UJJPTL&TLMMR

[à tchaoum]

spécial pour Claire et Arielle, on ne parle pas tout à fait de la même chose mais comme je l'ai dit (à Claire), j'ai bien aimé vos textes du week-end, lus alors que je tricotais celui-ci...

UJJPTL&TLMMR
Putain de week-end.

Plus facile à écrire qu'à dire,
et plus facile à dire qu'à faire.

Je marche dans le noir, oh, pas long, deux kilomètres aller retour jusqu'au bourg, pour passer... la rage ? Non, même pas, pour faire quelque chose, pour ne pas imploser, coincé entre un fils qui est un saligaud et une femme qui est une emmerdeuse. Non, le saligaud n'est pas le fils de l'emmerdeuse, et c'est bien ce qui leur donne à tous les deux la force de me pourrir la vie avec une bonne conscience désarmante. Coincé entre la suffisance méprisante de l'un et les jérémiades hargneuses de l'autre, soit je partais faire un tour, soit j'entrais en auto-combustion.
Je marche donc dans le noir en fulminant, la pensée révoltée en éclaireur, traçant devant sur la route mouillée, évaluant la distance en terme de chagrin et de colère. Grand comment j'ai mal ? Deux ? Cinq ? Dix kilomètres ? Plus ? Plus ! j'en suis sûr, mais le crachin, le froid et ce troisième oeil narquois qui me regarde pédaler (dans la mélasse ou dans le vide) me soufflent que le jouer théâtral n'arrangera rien, que la vie n'est certes qu'une triste farce, mais que ça n'est pas la peine de cabotiner. Pourquoi surjouer ? t'as pas honte ? D'ailleurs je suis mon seul spectateur. Mais là, maintenant, si j'avais un peu plus de couilles au cul, je ne compterais pas les kilomètres, je peux marcher toute la nuit, je l'ai déjà fait. J'ai des amis dans le coin ; à neuf bornes de campagne en continuant tout droit ou à quinze en rebroussant chemin, je peux tambouriner à leur porte en pleine nuit, ils m'ouvriront. Ils se foutront de moi en me réchauffant généreusement de produits à consommer pourtant avec modération, et je serai comme un coq en pâte le temps que je voudrai, le temps qu'il me faudra. J'ai un bon manteau, des godasses increvables, mes lunettes, un paquet de clops neuf et un briquet qui marche, chapeau, écharpe, j'ai même des mitaines dans la poche du manteau et mon couteau dans celle du pantalon ; le kit de survie. Et tiens ! Je palpe, bingo ! j'ai un stylo dans ma poche de chemise. Pis j'ai mon portefeuille, ma carte bleue, mon carnet d'chèques, une trentaine d'€uros en liquide, de quoi voir venir. Et une bonne dizaine de tickets de caisse, presque autant de feuilles de Sopalin-mouchoirs secs, deux « Batna », les clefs de voiture (!), de la maison, du bahut, une vieille liste de courses, un caillou rond et une clef USB, mais qu'est-ce que je peux trimballer comme trucs ?! Dans le bourg si je prend tout de suite à gauche, à dix bornes seulement c'est la ville, je finis la nuit à l'hôtel.
Et je laisse couler le samedi, je refous pas les pieds à la maison. Seulement la ville, en ceinture je vais m'faire chier, et le centre n'est pas assez grand pour que je puisse y zoner sans tomber sur quelques personnes qui vont se ou me demander ce que je fais là tout seul, avec qui faudra causer un moment debout dans la rue comme des cons ou prendre un pot comme des civilisés, et causer. J'ai rien à leur dire, je vais plutôt me faire une journée ciné, avec ce temps de chiottes je perdrai pas grand chose. Je vais voir des films qu'i m's'rait jamais v'nu à l'idée d'aller voir un jour, tout ce qui se présente ! Première séance à 10h, ça m'laisse le temps d'acheter un bloc-petits-carreaux et un bouquin de sudoku. Elle doit déjà être aux cent coups à vouloir appeler l'hosto. Lui ne doit pas trop savoir comment tenir sa carcasse pour avoir l'air de s'en foutre quand même. À midi je traverse la rue et je m'enfile un maxi-burger, une grande frite et une bière à leur santé ; lui en crèverait de jalousie, elle réprouverait dégoûtée, bien fait pour eux ! J'vais m'gêner !
Et j'avale film sur film.
Y a de ces conneries dans tout ce qui sort ! Y en a des biens aussi, faut dire, je m'en fous complètement, je me laisse mener par le bout du nez, porté d'heure en heure par les histoires des autres, l'esprit critique réglé sur « bonne humeur », et... c'est déjà le soir.
Elle doit être folle furieuse et d'inquiétude. Sûrement qu'elle a téléphoné à tout le monde toute la journée et à l'heure qu'il est même les flics sont au courant. M'est égal, je repique au hamburger pour enfoncer le clou et je retourne à l'hôtel ; le ciné, j'ai ma dose.
Dans la chambre j'essaye de dessiner un peu, mais rien ne vient, rien de bon. Je noircids la moitié du petit bouquin de sudoku, bof, c'était pas vraiment des difficiles mais ça maintient la tête vide en la faisant carburer et me tient jusqu'à ce que le sommeil arrive. C'est demain dimanche (la fête à ma tante...). Rideau.
Bon, alors c'est dimanche. Le marché de la ZUP ? Non, j'y tomberais sur ceux que j'ai évités hier dans le centre ville. Quelle heure il est ? C'est jouable, je vais chez ***, c'est pas très loin, et je sais qu'il n'est pas en tournée. Ça fait longtemps qu'on s'est pas décontractés les zygomatiques ensemble.
Il est chez lui et commence par en rouler un p'tit, c'est un homme sur qui on peut compter. Il me raconte à sa sauce piquante ses galères d'intermittent tout en nous préparant le p'tit dèj' et restaure en même temps ma culture musicale en jachère. Un tas de disques avec un tas d'images sur les boitiers, sur les pochettes c'était plus grand, des monceaux de titres, de groupes, de sons que je ne connais pas. C'était pas du luxe, ça fait trop longtemps que je n'écoute que du Zappa en boucle !
Ah ! l'herbe qui rend niais !
Le zen de l'indien après le calumet de la paix.
La paix retrouvée.
À la maison, ça doit être un bordel monstre, sûr qu'ils doivent penser à ces gens qui n'ont jamais refait surface, ils n'y croient pas, bien sûr, mais ça les gêne tout de même aux entournures.
Au bout de combien de temps ça démarre, les avis de recherches ?
Et combien de temps ça court ? Et après qui ?
Les Indiens ont une perception élastique du temps. Ils vident le frigo, se marrent comme des baleines, refont tout le parcours depuis c'était quand déjà ? Plus de la moitié de leur vie, et ils conviennent que tout ça n'est qu'une farce. Et moi, je suis à quinze bornes de chez moi, sans me presser, j'en ai bien pour trois heures, on a pas vu la journée passer, faut qu'j'y aille, préparer mon cartable, arrêter les conneries, demain, y a classe. Un élève sur trente cinq, ça passe inaperçu, mais quand c'est le prof qui manque, ça se repère vite.
Mais ce sont trois heures à savourer, les dernières avant de replonger. Je vois des trucs que j'ai jamais remarqués en bagnole. Ch'trouve pas l'temps long.
Je l'aurais parié, quand j'arrive en vue il y a une voiture bleu foncé devant la maison, Gendarmerie Nationale. Et deux uniformes dans la cuisine avec mon fils et ma femme.
- Bonsoir Messieurs, bonsoir ma poule, salut Toto, qu'est-ce que je vous sers ?
- Oh ! Faites pas le malin, qu'est-ce que vous foutiez ?!
- Écoutez, fallait que je fasse quelque chose, pour ne pas imploser, coincé entre un fils qui est un saligaud et une femme qui est une emmerdeuse. Non, le saligaud n'est pas le fils de l'emmerdeuse, mais ils ont dû vous l'expliquer, c'est bien ce qui leur donne à tous les deux la force de me pourrir la vie avec une bonne conscience désarmante. Coincé entre la suffisance méprisante de l'un et les jérémiades hargneuses de l'autre, soit je partais faire un tour, soit j'entrais en auto-combustion... C'était vous ou les pompiers.
Mais comme je disais, il faut arrêter les conneries. Arrivé dans le bourg, rendu au carrefour où tout d'suite à gauche à dix bornes seulement c'est la ville, dans la crudité de l'éclairage municipal, avec deux crétins de chiens que ça dérange au loin et qui le font savoir, je respire un grand coup et je rentre au bercail du réel.

[Invité]

Le début me paraît très bien ! (Les deux premiers paragraphes.)
Ensuite, pour moi ça s'essouffle : honnêtement je me fiche du week-end d'"évasion" du gars, et autant de son retour. Qu'il ne se passe rien n'est pas gênant en soi, mais le ton de narration, à mon avis, est banal, n'apporte pas de surprise, une vision propre.

Le texte gagnerait sans aucun doute, je pense, à être resserré, avec des expressions moins attendues.

[claire]

Ben contrairement à ce que je viens de t'écrire, je viens de le lire ce texte et je te livre en bloc...notes, sans sudoku, mes premières remarques que je me suis faites tout haut.
Changement de ton, changement de style ?
un long et bon monologue ininterrompu de celui qui veut qu'on lui foute la paix, la paix qu'il veut; ça cause toujours dans une tête; les mots, c'est eux qui te foutent jamais la paix; tu sais les jouer sur un dé à ... combien de faces ?
Putain de w.e. en bulle d'air. Oui, la ville est pas loin, elle est en boucle, on s'y enboucle et c'est parfois tout aussi étouffant, la ville, qu'un saligaud (!) et qu'une emmerdeuse (!!); créer une île en marchant; la tête dérape tout le temps, elle t'a pas lâché le cerveau, la grande "emmerdeuse", celle qu'on sait pas lâcher.
Moi j'dis, au vu du commentaire qui précède, ya rien à resserrer, ne resserre rien! C'est bien ce rythme de la marche et j'ai marché partout en lisant.
Merci atchaoum df

[Arielle]

J'attendais avec impatience ce deuxième texte après l'enthousiasme qu'avait provoqué chez moi la lecture de ce fameux western. L'ambiance est évidemment très différente et l'humour, de ce fait, moins étourdissant mais l'autodérision du narrateur, son côté gamin qui fait une fugue pour punir ses parents, ce style parlé très vivant et tout en clins d'œil… décidément, j'aime et je ne suis pas déçue!

[à tchaoum]

j'aime et je ne suis pas déçue!

Merci M'dame.
J'avais toute l'histoire dans la tête au retour de ces deux kilomètres dans la nuit pluvieuse. Je l'ai racontée comme elle était venue en marchant. Presque il y avait urgence à m'en débarrasser. Si j'avais été moins dedans, j'aurais sans doute un peu "travaillé" la chose :-).
Mais encore merci.

à tchaoum
df

[mentor]

J'aime assez , je n'ai pas trouvé cette narration trop longue. J'ai bien ressenti ce trop-plein, ce besoin de changer quelque chose, ne serait-ce que le temps d'un week-end, et malgré tout la lucidité qui fait revenir au "bercail" après avoir pourtant pensé à ces gens qui déconnectent vraiment et soit qu'on ne retrouve carrément jamais soit qui se pendent dans un coin de bois...
Je ne te souhaite pas que ce soit un bout d'auto-bio ! ;-)

[apoutsiak]

le sujet d'une parenthèse rare dans la vie, entre bol d'air et nouveau souffle, est intéressant. Je trouve cependant l'identité du héros hésitante, dans le genre prof jouant les loubards. Mon intuition est que l'auteur aime déborder de la marge et s'essaie à un langage bâclé qui ne lui est pas naturel, même si, je le répète, cette espèce de mini road-movie retient l'attention.

[à tchaoum]

dans le genre prof jouant les loubards

Je suis prof il est vrai, mais aux ânes bien nés...
Pour "jouant les loubards", non, je récuse, d'ailleurs, le titre (qui n'a toujours pas été élucidé) crie le contraire.

à tchaoum
df

[Yali]

Jolie tranche de non-vie, et belle parenthèse indienne (on a les mêmes potes faut croire). Un brin plus direct, plus immédiat dans la manière m'aurait davantage séduit, mais qu'importe, ça fonctionne.

[outretemps]

On marche à vos côtés, un peu tristement, car ça sent parfaitement la souffrance sans aucun recul, l'animal blessé qui se heurte aux murs d'une prison qu'il s'est lui même forgée. C'est très courant sans doute, mais rarement si bien dit.

[Invité]

Lu et apprécié, une répartition un peu anarchique des élisions, un euro en hiéroglyphe qui me dérange, Ô fantaisie comptable, rappel au fric (était-il-besoin de nous y ramener? Pas $ûr, mais acide.)
Un belle histoire en l'état des lieux.

[Arielle]

[quote="à tchaoum]d'ailleurs, le titre (qui n'a toujours pas été élucidé) crie le contraire.

à tchaoum
df[/quote]
Il y a de grands mystères qui traînent sur ce forum... Ce titre en est un, les raisons qui poussent un dénommé Arthur Rimbaud à coucher dehors en est un autre qui me turlupinent de concert...

[à tchaoum]

Il y a de grands mystères qui traînent sur ce forum... Ce titre en est un,

Ce n'en est pas un bien grand :-) la dimension d'une devinette, et je suis bien certain qu'en fouillant assez profond dans sa mémoire tout le monde ou presque se rappellerait l'avoir marmonné en serrant ses p'tits poings et ravalant ses larmes.
Et pour certains ici, c'était il n'y a pas si longtemps.
J'ai mis le "et" commercial (&) pour qu'on voit la coupure entre les deux volets, mais c'est vrai que la lecture des initiales n'aide pas...
Alors ?
Claire, tu joues pas !-)

à tchaoum
df

[Arielle]

A part la mémère de la fin...Je dois être bouchée mais quand je vois autour de moi les regards inquiets de mes chiens, je cesse de déclamer à haute voix ce mystère qui me dépasse. Je passe la main... Claire!!!

[à tchaoum]

A part la mémère de la fin...

Bon, je laisse encore un peu planer le doute pour si quelqu'un mettait l'doigt d'ssus...
Mais c'est du genre à déclencher "Bon sang ! Mais c'est... Bien sûûûûr" et on se frappe le front.

à tchaoum
df

[Invité]

UJJPTL&TLMMR
- Voyelle...A
- Consonne...V
- Voyelle...U
- Arielle... 2 lettres
- Claire...Pas mieux
- aller vous faire voir en un mot.
- Merci, les chiffres s'il vous plaît, Bertrand.
- Le compte est bon.
- 'tain j'les avait aussi.
- les lettres je vous prie Laurent!
UJJPTL&TLMMR
- Voyelle
- Yen a plus
- Consonne
- la retraite
- Arielle?
- quoi?
- J'ai envie de vous prendre comme ça sauvagement sur le plateau.
- Laurent, les chiffres je vous prie.
- 18
- Bertrand?
- Pas mieux.
- les lettres Laurent?
- UJJPTL&TLMMR.

[à tchaoum]

- Consonne
- la retraite

Excelllent !
Dans pas très longtemps, ma foi.
Mais ding, ding, ding, le temps coule, comme au jeu des mille francs.
Je donne la réponse ce soir.

à tchaoum
df

[claire]

. Je passe la main... Claire!!!

Claire, tu joues pas !-)

hihihihihihihihi!

[à tchaoum]

Bah ! c'était :
Un Jour Je Partirai Très Loin &et Tout Le Monde Me Regrettera !

"Pschiii", fit le pétard mouillé.

à tchaoum
df

[Arielle]

Je m'étais focalisée sur un truc style langage SMS ...J'aurais pu chercher longtemps encore!
Alt128a ressemble un peu à une épitaphe développé comme ça, non?

[Sahkti]

Un peu gênée par les nombreuses élisions qui finissent par (trop) me sauter aux yeux et gâchent ma lecture.
Pas apprécié non plus la partie dialoguée avec les deux flics, ça sonne terriblement faux à mes oreilles.
Une impression, peut-être/sans doute fausse, que tu n'as pas su exactement trouver la voie entre humour et gravité, on sent un peu des deux mais le texte n'y entre jamais complètement. Dès que le ton désabusé prend le dessus, tu tentes une incursion plus légère en faisant référence à des petits trucs anodins ou amusants et puis hop, ça replonge, ça remonte et ainsi de suite. Un rythme en vague qui me laisse un peu sur ma faim, d'autant plus qu'il y a là une intéressante matière à réflexion sur cette envie de tout plaquer pour ne pas craquer. Tu effleures, tu caresses, mais sans plus.

[à tchaoum]

Pas apprécié non plus la partie dialoguée avec les deux flics, ça sonne terriblement faux à mes oreilles.

Oui sans doute, mais pas plus que tout le reste, si ? Là dedans tout est faux, (sauf la topographie et les localisations amicales), ce dialogue n'était qu'un renvoi au début (da capo), un retour en boucle, une fermeture en cercle vicieux, faire se mordre la queue au serpent...

Une impression, peut-être/sans doute fausse, que tu n'as pas su exactement trouver la voie entre humour et gravité

Probablement parce que je n'avais aucun recul.
N'empêche, le "saligaud" et "l'emmerdeuse" l'ont lu, et depuis, ils me foutent un peu la paix.
Je vous remercie tous de vos commentaires.

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