La planète Tagada

[Arielle]

Elle était bien ancrée dans son fauteuil, attentive à ne pas manquer le compte à rebours qui ne saurait plus tarder maintenant.

Devant elle, un écran si vaste que toute la voie lactée y tenait à l'aise. Elle écoutait monter le ronronnement dans les tuyères, devant, derrière, latéralement. Elle pensa "Que la force soit…" Arrête! Ne mélange pas tout, ma vieille!

Venant de sa droite, elle sentit glisser sur ses genoux le paquet des fraises Tagada. Communion. Elle y plongea la main. Subtil mélange du sucre craquant, du moelleux de la guimauve, arôme rouge-baiser, irrésistible. Elle se sentait prête pour entamer sa mission vers l'inconnu et fit passer sur sa gauche le Graal enveloppé de cellophane.

C'est alors que l'Univers se teinta de toutes les nuances d'ocre et de soufre, de brun et d'ambre, de rouille, de bistre et de havane.
Autour de l'esplanade, où venait de se poser son vaisseau, s'élevaient à perte de vue des monceaux de déchets, débris, détritus, ordures, rognures et résidus de tous âges et de toutes natures. Des squelettes de béton achevaient de pourrir, au garde-à- vous, orbites aux quatre vents.

Dans une brume sépia-feutré, elle observait, circonspecte, un curieux petit bulldozer binoclard qui, tel un César surdoué, déféquait à la chaîne des cubes de matière compressée. Il entassait ses productions, se déplaçait, virevoltait avec une vivacité étonnante, animant à lui tout seul ce paysage pétrifié mieux que ne l'aurait fait toute une armée d'insectes.

Devant l'écran géant de leur habitacle, les premiers éclats de rire commencèrent à secouer les membres de l'expédition. Elle ne se souvenait pas avoir expérimenté dans sa jeunesse cet effet euphorisant des fraises Tagada. Néanmoins, réalisant dans quel sinistre univers elle avait entraîné ses jeunes coéquipiers, elle se réjouit de découvrir qu'une drogue légère allait leur permettre d'affronter ce cauchemar avec un peu de distance. D'autorité elle fit repasser le paquet de bonbons sur sa droite.

Il lui sembla hors de question d'envisager un débarquement sur le sol de ce monde hostile. Toute vie paraissait s'y être éteinte depuis des lustres. De formidables ouragans s'y levaient parfois, secouant durement leur esquif, le noyant dans des tourbillons de sable et de poussières. Il n'était pas certain que l'air fût respirable, même entre deux tempêtes.
Elle avait noté, dès le décollage, que leur vaisseau n'était équipé ni de masques à oxygène, ni de scaphandres. Mieux valait donc, pour eux tous, qu'ils restent bien sagement ficelés à leurs fauteuils, afin de juger de l'état de cette pauvre planète défigurée, sans tenter d'y imprimer le moindre petit pas, fut-ce pour la grandeur de l'humanité.

L''heureux effet des fraises Tagada continuait à se faire sentir dans la cabine: En dépit du spectacle lamentable se déroulant sous leurs yeux, les membres de l'équipage affichaient des mines réjouies et tous les signes évidents d'une félicité, qu'en sa qualité de doyenne de l'expédition, elle doutait fort de partager longtemps.

Les braves petits représentants de l'espèce humaine, qui l'accompagnaient dans son étude, étaient projetés, avec un réalisme hallucinant, au cœur de la désolation qui menaçait, à plus ou moins long terme, leur propre planète. Les scientifiques étaient, hélas, unanimes à ce sujet depuis déjà des décennies et voilà qu'ils en avaient l'illustration sous les yeux! Un avenir monstrueux leur ouvrait tout grands ses tentacules rongés de rouille, de remords et de désespoir … La violence de telles images ne semblaient pas les atteindre: Ils riaient!

Ils riaient encore, les bienheureux, lorsqu'un peu plus tard, leur vaisseau s'accola à celui qui abritait les survivants du cataclysme écologique dont on venait de quitter le théâtre.
Ils découvrirent, somnolant, béats, scotchés à leur écran, inertes et dépourvus d'émotions, de grosses larves vautrées dans leur obésité entretenue à grand renfort de sodas et de sucreries…

Dans le cockpit l'excitation atteint son paroxysme quand une révolte de robots déchaîna dans les couloirs de la station une course poursuite fracassante, orchestrée par les clignotements de panneaux affolés et le grelottement métallique d'un déluge d'ordres contradictoires.

Elle se sentit mal. Elle devait être atteinte du syndrome bien connu des astronautes: Le vide, le vide atroce des voyages en apesanteur! Cette impression d'avoir perdu tous ses repères, d'avoir l'estomac vrillé dans ses converses, la tête cliquetante d'étoiles en perdition… Elle vacilla à droite, à gauche:
" Les Tagada, vite, les Tagada!" Elle plongeait à pleines poignées dans le sachet éventré. Ses petits enfants ayant quitté l'écran des yeux, conscients de son malaise, l'encourageaient de leur mieux "Vas-y Mamy, encore une! Tu vas voir, ça va te faire du bien!"

L'effet fut immédiat : Sur l'écran apaisé fleurissait une tendre forêt de jeunes pousses…Enfin, enfin la Terre était sauvée! A l'aisselle de chaque petite feuille toute neuve naissait, bourgeonnait, s'enflait d'espoir et d'optimisme une petite fraise sucrée, rutilante comme un baiser.

PS : En dépit des apparences j'ai adoré ce film qui parle aussi de solitude et d'amitié et que je recommande vivement aux amateurs de fables animées et...aux autres !

[Invité]

Pourquoi les critiques de cinéma n'écrivent-ils pas comme toi, Arielle ?!!
J'ai adoré ! Aussi, je pense aller tenter l'expérience gustative : je n'ai jamais goûté de fraise Tagada, et ça me manque, tout à coup !
Juste une bricole qui m'a chiffonnée : l'excitation atteignit
Bonne journée

[kazar]

C'est un joli texte, avec des phrases parfois un peu lourdes, mais tu réussis à mener de front les deux histoires : celle de l'écran et celle des spectateurs. Avec comme clé de voûte ces délicieuses petites fraises.

J'ai adoré, et le mot est bien faible, ta dernière phrase. Un grand, immense bravo pour celle-ci et les papillons qu'elle a mis dans mes yeux.

Et ce film est une merveille. ;-)

[Lucy]

Et voilà, j'ai la banane. Etonnant avec des Tagada mais c'est le cas.
Tu mets de la poésie dans toutes les choses du quotidien, Arielle, et c'est un don rare et précieux. Le Blockbuster ( on ne fait pas attention à l'orthographe, siou plaît ! ) vire à la scène intimiste pour notre plus grand plaisir.
Déjà que j'avais des envies de fraises tagada : c'est dit, je cours m'en acheter !

[kazar]

c'est dit, je cours m'en acheter !

Heureusement que l'été est derrière toi ! ;-)

[Arielle]

Oups! Coline, mais oui, atteignit!
J'espère apprendre bientôt que tu es atteinte, toi aussi, par la passion Tagada... La maison Haribo me paie assez bien pour faire sa pub;-)
Ne te laisse pas avoir par de pâles imitations!

[apoutsiak]

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Chère Arielle.

Ton récit est touchant, plein de fraîcheur et reflète bien ton âge et tes préoccupations. N'oublie pas de te présenter dans le fil correspondant et je te rassure, il n'est pas besoin d'indiquer un âge de maturité pour poster sur ce forum. Une chose m'intrigue, cependant. Tu as posté ton texte à 10 heures passées. Tu n'es pas à l'école ?

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[Invité]

L'autre jour en me promenant je suis tombée, paf (comme dirait Panda), sur ceci, au beau milieu d'un dépotoir, désarmante coïncidence :-)



< Mentor : taille rectifiée ;-) >
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[Invité]

Oups ! Première tentative pour envoyer une image, bien trop ENORME ! Désolée, ferai mieux la prochaine fois...

[Lucy]

Et voilà, j'ai la langue rose et des étoiles plein les yeux. Double merci, Arielle !
Kazar, le ciel bleu se couvre d'un manteau gris mais le soleil s'ingénie à glisser ses rayons au travers des nuages : j'ai bon espoir.

[claude]

Arielle, avec pour seul laser son stylo et seule cartouche de la poudre rouge, passe de l’hyper espace à l’hyper interactivité en nous refilant son envie de fraises Tagada.
Avoue que tu travailles pour Haribo !

[Oeildenuit]

Même si le coté parfois un peu "too-much " du dèbut me gêne quelque peu, ton texte est génial.

Surtout la dernière phrase, quelle merveille !

[Kilis]

Un joli moment agréablement raconté.

Le voyage m'a plu.

Sauf que je ne sais toujours pas de quel film il s'agit.

[Invité]

Un joli moment agréablement raconté.

Le voyage m'a plu.

Sauf que je ne sais toujours pas de quel film il s'agit.

Moi non plus ! Mais qu'importe le flacon ....

[Arielle]

Un joli moment agréablement raconté.

Le voyage m'a plu.

Sauf que je ne sais toujours pas de quel film il s'agit.

Moi non plus ! Mais qu'importe le flacon ....

Pardon, Wall-E me semblait aussi célèbre, déjà, que Mickey ou Donald!
http://www.disney.fr/FilmsDisney/Wall-E/index_fr.html

[mentor]

[mentor]

Pas vu le film, avais pas envie, crois que vais y aller
;-)

[Kilis]

Okay ! merci Arielle.
Oui, j'avais l'intention d'aller le voir. J'ai vu tous les autres Pixar.

[Arielle]

Pas vu le film, avais pas envie, crois que vais y aller
;-)

Mentor, c'est les tagada qu'il faut avaler... pas tes mots!

[mentor]

Pas vu le film, avais pas envie, crois que vais y aller
;-)

Mentor, c'est les tagada qu'il faut avaler... pas tes mots!

ben oui, étais en train de âcher, ustement, d'ailleurs en ai repris une
:-))

[Invité]

Vous êtes malades !!! j'ai bavé partout, y'a des étincel.............Bip.Bip.Bip

[grieg]

il ne faut pas abuser des substances illicites (comme chacun sait, haribo, c'est que pour les enfants)
un beau texte.
fort, le décalage rire/apocalypse
ça m'a rappelé les séances du "rocky horreur picture show" ou de "johnny got his gun" au cours desquelles on se gavait de bonbons interdits aux enfants

[bertrand-môgendre]

À la lecture il me manque une clef. Les commentateurs me la porte.
L'écriture quoique soignée manque de sel (je sais c'est facile) de pigments ou alors c'est le E 401 qui ne me convint pas, qui ne me convainc pas non plus.
Pourtant l'histoire est présente, palpable. Je ne sais pas.

[Anne Veillac]

Eh ben... les fraises Tagada, ça fait écrire sur ce forum...
Mais j'avoue que je n'ai bien compris ce texte qu'après avoir lu les commentaires. Ca n'empêche, ton écriture est belle.

[Sahkti]

Moins séduite par ce texte Arielle, même si il y a Wall-e, que j'ai adoré. Et justement parce qu'il y a, en filigrane, ce film dont je ne retrouve pas la poésie et la magie dans tes mots. L'aventure Tagada est plaisante, c'est un leitmotiv léger et plein de vie, mais il ne suffit pas à ramasser le reste, qui m'a laissée sur le côté.
Je préfère d'autres de tes textes.

[Arielle]

Moins séduite par ce texte Arielle, même si il y a Wall-e, que j'ai adoré. Et justement parce qu'il y a, en filigrane, ce film dont je ne retrouve pas la poésie et la magie dans tes mots.

C'est vrai que j'ai laissé de côté toute la poésie et la tendresse de ce film pour me consacrer à l'effet Tagada. Le nez rouge du clown cache son sourire triste et sa douceur...
J'ai écrit ce petit texte pour l'anniversaire de ma petite fille avec qui j'étais allée voir Wall-E ... Elle n'a pas apprécié non plus. Il y a comme ça des clins d'oeil ratés ;-)

[Sahkti]

J'ai écrit ce petit texte pour l'anniversaire de ma petite fille avec qui j'étais allée voir Wall-E ... Elle n'a pas apprécié non plus. Il y a comme ça des clins d'oeil ratés ;-)

certes, mais ça n'empêchera jamais les Tagada d'être mortellement bonnes :-))

[Invité]

Oui, un joli détournement, allègre. Une pirouette !

Un texte très bien écrit. J'ai particulièrement aimé :
"C'est alors que l'Univers se teinta de toutes les nuances d'ocre et de soufre, de brun et d'ambre, de rouille, de bistre et de havane.
Autour de l'esplanade, où venait de se poser son vaisseau, s'élevaient à perte de vue des monceaux de déchets, débris, détritus, ordures, rognures et résidus de tous âges et de toutes natures. Des squelettes de béton achevaient de pourrir, au garde-à- vous, orbites aux quatre vents."
"Les braves petits représentants de l'espèce humaine, qui l'accompagnaient dans son étude, étaient projetés, avec un réalisme hallucinant, au cœur de la désolation qui menaçait, à plus ou moins long terme, leur propre planète."

[roro]

A la première lecture je n'ai pas saisi l'astuce :les commentateurs m'ont donné l'indice qui change tout!

L'idée est originale, une façon étonnante de parler d'un thème d'actualité... Le tout est intéressant, même si l'usage du passé simple me parait parfois dommageable

« Devant l'écran géant de leur habitacle, les premiers éclats de rire commencèrent à secouer les membres de l'expédition »

« Il lui sembla hors de question d'envisager un débarquement sur le sol de ce monde hostile. »

« Ils découvrirent, … de grosses larves vautrées dans leur obésité»

Parfois une profusion d’adjectifs altèrer la lisibilité :

« Ils découvrirent, somnolant, béats, scotchés à leur écran, inertes et dépourvus d'émotions… »

Et finalement cette phrase me paraît un peu lourde :

« Dans le cockpit l'excitation atteint son paroxysme quand une révolte de robots déchaîna dans les couloirs de la station une course poursuite fracassante, orchestrée par les clignotements de panneaux affolés et le grelottement métallique d'un déluge d'ordres contradictoires. »

Le reste étant cohérent, le lexique recherché et l’idée vraiment originale !

[parcimonie]

J'ai beaucoup aimé également (autant peut-être que les fraises Tagada qui emplissent plus de tendresse nerveuse mes souvenirs que ma bouche -dictature de l'apparence, ainsi va et vire le monde).
J'ai particulièrement été touchée par la poésie toute de justesse qui émane de ce texte, et ta façon nette de retranscrire des faits/impressions, juste quelques exemples : "arôme rouge-baiser", "déféquait à la chaîne des cubes de matière compressée", "sans tenter d'y imprimer le moindre petit pas, fut-ce pour la grandeur de l'humanité"....
Merci pour ce texte charmant donc !

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