Rêve d'apocalypse

[Ariane]

Un petit morceau de mon roman en cours. A prendre comme on le sent.

Le soleil s’éleva lentement, illumina la grande cité brillante aux formes improbables, mouvantes, qui s’étendait sur la terre… une colline verdoyante couronnée de cet amas rutilant, irisé, changeant sans cesse de teinte, dont les façades bougeaient subtilement, presque de façon imperceptible, conférant à cette ville étrange une apparence de vie. Des êtres aux corps fluides passaient, flous, estampes mal assurées à la lumière rosâtre, semblant discuter entre eux.

L’eau coula plus vite dans la clepsydre du temps… L’étoile qui traversait le ciel gagna en intensité, lumière aveuglante, insoutenable… Année après année, les végétations flétrirent et dégénérèrent au profit d’autres plantes. Les eaux rongèrent peu à peu les terres qui s’étalaient encore, mouvement lent mais irrémédiable. Les êtres imploraient, se cachaient du soleil… Leur peau se parcheminait, la chaleur s’engouffrait dans leurs poumons pour mieux les ronger de l’intérieur… Chaque pas, chaque mouvement leur coûtait, devenait mortel. Le temps passait toujours et la puissance du soleil irradiant provoquait d’autres pertes, irréparables… Les petits ne naissaient plus, l’espérance de vie de leurs aînés chutait vertigineusement…

La planète accomplit encore de nombreux cercles autour de l’astre irradiant. Les êtres, jadis gracieux et irisés, moururent par millions, desséchés, racornis… Ils finirent par disparaître de la surface. L’odeur de mort s’estompa peu à peu… Et les eaux recouvrirent alors les cités, les enveloppèrent de leurs linceuls d’algues, de sable et de temps… ne restèrent que quelques îles, minuscules, vides.

Istalle ouvrit les yeux, trempée de sueur. On était au sixième mois de sa grossesse et, sauf de rares nuits, la jeune femme subissait moins de ces « bizarreries ». Les hallucinations se faisaient rares, les rêves aussi. Peut-être le fait de les avoir acceptées sans plus croire en une maladie avait-il apaisé son esprit…
C’était… tellement réel ! J’ai bien cru…que j’y étais. Mais où ?ça semble si loin de ce que je connais… Et pourtant j’ai senti comme une familiarité dans cet endroit… Quelle tristesse dans ces souvenirs…On dirait une apocalypse…Elle passa une main sur son ventre bien rond. Le bébé bougeait. Sa fille avait-elle aussi… vu ?…
Rendors-toi ma Lætia. Ma toute petite, ma tortue d’eau… On dirait que tu nages…

[Invité]

J'ai aimé l'ambiance de menace de cet extrait, menace non vraiment résolue par la révélation qu'il s'agit d'un rêve, mais je trouve que la première phrase comporte trop d'adjectifs.

Ensuite cela me plaît beaucoup, à commencer par :
"Des êtres aux corps fluides passaient, flous, estampes mal assurées à la lumière rosâtre, semblant discuter entre eux.", sauf peut-être l'emploi du participe présent, qui "pèse" un poil.

[Invité]

Très prometteur, ce petit morceau ! J'ai énormément aimé la description de ces villes mouvantes et irisées. Ca me fait songer aux "Chroniques martiennes", que je considère comme un bijou. Donc, ce n'est pas dans ma bouche un mince compliment ! La suite, Ariane, s'il te plait !

[Invité]

Difficile de se faire une opinion sur un aussi court extrait . Je dirais que ce n'est a priori pas ma tasse de thé, mais c'est bien écrit et tu places le lecteur dans l'expectative. A suivre donc.

[Ole Touroque]

Je le prends bien car je le sent bien. Il me tarde de connaître la suite. J'aime ton écriture... Un gros coup de chapeau pour la dernière phrase "Rendors-toi ma Lætia. Ma toute petite, ma tortue d’eau… On dirait que tu nages…"

[Anne Veillac]

Tu as une très belle écriture. Il y a de belles images dans ce texte. Une véritable ambiance. Mais, souvent, j'ai eu du mal à voir ce que tu décrivais. Pourtant, je me suis bien concentrée. Alors, je ne sais pas si c'est moi qui suis fatiguée ou ce texte qui manque de repères.

[Ariane]

c'est un extrait des dernières pages écrites. pour ne pas trop en révéler, disons simplement qu'Istalle a contracté un "lien" fort avec les dauphins d'ékysse et ceux-ci lui envoient des messages à travers certains phénomènes... rêves, hallucinations...
mais pourquoi ? mystère ^^

en tout cas merci pour vos critiques, c'est un passage que je juge très important pour la suite du roman. Ceux qui connaissent l'histoire de "la cité des dauphins", premier de ce dyptique, peuvent y deviner une explication de ce qui s'est déjà passé.
il me fallait donc donner une apparence onirique mais assez forte.
Quant à Laetia, elle aura également une place de premier plan. ce n'est pas pour rien si elle rappelle une tortue d'eau

Euh... désolée pour ces explications un peu confuses... je mets la suite dès que possible. dès qu'achevé, plutôt.

[Invité]

On t'attend, Ariane.

[Ariane]

un passage "flash-back", tirée du même bouquin en cours soyez indulgent(e)s, je n'ai encore rien corrigé...

Istalle remit son sac au dos, quitta la route pour le chemin de la plage, échappant ainsi aux journalistes pour gagner la côte qu’elle connaissait désormais sur le bout des doigts. À petites foulées, la jeune femme rejoignit les dunes basses, les pins laissant la place aux herbes folles à mesure que le grondement des vagues se rapprochait… Elle trébucha sur les monticules de sable, effraya des oiseaux pêcheurs. Les taupes de sable aux museaux veloutés se planquèrent dans leurs trous humides.

Istalle parvenait enfin au sommet de la dune lorsqu’un orage éclata sans prévenir. Elle dévala la pente, souleva des nuages dans la plage déserte, écrasa des coquillages vides et blanchis par le soleil. Arrêt sur le sable mouillé, à l’abri des vagues. Ses yeux bleus luisants de colère, elle réunit sa rage pour la crier sous la pluie naissante.
« Vous ! Vous, les dauphins d’Ékysse, vous saviez ! Et vous ne m’avez pas découragée ! Soyez maudis ! Je vous hais ! »
Ses genoux fléchirent et elle enfonça ses doigts dans le sable doré.
« Je vous hais… »

Au large, sorti apprécier le jeu des éléments, un dauphin sentit sa présence. Des images gorgées de colère lui parvinrent, imposant celle de la fille aux yeux de mer dans son esprit… Ses pensées s’enchaînèrent, écrites dans un langage autre, dont la forme perceptible aux humains était tissée d’émotions, d’images et de souvenirs…
Souffrance…
Les filaments de son corps qui dansaient dans les vagues s’agitèrent davantage, l’instant précis où les yeux sombres s’illuminèrent d’un bref éclat.

Sur la rive, Istalle se sentit apaisée par le son de la pluie tiède. Elle avisa ses mains : des grains s’étaient glissés jusque dans ses ongles… Alors elle se rappela ce qu’elle aimait faire du sable. Dans son sac à dos, la jeune femme trouva un sachet vide, qui traînait là sans utilité. Avant que la plage ne soit durcie par l’eau qui tombait, Istalle prit des poignées de sable doré et les y glissa.
Souvenir…

[Lucy]

C'est toujours bien, cette histoire dont tu nous avais, il y a quelques temps déjà, donné un bref aperçu.

On était au sixième mois de sa grossesse

Le " on était " m'a gêné. Trop impersonnel, peut-être. Je ne sais pas trop.
Bon courage pour la suite de ta rédaction !

[Ariane]

dernier passage écrit. j'espère que ça vous plaira

Au terme d’une attente interminable conjuguée d’efforts, elle perçut enfin le premier cri. Un cri de vie qui l’inonda de joie… La sage-femme coupa le cordon ombilical et posa le bébé sur le ventre de la jeune mère.
« Félicitations ! Elle est en pleine forme ! Et elle a déjà des cheveux bien noirs. »
Istalle, muette, contempla avec émerveillement le bébé qui reposait sur son corps délivré. Le petit être, tout juste sorti de son cocon maternel, encore fripé, écartait ses menottes sur la peau de sa mère. La sage-femme, prévenante, diminua l’intensité de la lumière. Alors, le bébé ouvrit grand les yeux. Istalle ressentit comme un coup au cœur. Ces yeux… ce bleu d’une intensité rare… C’étaient les siens. Transmis une fois de plus, comme un caractère qui ne devait pas se perdre… Et les cheveux noirs, ombreux, venaient de Mæror Nel.
Noir et bleu. L’enfant portait les couleurs d’Ékysse.
« Comment s’appelle-t-elle ? demanda l’assistante de l’homme sage-femme.
- Lætia.
- C’est très joli ! ça devrait lui porter chance !
- Merci… »
De la chance… Oui, j’espère. Si ça existe.

Après une rapide toilette et des examens de contrôle, on transporta Istalle, alitée, dans une chambre. Elle ne quittait pas sa fille du regard… petit être froissé contre son cœur dont les yeux s’ouvraient sur un abysse insondable. Jade arriva peu après, très émue, suivie de Cylia et Marc.
« Oh ! Istalle ! Elle est magnifique ! »
Istalle rit.
« C’est vrai… et pourtant, qu’est-ce que j’ai pu trouver les bébés laids à la naissance. Mais… elle est belle. »
Elle tendit sa fille avec précaution, sentant comme un regret l’envahir et, déjà, la crainte d’une mère pour l’enfant qu’elle a porté. Jade la prit dans ses bras avec soin, cala la tête du nouveau-né, la berça.
« Elle te ressemble… Elle a tes yeux et ton menton. Quel regard ! On dirait qu’elle comprend que l’on parle d’elle. Lætia ! Bonjour ! Je suis Jade, ta grand-mère… c’est moi qui m’occuperai de toi pendant que ta maman travaillera !
- Oui, enfin, jusqu’à l’âge de la crèche, rappela Istalle.
- Comme elle est mignonne ! s’émut Cylia.
- Elle tient aussi de son Mæror, vous savez. Je ne peux pas ne pas le voir… »
Jade et Cylia eurent un temps d’hésitation. Marc observa le bébé attentivement. Lætia mordait son doigt, sage, cligna des yeux.
« Elle a les cheveux de son père, dit-il. Et qu’est-ce qu’elle est calme… »
Merci, pensa Istalle. J’aurais tant voulu qu’il soit là. Malgré tout, il fait encore partie de ma vie, d’une certaine façon… Lætia en est la preuve.
« Elle est belle, Istalle… Merci. »
La jeune femme sourit, sentant presque la main de Mæror Nel sur son épaule.
« De rien.
- À qui tu parles ? »
Istalle sourit. Elle se sentait si bien. À quoi bon leur dire que Mæror lui apparaissait parfois en hallucination, en rêve ? Pourquoi risquer un instant précieux ? Il était inutile de chercher une explication qu’elle n’avait pas trouvée pendant des mois. La jeune femme ne se sentait pas folle.
« J’ai pensé à haute voix, maman. »

[Invité]

Une très belle écriture je trouve, simple, directe, émouvante.

[mentor]

c'est beau, bien écrit, touchant, attachant, ça donne envie de lire la suite

[Invité]

Le rythme de ton écriture, enlevé, se coordonne bien avec son contenu.
C'est effectivement très agréable à lire. Publiable si l'histoire le mérite.

[pierre-henri]

Déroutant.

[Sahkti]

Ecriture soignée, travaillée, mais... le sujet n'étant pas ma tasse de thé, je suis mauvais public pour juger avec pertinence, désolée.

[Ariane]

Merci beaucoup pour vos critiques ! je mets des petits morceaux ici pour voir ce que vous en pensez et ça fait plaisir, même si, le temps passant, je vois toutes les imperfections, tous les progrès à faire...
Mais bon, si lire ces textes vous ont touché(e)s, j'ai fait ce que je voulais

J'en remettrais un de ces jours, j'ignore quand, en ce moment je suis dans une phase peu prolifique...

Quant à l'histoire, elle est loin d'être achevée : l'enfant de l'eau est la suite de la cité des dauphins mais je suis bien loin d'en voir la fin...

Merci à tous et toutes ! à bientôt !

[ekue]

Encore un texte que je n'arrive pas à suivre à 3h du mat, je reviendrai demain quand je serai plus éveillé.

[muzzo]

Ecriture soignée, travaillée, mais... le sujet n'étant pas ma tasse de thé, je suis mauvais public pour juger avec pertinence, désolée.

Je partage aussi ce point de vue : belle écriture, mais je n'accroche pas à l'histoire.

[Ariane]

Un extrait des pages que j'aies écrites ces denriers temps (oui, je suis à nouveau dans une période d'écriture, toujours sur le même bouquin, j'en suis à 33 pages, là).
Voilà donc une partie de "l'enfant de l'eau", suite de "la cité des dauphins" J'espère que ça vous plaira. Un peu long, cependant...

La jeune femme approcha son visage de la paroi translucide, y colla son front. Dans l’aquarium de Pierrefort, seules quelques veilleuses brillaient, lueurs fugitives multipliées par les reflets dans les bassins. En face d’elle, l’algue rouge avait encore grandi.
Cinq ans, déjà… Comme le temps passe vite lorsqu’il a le goût du bonheur. Oui, je me sens bien plus heureuse… même si j’ai toujours mal, là, au cœur et dans ma tête. Les souvenirs sont des blessures qui ne se referment pas.
Les filaments tubulaires oscillaient lentement. Le « pied » de l’algue était devenu aussi large qu’un tronc d’arbre, près d’un demi-mètre.
Ici, je me sens bien…
Istalle ferma les yeux, rassérénée…
« Vois. »
Surprise, elle regarda autour d’elle. L’aquarium avait disparu, supplanté par une mer infinie.
« Nom de… »
Les crêtes grises levaient vers le soleil rouge leur danse éternelle. Mais un obstacle étrange interrompait leur ballet indomptable : une gigantesque plate-forme terrestre, couverte de végétation et de tours excentriques. Cet étrange édifice dominait l’eau telle une coupe plantée par un dieu capricieux dans la peau liquide de la planète. Et Istalle reconnut cette planète, que l’être humain continuait inlassablement à coloniser de ses rêves.
« Thétys… murmura-t-elle dans un souffle. Mais qu’ont-ils fait ?… »
Entre ciel et mer, l’incroyable structure se dressait à une dizaine de mètres au-dessus du niveau de l’eau. Et les vagues, devenues furies, ne pourraient pas l’atteindre. Sous la surface brillante des eaux se devinait la même structure, mais inversée.
« Une terre-sablier ! Quel architecte dément a inventé ça ?! »
Le miroir mouvant s’effaça. Istalle resta hébétée, incapable du moindre geste.
« Encore une hallucination, professeur Maura ? »
La voix familière rappela la jeune femme à son présent. Quetual se tenait à quelques mètres, image vivante de la sympathie. Elle passa une main sur son front.
« Oui, sans aucun doute.
- Je vous observe attentivement depuis votre arrivée ici. En ami, mais aussi en scientifique.
- Je sais. Sinon vous auriez fait un rapport sur moi ou déconseillé mes promotions.
- Vous êtes intelligente, vous avez les pieds sur terre. Si, parfois, vous avez un coup de fatigue, ça n’est pas de mon ressort… dit-il avec un air malicieux.
- Merci.
- Puis-je… heu… demander ce que vous avez vu ?
- Si ça ne sort pas de cette pièce, oui.
- Vous me faites confiance depuis longtemps, ma petite, pour que je perde soudain toute politesse.
- Je sais. J’ai vu les nouvelles constructions, sur Thétys.
- Thétys ? Mais vous fuyez toute information qui en provient !
- Oh ! Non, pas toute, hélas ! Je n’ai pas cette force d’esprit… »
Du menton, Istalle désigna l’algue écarlate et florissante. Quetual ne dit mot. Il avait remarqué depuis longtemps l’attirance que le bassin thétysien exerçait sur elle.
Cinq ans avaient passé depuis qu’elle était arrivée, mal dans sa peau, malheureuse plus exactement, et enceinte. En restant forte dans son domaine, en évitant les coups bas de jaloux comme Vitolli, en travaillant dur pour faire le ménage dans sa tête, elle avait progressé. C’était désormais une femme de vingt-six ans, plus sûre d’elle, moins solitaire, qui tenait la place de responsable en second des études zoologiques du département marin de Pierrefort. Et son nom se faisait désormais connaître plus pour son travail que pour son histoire…
Sans doute la plus belle revanche qu’elle peut prendre sur son passé… sourit Quetual. Et pourtant, même si elle fuit comme la peste les infos sur Thétys, son travail l’y ramène inlassablement. Combien de fois je l’ai aperçue ici, à regarder cette algue comme en attente de quelque chose ?…
« Ça faisait longtemps que je n’avais pas eu d’images, Yari… murmura Istalle. Presqu’un an et demi. Je me demandais si j’étais enfin guérie.
- Pourquoi observer cette algue ? Vous passez souvent ici, mais c’est celle-là qui vous intéresse le plus.
- Je ne sais pas trop… Sans doute parce qu’elle me rappelle les algues noires. Leurs formes sont assez similaires.
- Les algues noires…
- Qu’est-ce qu’il y a ?
- J’ai lu un rapport récent sur la vie marine de Thétys. Bien sûr, il reste tant à découvrir, mais…
- Professeur, dites-moi !
- Les algues noires prolifèrent dans presque toutes les eaux. C’est du jamais-vu.
- C’est ça votre nouvelle-choc ? Elles ont toujours proliféré…
- Pas à ce point.
- On ne connaît rien encore. Vous savez que certaines espèces, animales ou végétales, passent par des cycles de longueurs variables. C’est sans doute le cas…
- Sans doute… mais je regrette de ne pas vous faire parvenir un spécimen.
- Hein ?
- Je voulais vous en offrir une. Même maintenant, Thétys vous fascine, ça crève les yeux ! Une petite algue noire, avec des poissons-lunes, ça aurait fait un joli cadeau pour votre promotion.
- C’est gentil, Yari, mais je ne sais pas si ça m’aurait fait plaisir. J’ai des souvenirs assez tristes liés à ces algues…
- Quoi qu’il en soit, vous n’en aurez pas : en plus de se multiplier comme des sauterelles, les algues noires meurent si on cherche à les déplacer. Aucune n’a pu être transportée hors de Thétys, ni même de leurs eaux.
- Vraiment ?… C’est étrange. Comme si elles ne pouvaient pas vivre sans leur océan… »

Voilà, un peu long mais complet. Bonne soirée !

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