L'aveu...

[Penthesilia]

Je te hais.

Toi et ta superbe, ton charisme d’apparat dont la lumière aveugle quiconque s’approche de trop près. Tu n’es rien sans âme, tu n’es rien sans moi. Combien ont essayé de te séduire, envoûtés par tes effluves ? Quelle bêtise ! Des billets volages écrits à la hâte, des mots doux, maladroits et timorés, ils vomissaient des sentiments de pacotille, exaltés par leur propre illusion, à la vie à la mort, frissonnant de tes caresses, alignant les lignes jusqu’à l’orgasme épistolaire.

Et au petit matin, ils contemplaient leur Œuvre qui n’en était pas une. Comment auraient-ils pu le savoir ? Ils restaient confiants et détendus, encore grisés par l’ivresse des dernières heures. Et toi ? Toi, tu étais déjà bien loin, au cœur d’un autre corps, à respirer l’Intime, à t’imprégner du vécu, distillant l’illusion du talent chez de pauvres créatures qui se livraient avec sincérité. Mais tu prenais plaisir à retranscrire l’essence même de leur mal-être avec grossièreté, pour mieux souligner la misère de leurs maux, te gaussant de leurs faiblesses, tandis qu’ils accouchaient les phrases dans une extase quasi mystique. Des phrases vides, creuses pour un écrit vulgaire et avorté. Ils ne le comprendront que plus tard. Et trop tard : ils échoueront toujours à vouloir te posséder.

Que nous reste-il si les mots n’ont plus de sens ? Je me meurs sans toi. Voilà des semaines que tu t’es enfuie et que je reste sans nouvelles. Des semaines que je peine à ressentir les sensations qui m’entourent. Serai-je devenue folle ? Serai-je devenue faible ? Des semaines de pages vierges, dont la blancheur me tétanise. Je ne peux jouer de ma plume sans les corrompre ! Comprends-tu cela ? Même les mots les plus doux que j’appose ont le goût rance de l’amer ! Je souille et je salis ! Mes caresses les entaillent et plus je m’évertue à panser leurs plaies, plus elles saignent ! Je les habille de couleurs vives mais leur pâleur prédomine ! Ma plume s’est muée en une danseuse effrontée, au corps disgracieux, se vautrant sur les lignes dans des poses lascives qui n’excitent que les bas fonds de ma médiocrité..Comprends-tu cela ? Je suis devenue comme toi…

Et pourtant, j’ai essayé ! J’ai essayé de te faire payer, de te rendre jalouse, de te faire revenir !
Comment ? Oh non, je n’ai pas usé de tes méthodes infectes en glorifiant des talents qui n’existent pas. J’ai côtoyé d’autres Plumes et d’autres auteurs, les lisant, les relisant sans relâche. J’ai vu leurs pages se noircir sans douleur, le crayon qui les effleurait avec tant d’amour. J’ai vu naître les mots. Mais, leur Muse était fidèle. J’ai bien tenté de les séduire, de leur voler quelques idées pour conjurer le sort de mon mutisme littéraire. En vain. Les nébuleuses indomptées s’évaporaient sitôt couchées sur le papier.

Pourtant, je te voyais déjà revenir suppliante, excitante de faiblesse…et moi je t’aurai doucement bercé, notre bien-être en diapason, apposant sur tes lèvres un baiser de tendresse. Le parfum de ta détresse se serait mué petit à petit en une rassurante évidence. Je t’aurai pardonné, simplement. Tu ris, n’est ce pas ? Qui de toi ou de moi aurait agi comme cela ? Qui possède l’autre, qui est réel ?

J’ignore tout cela. Je sais seulement que je me meurs sans toi.

Et puis, j’ai réfléchi. J’ai fait fi de ma faiblesse. Je me suis posée là, devant mon miroir et j’ai défié ma fierté. Un bien triste rempart solidement ancré, mais je ne pouvais plus me mentir.

Avais-tu fui, fatiguée de mes caprices ? Ne t’avais-je pas plutôt bâillonné, enfoui dans les tréfonds de mon âme pour faire taire cette obsédante chimère ? Celle qui me hantait nuit et jour, celle que je me refusais d’admettre, mais que tu n’avais de cesse d’insuffler à ma plume quand je voulais l’exorciser par la fuite. Toujours tu me ramenais à elle, malgré tous mes efforts, j’échouais chaque soir sur la même digue, ce triste port de mes maux, mes rêves en bandoulière..sans jamais lever l’encre.

Alors je t’ai renié. J’ai arrêté d’écrire, puisque tu me forçais à dire ce que je voulais taire. J’avais ce maigre espoir que le tumulte de mes mots s’apaise avec le temps.

Et enfin, j’ai compris. J’ai compris et je t’attends. J’ai voulu tarir ta source et m’en voici assoiffée. Regardes moi ces pages vides, criantes de désespoir qui n’espèrent que ton retour !

Si tu reviens, je me ferai docile, n’étouffant plus tes cris par de vaines censures, je me laisserai porter par tes douces effluves, qu’importe où tu m’emmènes, car je n’aurai plus peur d’affronter ton regard. Nous pourrions apaiser nos querelles enfantines dans le creux généreux d’une phrase mutine, dans la douceur d’un mot rond, l’élégance d’une lettre, le tracé de nos lignes. Il ne tient qu’à toi de me faire revivre.

J’ai posé près de moi une page maladive. Reviens moi. J’appose le premier mot, disposes de la suite. Qu’elle s’éveille de nouveau de sa sombre indolence ou se meurt à jamais de sa longue agonie.

C’est un texte sur toi mais ne rougis point. Sans ta plume pour me guider, les lignes sont timides.. C’est néanmoins tout ce que je peux t’offrir.

Et puis finalement, malgré tout mes dires, je ne te hais point.

[Yali]

Au final; je me dis voilà un texte qui s'adresse à l'inspiration, mais tout aussi bien ce pourrait être autre chose, l'un de ses pans, un autre, le suivant. Je relis, mais je ne sais toujours pas. Alors, alors, dans le doute, difficile d'émettre un avis pertinent.

[apoutsiak]

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Non seulement ça, Yali, mais j'ai l'impression que l'auteur donne une partie de son nom.... La Muse.

Ton texte est bien écrit, c'est indéniable, mais peut-être, ayant compris assez vite ton piège (peut-être involontaire) de nous faire croire à une amante de chair et d'os, ayant compris aussi les enjeux (l'abandon et le retour de la Muse), je n'ai pas eu de grande surprise.

Mais aussi, et c'est plus personnel, je préfère les sujets un peu plus singuliers. Tu pourrais cependant me rétorquer qu'une engueulade, une crise de jalousie et de déprime au sujet de sa muse, ça n'arrive pas tous les matins, et tu aurais raison.
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[mentor]

Ben, ta muse qui te fuit t'inspire quand même ! ;-)
Belle écriture, riche vocabulaire, un brin emphatique parfois mais pas trop
Tu confonds parfois futur avec conditionnel, mais c"est bénin comme on disait au Dahomey

BIENVENUE SUR VE !

[Penthesilia]

Bonsoir et merci pour vos avis!

Je n'ai pas un seul instant cherché à faire croire aux lecteurs qu'il s'agissait d'une amante de chair et d'os. En fait, j'ai juste voulu appuyer sur le côté passionnel que j'entretiens avec mon inspiration fluctuante.

[apoutsiak]

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Et pour une autre fois, n'oublie pas qu'effluve est de genre masculin. Oui, je sais, Apou il cherche des poux, tout petits poux.

Bienvenue chez les cousins des Papous dans la Tête !
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[Sahkti]

Oui, l'inspiration, ça saute rapidement aux yeux et tu lui rends ici un bel hommage, même si je le trouve un brin trop lyrique par moments. Ça ne rend pas vraiment l'inspiration spontanée et venant des tripes, tout ce bel emballage, tu en fais quelque chose de très travaillé mais en même temps, ça lui accorde un statut très précieux, donc pourquoi pas!

[à tchaoum]

Ah ! l'inspiration, sans laquelle on expire, tu expies de l'avoir prise de haut.
C'est 'achement bien écrit, peut-être même trop ; j'y trouve emphase, lyrisme et pathétisme (au sens français du terme), mais ce n'est que mon côté indécrottablement trivial, ma peur d'y tomber qui me fait me méfier.
C'est bel et bien dit, c'est un chant légitime.
Sauf que moi, l'inspiration, je la situe dans le constat en aval. Ce n'est qu'après coup que l'on découvre que l'on a été (bien ou mal) inspiré, quand on se dit "putain ! c'est moi qui est pondu ça ?!"
L'attendre en amont est stérilisant, découvrir la part qu'elle a joué à l'arrivée est grisant autant que ça rend modeste (chcrois).
En dessin surtout j'ai eu quelquefois le sentiment d'avoir produit des trucs au dessus de mes forces, et eu l'impression que quelque chose m'avait porté...
Mais à caresser cette chimère, tu écris de fort belles choses, et c'est ce que tu en dis qui m'inspire cette remarque.

[bertrand-môgendre]

si son absence t'inspire autant d'éloquence,
laisse-la vivre loin de toi, et qu'à nos yeux satisfaits, puisses-tu continuer à investir nos écrans.
Bienvenue.

[Invité]

Mais c'est drôlement bien écrit! Un vrai plaisir pour le Panda.
Bravo.

[Arielle]

Et pourtant, j’ai essayé ! J’ai essayé de te faire payer, de te rendre jalouse, de te faire revenir !
Comment ? Oh non, je n’ai pas usé de tes méthodes infectes en glorifiant des talents qui n’existent pas. J’ai côtoyé d’autres Plumes et d’autres auteurs, les lisant, les relisant sans relâche. J’ai vu leurs pages se noircir sans douleur, le crayon qui les effleurait avec tant d’amour. J’ai vu naître les mots. Mais, leur Muse était fidèle. J’ai bien tenté de les séduire, de leur voler quelques idées pour conjurer le sort de mon mutisme littéraire. En vain. Les nébuleuses indomptées s’évaporaient sitôt couchées sur le papier.

Parmi d'autres choses qui sentent vraiment le vécu dans ce texte ... Bravo!

[Invité]

Lettre ouverte à la Muse inspiration...

Bien rendus les états d'âme successifs, la colère, l'amertume, le rejet, la quasi soumission. C'est vrai que c'est un peu lyrique mais peut-être aussi le prix à payer pour que l'inspiration s'intéresse à qui en mendie quelques miettes.
Je retiens ces lignes, et tout particulièrement la fin de la phrase. Sympa !

malgré tous mes efforts, j’échouais chaque soir sur la même digue, ce triste port de mes maux, mes rêves en bandoulière..sans jamais lever l’encre.

[boc21fr]

A mes yeux, il ne fait aucun doute que l'auteur s'adresse bien à sa Muse, ou à l'inspiration...
Puisque toutes les critiques ont été apportés et les quelques défauts rapportés, je me permet juste de dire que j'ai apprécié ce texte...

[Invité]

Tu avoues à ta Muse tous les griefs que tu as contre elle, tu lui reproches son inconstance, et c'est fort bien senti et fort bien traduit, malgré quelques fautes d'écriture (peut-être pas assez relu avant de poster).
Moi, je la crois égocentrique. Elle a bien su t'inspiter, afin que tu parles d'elle !
Lecture riche, intéressante, bien que j'aurais préféré un langage plus simple. Merci pour ce plaisir.

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