Mokas serrés
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Mokas serrés
Elle nous en a parlé vers midi, dans la cantine bleue de Mourinex. On ignore toujours pourquoi. En tout cas juste avant le déjeuner tout a trébuché, on a bu et recraché aussitôt.
Sa vie à elle n'était pas drôle. On l'appelait Mademoiselle Chignon, elle était triste et bedonnante. De jour en jour, de plus en plus. Comme dans une chanson belge. On l'appelait comme ça, quand on y pensait. Elle est partie cette nuit, dans le bois de Vooegarden. C'est à droite après sa maison. Et à six heures, ce matin, on ne savait pas encore pour son amoureux. Mais qu'on était bien dans nos fauteuils de cuir. Et dans nos cafés allongés, on vomissait nos angoisses pendant qu'elle était toute seule, chez elle. Elle regardait les photos de son Gerard. Comme si deux années avaient passé depuis minuit. Elle était là et nous plus loin. Jamais regardé, tous les jours vu, son visage emmerdant ne voulait rien dire si ce n'est "je n'existe pas". Son coeur était à Gégé.
Un gros monsieur, hideux et très gentil. On le voyait souvent chez Mourinex. Et nous, seuls autour d'une table ronde, on plongeait nos visages étriqués dans les mokas serrés du Comptoir de Belfort. Gérard, on n'y pensait jamais, on ne l'écoutait pas. Pas plus que Mademoiselle Chignon. Dans nos esprits caféinés, on voyait notre patron hystérique et nos vies minables. Pas plus.
Elle est partie à minuit, dans le bois, avec sa petite voiture. Comme une tueuse, son coffre pesait lourd, elle avait peur sans doute, dans sa combinaison de latex. On n'avait pas su, on n'aurait pas pu savoir pour Gérard, on ne le regardait jamais. Son cou lacéré, son oreille croquée. Sous un chêne vert. De honte. Il est mort de l'avoir trop aimé, d'avoir accepté, la boule entre les dents, d'entrer dans la danse de Mademoiselle Chignon. Pauvre type, on pensait à lui et on regrettait nos mokas de six heures. Quand il n'avait pas encore le goût de sa mort.
Sa vie à elle n'était pas drôle. On l'appelait Mademoiselle Chignon, elle était triste et bedonnante. De jour en jour, de plus en plus. Comme dans une chanson belge. On l'appelait comme ça, quand on y pensait. Elle est partie cette nuit, dans le bois de Vooegarden. C'est à droite après sa maison. Et à six heures, ce matin, on ne savait pas encore pour son amoureux. Mais qu'on était bien dans nos fauteuils de cuir. Et dans nos cafés allongés, on vomissait nos angoisses pendant qu'elle était toute seule, chez elle. Elle regardait les photos de son Gerard. Comme si deux années avaient passé depuis minuit. Elle était là et nous plus loin. Jamais regardé, tous les jours vu, son visage emmerdant ne voulait rien dire si ce n'est "je n'existe pas". Son coeur était à Gégé.
Un gros monsieur, hideux et très gentil. On le voyait souvent chez Mourinex. Et nous, seuls autour d'une table ronde, on plongeait nos visages étriqués dans les mokas serrés du Comptoir de Belfort. Gérard, on n'y pensait jamais, on ne l'écoutait pas. Pas plus que Mademoiselle Chignon. Dans nos esprits caféinés, on voyait notre patron hystérique et nos vies minables. Pas plus.
Elle est partie à minuit, dans le bois, avec sa petite voiture. Comme une tueuse, son coffre pesait lourd, elle avait peur sans doute, dans sa combinaison de latex. On n'avait pas su, on n'aurait pas pu savoir pour Gérard, on ne le regardait jamais. Son cou lacéré, son oreille croquée. Sous un chêne vert. De honte. Il est mort de l'avoir trop aimé, d'avoir accepté, la boule entre les dents, d'entrer dans la danse de Mademoiselle Chignon. Pauvre type, on pensait à lui et on regrettait nos mokas de six heures. Quand il n'avait pas encore le goût de sa mort.
Re: Mokas serrés
Super avant d'aller se coucher et lire l'art de la fessée (manara/énard)!!
Bien joué orakei; ça se lit comme un serré sans sucre.
Bien joué orakei; ça se lit comme un serré sans sucre.
claire- Nombre de messages : 590
Age : 56
Date d'inscription : 07/05/2007
Re: Mokas serrés
"Sous un chêne vert. De honte" je devrais pas, mais ça m'a fait rire ça ;-)
Orakei LE RETOUR !
Ca fait plaisir
Et avec un texte qui décoiffe
Quelle horreur
Mais où tu vas chercher ça ?
L'ai relu 3 fois. Y a un style, une manière, quelque chose de différent, en tout cas d'inattendu dans la narration. Ca me plaît bien.
Orakei LE RETOUR !
Ca fait plaisir
Et avec un texte qui décoiffe
Quelle horreur
Mais où tu vas chercher ça ?
L'ai relu 3 fois. Y a un style, une manière, quelque chose de différent, en tout cas d'inattendu dans la narration. Ca me plaît bien.
Re: Mokas serrés
Un film noir bien tassé, en noir et blanc, bien sûr. Pour les broutilles : Je n'ai juste pas aimé le choix de Mourinex, ça sonne trop factice. Et j'ai eu du mal, aussi, à voir cette femme, au physique semble t-il ingrat, en "combinaison de latex".
Re: Mokas serrés
Comme apoutsiak... Sinon un très bon texte je trouve. Bien écrit et surtout bien raconté.
Re: Mokas serrés
Plaisir de te lire à nouveau Orakei!!
Un texte incisif, agréablement écrit, bien structuré, j'aime comme tu amorces les choses, notament ce côté pathétique de Melle Chignon qui ne disparaît pas vraiment, même à la fin, quand les rôles se modifient..
Un texte incisif, agréablement écrit, bien structuré, j'aime comme tu amorces les choses, notament ce côté pathétique de Melle Chignon qui ne disparaît pas vraiment, même à la fin, quand les rôles se modifient..
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Mokas serrés
apoutsiak a écrit:Et j'ai eu du mal, aussi, à voir cette femme, au physique semble t-il ingrat, en "combinaison de latex".
je ne fais pas un commentaire de commentaire hein !!!!
je me sers juste de cette phrase pour dire que justement, cela met en relief combien nous pouvons ignorer tout de la vie "intime" de tous ceux que nous côtoyons jour après jours et que nous pensons connaître, plus ou moins... mais quand même assez.
C'est ce qui ressort pour moi, très fort, de ce texte... cette grande inconnue que nous sommes, tous pour tous... et une forme de solitude qui en découle.
Reginelle- Nombre de messages : 1753
Age : 73
Localisation : au fil de l'eau
Date d'inscription : 07/03/2008
Re: Mokas serrés
Tu n'y vas pas avec le dos de la main morte !
Il est fort et amer, ton café.
Peut-être encore un flou au niveau de qui est qui et qui dit quoi et quand, dans ton extrême concision ?
Mais ça jette un trouble qui va bien au teint de ton histoire.
Il est fort et amer, ton café.
Peut-être encore un flou au niveau de qui est qui et qui dit quoi et quand, dans ton extrême concision ?
Mais ça jette un trouble qui va bien au teint de ton histoire.
à tchaoum- Nombre de messages : 612
Age : 74
Date d'inscription : 06/05/2007
Re: Mokas serrés
Content de te voir de retour par ici Orakeï !
Concernant ce texte, je dois dire que je suis très réservé.
Je te fais une critique un peu sévère (mais ça n'est pas sans rapport avec ce que j'ai lu de toi et beaucoup apprécié par ailleurs).
Sur le thème, c'est classique (un petit côté chabrol). Un petit côté latex (décidément c'est la mode), qui sonne sans doute un peu "synthétique".
Sur le traitement, c'est à mon avis assez obscur par quelques maladresses (qui dit quoi, que se passe t-il ?). Ce qui à mon sens ne va pas, c'est : quelle est la position du narrateur, parce que finalement c'est bien son regard qui est la chose importante du texte ? Par exemple :
qu'on était bien dans nos fauteuils (...) on vomissait nos angoisses
Sur le style, la découpe en phrases courtes est un peu systématique. Il y a à mon sens pas mal de maladresses, comme :
"chez elle. Elle regardait . Il me semble que tu as du mal à maîtriser "techniquement" le va-et-vient (chez elle / à mourinex).
De même, l'utilisation des temps ne me semble pas cohérente, tout comme l'idée midi (début de texte) 6 heures (fin) n'est pas d'une grande clarté.
En résumé, je trouve qu'il y a de bonnes intentions (l'idée de faire voyager spatialement, temporellement le lecteur par exemple), mais une réalisation qui n'est pas tout à fait à la hauteur de l'ambition.
Voilà, comme d'habitude de la qualité dans tes textes, mais celui-ci me semble être vraiment maladroit à plusieurs égards.
Concernant ce texte, je dois dire que je suis très réservé.
Je te fais une critique un peu sévère (mais ça n'est pas sans rapport avec ce que j'ai lu de toi et beaucoup apprécié par ailleurs).
Sur le thème, c'est classique (un petit côté chabrol). Un petit côté latex (décidément c'est la mode), qui sonne sans doute un peu "synthétique".
Sur le traitement, c'est à mon avis assez obscur par quelques maladresses (qui dit quoi, que se passe t-il ?). Ce qui à mon sens ne va pas, c'est : quelle est la position du narrateur, parce que finalement c'est bien son regard qui est la chose importante du texte ? Par exemple :
qu'on était bien dans nos fauteuils (...) on vomissait nos angoisses
Sur le style, la découpe en phrases courtes est un peu systématique. Il y a à mon sens pas mal de maladresses, comme :
"chez elle. Elle regardait . Il me semble que tu as du mal à maîtriser "techniquement" le va-et-vient (chez elle / à mourinex).
De même, l'utilisation des temps ne me semble pas cohérente, tout comme l'idée midi (début de texte) 6 heures (fin) n'est pas d'une grande clarté.
En résumé, je trouve qu'il y a de bonnes intentions (l'idée de faire voyager spatialement, temporellement le lecteur par exemple), mais une réalisation qui n'est pas tout à fait à la hauteur de l'ambition.
Voilà, comme d'habitude de la qualité dans tes textes, mais celui-ci me semble être vraiment maladroit à plusieurs égards.
Loupbleu- Nombre de messages : 5838
Age : 52
Localisation : loupbleu@vosecrits.com
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Mokas serrés
Je rejoins un peu le commentaire de Loup. On se perd entre la cantine, le comptoir etc... Bref, si j'apprécie les "silences" du texte et tout ce qui n'est pas dit, certains raccourcis me gênent un peu.
Pour le reste, une lecture agréable.
Pour le reste, une lecture agréable.
Re: Mokas serrés
C'est ambitieux, mais ça manque de tout. L'angle de vue du narrateur n'est pas clair, les personnages (y compris le narrateur) manque de tessiture, et puis perso, j'ai (pas faute de l'avoir lu et relu) pas compris le dénouement, c'est d'autant plus dommage, que le style est là, et style qui tient.
Yali- Nombre de messages : 8624
Age : 59
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Mokas serrés
Un jour, peut-être...
Peut-être qu'il vous arrivera.
Il vous arrivera de faire un commentaire positif, sans vous masturber la tête.
Il vous arrivera de commenter.
Tout simplement.
Un texte, et un grand.
C'est fort.
C'est lancinant.
Est-ce qu'on est là juste pour commenter la grammaire, l'orthographe ?
Une phrase de travers, un mot de trop...?
Comme dirait l'autre, je laisse la parole à des gens plus intéressants, et sûrement plus intelligents que moi...
Peut-être qu'il vous arrivera.
Il vous arrivera de faire un commentaire positif, sans vous masturber la tête.
Il vous arrivera de commenter.
Tout simplement.
Un texte, et un grand.
C'est fort.
C'est lancinant.
Est-ce qu'on est là juste pour commenter la grammaire, l'orthographe ?
Une phrase de travers, un mot de trop...?
Comme dirait l'autre, je laisse la parole à des gens plus intéressants, et sûrement plus intelligents que moi...
Re: Mokas serrés
Pour ce genre de réflexions tout à fait sympathiques et charmantes mais qui n'ont rien à voir avec le texte, lol47, il y a des fils de discussions, ici par exemple.
Merci.
Merci.
Re: Mokas serrés
Orakei, d'abord je suis heureuse de te revoir sur le site. J'aime vraiment ta démarche d'écriture, comme portée par un grand élan de liberté. Le résultat est souvent surprenant, intéressant même si rarement complètement abouti.
Je veux dire, et je pèse mes mots, que tu frises parfois le génie mais que tu ne retombes pas toujours sur tes pieds. C'est ce que m'inspire encore ce texte Mokas serrés. Beaucoup d'audace, une atmosphère mais aussi un manque de clarté dans les intentions.
Je n'ai pas compris non plus le dénouement de ton récit. (peut-être, lol47, pourrait-il m'éclairer ?)
Je veux dire, et je pèse mes mots, que tu frises parfois le génie mais que tu ne retombes pas toujours sur tes pieds. C'est ce que m'inspire encore ce texte Mokas serrés. Beaucoup d'audace, une atmosphère mais aussi un manque de clarté dans les intentions.
Je n'ai pas compris non plus le dénouement de ton récit. (peut-être, lol47, pourrait-il m'éclairer ?)
Kilis- Nombre de messages : 6085
Age : 78
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Mokas serrés
Je vous remercie pour vos commentaires globalement constructifs. Je comprends vos critiques concernant la clarté et le côté non-abouti du texte et des autres que j'ai pu vous soummetre.
Mon gros problème (ou mon grand bonheur...) c'est que j'écris toujours sur un coup de tête sans savoir où je vais. Tout part d'un mot, d'une phrase vue, entendue, lue, imaginée. Ma demarche ne consiste en rien si ce n'est à écrire un texte comme une descente de ski. J'écris toujours d'un seul trait sans m'arreter de la façon la plus spontanée possible. Non pas pour atteindre un resultat précis, un style qui serait ma marque de fabrique mais pour arriver en bas de la pente et me sentir mieux dans mes pompes. Un peu comme quand on a la joue qui nous demange et qu'on ressent l'envie soudaine de se gratter.
C'est physique, le fait est que je n'arrive pas à ecrire de longs textes (si ce n'est "voyageurs" qui me tient à coeur. J'écris plus ou moins souvent, avant celui-ci je n'avais pas écrit une ligne depuis des mois. Je n'écris pas pour deverser mon mal-être dans des histoires mais pour me rassurer, me rappeler que je suis vivant.
J'ai écris ce texte en 5 minutes sans savoir de quoi il parlerait au départ. J'ai beaucoup lu Kerouac qui demeure mon auteur favoris, c'est peut-être ce qui explique ma démarche littéraire.
Je ne veux pas gagner le prix Goncourt, juste faire du ski sur mon Macintosh...
Mon gros problème (ou mon grand bonheur...) c'est que j'écris toujours sur un coup de tête sans savoir où je vais. Tout part d'un mot, d'une phrase vue, entendue, lue, imaginée. Ma demarche ne consiste en rien si ce n'est à écrire un texte comme une descente de ski. J'écris toujours d'un seul trait sans m'arreter de la façon la plus spontanée possible. Non pas pour atteindre un resultat précis, un style qui serait ma marque de fabrique mais pour arriver en bas de la pente et me sentir mieux dans mes pompes. Un peu comme quand on a la joue qui nous demange et qu'on ressent l'envie soudaine de se gratter.
C'est physique, le fait est que je n'arrive pas à ecrire de longs textes (si ce n'est "voyageurs" qui me tient à coeur. J'écris plus ou moins souvent, avant celui-ci je n'avais pas écrit une ligne depuis des mois. Je n'écris pas pour deverser mon mal-être dans des histoires mais pour me rassurer, me rappeler que je suis vivant.
J'ai écris ce texte en 5 minutes sans savoir de quoi il parlerait au départ. J'ai beaucoup lu Kerouac qui demeure mon auteur favoris, c'est peut-être ce qui explique ma démarche littéraire.
Je ne veux pas gagner le prix Goncourt, juste faire du ski sur mon Macintosh...
Re: Mokas serrés
Chouette c'est Orakei, il va nous raconter une petite histoire, un peu glauque, un peu...mince c'est déjà fini.
Je reprends : chouette c'est Orakei, il va nous raconter une petite histoire...zut ça va trop vite là... Bon... Je reprends au début. Je le reconnais, c'est bien lui...ah oui, j'ai compris...
Suis-je assez clair ? Non ?
C'est pas grave j'attends la suite.
Je reprends : chouette c'est Orakei, il va nous raconter une petite histoire...zut ça va trop vite là... Bon... Je reprends au début. Je le reconnais, c'est bien lui...ah oui, j'ai compris...
Suis-je assez clair ? Non ?
C'est pas grave j'attends la suite.
bertrand-môgendre- Nombre de messages : 7526
Age : 104
Date d'inscription : 15/08/2007
Re: Mokas serrés
Je l'ai lu en monowhiski et ça passe plutôt bien.
Quelques défauts de clarté, timing, mais le café est opaque non ?
Jamais bu de café cristallin.
Quelques défauts de clarté, timing, mais le café est opaque non ?
Jamais bu de café cristallin.
Invité- Invité
Re: Mokas serrés
Le manque de clarté de certains passages contribue à l'ambiance glauque, presque irréelle dans laquelle évoluent ces piliers de bar.
Un texte sur l'indifférence, sur le regard qui glisse et ne s'arrête pas.
Du style, à n'en pas douter !!
Un texte sur l'indifférence, sur le regard qui glisse et ne s'arrête pas.
Du style, à n'en pas douter !!
Invité- Invité
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