Jeux de guerre

[monsieur_chauve]

Salut,

Je ressors un vieux texte que j'avais écrit il y a quelques temps... Merci d'avance pour vos critiques !




Ca faisait au moins dix ans que je n’avais pas touché à un jeu vidéo, mais aujourd’hui, en faisant un tour à la FNOUC, je tombais sur la nouvelle console XSOFT de Microbox en démonstration, et j’en pris plein la gueule.

Le jeu qui tournait était une « simulation tactique à la première personne », dixit Robert, le vendeur du rayon jeux vidéo. Lui était encore plus excité que moi en regardant la bête.

Ce qui me scotcha d’entrée était l’aspect ultra-réaliste des graphismes. J’avais l’impression de me retrouver dans un bon vieux film de guerre, genre Full Metal Jacket rencontre le Faucon Noir. Et voilà Robert qui me bassinais avec des dizaines de détails incompréhensibles dont je n’avais cure, et dont je ne retenais qu’un mot sur dix : «moteur physique», «anti-aliasing», «lens flare», «40 FPS», «Non madame, à la FNOUC nous ne faisons pas de machines à laver»…

Et pendant qu’il me parlait, je ne pouvais détacher mes yeux de l’ecran plat géant. Le soldat était armé d’un sacré fusil, du style qui fait sûrement bien mal. Il avançait prudemment dans les rues d’une grande ville moderne, peut-être Miami ou Mexico, et se couvrait derrière chaque voiture, muret ou immeuble. A un moment, il sortit une grenade qu’il dégoupilla avec ses dents, et la lança à l’aveuglette. PAN ! un bruit assourdissant, suivit d’un nuage de fumée. Grâce à cette couverture, le soldat bondit par-dessus le muret qui lui servait d’abri, avança d’une dizaine de mètres, flingua un rebel moustachu avec sa pétoire, et fonça se planquer derrière une voiture.

Je fus saisi par tant de réalisme, et je commençai à transpirer, par sympathie pour ce brave trouffion. Dieu qu’il devait avoir les chocottes.

Livide, je demandai à Robert s’il pensait que le soldat allait s’en sortir. Celui-ci me fixa d’un air incrédule, essayant de savoir si j’etais vraiment demeuré, ou bien si j’essayais seulement de faire un brin d’humour. En tout cas, ça lui coupa toute envie de me tenir la grappe avec ses mots bizarres. Rapidement, il détourna son attention de l’ecran, et partit vaquer à d’autres activités dans son rayon : rechercher des clients un peu moins cons, ou blaguer avec son collègue Jean-Luc, sans doute.

Notre petit soldat, que j’appelerai Chuck, n’avait pas attendu l’avis de Robert pour continuer à flinguer du moustachu à tout va. Il était même arrivé jusqu'à un parking, s’y faufilant, accroupi, tel un vrai petit cameleon, et zigzaguant avec précaution entre les voitures. Chuck devait avoir sacrément chaud avec sa panoplie, mais il ne le montrait pas. Il n’avait pas l’air d’être du genre à se plaindre beaucoup, à faire sa petite fiotte. J’aurais du en prendre un peu de graine, moi qui avait du mal a garder l’air dégagé quand je passais devant le chien du voisin.

Je regardai le prix de la bête. Bing, 350 euros avec une manette et le jeu des aventures de Chuck. C’était vraiment pas donné, d’autant que, pour plus de réalisme, j’allais devoir m’acheter l’ecran plat qui allait avec (ma TV étant plus vieille que moi). Je fis une rapide addition, et me rendis compte qu’avec ça, j’aurai déjà dépensé un mois de salaire de mon futur (et incertain) emploi dans l’agence de Vivianne L.

Etait-ce vraiment bien raisonnable ? Bien sûr que non et, comme à chaque achat impulsif et irraisonné, je réussis à m’auto-convaincre en l’espace de quelques secondes. Et me voilà à la sortie de la FNOUC, en train de charger mes deux gros paquets dans le coffre de ma Renault 5.

La guerre pouvait alors commencer.

Je garai ma voiture, et sortis mes achats en toute hâte. J’ouvris les cartons tel un furieux, ne cherchant même pas à epargner les emballages. Pas le temps non plus de lire les notices, je branchai le tout dans un bordel de fils électriques et de prises, et je sortis mes armes : la manette de la console, une bière de mon frigo, un joint fraîchement roulé, et, surtout, mes vieilles pantoufles. Confortablement vautré sur mon canapé, je me plongeai alors dans l’enfer de la guerre, prêt à en découdre avec ces salopards de moustachus qui venaient brûler nos maisons, et tuer femmes et enfants.

Faire la guerre en pantoufle, en voilà un concept rafraîchissant. Mais, pas le temps de me féliciter pour mes grandes idées, Chuck était de retour à l’ecran, et cette fois-ci, il attendait MES instructions. La prise en main fut quelque peu difficile, et les effets du joint se firent déjà ressentir. Je pataugeais, pour ne pas dire autre chose. Les mouvements de Chuck semblaient être plus saccadés et aléatoires, on avait l’impression qu’il avait quelques petits soucis psycho-moteur.

Et s’il n’y avait que ca… Les moustachus aussi nous compliquaient les choses. Eux qui à la FNOUC semblaient si vulnérables, tombant comme des mouches sous les assauts sanguinaires de Chuck, se foutaient maintenant allègrement de sa gueule, le réduisant en miettes à chaque tentative d’approche.

Je refis une énième fois l’entraînement de l’armée, répétant les séquences dictées par le sergent instructeur, mais, rien à faire, une fois sur le terrain, Chuck se comportait comme une grosse fiotte.

Ce dernier n’avait pas l’air de beaucoup m’aimer, et je crus surprendre un regard plein de haine de sa part, un regard qui m’était directement adressé. Ca devait être le joint, que j’avais chargé avec un peu trop d’entrain. Rien à foutre, c’était moi qui commandais, et tant que Chuck ne se déplacerait pas comme un vrai GI digne de ce nom, je ne lui laisserais pas de répit.

Quelqu’un toqua brutalement à ma porte. Je manquai de faire un arrêt cardiaque, pensant que Chuck avait réussi à me retrouver, et allait me punir pour mon incompétence. Je m’avançai prudemment jusqu'à l’œil-de-bœuf. Mais c’était juste ce crétin de Georgio. Je le fit rentrer chez moi en maugréant, en lui disant qu’il n’était pas obligé de taper comme un bœuf à chaque fois, mais il ne m’écoutait pas, trop absorbé par ce qu’il voyait sur mon ecran géant flambant neuf..

- Putain, mais c’est quoi ça ? Et l’ecran, il est à toi ?

Je hochai la tête, assez fier de mon effet de surprise. Il partit se chercher une bière, et s’assit à côté de moi sur le canapé pour m’épauler. Je commençais à mieux coordonner les opérations, et Chuck en mouvement, ça ressemblait enfin à quelque chose. Georgio était très attentif et silencieux à mes côtés, il se contentait de regarder, et de pousser des AH ! de satisfaction et de OH ! de surprise, à mesure que Chuck se frayait son chemin.

Chuck s’approcha d’un petit kiosque à journaux à l’abandon, et se planqua discrètement contre le mur en bois. Il tenta un rapide coup d’œil à droite, et aperçut un moustachu qui n’avait pas l’air très concerné par l’horreur de cette guerre qui l’entourait. Alors je fis comme m’avait appris le sergent instructeur, je sortis une grenade à fragmentation de mon arsenal, la dégoupillai discrètement, et la lançai en douceur vers l’ennemi. BANG BANG ! L’explosion était de toute beauté, et il ne restait plus grand-chose de Monsieur Moustache.

- Putain, il a des grenades, c’est énorme ce jeu !

Georgio était comblé, tout cela dépassait largement ses attentes, lui qui était simplement venu pour fumer un petit splif. Le coup de la grenade l’avait scié.
Chuck continua sa progression tant bien que mal, avec sa santé déjà bien entamée. Il s’était sans doute pris une vilaine balle dans la jambe, car il boitait comme un pauvre diable. Mais il n’arrêterait pour rien au monde, il avait le feu au cul, et s’il le pouvait, il péterait tous les buildings environnants et arracherait les moustaches de ses ennemis avec les dents, poil par poil.

- Lance une grenade mec !

Georgio n’avait décidement rien compris à l’art de la guerre. S’il se retrouvait, comme Chuck, seul en plein territoire ennemi, il ne tiendrait pas bien longtemps, trop occupé a lancer des grenades tels de vulgaires pétards, pour le plaisir des yeux.

Alors que Chuck commençait à voir le bout du tunnel, en étant à moins de 20 mètres du point d’extraction, un ennemi, sorti de nulle part, lui balança un pruneau en pleine poire, laissant notre pauvre GI sur le carreau. Submergé d’émotion et de désarroi, Georgio se dressa d’un bon en se prenant la tête des deux mains. Pas de bol, en se levant, son genou heurta la bière sur la table basse, qui vola sur cinquante centimètres, et vint se vider sur la multiprise où étaient branchés la télé et la console toute neuve. Dans un fatras de grésillements et d’étincelles, elles s’éteignirent avec un lent râle d’agonie.

Les effets pyrotechniques des grenades avaient bien moins de gueule que ça.

[Invité]

Humour, dérision, appelle ça comme tu veux mais ce texte me plaît ! Et comme ce genre de littérature n'est pas ma tasse de thé habituelle, je suis d'autant plus positive. Bien joué ;-)

[Argon]

sympatoche ton texte. Certains gamers n'auraient pas apprécié ^^ Je ne suis pas de ceux là. La console c'est trop bon pour que j'assume pas.

[Invité]

Rhâââlala! Un texte aussi drôle, ça me rendrait accro de jeux vidéo !
Question : est-il d'usage, ici, de signaler les fautes d'orthographe ?

[Arielle]

Un texte comme ça, avec une chute pareille, même en sirotant une grenadine, ça vous explose son lecteur!

[mentor]

Question : est-il d'usage, ici, de signaler les fautes d'orthographe ?

on peut, mais faut pas que ça devienne obsessionnel :-))
et puis, y en a qui n'apprécient pas qu'on joue au petit prof ;-)

[apoutsiak]

Et puis il y a trop de boulot ! beaucoup trop !

[apoutsiak]

sur le site, j'entends.

[mentor]

oui, au fait, bon texte, tu rends le virtuel très tangible, on s'y croirait
pourtant c'est pas mon truc du tout
mais ça donnerait presque envie d'essayer
on peut faire la tête qu'on veut aux moustachus ? Genre le voisin grincheux qu'on flinguerait volontiers quand il tond sa pelouse le dimanche matin ? ;-)

[apoutsiak]

Drôle ton texte, c'est vrai, bonne détente, à part la FNOUC, qui fait trop ridicule, je trouve, surtout répété x fois. Girard ? Clear. Johnston ? Clear. Suspects visible. Suspect down. Hostage ? Need medical assistance.
Un autre délire vidéo. FPS.

[Sahkti]

En lisant des phrases telles que Ce qui me scotcha d’entrée était l’aspect ultra-réaliste des graphismes, j'ai du mal à percevoir la vie, l'émotion, le dynamisme d'un type qui est baba devant une console vidéo. La manière de raconter tout cela me paraît un peu plate et pas vraiment enthousiaste, c'est dommage. C'est une écriture qui a oublié de respirer, de tressauter, de frissonner et de crier. Bref, ça m'ennuie parce que le soldat, le mec qui devient accro, le vendeur un peu las, ce sont des personnes qui pourraient exprimer quelque chose de plus fort.
A part ça, il y a un esprit de dérision non déplaisant dans le texte, un regard froid et bien vu sur cet univers du jeu vidéo, ce qui me fait regretter encore plus que l'écriture ne soit pas en adéquation avec le contenu.

[Invité]

Très drôle ! J'ai beaucoup aimé, c'est bien enlevé.

[Lucy]

Quelle chute ! Mais quelle chute !

[Invité]

Une belle rédaction mais... le tout manque de substance quand même.
Pas vraiment intéressant, si ? Un peu dommage de gâcher du talent et du temps pour écrire ce genre de choses. C'est mon humble avis.

[Contenu sponsorisé]