Pleure et renais

[roro]

Tu vis comme un grain de sable dans les couloirs de l’hiver. Comme un train qui siffle sans cadence. Comme un passant pressé.

Pleure contre moi pour oublier tes souffrances, pour faire le deuil de ton premier amour, et pour accueillir ton dernier hiver.
Pleure pour me prouver que ta voix existe encore, qu’elle est force d’ouragan et source de sifflements.
Pleure pour moi et contre moi, crie ta vengeance et implore le ciel…

Oui, je suis d’ici et je resterai. De cette terre qui me nourrit, de cette lune qui me trouble, de cette ville si plastique et de cet éclairage défaillant.

Pleure pour calmer les troubles des enfants. Prends une tisane, verse le coran, bois une lampée de pétrole, saute sur un éléphant.
Noie-toi dans une goutte d’eau. Caresse l’ombre d’un chêne et descends dans les troubles de l’enfer.

Quelle chaleur suffocante ! Tu divagues ? Non, tu es humain, dans ta chair et dans tes os. Sur tes gènes un poème tremble.
Sur ton front un amour naissant te harcèle : prends-moi, maintenant. Quelle peur te lie ? Je suis la liberté du désespoir, celle de la naissance avant le dernier souffle.

Gronde, gronde, gronde ta colère, contre ces sourds qui enferment leur cœur. Tu as peur ? Je suis la lune brisée de ton enfance, je salue ton bonheur. J’abrite la fée clochette et trois bons cœurs. Un nuage en coton bleu. Une sucette mauve et un robot vert à petit pois.

Je surgis d’un coffre inavoué, d’une petite réminiscence d’imaginaire. Je flotte autour de toi pour t’apaiser. Est-ce que j’ai rêvé ? Est-ce que ce monde existe vraiment ?

Oui, je t’ai trompé quand tu as fui dans cette forêt verdâtre. J’étais l’ombre qui t’a perdu, j’étais l’esprit du doute qui t’a retardé dans ta quête. J’étais le reflet de la chouette dans ta tasse de thé le matin. J’étais le chant d’un coq qui t’a réveillé ce matin. Pourquoi as-tu fui ? J’étais l’ange qui t’a soufflé trois sucreries pour te rassurer.

La ville est sombre et élastique. Elle englobe tes fureurs, calme tes douleurs et dose ton bonheur. Une belle brunette te sourit, et te promet une journée radieuse. Une marque sort de ton frigo, une marque t’assassine au supermarché. Tu veux acheter tes désirs comme un effréné. Je suis la couleur qui te trompe, qui se joue de tes désirs. Je te devine quand tu te caches. Je connais tes doutes et toutes tes hésitations.

Enferme-toi, comme un cœur qui redoute de se mouiller par peur de se voir vaincre. Ou plonge de toutes tes forces dans la foule, et accueille ton humanité naissante, avec le sourire des vainqueurs. Je te vois d’ici, habité d’étoiles, rayonnant de soleil, homme parmi les hommes, frère de la souffrance et maître de ton propre sort.

Va accueillir l’astre du matin, va saluer la grandeur de ce destin d’homme tout petit et tout puissant à la fin.

[Invité]

Il ya de très jolies images, inattendues, mais il manque un fil directeur ; j'ai un peu l'impression de lire des phrases, des paragraphes juxtaposés, et éprouve par conséquent des difficultés à entrer dans l'ambiance du texte.

[roro]

Bonjour Island... Ta remarque est très vraie, car ce texte a été écrit dans un contexte bien particulier : il est un peu décousu... Il rend compte de l'état d'esprit dans lequel je me trouvais. Ce qui explique cette impression bizarre lorsqu'on le lit!

[Ole Touroque]

J'aime bien, justement, cet aspect décousu. Tes phrases et les petites photographies que j'ai pu voir en lisant ton texte m'ont plues.

[Invité]

Très beau ! J'ai adoré.

Une seule réserve, histoire de pinailler :
"comme un cœur qui redoute de se mouiller par peur de se voir vaincre", peut-être un poil lourd. (Un poil !)

[roro]

Tu aurais une propo Socque pour l'alléger?

[Invité]

Euh non, je ne propose jamais de variante parce que j'ai horreur qu'on fasse de même avec moi : si elle ne me plaît pas elle ne sert à rien, et si elle me plaît je m'en veux de ne pas l'avoir trouvée. (Orgueil, orgueil.)

Je dis ce qui m'a arrêtée, mais c'est à l'auteur, s'il pense lui aussi qu'il y a un problème, de se gigoter le neurone ! ;-)

Tiens, une remarque sur cette phrase : on a l'impression que le cœur a peur de vaincre, alors qu'en fait il a peur d'être vaincu, non ?
Un élément qui alourdit peut-être l'expression, ce sont les deux vers pronominaux si proches ("se mouiller", "se voir", en outre tous deux sous la même forme infinitive).

Mais enfin, comme j'ai dit, c'est du pinaillage.

[Invité]

Tu aurais une propo Socque pour l'alléger?

Comme un coeur peureux qui redoute la (sa) défaite.

[roro]

J'ai 3 propositions :

"Enferme-toi, comme un cœur qui a peur de s'exposer et qui ne veut pas naitre."

"Enferme-toi, comme un cœur qui a peur et qui refuse de naitre."

"Enferme-toi, comme un cœur qui a peur."

[Sahkti]

Aucune des trois, roro. Rien du tout d'ailleurs, je suis restée complètement en-dehors de ton texte, désolée. Trop convenu à mon goût et l'impression de lire des phrases qu'on trouve sur certaines cartes postales. Je ne suis pas bon public pour cela, désolée.

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