[NOUVELLE FANTASTIQUE] Pêche Miraculeuse

[Jaguar]

Bonjour à tous,
voici une nouvelle que j'ai écrite pour un atelier sur un forum. Voici les consignes :

Sujet : Atelier d’écriture n°3

Enoncé : écrire une nouvelle en suivant les indications suivantes

• Lieu : au bord d'un étang
• Perso : un ou plusieurs pêcheurs
• Evènement : ils tirent de l'eau une étrange prise
• Nombre de mots : 2000 max

Voici le résultat :


C'était la première fois qu'Aeneas partait pêcher seul. En temps normal, un jeune comme lui ne pouvait pas s'aventurer en mer sans adulte, mais son père, Pallas, avait disparu trois jours plus tôt, les laissant lui, sa mère et ses trois petites sœurs seuls et sans ressource. Le vent était fort et les nuages menaçants ce matin là quand il lui dit :

“ - Non, Aeneas, tu ne viendras pas avec moi aujourd'hui, tu dois aider ta mère à vendre la pêche d'hier.”

Il était parti confiant et souriant, et le soir le soleil s'était couché sans le voir revenir. Son fils l'avait attendu toute la nuit, scrutant la mer à la lueur de la pleine lune, sans succès. Au petit matin, il avait fallu se rendre à l'évidence : la mer ne rendait jamais les hommes qu'elle avait enlevé. Les deux jours suivants il avait vendu le fruit des pêches précédentes avec sa mère, mais aujourd'hui il ne restait plus rien. Il fallait retourner chercher le poisson, et pour la première fois il devrait se débrouiller seul, avec la vieille barque que son père n'utilisait plus. Il connaissait le métier, possédait la technique, mais avait toujours été chaperonné. Comment s'en sortirait-il sans son mentor de toujours?
Il respira un grand coup, essayant de ne pas penser au cadavre de son père qui était sûrement au fond des flots qui lui faisaient face, et affronta bravement son destin.
Au moins ce matin là le ciel était pur et bleu, le soleil ne brûlait pas trop fort et le poisson l'attendait, il le savait.
Il poussa l'embarcation à travers les vagues, sauta dedans et s'empara des rames. En s'éloignant du rivage, il ne pu s'empêcher de regarder autour de lui, redécouvrant un paysage l'entourant depuis toujours mais semblant ce jour là neuf et étranger.
Le village de Monemvasia, dans lequel il était né, était plus un regroupement de petites cabanes décharnées qu'un véritable village. Chaque hutte de pêcheur semblait branlante, mais respirait la vie grâce aux nombreux enfants jouant sur le sable. De vieilles coques échouées un peu partout sur la plage, désormais inutilisables, faisaient de parfaits châteaux pour les jeux guerriers des futurs pêcheurs. A quelques dizaines de mètres à peine du village, se dressait une île aussi singulière qu'impressionnante : derrière une prairie montante se dressait à pic un immense rocher de plusieurs centaines de mètres. Les hautes collines rocheuses entourant le foyer de l'adolescent, anciennes montages usées et érodées par les millénaires, rapetissaient progressivement alors qu'il ramait. Monemvasia disparaissait derrière l'île aussi sûrement que la mer semblait l'aspirer en son sein.

“- Respecte la, lui disait souvent son père, car elle nous nourrit tous.
- C'est pour ça que tu lui fais des offrandes, avec les autres hommes du village?
- Oui mon fils, il est important de remercier Poséidon, le dieu de la mer, qui nous autorise à se servir dans son domaine.”

Sortant de sa rêverie, Aeneas commença les gestes tant répétés avec son père, plaçant nasses et balances comme il l'avait appris, s'assit pour attendre une fois terminé, et se permit de recommencer ses rêveries.
Que se passerait-il s'il était emporté par un brusque courant? Si des nuages arrivaient subitement et qu'un orage éclatait? Avant, son père, rassurante présence, était là pour parer à tout éventualité, mais là il était seul pour affronter ce que seuls les dieux étaient capables de prévoir. Peut-être était-ce ce qui était arrivé à son père? Non, il avait bien trop d'expérience pour ça, et respectait bien trop les dieux pour qu'ils le punissent. Ils étaient bons, lui avait-il toujours dit, et ne menaçaient que les irrespectueux et les malfaisants.
Tout à ses pensées, il n'entendit pas l'appel lointain qui lui était destiné. Soudain, il cru distinguer un cri, très faible, derrière lui. Il se redressa péniblement, légèrement assommé par l'attente sous le soleil maintenant bien haut dans le ciel, et quitta la côte des yeux pour se retourner vers le large. Rien.
Il se rassit et reprit sa longue attente lorsqu'il entendit à nouveau un vague écho venant de l'horizon. Il se retourna, cherchant la source du son mystérieux, mais ne vit toujours rien.
Il allait se retourner lorsqu'il cru distinguer à l'horizon un point inhabituel. Il masqua le soleil de sa main et essaya de voir ce dont il s'agissait, en pure perte. Il réentendit alors, très lointain, l'appel fugace : “Aeneas !”
Bouleversé, il se rassit et essaya de comprendre. Que se passait-il? Impossible de ne pas penser à son père. Peut-être n'était-il pas mort? Et s’il dérivait depuis sa disparition, qu'il était blessé? Peut-être aussi qu'il rêvait... Le soleil était proche du zénith, et il était resté trop longtemps immobile, grave faute lorsqu'on est seul en mer. Le doute cependant était affreux. Pourrait-il se pardonner de n'avoir pas aidé son père? S'il voulait avoir une chance de rattraper la lointaine embarcation, il fallait partir immédiatement, ce qui voulait dire abandonner ses filets. Si c'était une hallucination, il ruinait toute sa famille.... Si ça n'en était pas une, son père saurait régler tous les problèmes, et il avait sûrement tout son matériel de pêche à bord.
Non, il ne pouvait pas laisser passer cette chance, ça ne pouvait qu'être son père. Il se sentait bien, s'était rafraîchit, et voyait toujours le point. Il empoigna ses rames et fila au plus vite dans la direction désirée. Maintenant que ses filets étaient perdus, il ne devait, ne pouvait plus échouer. Il rama longtemps, très longtemps, mais le point grossissait à une lenteur désespérante. Il devait dériver dans la direction opposée, mais l'échec n'étant plus permis, il redoubla d'efforts. Il lui fallait atteindre son objectif avant la nuit. De temps en temps il lui semblait entendre un râle éloigné appeler son nom.
Lorsqu'enfin il s'approcha suffisamment pour voir ce dont il s'agissait, le doute ne fut plus permis. Le bateau était bien celui de son père. Une solide barque de qualité qu'il avait construite de ses mains, sans aucune comparaison possible avec le frêle esquif dans lequel l’adolescent se tenait. Semblant vide en premier lieu, il remarqua enfin la main de son père, blanche et immobile, dépasser du bastingage, et entreprit d'aborder l'embarcation. Au fur et à mesure que la distance s'amenuisait, il vit une ligne plonger dans l'eau par dessus la proue, comme si son père avait fait une grosse prise et avait été tracté jusqu'ici. Détail étrange, car il ne pêchait jamais à la ligne, utilisant exclusivement ses filets. Au moment où Aeneas enjamba les quelques centimètres séparant les deux bateaux pour rejoindre le corps inanimé de son père, le sien fit une embardée et se déroba, lui valant un beau plongeon. Il parvint cependant à s'agripper d'une main au rebord de la barque qui continuait sa course de plus en plus rapidement. Secoué, balloté, le jeune pêcheur faisait tout son possible pour ne pas lâcher, trouvant en lui des ressources insoupçonnées lui permettant de tenir. Il peinait à tenir sa tête hors de l'eau et ne reprenait sa respiration que de justesse avant de se retrouver immergé, buvant la tasse à de nombreuses reprises. Dans un éclair de lucidité, il réalisa que sa seule chance de salut était de se hisser à bord sans tarder, avant que ses dernières forces ne l'abandonnent. Dans un ultime effort qui lui arracha un grognement, il parvint à raccrocher son autre bras et d'une violente traction à se jeter près de son père, à bout de forces et suffoquant à n'en plus pouvoir. Il lui fallut de longues minutes de récupération, immobile et allongé sur le dos, avant d'être en état de réfléchir ou d'agir. Lorsqu'enfin il se redressa, il réalisa que le soleil était bas dans le ciel, et que le crépuscule ne tarderait pas.
Pallas était inanimé, serrant dans sa main l'extrémité de la ligne qu'il avait entourée autour de son poignet pour ne pas la perdre. Aeneas se pencha au dessus de lui et écouta. Il respirait !! Faiblement, mais il n'était pas mort. Il avait bien fait se suivre son instinct, il avait réussi à le retrouver, à le sauver ! Regardant l'horizon tout autour de lui, il constata avec stupeur que plus aucune terre n'était visible. Baissant les yeux, il avisa également la disparition des rames, et la présence de cette ligne au bout de laquelle un mystérieux poisson géant se chargeait d'éloigner régulièrement les pêcheurs. Sauvé, sauvé, ça n'était pas encore gagné, loin de là, se dit l'adolescent, avant de se reconcentrer sur son père. Lui saurait le tirer de ce mauvais pas, il en était sûr.
Il lui tapota doucement le visage en l'appelant, faisant couler un peu d'eau de sa gourde dans sa bouche. Après quelques minutes, son père entrouvrit légèrement les yeux, le regard vitreux.

“ - Père !! Tu es réveillé ! Assieds-toi, bois un peu, comment te sens-tu? Que s'est-il passé?
- La ligne... Il faut ... Surtout.... Ne pas...”

Sur ces mots il perdit à nouveau connaissance. Après avoir vérifié qu'il respirait toujours, Aeneas s'interrogea sur le sens de ces mots. Sa première préoccupation était la ligne. Pourquoi était-elle si importante? N'arrivant pas à réanimer son père, il prit le parti de finir son étrange pêche et déroula la ligne de son poignet. Dès qu'il l'eut complètement détachée et récupérée, celle-ci commença à se tendre et à tirer de plus en plus fort. L'adolescent s'arc-bouta dans la barque, et commença à lutter pour ne pas tomber à l'eau. Lorsqu'il douta sérieusement de ses chances de rester à bord, il se décida à lâcher cette maudite ligne et l’abandonner à son sort pour se concentrer sur leur survie. Il desserra les doigts pour la laisser filer, mais celle-ci, serrée sur son avant-bras, refusa de se dérouler. Surpris, l'instant de flottement qui s'ensuivit fit céder le jeune pêcheur qui tomba à l'eau, et commença à être entraîné vers le fond. Complètement paniqué, il se débattit comme un diable, se trémoussant, battant des jambes pour essayer de remonter, sans aucune once de succès. La ligne continuait à le tirer vers le fond, implacablement, et Aeneas sentait son souffle lui échapper. La pression commençait à devenir atrocement douloureuse, pressant sur ses oreilles comme un étau, quand il sentit son dernier souffle arriver. Un ultime coup de sang, dernier sursaut de son instinct de survie tant mis à mal, lui permis de se trémousser une dernière fois, à la limite de la désarticulation, et de casser le maudit fil.

“- Nom de Zeus!”

Presque mort, l'adolescent remonta doucement vers la surface, vaincu par la terrible bataille venant d'avoir lieu, l'esprit vidé, incapable de la moindre pensée cohérente. Il entendit le terrible craquement mais ne vit pas l'éclair venu de nulle part pour lui, et fut instantanément foudroyé.

Le jeune dieu se retourna vers son aîné. Le jeu était fini.

“ - Tu as raison, père, la pêche est amusante, mais je préfère la chasse, dit Prothé à Poséidon.
- Tricheur, va !”
.

[Invité]

Lu :-) parce que j'aime bien la pêche.
Le texte est agréable, je vais arrêter de fumer demain pour lire:
..., essayant de ne pas penser au cadavre de son père qui était sûrement au fond des flots qui lui faisaient face,...
J'ai noté aussi "cri, faible" que j'aurais préféré "faible cri".
Lecture plaisante donc, texte 100% à chute. Tu as donc entière liberté d'écourter un tantinet ce qui précède. Le début est un peu laborieux.
Mais j'ai lu hein, t'as vu j'ai lu. Bon je vais me pêcher une bière en récompense.

[Jaguar]

Panda, a lu, c'est noté (t'as ta carte de lecteur?)
T'es seul pour le moment, l'abstention, quelle plaie !!!!


lol


désolé


re-lol

[apoutsiak]

Je trouve que tu as affronté ta contrainte avec panache, car l'idée n'était pas à portée de la première canne venue ! Comme j'aime les nouvelles avec chute, je suis servi, sauf peut-être l'articulation entre le corps du texte et ladite chute, très brutale, mais après tout, cette soudaineté nous livre une solution originale.

[bertrand-môgendre]

bien lu. Je commente demain un passage particulièrement drôle.

[Sahkti]

De bonnes et de moins bonnes choses, je trouve (avis perso, bien sûr).
La chute... pourquoi pas, mais il ne faudrait pas qu'à elle seule, elle justifie tout le reste et constitue la colonne vertébrale d'un texte qui présente des petits défauts. Notamment celui d'une naïveté exacerbée, celui d'une écriture un brin trop académique par moments, d'un scénario cousu de fil blanc jusqu'à la toute fin (le père, le fils, la mort, les regrets, le sauvetage...).
Je me dis qu'il y a un potentiel dans ce qui est ici abordé, qu'il existe certainement un moyen de bousculer tout cela autrement que par une chute qui rattrape tout le reste. J'aurais préféré être séduite par les lignes qui précèdent la dernière, plutôt que me dire à la fin "ben oui, vu comme ça, ça se tient, mais bon...)
Sorry, on ne peut pas tout le temps plaire :-)

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