Essai sur la lecture
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Jonjon
Lucy
presqu'île
7 participants
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Essai sur la lecture
Je vous livre ici quelques réflexions sur la lecture, et une question... qu'est-ce que la lecture pour vous ? Et puis : Qu'y cherchez-vous ? Qu'y trouvez-vous, ou pas ? Et aussi : arrivez-vous à trouver aujourd'hui, dans la masse de mots chaque jour publiée, les livres qui pourraient être "vôtres" ?
Il en va de la lecture comme de l'amour. La rencontre en est toujours exceptionnelle et ne peut se faire que dans l'aban-don d'un peu de soi. Et sans doute l'on ne rencontre que ce qu'on est en mesure de re-connaître à la fois comme sien -et comme autre.
Comme sien, parce que l'écho de ses propres pensées, la violence douce de ses propres émotions, la conscience amère de sa propre lucidité vacillante, peuvent seuls soulever l'exaltation de la reconnaissance. La lecture est un moyen comme un autre, que l'on croit -parfois à tort - moins risqué qu'un autre, de calmer l'étau désespérant d'une éternelle solitude. Il est des moments de vie où seule la compagnie du spectre verbal d'un homme mort depuis des siècles vous empêche incidemment de vous jeter par la fenêtre. Comme sien, donc, comme justification de soi, jusque là désertée.
Comme autre, pourtant, parce que demeure dans cet autre vous-même, dans ce miroir déformant et déformé, une étrangeté, une folie, un mécanisme incompréhensible - au détour d'un mot, d'un Nom, d'une syntaxe particulière - qui donne vie à la curiosité insatiable de l'âme -curiosité sans laquelle la vie est insupportable d'ennui.
De quoi il découle qu'en littérature, tout autant qu'en amour, et d'autant plus en amitié, la rencontre demeure hautement improbable ; tant pour celui dont la curiosité s'est émoussée au fil de ses désastres, que pour celui dont le coeur est persuadé d'emblée, conforté par les cas nombreux de jurisprudence déçue, que la reconnaissance est un mythe - tout juste bon à faire pousser sans trop de souffrance petites filles et petits garçons.
Hautement improbable, certes, mais pas impossible.
Dès lors, que choisir, de la lecture avide et échevelée de la plus grande part du marchandage contemporain - la totalité viendrait à bout du plus féroce des hécatonchires - ou du retrait prudent derrière les classiques lumineux empoussiérés par les universités ?
J'en resterai, pour ma part, aux rencontres soudaines faites sous la plume d'un auteur aimé, aux rencontres hasardeuses et éblouies n'ayant d'autre raison que leur présence opportune sous mes yeux clignotants, ou à celles que l'ami évoque - comme en rougissant presque d'avoir, derrière le paravent fragile d'un titre à demi oublié, surpris l'ombre d'un secret.
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Il en va de la lecture comme de l'amour. La rencontre en est toujours exceptionnelle et ne peut se faire que dans l'aban-don d'un peu de soi. Et sans doute l'on ne rencontre que ce qu'on est en mesure de re-connaître à la fois comme sien -et comme autre.
Comme sien, parce que l'écho de ses propres pensées, la violence douce de ses propres émotions, la conscience amère de sa propre lucidité vacillante, peuvent seuls soulever l'exaltation de la reconnaissance. La lecture est un moyen comme un autre, que l'on croit -parfois à tort - moins risqué qu'un autre, de calmer l'étau désespérant d'une éternelle solitude. Il est des moments de vie où seule la compagnie du spectre verbal d'un homme mort depuis des siècles vous empêche incidemment de vous jeter par la fenêtre. Comme sien, donc, comme justification de soi, jusque là désertée.
Comme autre, pourtant, parce que demeure dans cet autre vous-même, dans ce miroir déformant et déformé, une étrangeté, une folie, un mécanisme incompréhensible - au détour d'un mot, d'un Nom, d'une syntaxe particulière - qui donne vie à la curiosité insatiable de l'âme -curiosité sans laquelle la vie est insupportable d'ennui.
De quoi il découle qu'en littérature, tout autant qu'en amour, et d'autant plus en amitié, la rencontre demeure hautement improbable ; tant pour celui dont la curiosité s'est émoussée au fil de ses désastres, que pour celui dont le coeur est persuadé d'emblée, conforté par les cas nombreux de jurisprudence déçue, que la reconnaissance est un mythe - tout juste bon à faire pousser sans trop de souffrance petites filles et petits garçons.
Hautement improbable, certes, mais pas impossible.
Dès lors, que choisir, de la lecture avide et échevelée de la plus grande part du marchandage contemporain - la totalité viendrait à bout du plus féroce des hécatonchires - ou du retrait prudent derrière les classiques lumineux empoussiérés par les universités ?
J'en resterai, pour ma part, aux rencontres soudaines faites sous la plume d'un auteur aimé, aux rencontres hasardeuses et éblouies n'ayant d'autre raison que leur présence opportune sous mes yeux clignotants, ou à celles que l'ami évoque - comme en rougissant presque d'avoir, derrière le paravent fragile d'un titre à demi oublié, surpris l'ombre d'un secret.
Re: Essai sur la lecture
Que de questions, Presqu'île ! Pas certaine de pouvoir répondre à toutes. Les sentiments - puisque tu évoques l'amour - sont changeants. Les mots que j'écris ce soir, ne seront peut-être plus ceux que j'aimerais griffonner demain.
Je cherche l'émotion, au fil de mes lectures. J'aime lire les sentiments que je ne peux ressentir ou exprimer. J'y trouve des voyages à l'étranger ou, mieux encore, à travers le temps. Les plus belles découvertes ont - bien souvent - été faites chez des bouquinistes : comme ce Roman de Tristan et Iseult qu'un court extrait lu il y a quinze ans de cela m'avait inspiré un dessin. Trouvé à Québec. C'est encore plus formidable de se dire qu'il aura fallu tout ce temps et ce départ pour l'étranger pour tomber sur cette version que je ne cherchais même plus... depuis le temps.
Je lis davantage ce qui se trouve sur le net que le format papier, aujourd'hui. Absence de bibliothèque oblige ! C'est autre chose mais je vais de découvertes en découvertes et, forcément, j'aime ça.
Je ne sais pas si je ne suis pas H.S. mais merci de ton texte qui fait réfléchir, Presqu'île. Lecture participative oblige ! ^-^
C'est ce que je ressens à lecture d'un texte de chanson. Les livres, je ne m'y reconnais pas toujours même s'ils m'accompagnent un bout de chemin et que j'aime les trimballer. J'aime la musique et l'accompagnement qu'elle offre au texte, faisant passer une émotion plus complète, parfois, qu'un roman, une nouvelle ou un poème.La lecture est un moyen comme un autre, que l'on croit -parfois à tort - moins risqué qu'un autre, de calmer l'étau désespérant d'une éternelle solitude.
Je cherche l'émotion, au fil de mes lectures. J'aime lire les sentiments que je ne peux ressentir ou exprimer. J'y trouve des voyages à l'étranger ou, mieux encore, à travers le temps. Les plus belles découvertes ont - bien souvent - été faites chez des bouquinistes : comme ce Roman de Tristan et Iseult qu'un court extrait lu il y a quinze ans de cela m'avait inspiré un dessin. Trouvé à Québec. C'est encore plus formidable de se dire qu'il aura fallu tout ce temps et ce départ pour l'étranger pour tomber sur cette version que je ne cherchais même plus... depuis le temps.
Je lis davantage ce qui se trouve sur le net que le format papier, aujourd'hui. Absence de bibliothèque oblige ! C'est autre chose mais je vais de découvertes en découvertes et, forcément, j'aime ça.
Je ne sais pas si je ne suis pas H.S. mais merci de ton texte qui fait réfléchir, Presqu'île. Lecture participative oblige ! ^-^
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 46
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: Essai sur la lecture
Tu m'excuseras si je réagis un peu sévèrement ici, mais ton texte m'a gênée, qui énonce des généralités à partir d'une perception personnelle, pour aboutir à catalogue de théories plutôt creuses. Et puis cette phrase m'a fait bondir :
En fait, j'ai plus le sentiment d'un exercice de style (ce qui en soi n'est pas gênant, dans la mesure où les intentions sont claires) que d'une véritable réflexion sur la lecture (et/ou littérature : là aussi, il faudrait apporter une définition plus précise à ces 2 termes, trop souvent et facilement amalgamés).
Malgré tout, ton idée de sujet est intéressante, peut-être suffisait-il de poser les questions ?
Si tel était le cas, ton texte n'aurait aucune raison d'être.La lecture est un moyen comme un autre, que l'on croit -parfois à tort - moins risqué qu'un autre, de calmer l'étau désespérant d'une éternelle solitude
En fait, j'ai plus le sentiment d'un exercice de style (ce qui en soi n'est pas gênant, dans la mesure où les intentions sont claires) que d'une véritable réflexion sur la lecture (et/ou littérature : là aussi, il faudrait apporter une définition plus précise à ces 2 termes, trop souvent et facilement amalgamés).
Malgré tout, ton idée de sujet est intéressante, peut-être suffisait-il de poser les questions ?
Invité- Invité
Re: Essai sur la lecture
Perso, je ne me risquerais pas à écrire sur la lecture... il me semble que Pennac a déjà tout dit.
Jonjon- Nombre de messages : 2908
Age : 40
Date d'inscription : 21/12/2005
Re: Essai sur la lecture
Bonsoir à vous trois, et merci de vos réponses !
Lucy, je comprends bien ce que tu veux dire sur certaines chansons, ça m’arrive aussi fréquemment –le moment le plus intéressant étant (à mon avis) celui où on tombe dessus par hasard à la radio, nous obligeant à attendre un peu pour retrouver le titre… (Dernière en date: jeunesse lève toi de Saez)
J’aime beaucoup ce que tu dis de l’exemplaire de Tristan et Iseult… il y a là matière à écrire, d’ailleurs !
C’est amusant, aussi, de voir qu’en flânant, un volume vous « tombe » littéralement dans les mains au moment opportun, ou qu’un livre qui traîne chez vous depuis des lustres semble se réveiller et devenir brusquement lisible. Sinon, aller de découverte en découverte, c’est l’idée, oui !
Island, je te remercie de ta franchise mais j’aimerais bien comprendre ta réaction… qui m’a beaucoup étonnée par sa virulence. Tu me dis :
j’en déduis que j’ai sans doute été maladroite en proposant ma propre réponse dans le même sujet. Mon but n’était pas de fermer le débat, pourtant, mais d’apporter une première contribution… ???
Un essai consiste effectivement en une tentative de généralisation à partir d’une perception personnelle fondée sur une expérience. Il ne prétend pas à l’exhaustivité ni à la vérité : c’est une recherche, une pensée en mouvement à un moment précis. Ce qui fait qu’il peut être retouché à tout moment.
Ensuite, les théories que j’énonce ne sont pas creuses mais nées de mon expérience de la lecture : fièvre qui m’a prise à la lecture de certains auteurs dont j’avais l’impression qu’ils exprimaient exactement mon ressenti ; moments de solitude disons « intellectuelle », plus jeune surtout, où le seul endroit où je trouvais ce qui me préoccupait, c’était dans les livres, avec impossibilité d’en parler ailleurs ; découvertes de mondes et de mode de pensées insoupçonnés jusque là, etc.
Peut-être sont-ce des idées rebattues, ce qui fait qu’elles semblent vidées de leur substance.
Ou que je les énonce mal, fort possible (bien que je ne voie pas de catalogue ou d’exercice de style ici…).
Ou peut-être n’avons-nous pas, justement, le même rapport aux livres, et c’est là que ça deviendrait intéressant d’en parler.
Je cite ceci parce que je ne comprends pas ta remarque.
Quant à la distinction entre lecture et littérature, elle me semblait claire. Pour préciser (et encore une fois, le jugement sera personnel) : la lecture ici désignée est le rapport qu’on entretient avec une œuvre qu’on découvre –et qui nous découvre, dans le meilleur des cas. Quant à la littérature, elle correspond pour moi à : beau texte composé de mot qui fait penser ET ressentir. Pourrait être précisé, bien sûr…
jonjon21
Sur quoi pourrions-nous écrire alors, depuis le temps que les Grands écrivent ;-)
Plus sérieusement, si Pennac a un talent certain pour le récit, et s’il a le mérite d’avoir bousculé sur la lecture quelques idées reçues, ses derniers ouvrages me paraissent un peu légers. Notamment le dernier sur l’école.
J’ajoute que bien souvent, on a interprété ses dires de fort ennuyeuse façon. Parce que oui, la lecture, quand même, ça demande un effort. Pour dépasser la crainte de l’effort, il faut du désir, il faut avoir envie de lire.
J’ai pu constater que Pennac sait créer l’envie de lire chez certains ados par ce qu’il écrit, et en cela, chapeau bas, oui.
Lucy, je comprends bien ce que tu veux dire sur certaines chansons, ça m’arrive aussi fréquemment –le moment le plus intéressant étant (à mon avis) celui où on tombe dessus par hasard à la radio, nous obligeant à attendre un peu pour retrouver le titre… (Dernière en date: jeunesse lève toi de Saez)
J’aime beaucoup ce que tu dis de l’exemplaire de Tristan et Iseult… il y a là matière à écrire, d’ailleurs !
C’est amusant, aussi, de voir qu’en flânant, un volume vous « tombe » littéralement dans les mains au moment opportun, ou qu’un livre qui traîne chez vous depuis des lustres semble se réveiller et devenir brusquement lisible. Sinon, aller de découverte en découverte, c’est l’idée, oui !
Island, je te remercie de ta franchise mais j’aimerais bien comprendre ta réaction… qui m’a beaucoup étonnée par sa virulence. Tu me dis :
peut-être suffisait-il de poser les questions ?
j’en déduis que j’ai sans doute été maladroite en proposant ma propre réponse dans le même sujet. Mon but n’était pas de fermer le débat, pourtant, mais d’apporter une première contribution… ???
ton texte m'a gênée, qui énonce des généralités à partir d'une perception personnelle, pour aboutir à catalogue de théories plutôt creuses.
Un essai consiste effectivement en une tentative de généralisation à partir d’une perception personnelle fondée sur une expérience. Il ne prétend pas à l’exhaustivité ni à la vérité : c’est une recherche, une pensée en mouvement à un moment précis. Ce qui fait qu’il peut être retouché à tout moment.
Ensuite, les théories que j’énonce ne sont pas creuses mais nées de mon expérience de la lecture : fièvre qui m’a prise à la lecture de certains auteurs dont j’avais l’impression qu’ils exprimaient exactement mon ressenti ; moments de solitude disons « intellectuelle », plus jeune surtout, où le seul endroit où je trouvais ce qui me préoccupait, c’était dans les livres, avec impossibilité d’en parler ailleurs ; découvertes de mondes et de mode de pensées insoupçonnés jusque là, etc.
Peut-être sont-ce des idées rebattues, ce qui fait qu’elles semblent vidées de leur substance.
Ou que je les énonce mal, fort possible (bien que je ne voie pas de catalogue ou d’exercice de style ici…).
Ou peut-être n’avons-nous pas, justement, le même rapport aux livres, et c’est là que ça deviendrait intéressant d’en parler.
La lecture est un moyen comme un autre, que l'on croit -parfois à tort - moins risqué qu'un autre, de calmer l'étau désespérant d'une éternelle solitude
Si tel était le cas, ton texte n'aurait aucune raison d'être.
Je cite ceci parce que je ne comprends pas ta remarque.
Quant à la distinction entre lecture et littérature, elle me semblait claire. Pour préciser (et encore une fois, le jugement sera personnel) : la lecture ici désignée est le rapport qu’on entretient avec une œuvre qu’on découvre –et qui nous découvre, dans le meilleur des cas. Quant à la littérature, elle correspond pour moi à : beau texte composé de mot qui fait penser ET ressentir. Pourrait être précisé, bien sûr…
jonjon21
Perso, je ne me risquerais pas à écrire sur la lecture... il me semble que Pennac a déjà tout dit.
Sur quoi pourrions-nous écrire alors, depuis le temps que les Grands écrivent ;-)
Plus sérieusement, si Pennac a un talent certain pour le récit, et s’il a le mérite d’avoir bousculé sur la lecture quelques idées reçues, ses derniers ouvrages me paraissent un peu légers. Notamment le dernier sur l’école.
J’ajoute que bien souvent, on a interprété ses dires de fort ennuyeuse façon. Parce que oui, la lecture, quand même, ça demande un effort. Pour dépasser la crainte de l’effort, il faut du désir, il faut avoir envie de lire.
J’ai pu constater que Pennac sait créer l’envie de lire chez certains ados par ce qu’il écrit, et en cela, chapeau bas, oui.
Re: Essai sur la lecture
Vraiment désolée de t'avoir blessée, ça n'était bien sûr pas intentionnel.
Il est probable que lu à un tout autre moment ce texte n'aurait pas provoqué chez moi cette réaction.
Il est probable que lu à un tout autre moment ce texte n'aurait pas provoqué chez moi cette réaction.
Invité- Invité
Re: Essai sur la lecture
Ce soir, je suis franchement fatiguée, les journées sont rudes en ce moment. J’ai ouvert plusieurs textes dans ce forum et je n’ai pas réussi à en lire un seul (mais je sais que c’est à cause de la fatigue, je ressaierai un peu plus tard). Pourtant, j’ai été attiré par le titre de ton texte, et lui, je l’ai lu jusqu’au bout. Je le trouve très beau et très prenant. Je ne suis pas forcément d’accord sur tout, mais ça n’a pas d’importance. Je ne l’ai pas lu comme un essai en fait mais comme une perception personnelle de la lecture.
Il y a juste un petit truc qui m’a gênée : « la rencontre demeure hautement improbable ». Là, je ne peux pas reconnaître comme « mienne » cette assertion. Elle est même tellement éloignée de moi que je ne marche plus. Je suis d’accord quand il s’agit d’amour, mais rencontrer un livre, c’est tellement plus fréquent qu’un amour ! En tout cas, moi, j’en ai lus des livres qui ont été une véritable rencontre.
Il y a juste un petit truc qui m’a gênée : « la rencontre demeure hautement improbable ». Là, je ne peux pas reconnaître comme « mienne » cette assertion. Elle est même tellement éloignée de moi que je ne marche plus. Je suis d’accord quand il s’agit d’amour, mais rencontrer un livre, c’est tellement plus fréquent qu’un amour ! En tout cas, moi, j’en ai lus des livres qui ont été une véritable rencontre.
A
"Il en va de la lecture comme de l'amour. La rencontre en est toujours exceptionnelle et ne peut se faire que dans l'aban-don d'un peu de soi. Et sans doute l'on ne rencontre que ce qu'on est en mesure de re-connaître à la fois comme sien -et comme autre."
Je souscris tout à fait, nous ne reconnaissons que ce que notre horizon nous permet d'envisager. Et la non-reconnaissance d'un texte, parfois provisoire, n'apprend rien. En revanche, comme dans l'amour, ce qui est "trouvé" est gardé.
Oui, je crois que l'art et l'amour sont les deux voies qui, illusoirement, nous sauvent.
Comme sien, parce que l'écho de ses propres pensées, la violence douce de ses propres émotions, la conscience amère de sa propre lucidité vacillante, peuvent seuls soulever l'exaltation de la reconnaissance.
La mathesis. Ne mérite d'être découvert que ce nous portons déjà.
La lecture est un moyen comme un autre, que l'on croit -parfois à tort - moins risqué qu'un autre, de calmer l'étau désespérant d'une éternelle solitude. Il est des moments de vie où seule la compagnie du spectre verbal d'un homme mort depuis des siècles vous empêche incidemment de vous jeter par la fenêtre. Comme sien, donc, comme justification de soi, jusque là désertée.
Comme autre, pourtant, parce que demeure dans cet autre vous-même, dans ce miroir déformant et déformé, une étrangeté, une folie, un mécanisme incompréhensible - au détour d'un mot, d'un Nom, d'une syntaxe particulière - qui donne vie à la curiosité insatiable de l'âme -curiosité sans laquelle la vie est insupportable d'ennui.
Ouipre. J'achète encore. Curiosité, autre nom de l'amour, sans lequel on ne peut com-prendre.
De quoi il découle qu'en littérature, tout autant qu'en amour, et d'autant plus en amitié, la rencontre demeure hautement improbable ; tant pour celui dont la curiosité s'est émoussée au fil de ses désastres, que pour celui dont le coeur est persuadé d'emblée, conforté par les cas nombreux de jurisprudence déçue, que la reconnaissance est un mythe - tout juste bon à faire pousser sans trop de souffrance petites filles et petits garçons.
Nan! Pas improbable du tout !
Hautement improbable, certes, mais pas impossible.
Dès lors, que choisir, de la lecture avide et échevelée de la plus grande part du marchandage contemporain - la totalité viendrait à bout du plus féroce des hécatonchires - ou du retrait prudent derrière les classiques lumineux empoussiérés par les universités ?
Les anciens. Puis ce que le filtre des amis, des lecteurs, tire de l'actualité. mais sans précipitation.
J'en resterai, pour ma part, aux rencontres soudaines faites sous la plume d'un auteur aimé, aux rencontres hasardeuses et éblouies n'ayant d'autre raison que leur présence opportune sous mes yeux clignotants, ou à celles que l'ami évoque - comme en rougissant presque d'avoir, derrière le paravent fragile d'un titre à demi oublié, surpris l'ombre d'un secret.
N'oubliez pas le bonheur de la connivence que le lecteur, après l'avoir partagé avec le texte en sa représentation, partage avec ses commensaux.
Fraternellement, Pierre-henri.
Je souscris tout à fait, nous ne reconnaissons que ce que notre horizon nous permet d'envisager. Et la non-reconnaissance d'un texte, parfois provisoire, n'apprend rien. En revanche, comme dans l'amour, ce qui est "trouvé" est gardé.
Oui, je crois que l'art et l'amour sont les deux voies qui, illusoirement, nous sauvent.
Comme sien, parce que l'écho de ses propres pensées, la violence douce de ses propres émotions, la conscience amère de sa propre lucidité vacillante, peuvent seuls soulever l'exaltation de la reconnaissance.
La mathesis. Ne mérite d'être découvert que ce nous portons déjà.
La lecture est un moyen comme un autre, que l'on croit -parfois à tort - moins risqué qu'un autre, de calmer l'étau désespérant d'une éternelle solitude. Il est des moments de vie où seule la compagnie du spectre verbal d'un homme mort depuis des siècles vous empêche incidemment de vous jeter par la fenêtre. Comme sien, donc, comme justification de soi, jusque là désertée.
Comme autre, pourtant, parce que demeure dans cet autre vous-même, dans ce miroir déformant et déformé, une étrangeté, une folie, un mécanisme incompréhensible - au détour d'un mot, d'un Nom, d'une syntaxe particulière - qui donne vie à la curiosité insatiable de l'âme -curiosité sans laquelle la vie est insupportable d'ennui.
Ouipre. J'achète encore. Curiosité, autre nom de l'amour, sans lequel on ne peut com-prendre.
De quoi il découle qu'en littérature, tout autant qu'en amour, et d'autant plus en amitié, la rencontre demeure hautement improbable ; tant pour celui dont la curiosité s'est émoussée au fil de ses désastres, que pour celui dont le coeur est persuadé d'emblée, conforté par les cas nombreux de jurisprudence déçue, que la reconnaissance est un mythe - tout juste bon à faire pousser sans trop de souffrance petites filles et petits garçons.
Nan! Pas improbable du tout !
Hautement improbable, certes, mais pas impossible.
Dès lors, que choisir, de la lecture avide et échevelée de la plus grande part du marchandage contemporain - la totalité viendrait à bout du plus féroce des hécatonchires - ou du retrait prudent derrière les classiques lumineux empoussiérés par les universités ?
Les anciens. Puis ce que le filtre des amis, des lecteurs, tire de l'actualité. mais sans précipitation.
J'en resterai, pour ma part, aux rencontres soudaines faites sous la plume d'un auteur aimé, aux rencontres hasardeuses et éblouies n'ayant d'autre raison que leur présence opportune sous mes yeux clignotants, ou à celles que l'ami évoque - comme en rougissant presque d'avoir, derrière le paravent fragile d'un titre à demi oublié, surpris l'ombre d'un secret.
N'oubliez pas le bonheur de la connivence que le lecteur, après l'avoir partagé avec le texte en sa représentation, partage avec ses commensaux.
Fraternellement, Pierre-henri.
pierre-henri- Nombre de messages : 699
Age : 65
Localisation : Raiatea
Date d'inscription : 17/02/2008
Re: Essai sur la lecture
Island, suis pas blessée, juste interrogative ! Et pour une fois que je tombe sur un forum où-c’que-les-gens-commentent-les-textes, j’vais pas bouder, quand même ! sourire’
Anne
En essayant de faire le compte, je m’aperçois que j’en ai trouvé quelques-uns, moi aussi, des livres-rencontres ! Simplement, depuis quelque temps, j’en reviens à mes livres/auteurs « de chevet », parce que je trouve peu de résonance et de curiosité dans les choses nouvelles. Gracq, par exemple, a parlé de cela, mais c’est quand même un peu triste, je trouve, « la littérature à l’estomac »… Alors, je cherche encore ;-)
pierre-henri
C’est le genre de phrase que je n’ose plus prononcer en public, de peur d’être prise en flagrant délit de manque de « lucidité pessimiste moderne »... Mais je vois l’adverbe « illusoirement », me voilà rassurée… Plaisanterie mise à part, j’ajouterais à ce kit de survie l’Amitié, z’avec un A.
Merci de tes lectures’’’
Anne
j’en ai lus des livres qui ont été une véritable rencontre.
En essayant de faire le compte, je m’aperçois que j’en ai trouvé quelques-uns, moi aussi, des livres-rencontres ! Simplement, depuis quelque temps, j’en reviens à mes livres/auteurs « de chevet », parce que je trouve peu de résonance et de curiosité dans les choses nouvelles. Gracq, par exemple, a parlé de cela, mais c’est quand même un peu triste, je trouve, « la littérature à l’estomac »… Alors, je cherche encore ;-)
pierre-henri
Oui, je crois que l'art et l'amour sont les deux voies qui, illusoirement, nous sauvent.
C’est le genre de phrase que je n’ose plus prononcer en public, de peur d’être prise en flagrant délit de manque de « lucidité pessimiste moderne »... Mais je vois l’adverbe « illusoirement », me voilà rassurée… Plaisanterie mise à part, j’ajouterais à ce kit de survie l’Amitié, z’avec un A.
Merci de tes lectures’’’
Re: Essai sur la lecture
Ton texte est bien écrit. Tu soignes les tournures, tu disposes les phrases de manière judicieuse... il y a un côté élégant non déplaisant dans tout cela.
Je serai par contre beaucoup plus réservée sur le fond auquel je n'adhère pas à 100%. La manière par exemple dont tu associes lecture et solitude, ou lecture et auteurs morts. Cela me semble trop personnel pour en tirer des généralités qui s'appliqueraient à tout le monde.
La lecture est et reste certes une magnifique rencontre mais la beauté de ce croisement provient de 1001 raisons diverses et vériées intimement liées au lecteur; il me paraît difficile de les universaliser.
Je serai par contre beaucoup plus réservée sur le fond auquel je n'adhère pas à 100%. La manière par exemple dont tu associes lecture et solitude, ou lecture et auteurs morts. Cela me semble trop personnel pour en tirer des généralités qui s'appliqueraient à tout le monde.
La lecture est et reste certes une magnifique rencontre mais la beauté de ce croisement provient de 1001 raisons diverses et vériées intimement liées au lecteur; il me paraît difficile de les universaliser.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Essai sur la lecture
Lorsque je lis, je reçois ce que l'auteur veut partager.
Ce don peut-être agréable ou non, suivant la manière dont je suis disposé à l'accueillir.
Est-ce là, la forme de rencontre dont Sahkti veut parler ? Pourquoi pas.
Ton texte a le mérite de m'interroger sur la matière en question.
Ce don peut-être agréable ou non, suivant la manière dont je suis disposé à l'accueillir.
Est-ce là, la forme de rencontre dont Sahkti veut parler ? Pourquoi pas.
Ton texte a le mérite de m'interroger sur la matière en question.
bertrand-môgendre- Nombre de messages : 7526
Age : 104
Date d'inscription : 15/08/2007
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