Sosia

[annallissée]

"Sosia"

Des images bâillent, encore chaudes de sommeil, clignent des yeux, et s’étirent, en pleine lumière. Elles remontent du temps, avec ou sans vous. Si elles vous ennuient, rien ne vous empêche de les ignorer.

Mais si elles vous parlent…Ah, si elles vous parlent !

Vous pouvez toujours savourer ce film sur « Corte », en même temps que des broutilles salées. Les fruits séchés, comme les châles et la lumière douce, font bon ménage avec la télé… La mémoire craque sous la dent et tout afflue, par coulures tamisées, comme des rus d’eaux vives.

Et vous voici soudain, jupe au vent, dans les effluves de schistes tièdes. Vos souvenirs musardent autour de la citadelle, dans les ruelles et sur les toits des maisons étroites. « Le Paoli » vous pousse jusque sur la grand place où quelques endormis somnolent, engourdis de soleil, à la terrasse du café. Qui pourrait croire que ces yeux fermés vous guettent ? Qui pourrait croire que chaque homme, chaque bête, chaque pierre du chemin surveille son territoire, d’une intrusion toujours possible ?

Pardon, vous ne faites que passer, vous êtes l’étrangère en visite. Une simple touriste. Pour rien au monde, vous ne voulez déranger, mais ce soir, c’est le petit écran qui vous a invitée.

En le reconnaissant assis parmi les autres, votre cœur se serre. Vous croyiez avoir oublié sa rondeur paisible, l’odeur de thym sauvage derrière son oreille. Mais il est là, bien présent, alangui, le haut de la chemise ouverte, les mains repliées sur son ventre et le sourire du bienheureux, à la commissure. Juste un peu vieilli.
Devant lui, un verre qui porte encore sa dentelle de mousse. Sa lèvre est déjà sèche… C’est une bière de son pays qu’il a bue - je le sais-, elle a les senteurs du maquis, l’indicible du terroir : il n’y a que celle-là, qui vaille. Il a posé ses paumes bien à plat, pour garder prisonnières toutes ces douceurs culinaires qu’il a partagées avec ses amis -ses frères. Pour couver le plaisir dans son corps, plus longtemps. Le temps fabuleux de la sieste. Je le connais, va !
Il a la quiétude des hommes qui savent l’harmonie des choses, et le sang chaud des batailleurs. Il vit dans une île -la plus belle du monde, paraît-il… Je veux bien le croire.

Une île qui sépare et relie des pages. Son île.

Vous vous êtes approchée pour le sentir exister, du bout du doigt, mais sitôt effleuré, son double s’est dissipé dans le ciel parmi les rangées de ballons blancs, sur un fond d’écran, bleu, bleu, à se blesser les yeux. Vous avez regardé, aveuglée de lumière, tous ces noms qui montaient et se perdaient, au son vibrant des polyphonies. Il s’est envolé avec eux, très haut, très loin, vers la méditerranée, dans ce coin de paradis qu’il défend, poing levé, avec un drapeau.

[Arielle]

Une magnifique évocation. Rien n'y manque, ni les saveurs ni les odeurs malgré l'obstacle du "petit écran" qu'on saute allègrement sur tes pas.
Je suis toute prête à te suivre dans d'autres balades de ce type ou même à poursuivre celle-ci quand ce merveilleux personnage qui se dessine aura fini sa sieste...
"Il a la quiétude des hommes qui savent l’harmonie des choses", un vrai bonheur de te lire Anne!

[Charles]

Beaucoup aimé également ! très belle écovation, très sensitives ...

Juste en tant que lecteur masculin, eu du mal à m'imaginer "jupe au vent" :-)) Peut être un détail gommable pour rendre ce très joli texte encore plus universel.

[annallissée]

Merci pour vos commentaires sympas :-)

" jupe au vent", parce que ce sont les yeux d'une femme qui décrivent les images. J'ai mis partout le féminin.

Impossible donc de rendre ce texte universel car il faudrait aussi que je supprime la façon de regarder le monsieur assis à la terrasse du café...c'est à dire presque tout !

Néanmoins, rien n'empêche les messieurs qui lisent de s'imaginer assis, à la terrasse du café, en train de faire une bonne sieste :-))

[Charles]

Merci pour vos commentaires sympas :-)

" jupe au vent", parce que ce sont les yeux d'une femme qui décrivent les images. J'ai mis partout le féminin.

Impossible donc de rendre ce texte universel car il faudrait aussi que je supprime la façon de regarder le monsieur assis à la terrasse du café...c'est à dire presque tout !

Néanmoins, rien n'empêche les messieurs qui lisent de s'imaginer assis, à la terrasse du café, en train de faire une bonne sieste :-))

Aaaaah ! je m'y vois sans problème ;-)

[maniak']

Superbement écrit. Une très grande maîtrise je trouve. Bravo !

[mentor]

Assez de l'avis de Charles pour tenter de rendre le VOUS asexué, même si ce n'est pas évident.
Sinon, superbe écriture pour une description toute en finesse et sans doute en justesse, même si on retrouve les poncifs attendus chaque fois qu'on parle de ce peuple particulier.
Un très beau portrait

[Zou]

"Sosia"

...les mains repliées sur son ventre et le sourire du bienheureux, à la commissure. ...Il a posé ses paumes bien à plat

J'ai juste relevé cette contradiction dans la description. Les mains sont elles replies ou à plat ? ;-)

Sinon ils y a de jolies choses dans ce texte très à fleur de peau. Est ce un fragment de quelque chose de plus long ? Si oui, donne le nous à lire !

[mentor]

elle voulait peut-être dire "les bras repliés" ;-)

[apoutsiak]

Belle écriture, belle évocation, oui, mais au goût d'exercice, trop court.

[annallissée]

Merci pour toutes vos remarques... J'ai écrit ce texte il y a quelques jours, sans doute stimulée par la découverte de ce forum, mais je dois revoir certains détails, bien sûr

Assez de l'avis de Charles pour tenter de rendre le VOUS asexué, même si ce n'est pas évident.

Pour tout dire, j'avais fait un premier jet en utilisant le " je", mais ce " je" m'a gênée ensuite...
En fait, dans ce texte, le "vous" a valeur de " je". Si ça gêne le lecteur, il faudrait que je tourne le texte autrement car il s'agit d'une femme qui se promène dans ce documentaire et qui croit revoir, sur la place, dans le café, un ami de jeunesse ( sosia= sosie en langue corse )

elle voulait peut-être dire "les bras repliés" ;-)

Heu...oui, il y a quelque chose qui cloche, il y a une gymnastique pas facile là-dessous à revoir !
Le bras repliés. Les paumes à plat. C'est sûrement ce qui convient.

même si on retrouve les poncifs attendus chaque fois qu'on parle de ce peuple particulier.

L'amour de la sieste chez les gens du sud ?
La passion de leur terre, chez les Corses ?

Des poncifs ? Peut-être, mais pas de fumée sans feu, tout de même, quand on connaît un peu ....

au goût d'exercice, trop court.

c'était juste une petit clin d'oeil à une émission enregistrée et revue il y a quelques temps.

[Lucy]

Joli texte, très agréable à lire... même pour ceux qui n'ont jamais mis le pied là-bas !

[Reginelle]

Comme je n'ai eu aucune difficulté à m'imaginer "la jupe au vent" (hé hé hé) j'ai profité pleinement de la balade. (J'ai tiqué aussi à "mains repliées"... mais sans plus...)

Et si ce texte est né du plaisir de regarder une émission, merci de nous l'avoir fait partager.

[annallissée]

ce texte est né du plaisir de regarder une émission

Il est surtout né du plaisir de faire remonter des souvenirs, à partir d'une émission :-))

[Invité]

L'écriture est assez équilibrée, plaisante.
Le texte en vous soutient bien le propos.

[ninananere]

Alors moi, je vais certainement paraître idiote, mais, mise à part une description plus ou moins "poétique" et en douceur, je n'ai rien compris. Il est aussi question d'écran... ! Alors les commentaires m'apprenent que 'est une émission... ?
Mais je n'ai pas la T.V... !

[Invité]

Sentiment similaire ici, parce que mon irréversible allergie à la tv (et ma mauvaise foi flagrante) m'a fait regretter que ces jolies descriptions soient filtrées par le petit écran.
Remarque : je ne savais pas qu'on buvait de la bière sur cette île de la méditerranée...

[annallissée]

Sentiment similaire ici, parce que mon irréversible allergie à la tv (et ma mauvaise foi flagrante) m'a fait regretter que ces jolies descriptions soient filtrées par le petit écran.

Eh bien, si le goût pour un écrit est sensé s’accorder avec tes loisirs, je te déconseille fortement de lire « De la prison à l’éveil », car, comme son titre l’indique, il parle de prison ! ( sourire avec clin d’œil )

PS : les descriptions n'ont pas été filtrées pas le petit écran mais par mon oeil, très imaginatif, qui regarde, de temps en temps, d'excellents documentaires quel qu'en soit le support !

[Sahkti]

Dommage pour l'incursion de la télé dans ce texte, ça brise quelque chose.
Sinon, de belles images, sensibles et sensuelles à la fois, des descriptions qui peuvent donner envie, on ressent la torpeur, la chaleur et tout le reste mais pourtant, je ne peux exactement dire pourquoi, je n'arrive pas à entrer tout à fait dans ce texte. Oui, on s'y croirait, mais il me manque une certaine forme de vie.

[Invité]

Ah , le charme des textes "en vous" quand ils sont bien rédigés. Ils me fascinent, comme s'ils me draguaient. Je trouve ça sexy au possible.
Et qu'importe si je passe à moitié au travers du sens, j'ai les miens en alerte.
(bonjour le commentaire...)

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