Galère, galère…

[maniak']

Deux mois que je n’avais pas surfé. Ma première session 2008.

Le bon côté c’est que j’en avais des fourmis dans la pagaie et que j’étais prêt à affronter les 1.80 m de houle annoncés sur wannasurf.com comme le prince charmant le méchant dragon qui retient la princesse dans son donjon. Le mauvais c’est que deux mois sans surf ça se ressent au premier passage de barre. Plus rien dans les bras le gars maniak’ !

Mais bon, c’est pas le genre de truc à me décourager. Alors, premier arrivé sur le spot, premier à l’eau et premier constat : il y a bien plus d’1.80 à La Cloche, au moins 2.50 vu de la plage. Et le line up est sacrément loin. Va falloir pagayer dis donc ! Mais, le maniak’, il est peut-être inconscient mais c’est tout sauf un dégonflé ok ? Alors il attrape sa pagaie et il se bouge ! Hop ! Hop !

Courageux oui. Mais pas téméraire au point de remonter jusqu’au pic dans ces conditions et tout seul. En attendant les autres, je me contente de surfer la reforme devant. Et ça se passe pas trop mal au départ. Je prends deux vagues coup sur coup en démarrant dans la mousse et je passe de jolis bottoms et même un top turn bien radical, presque un roller.

Bastien arrive le premier. Hugues et Paul sont encore sur le sable quand je prends ma troisième vague. En démarrant du pic cette fois. Drop impeccable, bottom à droite et cutback en suivant. Ça passe juste parce que c’est de plus en plus gros.

Je remonte au pic et j’en profite pour balancer une vanne à Hugues qui débarque. Ça rigole ! Ça rigole !

Quatrième vague. Ça frise le 3.00 m. Je dévale un peu en travers, faut que je redresse ça tout de suite sinon je vais me la prendre sur la gueule. Mais je suis pas inquiet, ça je sais faire. Un bon appui du dos de la pale sur la gauche et mon ski commence à se redresser. Je maîtrise je vous dis.

Et d’un seul coup ma pagaie s’enfonce sous moi, elle vient de casser net aux trois quarts du manche. Drôle de castagne ! Mon bras gauche en est engourdi jusqu’au coude. Le ski se met en travers histoire de donner un maximum de surface à gifler à la vague. J’ai l’impression d’être une balle de tennis un jour de finale à Rolland Garros. Vous voyez un peu ?

Je décolle au-dessus de l’eau en effectuant une figure qui, si j’étais capable de la reproduire, me vaudrait un dix au championnats du monde, c’est sûr. Je retombe face à la vague en tapant durement des fesses sur le siège.

J’aurais certainement très peur devant ce monstre si j’en avais le temps, mais bon, là j’en ai pas du temps. J’effectue un superbe soleil et cette fois j’ai la tête en bas… je suis dans la lessiveuse. Ça secoue dans tous les sens et je commence à manquer d’air. Va falloir que je dessangle. Une ou deux seconde de pure panique quand mes doigts dérapent sur la boucle et ne parviennent pas à me libérer. Grand moment de solitude...

C’est bon, c’est fait ! Le ski me traîne sur quelques mètres, juste le temps pour le leash de se rompre au ras du bracelet et de me brûler un peu la cheville. Adieu veaux, vaches, cochons,… waveski…

Je m’enfonce très vite en me disant que s’il y a des rochers pas loin je risque d’y laisser mes dents. C’est pas que je sois chochotte, mais il parait que j’ai un joli sourire. Et, comme le reste est pas terrible, j’aimerais autant le garder.

Mes poumons sont à sec. Mais la règle dans ces conditions c’est de ne surtout pas paniquer. Alors je me dis que ça, je l’ai déjà vécu, qu’aujourd’hui c’est plus long que d’habitude mais que ça ne peux pas durer éternellement, qu’elle va finir par s’essouffler… En attendant c’est moi qui m’essouffle !

Quand enfin j’émerge, non sans avoir ramassé les deux vagues suivantes sur le coin du bocal, je constate que je tiens toujours une demie pagaie dans ma main droite, que j’ai perdu mes deux chaussons et que mon ski, heureusement n’a pas dérivé trop loin.

Je vous passe le retour vers la plage avec la demie pagaie suscitée. Je vous confirme simplement qu’il ne faudra pas compter sur moi pour le premier rôle dans la prochaine version du Dernier des mohicans filant dans son canoë avec sa pagaie simple. Parce que bon, avec une pagaie simple, moi je fais tout sauf filer.

Il s’est bien passé deux ou trois autres trucs ce dimanche mais on va dire que c’est anecdotique.

Bonne semaine à tous !

[bertrand-môgendre]

tu prends l'eau maniak', dans le sens où tu l'as dans la peau.
Le récit est vivant (j(ai même mordu mon tuba, c'est dire la force des vagues.
J'ai la flème de chercher ces mots techniques : spot, 1.80 à la cloche, line up, bottoms, top turn, cubtack, dessangle, leash, waveski, et chaussons (tu navigues en charentaises ?)
bien écrit.

[Arielle]

"C’est pas que je sois chochotte, mais il parait que j’ai un joli sourire. Et, comme le reste est pas terrible, j’aimerais autant le garder."

Eh bien moi, je peux te dire que je l'ai gardé tout du long, le sourire! Une bonne goulée de d'humour et de fraîcheur. Ca requinque cette ambiance-là, merci!

[maniak']

Alors le spot c'est l'endroit où on surf, La Cloche c'est mon spot préféré (une méchante vague carrée), Bottom, top turn, cutback sont des figures de surf, dessangler c'est quand on largue la sangle qui nous maintient sur le siège du waveski, le leash c'est un cordon élastique qu'on noue à la cheville pour pas paumer le waveski quand on dessangle.

Pour plus d'info :

http://maniakwaveski.blogspot.com/

Sinon, merci d'avoir lu à tous les deux.

[outretemps]

Ca c'est tonique! Fraicheur de vivre et hollywood. Et dire qu'il y a des mecs qui s'en sortent!
Foutre dieu, moi qu'ai été à me trainer la vie juste à m'appliquer à tirer droit, je jalouse.
Ca m'époustouffle qu'on puisse en revenir. Plus encore qu'on puisse y aller sans être obligé.
C'est sans doute ça être jeune.
A faire lire absolument en salle de réa, à haute voix bien sur, comme le truc à Sarko à l'école.
Sûr que les branchés s'en mordraient le tuba tout pareil.

[maniak']

Outretemps, je peux pas te décrire les sensations... C'est colossal ! Je mets au défi n'importe qui de ne pas y retourner après avoir pris une première vague. C'est cette euphorie qui fait qu'on se retrouve parfois dans de drôles de situation.

Oui, je suis waveskidépendant.

Un autre petit texte écrit il y a longtemps qui illustre un peu ce qu'on peut ressentir.

...

Je me suis levé tôt.

Je me suis levé tôt. Le soleil pointait à peine au-dessus des cabanons, baignant le ciel d’une lumière rosâtre. Le sable a glacé mes pieds nus alors que je descendais la plage en pente douce jusqu’au goulet.

Mon waveski sous le bras, l’oreille attentive au fracas des vagues s’écrasant sur la dalle rocheuse, je me suis arrêté à mi-chemin pour essayer de les voir, appréhender leur taille, leur puissance. Mais il faisait encore trop sombre, on distinguait à peine la Cloche, arche de ferraille oxydée par la rouille émergeant de l’eau encore noire, comme un mauvais présage.

Un peu tendu, comme à chaque fois, j’ai posé ma planche sur le sable avant d’enfiler mes chaussons. J’ai bien fait de mettre un lycra sous ma combi, il ne fait pas chaud. L’eau sombre me glace jusqu’aux os quand je m’avance pour aller chercher un peu de fond.

Assis sur mon ski, j’attends que la lumière soit suffisante pour pouvoir distinguer les rochers. Au bruit, je devine que la météo ne s’est pas trompée, les vagues sont solides, plus d’un mètre cinquante pour sûr. Ça fait toujours peur. C’est que ça représente des tonnes de flotte !!

Cette fois, ça y est, la visibilité est suffisante. Je serre ma sangle ventrale, assure le leash autour de ma cheville gauche et, comme à chaque fois, le rituel est immuable, j’attrape mon alliance que je porte passée dans une chaîne en argent autour du cou, et la glisse entre mes lèvres.

C’est bon, il fait quasiment jour. Le temps d’atteindre le line up et il fera assez clair. D’un geste décidé, je plante ma pagaie dans l’eau et mon ski glisse docilement vers le large. Aussitôt, tous mes muscles, encore courbaturés du surf de la veille, me rappellent mon âge. Faut s’y faire, je n’ai plus vingt ans.

La barre me gifle et son contact glacé me pétrifie. Mon corps est encore à la température du lit. Mais, Dieu que c’est bon de se sentir vivant !

Maintenant je distingue les vagues, elles déroulent, régulières et puissantes, au large de la Cloche avant de se fracasser sur la dalle rocheuse dans un rugissement de monstre. Et, comme d’habitude, elles me font peur. Elles sont sacrément grosses, deux bons mètres. Je savoure le frisson qui coure le long de mon dos. Je vais les affronter, et peut être les battre.

Au passage, du bout de ma pagaie je touche le métal tordu de la Cloche. Ça aussi, c’est un rituel.

Le soleil du matin se reflète sur la mer et m’éblouit. J’apprécie sa chaleur sur mon dos. Mais bientôt, je ne le sentirai plus. Bientôt, seule l’adrénaline comptera.

Et, d’un seul coup, je la voie, elle est énorme, d’un bleu sombre. Elle est loin encore, impressionnante de puissance. C’est elle que je veux, pas une autre.

Ma pagaie gifle la surface en cadence et je sens, j’apprécie, dans mes épaules, dans mes bras, toute la violence de l’effort. Penché en avant, tendu comme un câble, je file vers ce point sur la gauche où je sais qu’il faudra que je sois au moment où elle passera.

Le souffle court, j’y arrive, j’y suis, et il n’est pas trop tard. Elle se lève, là bas, à vingt mètres. Elle gronde. Putain de merde ! Elle est énorme !

L’adrénaline gonfle mes veines. Je sens mes pulsations accélérer, mon cerveau qui se vide de tout autre pensée cohérente que celle de me coucher en arrière sur ma planche au moment du drop. Surtout ne pas enfourner le nez de mon ski au bas de la vague, elle me plaquerait au fond.

Je plante ma pagaie et effectue un rapide demi-tour. Je l’entends dans mon dos qui maintenant rugit. Déjà sur ma droite elle commence à s’écrouler.

Maintenant, je pagaie frénétiquement, prendre de la vitesse, éviter le shoot. Ça y est presque, elle est là, dans mon dos, je la sens, elle me soulève…

C’est le meilleur moment, je suis au pic. Là, sous moi, le vide et la peur. Et puis, d’un seul coup, mon ski bascule et je plonge. Ça va vite, très vite. C’est certainement l’une des plus grosses vagues que j’ai jamais surfé.

Je suis sur le dos du monstre. Et elle se bat, se débat. Elle jette toutes ses forces dans la bataille, tous les moyens sont bons pour se débarrasser de moi, insecte que je suis sur le dos de la bête. Mais je suis fort, je suis un chevalier qui affronte un dragon, je suis invincible.

Du regard je cherche à ma gauche le coté lisse, et ma pagaie trace une cicatrice blanche sur son flanc alors que je bascule sur le rail. Impeccable manœuvre qui me ramène au pic. Et je plante ma pelle, à droite cette fois, pour virer très court et plonger sous la lèvre, juste le temps de lui faire croire qu’elle me tient. Et puis, au moment où elle s’abat, à nouveau je vire et lui échappe.

Autour de moi, tout n’est qu’écume. Mon ski rebondi sur le rouleau, décolle même par instant. Je serre les dents, ce sont ses dernières cartouches, dans quelques secondes elle s’affaiblira, deviendra docile. Alors, elle sera mienne, complètement, pour les derniers mètres.

Voila, maintenant, et pour finir, avant qu’elle n’ait plus assez de force, j’enfonce ma pagaie jusqu’à la garde et effectue un superbe 360.

C’est fini, elle rend les armes et je sors pour la regarder partir, tranquille à présent, vers la plage.

Mon cœur ralentit, tout mon corps se détend. Je la voie disparaître et je me dis que, quoi qu’il arrive, personne d’autre ne la surfera plus jamais…

[mentor]

Wouaouh Maniak ! J'en suis encore essoufflé ! Et admiratif de ce que tu fais et oses faire, chapeau
Et bravo aussi pour l'écriture, c'est super bien rendu, trépidant, j'ai lu quasiment en apnée
Pas gêné du tout par le vocabulaire spécifique, j'ai bien imaginé les figures même sans connaître les mots
Je n'irais pas jusqu'à dire que ça donne envie, j'en ai vu des fous comme toi sur les côtes du Venezuela, c'est superbe à observer à la jumelle, mais je n'irai jamais prendre des cours ;-)


Pas lu le deuxième texte, peut-être ce soir

[à tchaoum]

Je mets au défi n'importe qui de ne pas y retourner après avoir pris une première vague.

Bah j'en connais un qui, après s'être fait bouffer la moitié de la planche par un requin, n'était pas très chaud pour y retourner :-)
Ce qui est assez con, d'ailleurs, parce que les bombes tombent rarement deux fois dans le même trou (dit-on).

[mentor]

extra aussi ce 2ème texte, moins de termes techniques, tout autant de force, de puissance, de réalisme, je m'y suis cru
tu réussis parfaitement à transmettre ce que tu ressens, je trouve, et ça c'est un don que tu dois cultiver

[maniak']

Faut faire comme moi, surfer là où y a pas de requins. En même temps, le mec qu'à les foies faut qu'y fasse autre chose :0)...

Merci pour les coms.

[maniak']

Mentor, ça fait toujours plaisir à lire ce genre de chose.

Merci.

[Sahkti]

Tranche de vie sympathique, reconquête par l'effort avec des émotions vraies plutôt bien traduites et une sensation de vécu qui grandit de ligne en ligne.

[Invité]

Toujours cette même qualité de transparence de l'écriture au profit du contenu. J'adhère à la planche aussi. .Parti.

[outretemps]

C'est vrai qu'à lire ça donne envie... de rajeunir. Moi c'est rêver que ça me fait vu que pourave que je suis, un brin de vent et j'évanouis. Alors tant qu'à faire profites en bien et surtout ne te casse rien. T'auras beau dire mais à écrire tu risques moins

[maniak']

Merci Pandaworks.

Sinon, écrire aussi c'est pas mal. Mais bon, en ce moment j'y arrive pas alors... Et puis c'est pas le même trip. Normalement y me faut les deux.

Merci pour les coms.

[Contenu sponsorisé]