Gare

[Evanescent]

C’est dans les gares, entre deux trains – quand on ne peut qu’attendre, l’œil sur la montre – que le temps n’est plus ce courant flegmatique qui, furtif, se fraye un chemin sans qu’on le voit, sans qu’on y pense ; mais une dure pulsation chaque seconde martelée, rappelée à notre mémoire, rappelée à notre vie.

Ce n’est que dans les gares que l’on vit en le sachant, que l’on meure mesurant malgré nous la course de cette fin qui nous poursuit, de nous qui fuyons.

Et plus les minutes s’enfuient, et plus l’on rêve du terme de cette attente, du terme de cette conscience, d’un train annoncé enfin sur le panneau d’affichage salvateur ; lui qui nous propulse plus loin que notre déroute. Plus loin jusqu’à l’oubli.

Comment donc ce bâtiment grouillant de mouvements inutiles, de courses et de cris peut-il réunir le lieu de douleur, vie quelques minutes vraie de ce temps arborant le trophée de sa promesse fatale, et ce morceau de fuite, où l’on meure de croire que le temps s’est arrêté, quand le paysage détale derrière la vitre sale ?


Moi j’attends et je suis et j’ai mal ; le temps me frappe. Tout à l’heure la souffrance s’en ira quelques heures et le train rusé me tuera un peu plus sans que je le sache, sans que je le croie.


Et si mon écriture est saccadée c’est par la douleur de la vie. Si rare. Si rude.

Vraie.

[Invité]

Une intensité intéressante, desservie par moments par de la lourdeur (dans la première phrase, "quand", "qu'", "que", "qui", "sans qu'", "sans qu'" ; quant à la phrase longue commençant par "Comment donc ce bâtiment", je crois qu'elle a un problème de construction).

Mais de beaux moments où s'entend un rythme comme haletant qui, à mon sens, convient bien au sujet :
"Et plus les minutes s’enfuient, et plus l’on rêve du terme de cette attente, du terme de cette conscience, d’un train annoncé enfin sur le panneau d’affichage salvateur",
"Moi j’attends et je suis et j’ai mal ; le temps me frappe. Tout à l’heure la souffrance s’en ira quelques heures et le train rusé me tuera un peu plus sans que je le sache, sans que je le croie."

Quelques erreurs : "sans qu'on le voie" et non "sans qu'on le voit" au début (subjonctif), "que l'on meurt" et non "que l'on meure" dans le deuxième paragraphe (le temps est le présent de l'indicatif), "ce morceau de fuite où l'on meurt" et non "où l'on meure".

[Evanescent]

merci socque.

J'ai du mal avec la première phrase, ça fait plusieurs fois que je la modifie. Encore une tentative.
Quand à la phrase interrogative je vois pas d'erreure de construction. Elle est trop longue par contre. Avec une parenthèse c'est peut-être plus clair ?

C’est dans les gares, entre deux trains – quand on ne peut qu’attendre, l’œil sur la montre – que le temps n’est plus ce courant flegmatique qui, furtif, se fraye un chemin. On ne le voie ni y pense ; Ainsi subite est cette dure pulsation chaque seconde martelée, rappelée à notre mémoire, rappelée à notre vie.

Ce n’est que dans les gares que l’on vit en le sachant, que l’on meurt mesurant malgré nous la course de cette fin qui nous poursuit, de nous qui fuyons.

Et plus les minutes s’enfuient, et plus l’on rêve du terme de cette attente, du terme de cette conscience, d’un train annoncé enfin sur le panneau d’affichage salvateur ; lui qui nous propulse plus loin que notre déroute. Plus loin jusqu’à l’oubli.

Comment donc ce bâtiment grouillant de mouvements inutiles, de courses et de cris peut-il réunir le lieu de douleur – vie quelques minutes vraie de ce temps arborant le trophée de sa promesse fatale – et ce morceau de fuite, où l’on meurt de croire que le temps s’est arrêté, quand le paysage détale derrière la vitre sale ?


Moi j’attends et je suis et j’ai mal ; le temps me frappe. Tout à l’heure la souffrance s’en ira quelques heures et le train rusé me tuera un peu plus sans que je le sache, sans que je le croie.


Et si mon écriture est saccadée c’est par la douleur de la vie. Si rare. Si rude.

Vraie.

mieux comme ça ?

[Invité]

Oui, je préfère : j'ai compris la phrase longue, il manquait en effet cette incise. Maintenant je la trouve belle. Pour la première en revanche, c'est le début qui concentre beaucoup de "que", "qui", "qu'", et ils sont toujours là. La fin de cette phrase me paraît très bien ("le temps n’est plus ce courant flegmatique qui, furtif, se fraye un chemin").

Sinon, c'est "On ne le voit ni y pense" et pas "On ne le voie ni y pense" (présent de l'indicatif).

En relisant, j'aime davantage votre texte. Il est vraiment expressif !

[Invité]

Je préfère la première version, les qu ne me gênent nullement : ils scandent avec un bruit qui rappelle les bruits des trains, justement, et je trouve ça intéressant. Ce texte me plait énormément, il court et halète, se cogne, c'est évocateur et fort. Bravo Eva naissante !
La phrase interrogative a effectivement quelque chose de bizarre : que fait ce "vie" à cet endroit ? vraie devrait avoir un s, non ? et je n'aime pas trop "arborant ce trophée"

[Invité]

Originale comme démarche, et réussie. Avec toutefois le sentiment, après 2 lectures, que le rythme prend parfois le pas sur le sens, notamment ici :

Comment donc ce bâtiment grouillant de mouvements inutiles, de courses et de cris peut-il réunir le lieu de douleur – vie quelques minutes vraie de ce temps arborant le trophée de sa promesse fatale – et ce morceau de fuite, où l’on meurt de croire que le temps s’est arrêté, quand le paysage détale derrière la vitre sale ?

ce n'est pas une critique en soi, mais une constatation. Joli travail en tout cas. A lire à voix haute.

[Evanescent]

Socque si quelqu'un as une idée pour la première phrase, je prends, j'ai beau la tourner dans tous les sens j'arrive pas à enlever les "qu..". Merci pour les critiques

Coline peut-être que ce n'est pas clair, le 'vie' reprend 'lieu'. et 'vraie' est l'adjectif de 'vie'. (oulà essayer d'expliquer comment je comprends ma propre phrase...)
Ma première phrase te remercie du compliment ^^ et moi aussi.

Island merci.

[Nath]

si quelqu'un as une idée pour la première phrase, je prends, j'ai beau la tourner dans tous les sens j'arrive pas à enlever les "qu..".

Je peux te proposer ça?
C’est dans les gares, entre deux trains – lorsqu’on doit attendre, l’œil sur la montre – que le temps n’est plus ce courant flegmatique, furtif, se frayant un chemin, sans se faire voir, sans qu’on y pense.
Un peu plus léger peut-être?

[Evanescent]

le 'lorsque' change pas grand chose, le 'que' est toujours là...
Et à la fin de la phrase je tiens à la répétition.
(oui je sais je veux une chose et son contraire)

[Sahkti]

C'est dans les gares qu'il y a aussi les rires, les larmes de joies, l'attente et la fébrilité de partir ou de cueillir un être attendu; il y a tout cela dans une gare et puis aussi le reste, ce dont tu parles avec une certaine gravité, plutôt élégante, même si par moments un peu pesante, parce que tu étires le propos, quitte à faire perdre de leur force aux émotions que tu distilles.

[Anne Veillac]

J’ai trouvé ton texte très beau et très fort. Dès le début, j’ai eu besoin de le lire à haute voix, peut-être comme on lit un poème. Heureusement, j’étais seule dans l’appartement…
Moi, c’est l’inverse. Même quand je vais mal, tout passe quand je prends le train, quand je vais à la gare. Et pourtant, j’ai parfaitement compris et ressenti ce que dit le narrateur.

[bertrand-môgendre]

Tu es tellement enfermée dans ta bulle au milieu d'une gare que tu en oublies le bruit, ce monstre d'inhumanité étourdissant qu'annonces et crissements de rails alimentent en continu la véracité de sa tyrannie.

La première phrase ne te plait pas ? Pose toi la question : qu'est-ce que je veux dire ? Et note aussitôt les mots qui viennent et formulent la réponse que tu possèdes déjà. Un petit arrangement sera nécessaire pour retrouver le sens du texte et hop, le tour est joué. Simple non ?

[Evanescent]

même si par moments un peu pesante, parce que tu étires le propos, quitte à faire perdre de leur force aux émotions que tu distilles

Sahkti, tu peux me dire où ?

Anne, merci d'avoir aimé

Et bertrand... hop comme tu dis. pas si simple que ça mais ça se tente. ^^

[Lucy]

Difficile de trouver les mots justes mais tu le fais plutôt bien. Je ne doute pas que tu réussiras ce tour de force en te laissant un peu de temps.

[milo]

en ce moment je suis un peu obsédé par les gares, les trains, les rails...etc...
et je tourne en rond avec uniquement MA vision de la réalité.

du coup c'était très interressant de lire une gare à travers tes yeux

et j'ai beaucoup aimé ta façon de ressentir les choses.

merci.

[Anne Veillac]

C'est la première fois que je le remarque... Les pubs qui s'affichent en haut ont un rapport avec le texte. Que des pubs pour des trains. Si je quitte ce texte, la pub s'en va. C'est un hasard ?

[Evanescent]

euh oui je pense que c'est un hasard ^^

de rien, milo, merci d'avoir lu.

[Invité]

Coucou, petite exilée !
J'ai bien pensé à toi aujourd'hui !

[Ole Touroque]

Je retrouve bien les sensations que j'éprouve lors de longs et redoutables passages en gare. Merci pour cette peinture psychologique qui vaut le détour.

[Evanescent]

Coucou, petite exilée !
J'ai bien pensé à toi aujourd'hui !

Salut Coline
Pensé à moi ? quel honneur...

De rien et merci, Ole (si je peux dire.. comme réponse, je sais, c'est pas très subtil, je m'excuse platement ^^)

[roro]

J'ai bien aimé les phrases suivantes:

Tout à l’heure la souffrance s’en ira quelques heures et le train rusé me tuera un peu plus sans que je le sache, sans que je le croie.
Et si mon écriture est saccadée c’est par la douleur de la vie. Si rare. Si rude.
Vraie.

J'ai trouvé les phrases un peu longues : reflet de ce temps qui s'étire et de ce train qui n'arrive toujours pas?

[Invité]

Parce que je suis allée dans une gare, et que les gares me rendent triste.
Et que ton texte est ...vraiment ça.
Et parce que ton avatar me fait fondre !

[roro]

ton avatar me fait fondre !

Moi pareil! Il est trop craquant!

[Evanescent]

Moi aussi il me fait craquer, c'est pour ça que je l'aime

Ce texte je l'ai écrit dans une de ces gares qui me rendent tristent parce qu'elles veulent me faire croire que je rentre chez moi alors que je quitte ma ville. Exilée, einh

[Evanescent]

Un autre texte, même contexte :

Et Austerlitz s’illumine, juste pour moi.
Et elle m’accueille comme chaque fois. L’odeur de Paris, la mienne. Et je l’enserre et je la suis et je souris.

Enchevêtrant nos voix, nous fredonnons
la Môme encore une fois : “Il y a les bords de la Seine, il y a l’av’nue d’l’Opéra ; il y a le bois de Vincennes...” et son chant grave me prend la main.
L’odeur du goudron sous la bruine et le soleil, et j’ai sept ans.

Au coin d’une rue une enfant ris – riait… –, un vélo de bambin ; au coin d’un souvenir, les lions me hèlent.
Ensemble nous courons le long du canal et il court avec nous, j’ai sept ans.

La nuit tombe illuminée. Le mur du Père Lachaise m’écorche les genoux, et je contemple les étoiles, les miennes, celles que l’on ne voit pas. Elles ne sont pas là, comme toujours, juste pour moi.

Et les tickets de métro sont violets, blancs ; hier ils étaient verts. Et je repars avec un signe de la main. Et une larme d’au revoir au goût de Seine.

[Invité]

Oui ! Beaucoup de sensibilité, un texte très délicat, à mon avis.

J'adore :
"L’odeur du goudron sous la bruine et le soleil, et j’ai sept ans.", cela "sonne" si vrai !

[Invité]

Ben dis donc, Miss, tiens-le au chaud, ton talent ! T'en retrouverais pas un comme celui-là tous les jours ! J'espère que tu vas le faire grandir avec toi, j'espère que tu ne laisseras pas la vie te le grignoter, j'espère que tu nous régaleras de plein d'autres textes du même tonneau, j'espère que tu seras heureuse !

[Invité]

Oui, du talent naissant c'est agréable a lire. J'en veux encore.
Je suis impatient de te lire à nouveau dans le cadre de l'exo:
MNEDC : Chat, peau, claque et callipyge du lendemain.
pour lequel tu t es inscrite.
Pour rappel

-7 Pili
-8 Evanescent
-9 Yali.

La tâche parait ardue mais nous te laisserons le temps que tu juges nécessaire. Avec ton potentiel découvert ici, je me réjouis d'avance.

:-)

C'est ça Ve: un espace de travail en accès libre.

[Evanescent]

Merci socque. (que des compliments, incroyable )

Coline, tu vas finir par me donner la grosse tête j'espère que l'expérience me fera progresser. et c'est moi qui grignote la vie ; j'ai de quoi manger pour pas mal de temps.

et pandaworks... oulà j'ai peur en pensant à cet exercice... Je vais faire ce que je peux, einh, je compte sur les doigts de la main le nombre de texte que j'ai pas écrit dans une marge, ou sur un ticket de métro, souvent sans même m'en apercevoir, jamais parce que j'avais décidé d'écrire. Alors un exercice d'écriture... enfin y'a un début à tout (en tous cas si on veux que y'ai autre chose qu'un début faut passer par là ^^).

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