Brun ou Joséphine Rouillard ?
Les pierres façonnées en forme de grandes meules à Orvieto étaient en effet, via le Paglia, chargées sur le Tibre (qui coule à quelques km). De là elles descendaient sur le marché de Rome ou étaient expédiées par bateaux à partie des ports de Rome (Ostie et Portus). Les meules courantes (petites et plates) ont été diffusées sur un rayon apparemment plus modeste (régions voisines et Adriatique) sans doute en remontant le Tibre et surtout par les routes ou les chemins muletiers. Voici pour le chapitre histoire.
Côté poétrie, Barbare ne s'oppose pas à Peul qui est ici en fait assez synonyme (c'est un ou inclusif). Si je lsite autant de barbares que vous le proposer on y perd la métrique (ici 9 ou 10 syllabes) : je mettrais volontiers
Je suis lasse de mes sangles
Je voudrais qu’on me vende
A quelque lointain barbare ou Peul.
Désormais je mouds mal et maudis
pour faire 6 et 6 puis 9 et 9.
Pour DE TIBER, vous avez tout à fait raison et je voudrais corriger en
Souviens-toi de TiBER et dis bien que tu viens
car TOI TIBer ça fait un peu saccadé et si près du volontaire Taquin qui tattaquait ça ferait trop tic du marteau sur l'enclume...
Pour l'énigme TiBER il n'y en a pas : Tiber est le nom du Tibre en latin et la graphie Ti-BER est un clin d'oeil aux inscriptions sur les meules où revienent -BER ou -ER. Tiberi est aussi un nom de famille régional.
Pour Bolsena, le lac occupe une caldera, c'est à dire l'effondrement du toit (fondu en fait) de la chambre magmatique. C'est pour ça que le lac est si vaste et rond, différent des lacs de Vico ou Brasciano qui sont eux logés dans des cratères.
Mais bon on en reste là car le texte n'envisage pas vraiment d'être une notice d'histoire en intro dans un guide de voyage.
J'aurais pensé que la métrique (plus variée qu'irrégulière) aurait attiré des remarques plus nombreuses. Mais les 2 vôtres ammènent déjà deux corrections intéressantes.
Les pierres façonnées en forme de grandes meules à Orvieto étaient en effet, via le Paglia, chargées sur le Tibre (qui coule à quelques km). De là elles descendaient sur le marché de Rome ou étaient expédiées par bateaux à partie des ports de Rome (Ostie et Portus). Les meules courantes (petites et plates) ont été diffusées sur un rayon apparemment plus modeste (régions voisines et Adriatique) sans doute en remontant le Tibre et surtout par les routes ou les chemins muletiers. Voici pour le chapitre histoire.
Côté poétrie, Barbare ne s'oppose pas à Peul qui est ici en fait assez synonyme (c'est un ou inclusif). Si je lsite autant de barbares que vous le proposer on y perd la métrique (ici 9 ou 10 syllabes) : je mettrais volontiers
Je suis lasse de mes sangles
Je voudrais qu’on me vende
A quelque lointain barbare ou Peul.
Désormais je mouds mal et maudis
pour faire 6 et 6 puis 9 et 9.
Pour DE TIBER, vous avez tout à fait raison et je voudrais corriger en
Souviens-toi de TiBER et dis bien que tu viens
car TOI TIBer ça fait un peu saccadé et si près du volontaire Taquin qui tattaquait ça ferait trop tic du marteau sur l'enclume...
Pour l'énigme TiBER il n'y en a pas : Tiber est le nom du Tibre en latin et la graphie Ti-BER est un clin d'oeil aux inscriptions sur les meules où revienent -BER ou -ER. Tiberi est aussi un nom de famille régional.
Pour Bolsena, le lac occupe une caldera, c'est à dire l'effondrement du toit (fondu en fait) de la chambre magmatique. C'est pour ça que le lac est si vaste et rond, différent des lacs de Vico ou Brasciano qui sont eux logés dans des cratères.
Mais bon on en reste là car le texte n'envisage pas vraiment d'être une notice d'histoire en intro dans un guide de voyage.
J'aurais pensé que la métrique (plus variée qu'irrégulière) aurait attiré des remarques plus nombreuses. Mais les 2 vôtres ammènent déjà deux corrections intéressantes.
teverino- Nombre de messages : 460
Age : 67
Date d'inscription : 23/05/2014
Re: Complainte iambique de la meule romaine
j'aurais aimé une réponse a mon commentaire ,juste pours savoir si mon ressenti aller dans le sens que tu donnes a ton texte
So-Back- Nombre de messages : 3652
Age : 100
Date d'inscription : 04/04/2014
Re: Complainte iambique de la meule romaine
Cher So-Back, je vous réponds ici car mon texte étant en haut cela n'aura pas d'incidence. Annie posait des questions précises et relevait par ailleurs une erreur qui appelaient suite. Il se trouve également que ce forum n'admet pas -avec raison (pour voir un mauvais exemple bien que très lu, se rendre sur LaPassiondesPoèmes)- les commentaires qui n'en sont pas et sont remplacés par des kyrielles de merci-merci-bisou-bisou-coucoucommentçavatoi.
Pour cela je n'ai pas dit merci à votre commentaire qui me semblait d'ailleurs se suffire à lui-même et ne pas appeler de suite. Cela ne m'empêche pas de l'avoir apprécié. Mais s'il fallait dire merci à chaque commentaire...
Il ne vous aura pas échappé que, contrairement à ces dernières années (faute de temps) je commente assez rarement et que je me suis récemment employé à le faire pour deux textes qui, à fortiori dus à de jeunes pousses, me semblaient appeler un effort commentatoire.
Pour cela je n'ai pas dit merci à votre commentaire qui me semblait d'ailleurs se suffire à lui-même et ne pas appeler de suite. Cela ne m'empêche pas de l'avoir apprécié. Mais s'il fallait dire merci à chaque commentaire...
Il ne vous aura pas échappé que, contrairement à ces dernières années (faute de temps) je commente assez rarement et que je me suis récemment employé à le faire pour deux textes qui, à fortiori dus à de jeunes pousses, me semblaient appeler un effort commentatoire.
teverino- Nombre de messages : 460
Age : 67
Date d'inscription : 23/05/2014
Re: Complainte iambique de la meule romaine
salutatous!
l'émission est là, ça me fait plaisir d'avoir ces échos del Tevere et des meules, les activités productives sont un sujet évocateur.
l'émission est là, ça me fait plaisir d'avoir ces échos del Tevere et des meules, les activités productives sont un sujet évocateur.
Annie- Nombre de messages : 1452
Age : 73
Date d'inscription : 07/07/2010
Re: Complainte iambique de la meule romaine
Vu qu'il y a du monde en ce moment, je up ma Meule car bigre elle allait sparaître aux oubliettes. J'essepère qu'on ne m'en voudra pas trop...
teverino- Nombre de messages : 460
Age : 67
Date d'inscription : 23/05/2014
Re: Complainte iambique de la meule romaine
oh la belle meule.
l'a bien raison de mettre les pieds dans l'O.
"Je voudrais que l’on me dévisse
Qu’enfin l’on me mette tranquille."
minute, je peux pas etre à la fois au four et au moulin.
l'a bien raison de mettre les pieds dans l'O.
"Je voudrais que l’on me dévisse
Qu’enfin l’on me mette tranquille."
minute, je peux pas etre à la fois au four et au moulin.
hi wen- Nombre de messages : 899
Age : 27
Date d'inscription : 07/01/2011
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