Le bazar

[outretemps]

Leuilly 1 (Le Bazar)

Je venais de quitter une fois de plus la maison, pour me rendre à l’école, en pleine tempête, comme souvent, c’était le cas.
C’était alors que je passai mon manteau, que…
Coup de tonnerre !

-Michel tu vas me faire la sinusite, tu le sais… Et tes oreilles ! Une otite ! Tu me feras une otite, et double en plus, tu m’entends ! Michel ! Met ton bonnet !

Ce sera donc aujourd’hui le bonnet qui fera prétexte, pour m’agiter les orages.
Un bonnet qu’elle veut, ma mère, me visser sur la tête, à tout prix, et que je ne veux pas.

Moi j’en ai ma claque de l’entendre me réciter les infections qu’ allaient me tomber du ciel si je n’obéissais pas. Mes oreilles, là, c’est elle qu’était à me les gonfler et double autant, à une vitesse !

Aussi je prends mon cartable pour dégager au plus vite

- Si tu tombes malade t’iras à l’hôpital…Pas la peine de venir pleurer chez moi ! Je t’aurai prévenu !

Du haut de mes huit ans, j’essuie les menaces et barre au plus vite, laissant causer.

Le temps qu’elle finisse sa gerbe, je suis avec mon copain d’en face, à prendre le chemin de l’école.
On rigole d’avance du film qui nous rincera les idées dimanche prochain ! Celui, comme d’habitude, de la séance de deux heures ! Et nous marchons, pire qu’ivrognes, tout en zig zag à nous réciter listées, les sonnettes ! Celles qu’on bloquerait sur le trajet, à l’allumette, coincées.
On se balance les sacs à dos, on mime les réactions des victimes pour exacerber mieux et on rit de plus belle.

C’est que nous les connaissons bien, nos clients ! Nous insistons essentiellement sur les plus drôles, les plus dynamiques, les plus agitables. Jusqu’aux irritables, qu’on adore ! Les autres, les mous, les indifférents, les alités, les ralentis qui tardent, et les sourds surtout, qui eux se dérangent même pas, nous avons fini par les oublier.
S’il nous arrive encore des surprises, nous traitons essentiellement nos habitués ! Nous avons parmi les plus inventifs, un curieux petit bonhomme qui habite juste après le cimetière à trois tournants du cinéma.
Leuilly, il s’appelle.
Il tient un magasin comme un tunnel, pas plus large, à peine moins long et sombre comme chez un aveugle. Il est petit, bossu, porte de grosses lunettes d’écaille noire, avec des verres comme des cibles à fléchettes, une blouse grise éternelle et un béret greffé.
Toute sa vie, à boitiller, tout seul, dans son magasin, comme dans sa vie, à vendre de tout et à compter ses sous.
Ce qu’il vend tient de la caverne magique, autant que son magasin du tunnel.
On passe, en rentrant chez lui, sur la droite, de la plus infime petite vis ou rustine, aux tubes, cahiers, colles et trombones. Plus loin c’est du plus minuscule des boulons, par ribambelle de casseroles, assiettes, couverts et cafetières de toutes sortes, qu’on défile, pour se retrouver au fond, enfin parmi les tuyaux, brouettes, binettes, pelles, râteaux.

Sur la gauche, on va du bouton de chemise en nacre au complet veston, là encore, par les tissus d’ameublement, lingerie, bas, chaussettes slips et maillots… Jusqu’aux jouets : mécanos, miniatures, autos, tôles ou zamak, poupées, peluches, et bilboquets, qu’il expose dans sa vitrine. Des jouets qu’on ne trouve en général qu’en ville !

C’est bien là, comme le précise la pancarte au dessus de sa porte :

« LE BAZAR chez LEUILLY. »

Pour Noel il expose régulièrement dans sa vitrine, un manège mécanique. Toujours le même, en guise de Crèche.

Ce petit miracle de beauté nous annonce la fête, bien plus que tous les curés. Il est grand comme nous, par la taille, et est fait de balancelles, où tournent sur elles mêmes, des poupées de porcelaine. Des poupées comme j’en ai vue une, sur des photos de mes tantes, quand elles étaient gamines, en Russie. C’est dire l’âge de la chose. Et tandis que tournent les poupées dans un sens, le manège lui, tourne à l’envers.
C’est pur ravissement de voir ça.

Ce qu’il a de particulier, ce Leuilly là, c’est qu’il habite au dessus de son magasin tout en longueur, ce qui lui termine l’étage par une terrasse.
Quand c’est là qu’on sonne , pour sûr qu’on gâche pas notre allumette.
Car en général, Leuilly nous attend.
Il s’embusque aux heures présumées de notre passage dans son appartement, derrière une espèce de porte fenêtre qu’il a du se bricoler, et qui donne sur le balcon. Dès l’allumette enfoncée, parfois avant, il bondit de sa planque. Enorme rugissement !!! Il s’empare au plus vite du seau ras bord rempli de flotte, et nous balance, en prenant mille précautions pour pas qu’on mouille.
Parfois pour varier les plaisirs, il nous guette, caché derrière chez un voisin du long du trottoir, juste pour nous boitiller après ! Oh sans espoir aucun, bien sûr ! C’est là son plaisir !

Je crois en effet que tout cela l’amuse énormément, vu qu’à chaque coup qu’on y va acheter la peccadille, la breloque, chewing-gum ou jouets, il nous bourre des bonbons plein les poches.

_____________________


Ce pote là, avec qui je fais mes coups, le curé me le tuera deux ans plus tard.

Ce qu’il m’en reste aujourd’hui de mon copain Gérard, c’est le souvenir de son pull rayé jaune et brun élimé de partout qui le quittait jamais, à croire qu’il était né avec. Celui là même qu’il porte encore au cimetière, sur la photo, clouée sur sa tombe !
Et puis sa manie à lui, de s’entortiller dans les doigts, jusqu’au poignet, la mèche blonde qu’il avait sur le front, quand il lisait.

Même que ma mère toujours menaçait de la lui couper

_________________________


Sur le chemin, au retour de l’école, maintenant, je me prépare à subir la copieuse guirlande, tout au long du repas de midi, sans doute, vue l’histoire du bonnet de ce matin.
Dans ma tête, comme au spectacle, j’ai le programme ! Jusqu’aux scènes, tout prévu :
-Les marmites à voler, pire 14
-les grandes eaux,
-la fatigue générale et le total effondrement.
Ca c’est pour ma mère !
Puis, fin de séance, mon vieux estimant en avoir assez vu embarquerait son kil de rouge son verre et ses gitanes pour monter faire sa sieste, convenable, sans avoir touché à son repas.
Quant à moi, je partirais jouer avec mes copains respirer, voir si ailleurs... il y avait un peu plus de liberté.

Alors, que je suis fin prêt à affronter toutes ces corridas, lances, pics et banderilles, quelle n’est pas ma surprise en poussant la porte de chez nous, de trouver mon père à cette heure ci déjà dans la cuisine attablé !

[à tchaoum]

j'y serais bien resté plus longtemps, dans ton bazar.

[Invité]

J'aime bien ton écriture au présent, cela contient le propos pour qu'il ne nous soit pas montré en "encadré" mais simplement partagé. La nostalgie est intacte avec un rythme moins fantasque et plus rapide.

[maniak']

J'aime beaucoup. On le lit pas ton texte, on le visionne.

[Arielle]

"des verres comme des cibles à fléchettes"
Pan, dans le mille! une fois de plus Outretemps tu fais mouche à tout coup et je m'attarde avec ravissement dans le labyrinthe de tes souvenirs. La guerre des boutons illustrée par Doisneau. Savoureux! J'aime bien la manière dont évolue ton style aussi, moins débridé, moins dans la provocation, même si j'apprécie de temps en temps que tu nous lâches un gros délire jubilatoire.

[apoutsiak]

A Tchaoum a dû ouvrir ma bouche cette nuit, Outretemps, il m'a piqué ma critique !


Ce pote là, avec qui je fais mes coups, le curé me le tuera deux ans plus tard.

On peut savoir, ou tu t'en expliqueras ces temps prochains ?

[pierre-henri]

A Tchaoum a dû ouvert ma bouche cette nuit, Outretemps, il m'a piqué ma critique !


Ce pote là, avec qui je fais mes coups, le curé me le tuera deux ans plus tard.

On peut savoir, ou tu t'en expliqueras ces temps prochains ?

Apoutsiak m'a plagié par anticipation !
Je surenchéris quand même, maître du feuilleton: nous exigeons de voir se lever le mystère !

Et qu'ça saute ! Au fournaud, ... chef.

[pierre-henri]

Au fournaud, ... chef.

Je ne sais pas ce qui m'a pris (fourneau), ma seule excuse, la fatigue après une longue séance de rame.
Deuxième excuse: cette correction pollue, de facto, les lieux.
D'où: je vais vraiment m'efforcer de répondre en me relisant sérieusement.


< et en prenant quelques précautions dans l'utilisation des "quote", ce serait bien aussi ;-) >
.

[Sahkti]

J'aime certaines choses, d'autres moins.
La nostalgie, la gouaille de la mère, ses soucis d'intendance (haaa le bonnet!), tout cela me séduit.
En même temps, il y quelque chose, difficile à définir qui me dérange un peu, comme une espèce de retenue qui aurait été compensée par ce langage trépidant dans la bouche du narrateur, cette façon de raconter assez vive et pas tout le temps heureuse. Pas simple à expliquer :-(
Une succession d'images riches, à exploiter, mais peut-être pas à superposer de la sorte.

[outretemps]

En même temps, il y quelque chose, difficile à définir qui me dérange un peu, comme une espèce de retenue qui aurait été compensée par ce langage trépidant dans la bouche du narrateur, cette façon de raconter assez vive et pas tout le temps heureuse. Pas simple à expliquer :-(
Une succession d'images riches, à exploiter, mais peut-être pas à superposer de la sorte.

Bonsoir Sahkti, je dois avouer que je ne comprends pas bien ton commentaire. Ce qui peut être perturbant c'est que ce n'est qu'un morceau de texte qui s'ouvre sur autre chose. le môme rentre chez lui voit son vieux à table, ce qui n'est pas normal et à partir de là l'histoire rebondit. Si c'est autre chose qui te gène pourrais tu préciser? merci en tout cas pour ton commentaire.

[Sahkti]

Justement, j'ai du mal à expliquer, c'est une impression un peu confuse.
Plein d'éléments me plaisent dans ton texte, idem pour l'ambiance générale et l'histoire que tu racontes. mais à côté de cela, il y a un petit je ne sais quoi qui m'empêche de pleinement en profiter.
C'est-à-dire que ça sonne non pas faux mais dissonnant dans ma tête, comme quelque chose d'un peu artificiel et je colle cette impression sur le dos d'une langue imagée, de tournures vives et d'un passage rapide d'une idée à l'autre.
Le fait que ce soit un morceau de quelque chose et que la fin appelle une suite ne change rien à mon impression, ce n'est pas lié à cela.
C'est comme si je ressentais un trop grand constraste entre cette retenue dont je te parle (histoire qui suit un fil bien tracé, écriture travaillée, cadre ciblé) et l'emploi d'un style qui se veut "vivant", parlé et qui par moments me dérange un peu.
Tout cela est bien sûr hautement subjectif et je ne vois pas bien comment l'expliquer autrement.

[Melenea]

J'aime beaucoup le texte, mais quand tu te revois à 8 ans, le langage au présent ne correspond pas vraiment à l'âge et cela m'a surprise, comme un décalage...
Dans la narration je comprends que le vocabulaire soit très imagé. En fait au départ j'ai l'impression de remonter le temps dans ta description du bazar, et les fêtes de noël et du curé... et le langage de l'enfant ne correspond pas dans ma tête...(cela n'engage que ma lecture évidemment)
Mais passé cela, je me suis prise à l'histoire et j'attends avec impatience la suite

Mél

[outretemps]

J'aime beaucoup le texte, mais quand tu te revois à 8 ans, le langage au présent ne correspond pas vraiment à l'âge et cela m'a surprise, comme un décalage...
j'ai l'impression de remonter le temps dans ta description du bazar, et les fêtes de noël et du curé... et le langage de l'enfant ne correspond pas dans ma tête...(cela n'engage que ma lecture évidemment)
Mais passé cela, je me suis prise à l'histoire et j'attends avec impatience la suite

Mél

Merci de ton commentaire Mel. Je crois que ça parle d'un temps, les années 50 où toutes les libertés restaient à conquérir. l'enfance qu'on a pu vivre dans les années 80 n'a plus rien à voir. Chez nous, à cette époque les Italiens qui avaient quitté leur pays pour pas creuver de faim avaient à Noël, une orange comme cadeau! Dans un contexte où l'enfant n'a pas de jouets véritables, je ne parle pas même de musique ou de télé, il doit se forger son propre imaginaire, le regard qu'il porte sur le monde ne peut en rien être comparé à ceux d'enfants des années 80 (début du réel formatage.) croulant sous les jouets à se gaver de dessins animés et d'un tas de friandises. On bouffait à 4h un morceau de pain et un morceau de sucre ou un fruit de saison et on grignottait pas. Je ne sais pas quelle génération a eu le plus de chance. On peut dire que dans ces années là, on sortait tout juste nos têtes de la misère. Et dans ces conditions la moindre connerie amuse, la liberté n'était pas encore surveillée, elle ne menaçait personne

Cela peut expliquer que la façon de penser d'un môme d'alors puisse te surprendre. Ca te parle d'un monde dont tu viens, puisque tu as du en entendre parler des vieux, comme moi. Et de la même façon, je viens de plus loin, puisque je me rappelle de choses de 1900 simplement parce que je les ai entendues racontées par d'autres vieux, maintenant morts. Alors ça, comme on te l'a pas raconté, forcément, ça peut déconcerter.
Entre 50 et 80 tout avait changé dans les mentalités, comme dans les rapports aux conditions matérielles.

Ce que j'aimerai que tu me dise c'est ce qui te gène dans "le langage de l'enfant. Je me demande si tu ne rejoins pas un peu Sahkti qui dit que quelque chose la gène dans le texte, et curieusement vous êtes dans les mêmes âges.Ca m'aiderai bien. Merci, à Plus. Merci Mel.

[Melenea]

Je viens de relire ton texte...
ALors tout d'abord nous n'avons qu'une vingtaine d'années d'écart... Mon père est d'origine hongroise et je peux te dire que j'ai été bercée par le récit de son enfance à la dure, dans un pays " où il faisait la queue le matin à 4h pour 1kg de patate dans un mètre de neige", et je crois que mes premiers noëls, l'orange était un clin d'oeil parmi les cadeaux (bien moins nombreux que ce que les enfants ont maintenant) Et comme j'ai énormément voyagé (papa militaire oblige) j'ai des souvenirs plus lié à des lieux qu'à des jouets

Ce qui m'a surprise je pense, c'est que tu ne dis l'âge du gamin qu'après le premier dialogue... Et je trouve le langage un peu chatié pour un gamin de 8 ans... Tu parlais vraiment ainsi à cet âge? Oui je me suis sentie dans le texte un peu décalée en fait entre les pensées de l'enfant et le visuel ressenti. Je n'arrive pas vraiment à mettre le doigt dessus, mais à la relecture c'était un peu moins flagrant, sans doute parcequ'une partie du texte est déjà assimilé. On sens de toute manière que c'est dans le temps passé, par la mention du noël et du curé j'ai tout de suite eu la vision d'un enfant en sabots, avec le bérêt... à faire des farces...

J'attends avec intérêt la suite de cette histoire

Bien à toi

Mél

[outretemps]

Je viens de relire ton texte...
ALors tout d'abord nous n'avons qu'une vingtaine d'années d'écart... Mon père est d'origine hongroise et je peux te dire que j'ai été bercée par le récit de son enfance à la dure, dans un pays " où il faisait la queue le matin à 4h pour 1kg de patate dans un mètre de neige", et je crois que mes premiers noëls, l'orange était un clin d'oeil parmi les cadeaux (bien moins nombreux que ce que les enfants ont maintenant) Et comme j'ai énormément voyagé (papa militaire oblige) j'ai des souvenirs plus lié à des lieux qu'à des jouets

Ce qui m'a surprise je pense, c'est que tu ne dis l'âge du gamin qu'après le premier dialogue... Et je trouve le langage un peu chatié pour un gamin de 8 ans... Bien à toi

Mél

Salut Mel. je ne sais pas si la suite va être directe, mais il y a de fortes chances que ce que peut te raconter ton père ou ce que tu lis dans mon texte se ressemble, parce que en vingt ans les choses et le niveau de vie ont vachement évolués. Pour ce qui est du langage, si t'écris le texte avec un langage de môme c'est pas lisible. C'est si tu veux, des idées revues par l'âge, mais les impressions dont je parle c'est des choses que je suis persuadé d'avoir ressenties. C'est un peu compliqué, mais je vais essayer d'envoyer la suite.
Là je suis parti dans une histoire d'enterrement qui me titille, alors je promet rien. Et merci, Mel, en toute sympathie.

[ninananere]

Je l'aime beaucoup ton texte. Ça vallait vraiment la peine que je m'y arrête. Mais si quelques petites choses restent un peu trop en suspens pour moi...

[bertrand-môgendre]

besoin de plus

...un béret greffé..

aurait-il gagné à être greffé sur une tête particulière ?

...Toute sa vie, à boitiller, tout seul, dans son magasin, comme dans sa vie, à vendre de tout et à compter ses sous

est-ce utile ?

...On passe, en rentrant chez lui, sur la droite, de la plus infime petite vis ou rustine, aux tubes, cahiers, colles et trombones. Plus loin c’est du plus minuscule des boulons, par ribambelle de casseroles, assiettes, couverts et cafetières de toutes sortes, qu’on défile, pour se retrouver au fond, enfin parmi les tuyaux, brouettes, binettes, pelles, râteaux.

Au niveau de la géographie, je n'ai pas l'impression d'être dans un tunnel. La description est trop rapide. Le visiteur ne s'arrête pas, il passe très vite.
Si vite que tu reviens en arrière pour présenter la pancarte de la porte d'entrée.

...Il est grand comme nous, par la taille, et est fait de balancelles, où tournent sur elles mêmes, des poupées de porcelaine.

et est fait heurte le lecteur. Pourquoi ne pas couper cette phrase. Le manège mécanique, les balancelles.

...Ce qu’il a de particulier, ce Leuilly là, c’est qu’il habite au dessus de son magasin tout en longueur, ce qui lui termine l’étage par une terrasse. Quand c’est là qu’on sonne , pour sûr qu’on gâche pas notre allumette.

lourd et maladroit.

Des souvenirs aussi riches, mériteraient un travail au niveau du vocabulaire employé et des tournures à améliorer.
Nous avons besoin de ce genre de témoignage outretemps, alors continue.

[outretemps]

Merci Bertrand de me rendre attentif à toutes ces choses et j'ai corrigé sur l' "original" Tout à fait bien vu.
Quand on a le nez dessus c'est pas évident.
Merci aussi de m'encourager à continuer, parce qu'au début je pensais pas que ça puisse intéresser, ces histoires d'un temps qui n'est plus.
Des fois quand on n'a pas de commentaires constructifs, on a vraiment envie de larguer!
Grand merci.

[Loupbleu]

J'ai trouvé que ce texte avait beaucoup de qualité, c'est sûr, et quelquechose m'a un peu titillé, je vais essayé de dire quoi.

Je vais partir d'une remarque de détail, puis élargir la réflexion.

Tu commences au passé, puis continues au présent. A mon sens, clairement, le présent rend le texte plus "vivant". Mais au passé, c'est l'homme qui parle (avec son ton d'homme) du passé, au présent, c'est le gamin (avec son langage de gamin) qui parle...

Or, certains passages, par exemple "C’est que nous les connaissons bien, nos clients !", est écrit au présent mais dans le fond, c'est plutôt vu "rétrospectivement" (disons que tu ne suis pas dans ce cas la pensée présente du narrateur-gamin).

Ensuite, tu passes à Leuilly, et sa description est à la limite d'un narrateur omniscient (en fait, on n'est pas tout à fait sûr de qui le regarde, on ne "sent" pas les yeux d'un gamin - surtout quand il dit "toute sa vie").

Voilà, c'est assez embrouillé je crois. Il y a dans ce que tu racontes une réelle difficulté d'écriture, je dirais : théorique. Malheureusement, je n'ai pas de "solution" toute faite à proposer, je pense qu'il faut jongler avec cette problématique.

Voilà donc la réflexion que je voulais te soumettre.


* * *

Je fais une seconde remarque à propos du style :

Il y a sans doute une "influence" de Céline (mais à y regarder de près, c'st pas ça), je pensais aussi un peu (dans un tout autre genre ) à Fallet. Bref : il me semble que l'écriture est "datée", disons datée de la période dont elle parle (sans compter le vocabulaire).

Un peu comme si on écrivait un roman historique du XVIIIème dans un style XVIIIème. Ca a pour sûr un certain charme, un "cachet". Quelquechose me rappelle des histoires de mon grand-père (le coup de la sonnette, il me l'a raconté !). Il y a comme un témoignage.

Voilà, pour résumer, voici ce que je ressens / comprends, et c'est à toi de voir quel effet tu cherches, si le lecteur ressent bien l'effet que tu cherches, etc.

A propos du style encore, et à de façon plus technique, il me semble que tu as un tout petit peu trop de goût pour la déstructuration systématique de la phrase. Ce "petit peu trop" peut donner parfois l'impression de "faiseur". Peut-être que la limite est quand l'ordre des mots/phrases ne suit plus l'ordre de la pensée.

Par ailleurs, j'ai vraiment apprécié les énumération, pleines de gouailles, d'inventions, d'images.

* * *

Enfin, dernière "remarque", j'ai une impression un peu contrastée de tes personnages. Par exemple, le portrait de Leuilly est magnifiquement bien dressé. Et la fin, où il donne des bonbons, c'est un très beau passage. Mais précisément, j'ai l'impression que tu pourrais mieux faire naître l'émotion.

Pour résumer : Leuilly a une vie terne, il est terne, on l'imagine presque "poussiéreux". Mais il se fout en rogne après les gosses et les "piège" aussi (c'est en opposition). Et enfin, il distribue des bonbons (et presque en "cachette").

Bref : je crois que tu pourrais davantage "scénariser" la description, l'articuler, non pour expliquer davantage, mais pour mieux "montrer" (surtout pas démontrer) la complexité de cet homme. C'est là finalement le coeur de ton texte quand j'y réléchis !

Voilà, c'est aussi un peu vague, encore une fois, je n'ai pas de solution, mais une sensation que tu pourrais faire fonctionner ton texte mieux !

* * *

J'espère que ces petites remarques pourront t'aider.

Je me dois de redire pour être honnète - après ces remarques - que j'ai trouvé une très belle qualité au texte, que j'ai pris plaisir avec les mots, la substance.

Bon courage pour la suite !

[outretemps]

Merci pour ton commentaire. précieux de chez précieux, d'autant que les remarques que tu me fais, valent à mon avis pour tous les textes que j'ai écrit. merci infiniment.

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