Le cadeau

[Kilis]

Le cadeau

— Voilà, princesse. C’est fini.
— Vrai ?
— Oui, fini fini craché juré, princesse.
Elle adressa au Charcu un regard mauvais.
— M’appelle pas princesse, toi. Mon nom c’est Sophia je te signale.
— Bien Sophia, comme tu voudras Sophia.
Elle s’était levée et scrutait à présent dans la glace le nouveau relief de son visage. Elle était satisfaite du résultat. Les implants, trois plaques métalliques de chaque côté plus celles des arcades sourcilières, donnaient de la dureté à ses traits et de la braise à son regard. Strike serait content.
Elle pêcha une lingette pour rectifier son maquillage, un peu de Rimel vert avait coulé sous son œil droit, mais le Charcu, posté derrière elle, arrêta son geste en lui pinçant le poignet.
— Fais pas ça, dit-il. Touche la peau le moins possible.
— Mais je voulais juste…
— Y’a pas de mais, faut rien toucher avant trois jours, okay ?
— Donc pas me laver ni rien ?
— C’est ça. Pas te laver pas toucher. Et dans trois jours tu viens me montrer histoire de voir comment ça cicatrise.
— Bon, fit-elle agacée. Autre chose ?
— Oui, précisément. Autre chose : voici une plaquette d’anti-douleur.
— Chuis pas douillette, avait-elle fait en haussant les épaules.
Et là, le Charcu, avait haussé le ton :
— Ecoute-moi bien, bordel ! Tu sens rien là maintenant, paske l’anesthésiant est encore actif, mais dans une heure ou deux, crois-moi que t’appelera ta mère. Alors, tu rentres directo at home et tu prends deux comprimés, puis deux encore ce soir. Je te préviens, ça va te sonner.

Elle fit tout comme le Charcu avait dit. Elle était pas douillette, mais pas maso non plus.
Dans le métro, elle ressentit les premiers élancements et vrai que ça faisait pas du bien. Même qu’une fois dans la rue, elle avait couru les derniers cent mètres qui la séparaient de l’appart et avalé les deux premiers comprimés dans l’ascenseur. Ces trucs-là agissaient tellement vite qu’elle avait eu du mal à retrouver son badge et à ouvrir le sas.

Plus tard, lorsque Strike rentra, il lut le mot sur l’interface de com dans l’entrée.

Je l’ai fait pour toi.
Bonne Saint-Valentin mon amour.

Sophia était allongée nue sur le grand sofa bleu. Elle dormait. Il alluma deux tubes de Worff et la grande lampe de Sörmenko et s’agenouilla à son chevet pour la contempler. Elle lui parut sublime ainsi exposée à la lumière vibrante. Elle ressemblait de plus en plus à un gracieux lézard. Il songea qu’il serait temps de lui faire des petits. Elle était la première à lui inspirer cette envie. Avec moult précautions, il dégagea une mèche en forme d’algue de l’oreille de Sophia et lui souffla : Je veux des tas de petits sauriens de ma petite saurienne. Elle ouvrit les yeux et lui sourit. Alors il vit qu’elle s’était également fait tailler les dents en pointes acérées et il en fut ravi.

[Invité]

Waaah, je cane !

[Invité]

Ce qui est bien avec certains, c'est qu'on sait en commençant la lecture de leur texte qu'on ne sera pas déçu. Et ceci même si

une mèche en forme d’algue de l’oreille de Sophia

m'a demandé des efforts pour le prononcer sans bafouiller...

[Arielle]

Férocement jouissif, j'adore!
Pas une écaille à retrancher. Pili tu es un chirurgien de première classe!

[Yali]

Ceci n'est pas un texte mais un truc, et tu sais faire fonctionner les trucs, ça, y a pas à dire ! C'est le genre de truc qui donne envie de se recoller à sa copie.

[mentor]

Ki-lis qui se met à la SF-fantazy-horreur en mettant en scène des homo-iguanus !
on aura tout vu sur ce site !
:-)))

[Lucy]

Yuuu ! J'imagine le look... Oui, c'est un sacré K-do que tu nous fais.

[le pilou]

Trop classe les deux sauriens...si ils veulent faire des gamins qui leur ressemble faudrait qu'ils s'accouplent avec une clinique de chirurgie esthétique.

Vraiment un sacré trip. Je ne vois pas d'autre terme. Oui un méchant trip.

[pierre-henri]

Drôle- et réussi, ô adepte de la short-short story.

[bertrand-môgendre]

Quelle horreur ! Même avec la dose de sang froid que j'ai du m'injecter pour te lire, toi, pili tu me fais peur avec cette histoire.
Je veux continuer à croire que ce pur fruit de l'imagination ne prendra jamais forme humaine.
Sinon pour alléger le propos j'aurai bien vu :

— M’appelle pas princesse, toi. Mon nom c’est Sophia je te signale.
— Bien Sophia, comme tu voudras princesse Sophia.

[Sahkti]

Ha Pili, il m'avait échappé celui-ci, heureusement que je l'ai vu :-)
Changement de registre pour toi et c'est tant mieux, je trouve ce texte particulièrement réussi, avec toutes sortes de qualités.
Y a pas à dire, tu arrives à donner de l'âme à tout ce que tu touches.

[Evanescent]

Ca me fait penser au bouquin de cette jap (dont j'ai oublié le nom encore une fois) serpents et piercings.

Joli texte, ou joli truc, comme vous voulez. très joli. Bravo

[Invité]

Je l'avais raté celui-là. Très très chouette ! Beau texte d'amour, eh oui.

[Sahkti]

Ca me fait penser au bouquin de cette jap (dont j'ai oublié le nom encore une fois) serpents et piercings

Hitomi Kanehara.
Marrant que tu en parles, je viens de dénicher ce bouquin, mais pas encore lu.

[moun]

Elle ressemblait de plus en plus à un gracieux lézard.

j'adore cette phrase. Elle est sublime. je ne sais pas pourquoi mais je l'adore.
J'aimerais bien lire la suite !!
Moun

[Funambule]

J'aime vraiment la facilité avec laquelle tu poses tes personnages en quelques mots. Je suis rentré dans ton histoire comme dans du beurre. Un régal.

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