Ahmed rêvait d'un monde meilleur ...

[Mido]

Le regard alourdi par la fine lueur du soleil matinal, le corps intimement confié à la terre, Ahmed scrutait au loin son troupeau veillant à ce qu’il ne s’éloigne plus. Il voyait le jour ce qu’il vu hier, entendait ce qu’il entendit l’an dernier, et vivait ce qu’il vécut pendant toute sa vie.

Aujourd’hui est un vendredi, « ah satané vendredi » se disait-il joyeusement « Toute la famille réunie autour de ce délicieux couscous ».

En effet le vendredi jouissait d’une importance majeure dans le douar, on y échangeait les histoires, les aventures, les nouveautés se faisant rares, c’était de plus une occasion propice aux déclarations, aux accords, ou mêmes aux accusations . Tout ceci laissé à l’arbitrage incertain d’un certain couscous.

Ahmed déposa ses souliers et entra saluer les membres de la famille, puis d’un air de soulagement, s’allongea sur la banquette… Tout d’un coup, ce fut le fiasco, les hourras surgissaient de par ci et de par là, d’autres comme Ahmed inconscients de ce qui se passait ruaient vers la porte.

« Miloud ?? » s’écria la grand-mère « viens dans mes bras mon fils ». « Mais où était tu passé tout ce temps » articula difficilement son père.

Miloud se mit à raconter fièrement son aventure à la ville, ses gens, ses bâtiments à moindre le ciel, ses routes enchevêtrées et surtout son émerveillement de la mosquée prêtent corps à la mer…

Ahmed qui n’avait jamais de toute sa vie entendu un pareil discours, ne pus digérer une seule bouchée du met, avec l’esprit virevoltant autour de ce qu’appelait son frère « la fourmilière ».

Aussitôt sorti, il intercepta brutalement ce dernier et se mit à poser des questions de tous sens.

Miloud croyant l’agitation de son frère cadet une simple curiosité, se contenta d’embellir son discours et oublia une seule chose : la cause pour laquelle il était revenu.

Notre ami ne pouvait patienter, il en avait assez de la monotonie, même l’adorable petit agneau qu’il chérissait perdit son âme à ses yeux, son monde perdait jour après jour ses sens, un jour, il ne les retrouva plus. Ce jour là, Ahmed mis tous ses habits dans un panier, malheureux panier qui ne porta de toute son utilité que les légumes du souk régional.

Les malheureuses minutes qu’il attendit semblaient des années pour Ahmed, encore plus longues que les années passées au Douar désormais tendant en vain ses bras à un organe que la ville a froidement amputé.

Enfin un taxi qui accepta de s’arrêter, Ahmed se retourna une dernière fois, jeta un regard d’impuissant sur les champs, les volailles agitées dans tous les sens, son troupeau qui lui faisait ses adieux…il essuya ses larmes et se dit un moment : Ce n’est que moi, misérable de moi. Vivre ? Je vis où que je sois, mais comment venir au bout de ce désarroi, le leur…Mais en fait qui suis-je moi, qu’il en soit ainsi ! Délaissé tel un chien haletant de soif, quelqu’un a-t-il essayé d’entrouvrir mon cœur, d'y découvrir les soucis plaidant coupable à ma mise à mort ? Mais qui me saura, ne suis-je point misérable moi ?...

En route vers Casablanca, Ahmed fut le lieu d’un mariage grandiose qu’il célébra en solitaire, celui de tous les sentiments humains, surgissant du passé, nés de l’instant, contemplant l’avenir … tout ceci donnait naissance à l’inconnu, Ahmed berçait l’inconnu, qui restera ainsi jusqu'à ses derniers jours. Ahmed mourra, l’inconnu est immortel …

Les premiers bâtiments se manifestaient, Ahmed était plus proche que jamais de sa destinée, en effet nous ne savons rien de notre destinée, c’est ainsi qu’expliquait Ahmed le fait qu’il voyait pour la première fois de sa vie de pareilles choses : Des bâtisses qui brandissaient leur existence haut dans le ciel, la route qui se dissipait vers les quartiers, vers nulle part, la formalité surprenante des choses cohabitant avec l’anarchie, l’anarchie la plus formelle.

De l’autre côté de la ville, un coq s’était échappé de la charrette d’un marchant venu en ville vanter ce que la province avait de plus cher, le coq perdu dans l’hostilité, se laissa perdre dans la misère d’un bidonville, on n’hésita pas à en faire le déjeuner d’une demi douzaine de personnes…

Nous sommes en 2006, bien avant, la ville a connu un essor surprenant, la population rurale exaspérée par un vécu désastreux ruera en masse vers les agglomérations urbaines. Seulement voilà, la ville n’est pas en mesure d’accueillir tout ce monde, on sera contraint à habiter des maisons en taule, à marcher dans les rues sans devenir, gardant l’espoir dans la progéniture, tant on entendait qu’étudier était la voie de la réussite. Très peu voyaient leurs rêves concrétisés, les autres seront voués à l’échec, au rejet de la société, au sacrifice. Combien d’Ahmed ont péri aux pieds de la forteresse urbaine enterrant les espérances qu’ils avaient cultivées hors de leurs champs, il le savait eux qu’en faisant pousser quelques plantations dans une terre inappropriée, le résultat était déconcertant. Les ancêtres eux le savait, mais le savaient parfaitement.

On parle aujourd’hui de développement du monde rural, hélas, beaucoup reste à faire, et cela, nous en sommes entièrement responsables. Nous croyons combattre la misère dans nos quartiers les plus pauvres, nous ne faisons ainsi que l’alimenter. Voyez vous, les racines du mal sont ailleurs. Partout en province, les gens souffrent des intempéries, ils prient chaque jour pour que le lendemain soit meilleur, que le ciel leur face grâce de sa bonté, que nous nous décidons un jour à leur venir en aide, à rendre leur monde non pas comme le notre, mais seulement vivable, apte à héberger leurs joies, leurs rêves …

Le temps ne pardonnera pas nos prédécesseurs, mais l’espoir est quelque part dans les cœurs de cette jeunesse ascendante, quelque part affrontant la mort, l’oubli. Portons le regard sur nos frères en province, lui partagera avec toi l’ambition d’une carrière réussie, elle portera la volonté de brandir cette nation aux yeux du monde, de donner au mot « Maroc » les définitions les plus honorables…seulement, il suffit de leur apprendre comme nous avons appris, de leur offrir la sécurité et le bien-être dont nous jouissons.

Il est insuffisant de leur demander de rester chez eux, de leur dire qu’il n’y a rien à faire ici, ce serait pour eux les paroles d’une personne engloutie dans la folie, et pour nous l’hypocrisie la plus immonde.

[Invité]

Je m'y perds un peu, entre le fictif et le réel. A débroussailler ?

[Mido]

Les faits relèvent effectivement du réel, n'empêche que la nature même du sujet ( l'exode rurale) implique une mise en relief de l'aspect psychologique ( éventuellement traduit par les émotions du personnage ), ce qui ne peut que donner vie à des images plutôt extraordinaires .

[bertrand-môgendre]

. . .aux accords, ou mêmes aux accusations

même ;

Mais où était tu

Mais où étais-tu. . . ;

celui de tous les sentiments humains, surgissant du passé, nés de l’instant,

surgissants;

Les ancêtres eux le savait

Les ancêtres eux le savaient ;
Pour les autres fautes Mido, le bon patron est efficace.

Tu ressembles à ton personnage qui porte dans sa besace, tout son être, son passé, son avenir, son besoin de sortir du trou pour créer sa place au soleil.
Alors, pose ton bagage. Assieds-toi à l'ombre de ce tilleul, et raconte-nous cette histoire de couscous. J'ai envie de connaitre ces personnes que tu présentes à peine. J'ai envie de suivre le troupeau de Ahmed une journée, une semaine.
Ne te précipite pas.

[parcimonie]

Si le sujet traité me touche et me plaît, je trouve que certaines erreurs de syntaxe dénaturent la fluidité de lecture, ce qui me semble dommage.
Malgré tout j'ai beaucoup apprécié la rapidité dans l'enchainement des idées, des faits, la transcription que tu fais des ambiances et des sentiments. J'aurais aimé comme d'autres que cela soit plus fouillé et développé par moments, que l'on ait de quoi connaître un peu plus les personnes dont tu effleures quelques instants de vie.

[Mido]

Je vous remercie pour votre pertinence et pour vos commentaires que je m'attribuerait moi même volontiers . A vrai dire ce texte date de début 2006 comme vous avez pu le constater et je le redécouvre pour l'occasion . Je trouve toujours passionnant de relire ses propres écrits, car à chaque occasion notre perception des choses évolue, ce qui ne peut que générer de nouvelles idées ..

[mentor]

celui de tous les sentiments humains, surgissant du passé, nés de l’instant,

surgissants

B-Mô ! Oh ! ;-)

[mentor]

douar = village, c'est ça ?
texte un peu désordonné, aux idées éparpillées, il y a un mélange un peu maladroit entre une histoire intéressante et touchante et des réflexions perso sur l'évolution négative de ces mouvements de population anarchiques et mal gérés
c'est dommage, il faudrait peut-être soit dissocier les deux propos, mais alors le discours sociétal risque d'être un peu rebutant, soit les harmoniqer un peu mieux en les mêlant encore plus
je ne sais pas si je me fais comprendre
quant à l'écriture, si tu n'es pas de langue maternelle française, je trouve que c'est super bien

[Mido]

Bien vu, "Douar" signifie effectivement village ;-)
Pour ce qui est de la structure du texte j'avoue que j'étais contraint de l'écourter un peu afin qu'il soit affiché dans le journal du lycée ce qui a sans doute altéré la disparité de ses parties .

[mentor]

les harmoniqer un peu mieux en les mêlant encore plus

non mais ! qu'est-ce que j'avais en tête quand j'ai écrit ça ?! drôle d'harmonie :-))

[Sahkti]

Des tournures figées et des phrases trop détaillées empêchent, à mes yeux, ce texte de prendre des allures de conte qui lui auraient donné pas mal de charme. Ici, j'assiste à un récit qui me touche assez peu parce qu'immobile et trop "théâtralo-lyrique", peu d'éléments me paraissent naturels.
Toute trace éventuelle de psychologie est noyée sous cette forme narrative étouffante, voire lassante (avis perso bien sûr!) et les émotions ne m'atteignent pas.

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