L'exode.

[maniak']

Ecrit il y a quelques temps pour un jeu d'écriture sur AVP, la consigne était d'écrire une suite à la première phrase. En général je fais pas, mais là j'ai bien aimé et j'ai tout de suite vu les images de la BD "Celui-là" de Auclair & Riondet. Une sacrée belle BD...

L’exode.


Sans trêve ils poursuivaient l'ellipse du soleil, et leurs chants se fanaient au long de leur périple. L’hiver les talonnait prêt à se saisir des traînards, des vieux, des malades… Mais l’ancien n’oubliait jamais personne. Il avançait pourtant les yeux fermés, les jambes ballantes de part et d’autre des flancs de sa monture, lui laissant la bride sur le cou, le long bâton de commandement serré dans son poing centenaire ou presque.

Et tous le suivaient, confiants ou pas. Ne les avait-il pas toujours menés à bon port ? N’avait-il pas, au long des saisons qu’avait duré son règne, toujours fait preuve de la plus grande sagesse ? Oui, le shaman savait. Personne n’aurait pu dire le contraire. Qui pouvait aller contre la magie des songes ?

L’ancien avait vu l’endroit en rêve. Et il l’avait décrit de telle manière que personne n’avait hésité une seconde. Le jour même on avait démonté les huttes, on avait chargé les chariots qui, à présent, formaient un long cortège dans les traces du vieillard.

Les chasseurs le suivaient à distance, emmitouflés dans leurs capes en peau de loup, montés sur leurs petits chevaux au poil long. Parfois l’un d’entre eux talonnait sa monture et s’éloignait au galop pour scruter l’horizon que le shaman, les yeux toujours fermés, ne daignait pas regarder. Jamais pourtant, ils ne le dépassaient. Car personne, même le plus brave des guerriers, n’aurait osé. Cela aurait supposé tellement de choses…

Certains, pourtant, étaient inquiets. L’hiver venait tôt cette année. Et ils n’étaient pas prêts. Ils n’avaient pas chassé suffisamment. Ils n’étaient pas, comme à leur habitude, descendus vers les plaines ensoleillées du sud. Non, ils avaient suivi l’ancien droit vers l’ouest, vers ces montagnes qu’aucun d’entre eux ne connaissait réellement mais qu’ils savaient infranchissables si la neige venait à les surprendre.

Alors oui, leurs chants se fanaient dans leurs gorges qui se nouaient d’angoisse. Et cela, malgré toute la confiance qu’ils accordaient au patriarche. Mais ils avançaient, encore et toujours, portés par l’espoir. Car jamais il ne leur avait menti. Et même si la peur leur brûlait les entrailles.

S’il s’était trompé, nombre d’entre eux ne verraient pas le printemps. Ils mourraient là-haut, sur les pentes gelées des sommets qui se découpaient dans la brume du petit matin. Alors, les dieux choisiraient les survivant parmi les hommes, les femmes et les enfants. Et ils seraient peu nombreux.

Mais, s’il avait dit vrai… Oui, s’il avait dit vrai, cet hiver serait le dernier. Bientôt, dans quelques semaines à peine, ils atteindraient la terre de l’éternel printemps. Une terre que personne n’aurait foulé avant eux. Une terre où le gibier foisonnait, où l’herbe était toujours verte et les chevaux grands et rapides. Une terre où la guerre n’avait pas lieu d’être.

Et quand, du sommet de la dernière montagne, ils verraient l’immense étendue de ses vertes prairies, ils sauraient qu’ils auraient atteint leur but : le pays où le soleil se couche. Le lit du soleil.

Et leurs chants refleuriraient dans leurs gorges.

[apoutsiak]

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Trop court, mais très belle langue, dans ce voyage savamment pétri par l'anxiété des lendemains qui chanteront ou non dans les gorges.

[Reginelle]

[quote=maniak'"]... pour scruter l’horizon que le shaman, les yeux toujours fermés, ne daignait pas regarder. ... [/quote]

j'aime cette image... elle résume la force du "songe-guide"...
Beau texte, Maniak'... qui, je pense, est très proche de la réalité indienne d'autrefois.

[Zou]

J'ai bien aimé la phrase "cela aurait supposé tellement de choses".Les ingrédients du genre y sont, suis pas forcément fan, mais j'aurais aimé savoir si ils allaient voir tous le printemps prochain....

[maniak']

3 000 signes espaces compris, ça limite pas mal en longueur. Mais, quand le sujet m'intéresse, j'aime bien ce genre d'exercice, moi qui fait surtout du long...

Merci d'avoir lu.

[Zou]

3 000 signes espaces compris, ça limite pas mal en longueur. ..

C'est vrai ! Je ne me rappellais plus ! Au temps pour moi ;-)

[Arielle]

Beau texte, Maniak'... qui, je pense, est très proche de la réalité indienne d'autrefois.

Ah...Je voyais, moi, des cavaliers celtes venus de l'est de l'Europe vers notre douce France! Nos Indiens à nous d'une certaine manière ;-)
Quoi qu'il en soit, un joli texte Maniak même si, comme les autres, je lui trouve un goût de trop court. Ah...les contraintes!

[Reginelle]

Ah...Je voyais, moi, des cavaliers celtes venus de l'est de l'Europe vers notre douce France! Nos Indiens à nous d'une certaine manière ;-)
Quoi qu'il en soit, un joli texte Maniak même si, comme les autres, je lui trouve un goût de trop court. Ah...les contraintes!

Ben ... aux dernières nouvelles, les indiens d'Amérique(s) viendraient d'Asie... si l'on en croit les plus vieux ossements récemment trouvés et ce qu'en ont dit les analyses d'ADN... alors... ton idée de "cavaliers venus de l'est de l'Europe" n'est pas fausse du tout...

[Invité]

Ah...Je voyais, moi, des cavaliers celtes venus de l'est de l'Europe vers notre douce France! Nos Indiens à nous d'une certaine manière ;-)

Tout de suite j'ai pensé à Eléazar ou la source et le buisson de Michel Tournier ; là ce sont des irlandais partis vers l'ouest à la recherche de la terre promise californienne.
Ton texte a, entre autres mérites, celui de susciter les souvenirs et l'imagination du lecteur. Tout cela en quelques brèves lignes.

[à tchaoum]

J'aimais bien Auclair aussi...
Ton passage est tout à fait réussi dans le genre. Je veux dire passage au sens d'extrait, mais ton passage par le genre est réussi aussi.
Enfin, je sais pas si j'suis clair...
As-tu lu "Le peuple des rennes", de l'étonnante Robin Hoob/Megan Lindholm ?

[outretemps]

[quote="maniak'"]Ecrit il y a quelques temps pour un jeu d'écriture sur AVP, la consigne était d'écrire une suite à la première phrase. En général je fais pas, mais là j'ai bien aimé et j'ai tout de suite vu les images de la BD "Celui-là" de Auclair & Riondet. Une sacrée belle BD...

L’exode.
Et tous le suivaient, confiants ou pas. Ne les avait-il pas toujours menés à bon port ? N’avait-il pas, au long des saisons qu’avait duré son règne, toujours fait preuve de la plus grande sagesse ? Oui, le shaman savait. Personne n’aurait pu dire le contraire. Qui pouvait aller contre la magie des songes ?

L’ancien avait vu l’endroit en rêve.
Les chasseurs le suivaient à distance, emmitouflés dans leurs capes en peau de loup, montés sur leurs petits chevaux au poil long.

Vachement beau, Maniak'. C'est comme ça que je m'imagine les migrations préhistoriques, chevaux roues et chariots en moins. Mais c'est sans doute le chamane qui me renvoie, à la préhistoire! Vraiment superbe et sans doute intemporel. Peut-être hors contrainte développable, car trop court, de l'avis de tous.

[maniak']

Non à tchaoum, pas lu.

Sinon je ne voyais pas d'indiens non plus en écrivant ça, plutôt des celtes ou même une quelconque tribu de la fin de la préhistoire.

Chacun y voit ce qu'il a envie d'y voir en fait.

[outretemps]

Non à tchaoum, pas lu.

Sinon je ne voyais pas d'indiens non plus en écrivant ça, plutôt des celtes ou même une quelconque tribu de la fin de la préhistoire.

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Bien content d'avoir senti pareil, âge des métaux, début des castagnes, fuir les guerres. Bien triste par contre d'avoir merdé une fois de plus la "mise en page" de ma réponse, navré!

[Sahkti]

Jamais pourtant, ils ne le dépassaient. Car personne, même le plus brave des guerriers, n’aurait osé. Cela aurait supposé tellement de choses…
Certains, pourtant, étaient inquiets.

Une répétition qui me saute aux yeux.

Un texte bien écrit, agréable à lire mais dont la taille empêche de vraiment en prendre possession. Tu nous as expliqué pourquoi 3000 signes mais bon, nous ne sommes pas sur le site en question, donc ici, pourquoi ne pas lui donner une seconde vie en le retravaillant un peu, en laissant le temps au temps de s'installer et de faire ressentir, plus fort encore, cette longue épopée d'un autre âge, toujours d'actualité d'une certaine manière quand on y pense.

[à tchaoum]

Robin Hoob/Megan Lindholm ?

Robin Hobb, pardon.

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