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Les Chroniques de l'Est Lointain

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Message  Squall46 Ven 24 Oct 2008 - 17:17

Salut. Ce sera mon deuxième texte sur ce forum, après "Calcium Equum" dans le domaine fantastique, ici ce sera de la fantasy (sans orcs, elfes etc...). Je sais pas si vous êtes trés adeptes de ce genre sur le forum mais bref, on verra bien.
Pour tout dire, l'histoire est trés loin d'etre terminée, puisqu'il n'y a que 2 chroniques à l'heure actuelle, mais j'attend surtout votre point de vue car la fantasy n'est pas mon genre de prédiléction et j'aimerais donc voir si ça n'est pas trop mauvais pour autant.

Voici la 1ère partie de la 1ère chronique, bonne lecture.

-----------------------

-C.E.L-
Chroniques de l’Est Lointain
Par Squall46
Texte d’Heroic Fantasy

« Entre le siècle d’or et l’avènement des pères du chaos, il y eut une période de l’histoire bien peu connue des hommes. Il y eut un temps où la terre ne connut que guerres, sang et vengeances. Il fut un âge où les hordes barbares du lointain prirent la domination des sept lieux de Jupiter, où les forces noires bravèrent les derniers remparts de Börn par les eaux de Neptune. Il fut un temps d’anarchie, où seul force et bravoure comptaient. Un épisode sacré de forteresses fabuleuses et de héros téméraires capables de briser les chaînes du destin par leur volonté sans limite.
C’est dans cette époque troublée que prît pied l’histoire du capitaine Riot de Rohan, et moi son chroniqueur m’en vais vous conter son épopée sans pareille... »


Chronique Première
Les Cendres du Temps

« …alors parut Kushulaïnn, le damné, soulevé par l’écume pourpre de ses ennemis agonisants. »
Abel Sin, Chantre de l’Empereur Triton II

« Régissant la terre et les hommes, il y a les rois. Régissant la vie et les cieux, il y a les dieux. Seul Kushulaïnn n’a pas sa place, le damné. »
Sun Sao (101-151), Lieutenant Impérial du Salem Oriental

Les légendes sont à l’origine de nombreuses craintes. Certaines d’entres elles sont capables de faire chanceler le cœur des plus braves d’entre nous, et pourtant nous participons tous un jour à les entretenir. Aujourd’hui, sur les terres de l’est lointain, au-delà des monts escarpés du Morgador, le chevalier impérial Riot de Rohan écrit la sienne.

Ils partirent treize sur les ordres de l’éminent Triton II, Empereur de Salem. En ce jour, ils n’étaient plus que quatre à avoir pénétré les crocs du serpent terrestre, le maître rocheux de l’extrême orient. Ceux-là marchaient comme un seul homme, leurs pas s’enfonçant dans la terre malléable des collines silencieuses. De puissants nuages blêmes maculaient le ciel assombri du Morgador déjà franchi, les constellations de la veille l’avaient annoncée, une grande pluie sévirait dans les plaines. Mais ici, le ciel pouvait mentir et se jouer des hommes, l’extinction de la faune locale en était la preuve inquiétante, balayée par les cycles instables elle ne fut bientôt plus, abandonnant la région au présent règne du vent solitaire, messager tumultueux de la mélancolie.
Ainsi, les quatre surgirent au sommet de la dernière pente et la découpe blonde du jour déclinant vint prononcer l’écart entre la frêle corpulence du barde et la robustesse des trois guerriers du groupe. En retrait, le musicien cheminait d’un pas presque trop serein, semblant toujours prêt à revigorer la coterie par les cordes de son apaisante mandoline. Il avait chanté et colporté quantités de légendes au cours de ses périples passés, et pourtant ces dernières ne paraissaient pas l’atteindre en ce jour. Peut-être ne croyait-il tout simplement pas à celle-ci, au mythe du damné ; ou bien les traces glorieuses de son précepteur Abel Sin lui poussaient des ailes. Mais quelle que fut son opinion en cet instant, son esprit s’éclaircirait avant l’aube à condition que la faim ne l’emportât au préalable.
Riot de Rohan, porteur de l’amulette de Sainte Justine et le fourreau plein d’une belle flamberge, guidait, sa face barbue envahie de cet air maussade qu’ont les hommes tourmentés. Il progressait rapidement devant ses compagnons, luttant contre le poids de sa côte de mailles flamboyante d’écussons. Malheureusement, sa prestance naturelle et son grade ne leur avaient pas évité les malheurs du voyage. Le vol des montures, la déroute, le détournement des vivres, ils n’échappèrent à rien et pas même aux maladies. Seuls les inconscients et les plus vaillants demeuraient encore à ses côtés. Quelques fois, il jetait un coup d’œil par-dessus son épaule, s’attendant à ne plus trouver personne ; mais toujours, son cœur se rassurait de voir Lù’Lanzaï tracer fièrement dans son ombre. Ce vieux compagnon de route, l’effigie du combattant vertueux, fidèle, et adroit à la hache comme aucun, lui évitait de supporter tout le fardeau du commandement. Il est de ces hommes qui inspirent naturellement le respect et règlent le calme par leur simple présence, Lù’Lanzaï était l’un d’eux. À ses côtés se tenait Aldrich, un fier mercenaire en quête de gloire et de richesses. Mais l’homme aux cheveux braises, membre de la lignée royale des Van Solöm, épaulait principalement de sa qualité d’archer.
« Crois-tu que nous touchons au but ? interrogea celui-ci, le souffle court et s’adressant à son capitaine de voyage.
- Je le crois. Il nous faut suivre les dernières statues, expliqua Riot, convaincu que leur angoissante mission trouverait sa fin en contrebas, au sein du bois fait d’arbres morts. »
Depuis plusieurs lieues, ils se guidaient par la présence des nombreuses idoles de boues travaillées sur le bord du chemin rocailleux. Ces fétiches, anciens de plusieurs générations, personnifiaient d’effrayantes créatures disproportionnées. En effet, leurs bras allongés traînaient bas sur le sol et de leurs têtes absentes, sculptées en ovales ou repliées et garnies d’épaisses bouches verticales, il ressortait le sentiment d’avoir affaire à quelques abominations secrètes échappées des confins du temps.
« Il vaudrait mieux, je ne suis pas sûr de pouvoir continuer plus longtemps, confia Aldrich, les traits marqués et la poitrine cognée de son cœur tambourinant.
- Nous devrions faire une halte, Capitaine, conseilla Lù, avant de reprendre d’un ton averti. Nous aurons besoin de toutes nos forces pour faire face.
- On ne peut plus s’attarder. Dois-je te rappeler que l’Empereur espère notre retour dans les trois jours ? »
En d’autres circonstances, Riot savait être clément avec ses troupes ; aujourd’hui, il ne pouvait se le permettre. La balance de la guerre penchait du mauvais côté et l’Empereur Triton II lui avait peut-être confié le moyen de rendre l’avantage à son peuple. Ainsi, même si les pertes furent douloureuses au cours de ce périple affreux, rien n’importait plus que l’aboutissement de sa mission. Plus encore, il était improbable que leur retour à Salem soit accompli sous trois jours seulement, et ce potentiel échec l’exaspérait sans communes mesures.
« Gagnons la forêt avant la nuit ! Là-bas nous saurons quoi faire, commanda le chevalier impérial, la main sur le haut du fourreau. »
Il ne s’agissait pas d’un mensonge mais Riot portait un fardeau autrement plus lourd que celui de sa simple armure, la peur de l’inconnu. Il redoutait, peut-être plus encore que ses compagnons d’épopée, d’affronter le courroux du souverain de cet endroit interdit. Or, la bravoure n’était-elle pas l’action de réprimer ses angoisses, de les surmonter coûte que coûte dans l’idée d’accomplir un acte bienveillant, décisif ? Parce que l’Empereur l’estimait brave, Riot de Rohan devait être brave. Ainsi déterminé, il cheminera jusqu’au terme de sa quête, seul ou escorté, défiant le seigneur damné de lui prouver son existence.

« Les anciens racontent qu’il naquit du buste de Sépharad, la déesse déchue, quelque part entre les steppes du nord et la constellation du démon des étoiles, Bashâr. Cette histoire millénaire et transmise de générations en générations, expose son apparition comme étant antérieure à la première lignée des hommes. Toutefois, le temps n’aurait ni d’influence, ni de marque sur son apparence ou sa condition physique. Kushulaïnn est mystifié tel un dieu. On dit que, furieux, il pourrait de ses mains étendues, refermer le ciel sur la terre, annihilant ainsi toute forme de vie. Aussi, par l’immensité de son glaive foudroyant, il aurait façonné les chaînes sauvages du serpent terrestre au cœur d’une nuit d’agitation. Ni dieu, ni homme, il serait prisonnier de l’éternité dans les terres de l’est lointain, son front parfait ignorant la clef de sa délivrance. »
« Il existe une autre légende, autrement plus répandue dans l’Empire. Elle conte la tragédie d’un ancien seigneur bandit, maître aux armes et assoiffé de sang. Son royaume comblé de reliques et de merveilles n’avait de peine à s’étendre par son armée de mercenaires déchaînés. Triomphant des plus grands héros de l’Empire par sa terrible étoile du matin, Kushulaïnn se fatigua finalement de ses luttes incessantes. Ainsi, il s’exila dans les terres reculées de l’orient et fit bâtir la citadelle volante d’Armécia. Kushulaïnn y jouissait de tous les pouvoirs, il possédait la force des titans, la richesse des plus grands rois, un palais sans égal, et pourtant rien ne voilait l’étendue de son mal. Accumulant les aventures durant des années, il se vit incapable d’engendrer. Kushulaïnn le maudit, rendu fou à l’idée de n’avoir de descendance, massacra sans relâche chacune des femmes de son royaume et fit brûler leurs dépouilles. Demeurant inconsolable, il s’enferma dans ses quartiers afin de noyer son malheur dans la liqueur. La révolte des hommes ne tarda pas et ce n’est qu’alors, qu’Armécia fut plongée dans les flammes et le sang. Les troupes rebellées arrivèrent bientôt aux portes de son palais d’ivoire, ne réclamant rien d’autre que sa tête. Mais le damné, pourvu d’une aura surnaturelle, souffla sur la cité les mots d’une incantation issue des enfers ; sitôt l’air s’embrasa comme des profondeurs d’une fournaise et les mercenaires ne furent plus que flocons de cendres emportés sous la volonté d’un vent brûlant. Réduite des mains de son roi dément, l’aérienne Armécia chut des cieux jusque sur les terres humides de l’orient. Aujourd’hui encore, l’on raconte que Kushulaïnn aurait survécu, et dormirait d’une torpeur légère, enseveli sous les décombres encore fumants de son ancienne fierté.»
« Quelle que soit l’authenticité de ces récits, au travers des âges, inlassablement, quantité de héros affluèrent sur les pistes du serpent terrestre, leurs existences consacrées à prouver celle de Kushulaïnn. La plupart trépassaient par diverses maladies contractées sur les sentiers difficiles du Morgador. Quelques solides guerriers rentrèrent, impotents ou n’ayant rien trouvé ; les autres, plus éprouvés, demeuraient plongés à jamais dans les bras d’une trouble folie contagieuse. Un seul homme peut se lamenter d’avoir aperçu la puissante silhouette du grand seigneur Kushulaïnn. Un seul homme vomit chaque nuit l’affreuse vision du damné, et de sa lame ruisselante d’un rouge sanguin, encore plantée dans le corps mou d’un étranger. Un seul ne rêve plus. Il s’agit d’Abel Sin, le chantre de l’Empereur. »

Squall46

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Message  Invité Ven 24 Oct 2008 - 18:06

Je trouve que ça a du souffle, de l'ampleur. Pas mal du tout.

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Message  Invité Sam 25 Oct 2008 - 6:54

Tu écris superbement ! C'est bien construit, la langue est belle...quel dommage que ce soit au service de ce genre littéraitre, que je trouve tellement convenu et dénué d'intérêt ! Des héros, des batailles, de sombres enjeux, quelle fatigue !

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Message  Invité Sam 25 Oct 2008 - 6:55

littéraire, pardon. Et désolée d'être aussi abrupte, alors que j'apprécie ton écriture.

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Message  Loreena Ruin Sam 25 Oct 2008 - 22:16

De bonnes références et un travail certain. Le vocabulaire du genre heroic fantasy est maîtrisé, de même que la langue "châtiée" propre aux chroniques: bravo donc pour cela. Une bonne idée (quoique vue et revue) que celle des citations de départ, qui mettent tout de suite dans l'ambiance. Mais attention tout de même: cela se lit comme un conte plus que comme une histoire; j'ai peur que cela n'accroche pas un lecteur moyen, qui pourrait se lasser rapidement, à cause d'un langage très (trop) soutenu, d'un manque de descriptions et de psychologie chez les personnages. En effet, les carcans stylistiques propre au genre des chroniques ou du récit légendaire, limitent la présence des précédents éléments, pourtant essentiels en heroic fantasy. Pire, ces "carcans" ne permettent pas, selon moi, à un style vraiment personnel d'émerger.
Cela ne change rien au fait que ce soit très bien écrit! Mais est-ce adapté à un roman? J'ai peur que cela empêche le lecteur d'être véritablement "passionné" et emporté par l'histoire. Il y aura toujours une distance entre tes personnages et tes lecteurs, due à ce narrateur (chroniqueur) que tu as choisi, qui fait figure d'intermédiaire. Ce choix est en soi une bonne idée, en cela que ce type de narration n'est pas souvent utilisée dans le genre (omniscience ou récit à la première personne privilégiés) - mais peut-être y a t-il une raison à cela? A méditer.

PS: J'ai peur de m'être trop avancée dans la réflexion sans vraiment savoir quelles sont tes intentions pour la suite...n'hésite pas à me remettre dans le droit chemin ;-)!

A bientôt sous tes lignes,

Ruin.
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Message  Loreena Ruin Sam 25 Oct 2008 - 22:20

Hoy! J'oubliai: "Riot de Rohan" (Tolkien?), Les Cendres du Temps (Wong Kar-Waï?)

Des petites références sympathiques à mon sens (si elles sont voulues^^)!
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Message  Squall46 Dim 26 Oct 2008 - 0:48

Merci pour vos commentaire à tous.

Pour Loreena, ouais comme je l'ai vaguement expliqué avant le texte, en fait je suis encore loin d'envisager un roman sur cette histoire, mais si ca devait se faire, en gros ca marcherait plutôt comme le format d'une série télévisé, chaque chronique représentant un épisode. Les personnages vivent une aventure, s'entrecroisent au fil des récits, tout en suivant une trame de fond et ils sont réunis dans les dernières chroniques pour le terme de l'histoire. C'est ce que j'ai en tête en tout cas, et la présence du chronique serait vraiment rarissime. Enfin, tout reste à voir de toute façon, je dois finir mon vrai roman avant d'envisager quoi que ce soit. Je vais juste vous mettre ici les 2 premières chroniques pour profiter de vos appréciations.

Sinon bien vu pour Les Cendres du Temps et Wong Kar-Wai, je suis assez fan de ce réalisateur ^^ (Fallen Angels surtout). Parcontre Tolkien pas du tout, d'ailleurs comme je l'ai dit, il n'y aura pas d'élements traditionnels d'heroic fantasy dans cette histoire comme les orcs, les elfes etc... Rien de tout ça. Voilà, je posterai la fin de la Chronique 1 d'ici demain soir je pense.

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Message  ekue Dim 26 Oct 2008 - 0:59

Joli ! Du beau travail, on voit que t'a passé du temps dessus. J'ai un peu de mal à rentrer dans le texte, c'est un peu trop condensé pour moi, mais il y a là un super début.
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Message  Squall46 Lun 27 Oct 2008 - 0:12

La suite et fin de la chronique 1, comme je l'avais dit.

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La terre souple gardait les empreintes de chaque foulée, il s’agissait là d’une boue aussi dangereuse que les sables mouvants, mais non pas ceux d’un désert, ici plusieurs troncs d’arbres morts dormaient d’un profond sommeil sur un sol marécageux, à demi enfouis. Quelques uns, d’une verticalité imparfaite, encore enracinés et pathétiques, tentaient d’agripper les étoiles par les ascensions sauvages de leurs ramures nues. Et durant tout le temps que mit la lune à compléter son disque cuivré, la coterie parvint enfin aux abords de la forêt interdite. La carte d’Abel Sin n’avait pas menti ; Surin, le barde, se réjouissait déjà de suivre la voie glorieuse de son maître, insoucieux du danger dont il fut prévenu à Salem et au contact des autochtones du Morgador. Aldrich, en arrière, sifflait depuis les premiers pas du groupe hors des sentiers, là où le chemin n’était plus clair. Il sifflait, mais sans aucune gaieté, tout au contraire, l’archer, inquiet, cherchait à communiquer avec les bêtes étonnamment calmes. Lù’Lanzaï lui aussi, autant éprouvé qu’il fut, n’en demeurait pas moins alerte et savait, de par son immense expérience de la traque en pleine nature, qu’un tel silence d’or n’avait rien d’un bon présage. Il fut rapidement certain que les sévices du temps élastique, étiré du plus grand froid à la plus grande sécheresse, avaient pareillement puni la faune locale et celle des monts du serpent terrestre. Devant, le capitaine Riot suivait sa quête avec détermination, demeurant impassible malgré l’angoisse qui lui retournait l’estomac, trop fier pour faiblir. Au fil des longues minutes de marche en ce lieu désolé, se resserraient toujours davantage ses doigts autour du pommeau de sa longue flamberge de qualité, comme s’il fut prêt à bondir au premier bris du silence. Même la sueur sur son front, casqué d’un heaume, ne s’écoulait plus.
Ce fut ainsi, qu’écrasés par une tension cosmique, ils continuèrent avec effort, pénétrant et fendant les ténèbres blanches du bois brumeux. Ce fut ainsi, sur les sentiers de la gloire, qu’ils virent et se rappelèrent à jamais l'infinie silhouette naquit du fond de l’obscurité.
Ainsi parut Kushulaïnn, le damné, parmi et par-dessus les arbres chancelants, haut comme plusieurs hommes. Et quand bien même sa taille fut celle d’un colosse, il n’était pas voûté mais se tenait droit comme une statue érigée vers le ciel. Les bras gonflés de muscles saillants, il tenait en sa main une gigantesque étoile du matin à cinq branches qu’aucun humain n’aurait pu soulever. Une longue toison de fourrure neige couvrait son torse athlétique et s’étalait en dessus ses épaules démesurées. Alors, peu à peu, tandis que le seigneur damné progressait lentement vers le groupe stupéfait ; ils tremblèrent devant sa longue face blême, garnie d’une chevelure hirsute, incolore, ajoutant un air sauvage aux traits difformes et barbares de son faciès millénaire. Ils frémirent sous le puissant rayonnement de ses yeux baignés d’or qui, sans paupières, ne trouvaient jamais le repos. Ainsi, tandis qu’il cheminait maintenant à pas de géant, derrière lui, la terre se nécrosa, lentement, profondément, stérile pour l’éternité. Aussi, car le seigneur Kushulaïnn n’usait que de l’épaisseur de sa peau en guise d’armure, le métal n’ayant pas l’endurance de sa chair antédiluvienne, l’odeur pourrie d’un cadavre éventré émana bientôt de son corps entaillé à l’estomac et aux jambes.
Ce fut cette odeur insupportable qui arracha Riot des bras de la terreur, et se ressaisissant, il lut bien vite la panique sur le visage de ses compagnons. Même Lù’Lanzaï, ce guerrier d’exception, avait perdu tous ses moyens devant l’aura du chevalier cauchemardesque, et il l’observa encore, statufié, tandis qu’il n’était plus qu’à quelques mètres d’eux. Surin, lui, comprit enfin le sens de toutes les mises en gardes de son maître, mais n’eut le temps de réagir ; car, sans mots, Kushulaïnn envoya son fléau lui emporter le crâne contre un tronc humide. La tête de métal encastra celle du chantre dans le bois creux et pourri de l’intérieur, lui fracturant le front ; mais la force de Kushulaïnn était telle que, retirant son arme bloquée, il déchira le cou de sa victime d’un seul geste. Alors le corps du barde chuta lourdement dans la boue tandis que son crâne inséré dans la cavité de l’arbre ne figurait plus qu’une masse informe et sanguinolente.
Lù’Lanzaï, malheureux spectateur impuissant du carnage, fut pris d’un sursaut d’orgueil et, tiré de sa torpeur, il se rebella. Alors, passant les mains dans son dos, il brandit, non sans trembler, sa terrible hache à deux tranchants. Aldrich, lui, lâcha bêtement ses affaires et pris la fuite, le cœur ulcéré d’une terreur innommable. Dans le même instant, Riot tira sa flamberge et l’enserra solidement de ses deux mains ; il était porté par la folie du combat et son cœur ne semblait plus battre, comme fou, il chargea le colosse sanguinaire en hurlant de rage. Cependant, quoique sa main n’eue pas tremblé, la lame dentelée n’entamât en rien la chair épaisse du grand Kushulaïnn et le fer se contenta de ricocher sur son flanc musclé. Le seigneur maudit ne riposta pas mais agita plutôt son fléau tel une fronde, le métal déchirant l’air en un sifflement aigu. Et l’instant d’après, la masse tourbillonnante s’échappa de ses larges doigts abîmés avec plus de force qu’une baliste, allant chercher le meurtre du fuyard au travers de la nuit. L’archer tétanisé, pourtant déjà loin, fut frappé en pleine course par les sphères lardées de pointes ; s’insérant entre ses omoplates, elles brisèrent son haubert et le haut de sa colonne vertébrale d’un même contact. La force du choc le fit basculer sur le côté, et il chuta ainsi dans la vase d’un étang sale, inconscient. Sa tête souple et désarticulée peu à peu engloutie par l’insatiable marécage, il disparut bientôt, emportant avec lui l’arme de son assassin.
« Lù ! Contourne-le ! s’écria Riot, le seul des deux à avoir perçu le résultat du puissant lancer. »
Comme il avait ainsi parlé, le guerrier s’exécuta et pris de revers le colosse désarmé. De toutes ses forces, il leva son imposante hache et l’abattit contre les reins de Kushulaïnn, tandis que Riot l’occupait en parades. La force réputée de Lù’Lanzaï fit son œuvre et le métal affûté pénétra franchement la chair dorsale du géant damné qui poussa un hurlement de douleur. Le cri fut si puissant qu’il balaya, tel le souffle magique d’un revenant, les deux chevaliers impériaux, et les fit plonger dans la boue. L’embarras qu’aurait Lù, encombré de son armure de plates, à se lever de terre, le plaçait dans une bien mauvaise posture. En effet, avec une armure de ce type, à terre, un chevalier n’était plus qu’une tortue sur le dos et seuls les plus forts parvenaient à se relever d’un élan de vigueur. L’aspect collant du terrain ajoutait à la difficulté de la manœuvre, et il ne faisait pas de doute que Lù fut piégé, à la merci du bras de mort de Kushulaïnn. Plus encore, comme s’il ne suffisait pas, une pluie intense se mit à tomber, rendant la vision des guerriers plus difficile et changeant la terre déjà molle en limons glissants. Riot, là où d’autres se seraient résignés, redoubla de courage et se jeta, flamberge en guise d’épieu, sur la machine de guerre. Mais il échoua une fois de plus, le coup glissant sur les lignes fuyantes des muscles boursouflés de Kushulaïnn ; et celui-ci ne manqua pas l’occasion de saisir en ses mains le capitaine, l’amenant dans les airs sous les yeux affectés de son frère d’armes Lù’Lanzaï, désespérément cloué dans les sols gorgés d’eau.
Pour la première fois depuis son départ de Salem, Riot de Rohan renonça et s’abandonna entre les mains, parfois cruelles, du destin. La situation était si désespérée qu’il n’imaginait plus s’en sortir, et la peur revint lui triturer les entrailles par ses griffes toujours acérées. L’idée d’implorer son redoutable ennemi lui vint à l’esprit, mais trop bouffi d’honneur, il n’en fit rien. Les yeux fermés, son torse claustré entre les mains étouffantes du grand Kushulaïnn, il lâcha sa flamberge de dépit et attendit, le visage sous l’afflux du flot céleste. Son heaume bondit hors de son crâne et chuta jusqu’au sol, libérant sa courte chevelure de poix. Il ouvrit sa bouche sèche de peur, et celle-ci se gorgea d’eau. Et il attendit encore, mais la mort ne vint pas, alors seules quelques paroles balbutiées avec difficulté parvinrent jusqu’à ses oreilles ruisselantes.
« Pourquoi pénétrez-vous sur mon domaine ? »
Abasourdi, Riot ne comprit qu’un moment plus tard, Kushulaïnn avait parlé. Et le maintenant dans les airs, comme un champion brandirait son trophée de guerre, il recommença. Alors, le capitaine, recouvrant un espoir fugace, saisit sa chance.
« L’Empereur de Salem requiert l’aide du grand seigneur de guerre Kushulaïnn, clama haut et fort le chevalier, élevant péniblement la voix car ses poumons comprimés le faisaient souffrir.
- Je ne connais aucun empereur d’aucune autre terre que la mienne, se contenta de répondre Kushulaïnn, un air agacé figé sur son dur front trempé. »
Riot, confus par la situation, ne savait que répondre. Le seigneur géant le déposa sur le sol, non loin de son compagnon Lù’Lanzaï et il échappa de cette manière à l’haleine ardente du barbare sanguinaire. Si près de son ami de longue date, Riot chercha à s’en rapprocher plus encore pour le relever, mais Kushulaïnn le lui interdit. C’est alors qu’il prononça ces quelques paroles.
« Trouve une femme dont la chair sera capable d’être engrossée de ma descendance divine. Alors, seulement, reviens sur mes terres en sa présence. »

C’est ainsi que Riot de Rohan s’en retourna, abandonnant d’un dernier regard le guerrier pathétique, étendu dans les marécages, épuisé. C’est ainsi qu’il s’en retourna, devinant derrière lui les hurlements de souffrances de Lù’Lanzaï, croisant les corps mutilés de ses anciens compagnons. Mais, s’il hésitât un seul instant à rebrousser chemin pour défier le diable en combat singulier, il reprit bien vite la route de Salem, car l’Empereur ne pouvait être déçu, et que, le cœur alourdi d’une nouvelle mission, sa prodigieuse épopée ne faisait que commencer. Mais ceci est une autre histoire…

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Message  Invité Lun 27 Oct 2008 - 7:12

J'aime toujours ce côté épique, mais par moments c'est trop, je trouve l'équilibre rompu. Les adjectifs sont pléthore, parfois un peu décalés (ce qui donne un certain charme), un poil trop nombreux à mon avis.

Vous devriez prendre garde aussi à la conjugaison des verbes, c'est là que se concentrent vos fautes de langues. Exemple : "Mais, s’il hésita un seul instant", au passé simple, et non "hésitât", qui est une forme de subjonctif imparfait.

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Message  Squall46 Sam 1 Nov 2008 - 12:15

Okay, merci pour ces détails à revoir. Je poste la Chronique 2 d'un seul trait, et j'encourage les autres aussi à critiquer.

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Chronique Seconde
Le Disciple de la Liberté

« Le vagabond ne goûte la liberté, pas plus que l’homme commun, tant qu’il est enchaîné à son histoire, à ses liens sociaux. Ces liens invisibles et omniprésents qui asservissent, astreignent les âmes. Seul le souverain en est exempt, lui, et lui seul, est libre. »
Alicante Boudreau, Cardinal de Sainte Justine

Quelque part dans le grand sud, sur les voies accidentées longeant la fière Sainte Justine, s’organisait le détachement armé de Sven Osric, jeune prince de la cité des couronnements. Accompagné de son fidèle protecteur, le grand guerrier Lashley Rodeau, le prince bienveillant s’attachait à découvrir l’origine des mystérieux troubles de la région côtière du bas Pénople ; et, sans le savoir, peut-être s’apprêtait-il à vivre les dernières heures, des plus glorieuses et des plus décisives, de son court règne bientôt achevé.

Comme chaque matin en ce lieu, le soleil, fraîchement levé, grimpait haut et perçait tôt les hauts branchages de la forêt, amenant sa lueur gaillarde jusqu’au sein de cette petite clairière, celle-là même où il se trouvait pour la première fois, Wander. Chaque lieu était un pont, un passage, un chemin, pour lui rien que l’éphémère sentiment d’une liberté constamment renouvelée. Des mers profondes aux montagnes boisées, des sables chauds aux neiges éternelles, il arpentait, Wander, seul et libre, en tout cas le croyait-il.
Une main sur le front, la douleur et la nuit se rappelaient à lui. Le rude combat contre cet animal intenable, frénétique et furieux comme s’il fut échappé des enfers, cette bête gardienne maintenant reposante à seulement quelques pas, apaisée et calmée par une mort lente, elle avait enfin libérée son trésor. La boite n’était plus qu’à portée de la main.
« Wander, la boite. Tu y es parvenu. » chuchota une douce voix ravie entre ses souvenirs abondants, bousculés, entrechoqués en son esprit tourmenté. Ainsi, Wander se leva, et il s’approcha de l’imposant rectangle métallique non sans omettre d’inspecter les alentours d’un regard furtif. Ce furent les hennissements d’un cheval qui retentirent alors du fond des bois et qui vinrent briser la satisfaction naissante de l’aventurier. Quelqu’un était là. Il ne fallut que quelques secondes au guerrier pour être à couvert derrière un buisson touffu, abandonnant de ce fait la lourde relique au centre de la clairière. L’instant d’après, une voix s’éleva au travers des feuillages.
« Nous y sommes, prince. »
Le cœur de Wander eut un raté. Que venait faire l’armée princière dans un endroit éloigné comme celui-ci ? Les oiseaux avaient cessé de chanter, et plus un animal ne remuait dans les environs, les humains venaient de violer ce territoire sauvage. Bientôt, Wander reconnut la longue chevelure blonde du célèbre prince Sven de Sainte Justine, descendant des Osric. Près de lui, un robuste cavalier mit pied à terre et s’en alla tâter la bête inerte.
« Lashley. Qu’en penses-tu ? demanda avec attention le prince.
- C’est une hydre. Le guerrier a eut de la chance, elle était malade. Les têtes n’ont pas repoussées, répondit l’homme, accroupi près du grand monstre trépassé. »
Le prince Sven se mit à sourire, mais les joues de son visage juvénile se déplièrent bien vite tandis qu’il poursuivait en interrogations.
« Bien. Il semble que notre problème ait prit pied jusqu’ici. Cet animal en est-il la source, Lashley ?
- L’hydre n’est pas un prédateur. Elle n’est pas à l’origine du massacre. Cette créature gardait quelque chose, quelque chose de précieux, poursuivit le chevalier d’expérience en se relevant. »
L’homme ausculta les alentours et découvrit le long rectangle noir simplement posé sur le sol. Toujours caché et retenant jusqu’à son souffle, Wander bouillonnait, mourrait d’envie de surgir et d’emporter la vie de l’infâme curieux ; mais, les gardes étaient trop nombreux, et son cheval resté plus avant.
« Qu’est-ce donc ? s’impatienta le prince Osric, voyant son protecteur inspecter méticuleusement l’étrange objet.
- Je ne saurais dire. C’est un artefact peu commun, expliqua t-il, suivant de sa main gantée les cannelures gravées dans le métal de chacun des six côtés, les figures représentant inévitablement la chimère à six têtes.
- Aidez-le, vous autres, commanda le jeune prince à ses hommes d’armes. »
Alors, tous descendirent de leur monture et s’attachèrent à déplacer le lourd trésor découvert. Wander sentait l’espoir lui glissait entre les mains, il voyait tous les efforts fournis devenir vains. Ce n’était pas possible, il ne pouvait pas l’accepter ; ainsi, sa main glissa jusqu’à son fourreau et il sortit de sa cache, essayant de masquer son inquiétude, s’efforçant de paraître serein. Tous les hommes s’immobilisèrent, et furent bientôt étonnés de découvrir que le jeune guerrier aux cheveux cendres avait, seul, vaincu un tel monstre de puissance et d’endurance.
« Le trésor est à moi, j’ai vaincu son gardien ! lança fermement Wander, un air autoritaire figé sur les traits.
- Malandrin, tu braconnes dans les forêts princières, rétorqua avec virulence l’un des gardes. » Le dénommé Lashley s’avança alors, le plus robuste et le plus éduqué d’entre eux.
« Et quel est le nom de l’homme qui a su triomphé d’un si terrible adversaire ?
- Cela n’a pas d’importance. Laissez simplement la boite où elle se trouve, et je ne vous causerai plus de problème. »
Wander ne pouvait plus cacher son angoisse, de la sueur s’écoulait sur son front et ses yeux se plissaient machinalement comme si la peur lui fouillait les entrailles. Il ne voulait pour rien au monde laisser filer la relique, il était trop proche d’elle, trop près du but pour abandonner.
« Ce n’est pas si facile. Peut-être es-tu celui qui à découvert l’artefact, mais il se trouve sur les terres de Sainte Justine, celles de mon seigneur, expliqua Lashley non sans un sourire raffiné.
- Que contient cette relique, nomade ? interrogea le prince, tandis qu’il mit pied à terre et s’avança en retirant délicatement ses gants de cuir. Tu n’es pas sans savoir son contenu, n’est-ce pas ? »
Le jeune guerrier tira nerveusement son glaive et, prit d’une colère noire, répondit orageusement.
« Cette connaissance m’est bien personnel. Elle le restera ! »
Les soldats se mirent en garde immédiatement, mais le prince ne cilla pas, et son fidèle protecteur se contenta d’avertir le guerrier téméraire.
« Es-tu bien sûr de vouloir engager un combat que tu ne pourrais gagner ? »
L’évidence frappait qu’il ne pourrait leur tenir tête bien longtemps, mais Wander ne voulut rien entendre, et ne proposa qu’un lourd silence en retour. La fatigue lui pesait sur les membres, et son bras tremblant maintenait difficilement son fabuleux glaive de platine. De la sueur salée s’écoulait franchement le long de son visage et, lentement, sûrement, lui chatouillait jusqu’au bas de la nuque. Ses longs cheveux bruns collés sur le front, il soutenait le regard de Lashley, un chevalier certain de ses forces et de son charisme.
« Nous allons négocier, lança l’impérial sur un ton réfléchi, avant de poursuivre. En pleine forme, tu sembles un solide combattant, fière et courageux, plein d’abnégation. Tu as triomphé d’une créature puissante à toi seul. Ce sont des combattants comme toi dont nous avons besoin sur le front. Tu n’es pas sans connaître la situation difficile de l’Empire en ces temps troublés, n’est-ce pas ?
- Je n’obéi à personne, et surtout pas aux gens de l’Empire.
- Mon seigneur ! Quelqu’un approche… annonça brusquement l’un des gardes. »
Et bientôt, tous virent l’angoisse des chevaux, leurs puissants hennissements couvrant souffles, paroles et les derniers sons provenant du bois. La peur se lisait dans l’œil des bêtes affolées, tant et si bien que l’un des gardes, le moins adroit en équitation, fut expulsé au sol par son destrier déjà fuyant. Il ne faisait plus de doute qu’un terrible danger approchait.

« Qui va là ? s’écria d’une voix autoritaire l’un des impériaux. »
Mais sa question ne trouva de réponse dans le silence vexant de la forêt endormie. Pourtant, il ne faisait aucun doute que quelques silhouettes habiles étaient en approches, et Wander le savait pertinemment, il pouvait ressentir, presque palper par une intuition effrayante, toute la tragédie sur le point de survenir. Son regard inclina inévitablement vers la boite, cet objet de quête et de convoitise, mais le chevalier Rodeau n’avait pas bougé et se tenait toujours bien fièrement devant l’artefact, ayant perçu avec clairvoyance les intentions de fuite de l’aventurier bouillonnant.
« Laissez-moi l’artefact, cela vaut mieux pour nous tous ! expliqua Wander avec virulence, le visage tout rouge et se débarrassant de quelques gouttes de sueurs parvenues jusqu’à sa bouche sèche d’angoisse.
- Ils sont à tes trousses, n’est-ce pas ? questionna le grand Rodeau, impassible malgré la présence d’un danger imminent. »
Plus que de raconter une longue histoire, l’aventurier se contenta d’un silence évocateur. Ainsi, Wander venait, malgré lui, de se liguer aux impériaux contre un mal qu’il jugeait et redoutait d’être bien plus grand que le courroux d’un simple prince humain.
« Caporal Kierkegaard, opérez une diversion ! Nous emmenons l’artefact, commanda à ses hommes le prince Sven tandis qu’il remontait à cheval.
- Vous avez-entendu vous autres ? »

Les villageois n’avaient pas menti. Des mythes les plus improbables aux légendes les plus lointaines, chacune des histoires que l’homme aime à se raconter pour frémir et trembler, tire une part de son essence dans la plus pure et profonde réalité. Il était trop tard, et comme il avait aimé à se croire l’un des disciples de la liberté, pouvant user à sa guise de celle-ci, bien ignorant du chemin qu’il suivait par cette entreprise, cette fois-ci, il ne l’était plus, libre, seul, serein. Ils étaient là, et ne le lâcheraient plus que devant l’éternité de sa mort la plus atroce. Ils le pourchasseraient jour et nuit, tant par les chaleurs intenables et les soleils lourds de l’été que lorsque sa peau se flétrirait sous la dureté d’un hiver sans fin, quelque part et n’importe où devenant des enfers où Wander ne serait jamais plus à l’abri.
Elle avait surgit d’entre la flore abondante, cette silhouette charnue à jamais gravée dans l’esprit de tous ces hommes, elle avait surgit et emportée la tête couronnée du prince Osric d’un seul geste. Les ongles pénétrants d’une main sans chair ayant déchirée le cou de leur seigneur avec une aisance saisissante, la plupart des gardes furent pris de panique devant l’apparition de quelques abominations échappées des confins du temps. Certains perdirent leurs armes dans l’entreprise d’une fuite bien mal venue, et tous, sans aucune exception, goutèrent les serres de la mort ici présente. Seul Rodeau n’avait pas encore fléchit, et brandissant sa gigantesque lame à deux mains, tenait courageusement la position non sans qu’une mine angoissée ne lui déchira les traits et qu’un immense sentiment d’avoir failli à son devoir ne lui mina le cœur. Il n’avait eu le temps de réagir, de riposter aux morts tragiques de ses frères d’armes et de son prince malchanceux. Mais, lui ne tomberait pas, il le savait ; car il pouvait ressentir cette force colossale, cette volonté perceptible qui animait les actions de l’aventurier encore à ces côtés, le jeune homme aux cheveux cendrés.
« Ils sont là pour l’artefact… expliqua Wander, son glaive brandit. Il ne faut pas reculer !
- Quelles sont ces créatures infâmes ?! »
Mais Rodeau n’eut pour réponse que la terrible agression de l’une d’elle ; bien heureusement la force titanesque du capitaine impériale eut raison de la bête sans visage et sa lourde arme létale vint entamer la chair maléfique de l’être difforme, rougissant jusqu’au poignet les mains du preux chevalier. La calamité tirée des profondeurs de l’existence s’écroula sur le sol comme un arbre abattu, et, les yeux déjà clos, elle expia une fois encore ses péchés par un dernier cri strident à glacer les sangs.
Alors, tandis que les deux autres déformations progressaient lentement vers l’assassin de leur semblable, Wander s’occupa de glisser l’artefact dans un long sac qu’il avait depuis longtemps destiné à cet effet. Une fois l’opération effectuée, il jeta le tout par-dessus son épaule et prit la fuite à travers bois, laissant Rodeau seul aux prises avec ses terribles assaillants. Le chevalier, trop occupé à tenir à distance ses adversaires, ne s’aperçut que bien tardivement de la manigance du jeune vagabond, et déjà affaiblie moralement par la mort de ses comparses, l’homme d’expérience manqua une parade et fut grièvement blessé à l’épaule. Lashley Rodeau voyait déjà sa propre mort se profilait à l’horizon, l’espoir disparaître peu à peu derrière les difformités écœurantes qui lui donnaient tant de fil à retordre. Il ne pouvait prendre la fuite, pas après ce que ces choses avaient fait au prince, non, il devait se battre pour sauvegarder l’honneur de la famille Osric. Mais le combat était bel et bien perdu d’avance, et tandis que l’une des créatures l’occupait en parade, la seconde passa dans son dos afin de lui enserrer la taille, lui plantant l’instant d’après ses crocs puissants dans le gorgerin, elle répéta ainsi l’opération plusieurs fois jusqu’à ce que le chevalier parvienne miraculeusement à s’en débarrasser par une secousse violente de l’épaule. Plongé dans une rage peu commune, Lashley trancha alors simplement en deux l’adversaire qui lui faisait face. Malgré tout, il n’avait pas été assez rapide, et la dernière créature, déjà relevée, revint à la charge. Le chevalier, prit par surprise, trébucha en arrière malgré tout ses efforts et perdit son arme dans sa chute.

Certains disent que l’on jauge les grands héros par la foi qu’ils possèdent en leur destin, en leur chance. La fin si proche, il ne faisait plus de doute que seul le ciel était encore capable d’aider le capitaine en bien mauvaise posture. Ainsi Lashley sous les bonnes auspices de dame fortune, le destin décida de placer en lui un quelconque espoir, et le galop d’un cheval noir fit trembler la terre. Wander surgit d’entre les ombrages, chevauchant son destrier en furie, son fantastique glaive de platine dans la main droite il ajusta sans mal la tête du monstre dans sa course effrénée. La bête vola et se brisa les os contre un rocher, alors en un éclair le silence fut retrouvé après que le vagabond eut apaisé sa fière monture.
Lashley resta un moment sur le sol à ausculter les cieux au travers ses cheveux mordorés trempés de sueur. La situation avait basculé si vite. Il ne croyait plus respirer, plus voir, plus sentir, plus vivre.
« Tu ferais bien de t’enfuir, fit Wander, apparemment très pressé. Ils n’en ont pas fini avec nous. D’autres viendront très bientôt.
- Que…que sont ces créatures ? interrogea Lashley avec un grand intérêt, tout en se levant de terre et s’essuyant le front. »
Mais le chevalier, tant intrigué qu’il fut, n’eut pour seule réponse qu’un silence de plomb; abandonné, seul survivant de l’expédition impériale, il n’avait alors plus que la lourde tâche de trainer sa carcasse blessée jusqu’à la cité des couronnements et d’annoncer au peuple la tragique mort de leur leader. Son destin scellé, ses jours comptés, il se mit en route.
Quant à Wander, il avait en effet tourné les talons et, déjà, il s’enfuyait à brides abattues sur les pentes assombries de la forêt tranquille, chevauchant avec élégance son fidèle destrier nuit ; comme appelant le refrain d’une légende, il galopait vers la grotte de Socrate, l’unique, celui qui saurait éveiller la clémence des démiurges et assembler à nouveau leur destin, celui de Wander et de sa naïade. Mais ceci est une autre histoire…

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Message  bertrand-môgendre Dim 2 Nov 2008 - 19:18

Bien raconté.
Quoique fantastique, le récit est crédible.
Que ton autre histoire suive le même chemin pour intéresser les passionnés du genre.
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Message  Invité Mar 4 Nov 2008 - 15:43

L'histoire demeure intéressante, il y a du souffle, mais vraiment, pour moi, votre faiblesse coupable pour les adjectifs confine au burlesque.

Déjà, "le silence vexant de la forêt endormie", c'est dur, mais "sa lourde arme létale vint entamer la chair maléfique de l’être difforme", c'est l'escalade !

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Message  Sahkti Ven 14 Nov 2008 - 14:09

J'aime bien la solennité que tu emploies pour poser contexte et ambiance; ça fait un peu cinéma et puis aussi très magistral.

Beaucoup de détails et de descriptions dans ton texte mais je suppose que cela contribue à l'histoire et à sa contribution, c'est sans doute indispensable mais ça serait bien d'alléger un peu cela.

Sur le fond, n'étant pas une grande fan du genre, j'ai souvent l'impression de lire les mêmes choses, mais je sais que les non-amateurs de polars disent aussi ça de ce style :-)
L'univers que tu dépeins est riche et ton écriture soignée, cela donne quelque chose de bien ficelé au final. Je ne sais cependant pas, outre le fait que je ne sois pas adepte de fantasy, si je pourrais tenir tout un roman comme ça, je pense que je finirais par me lasser à cause d'un rythme quasi identique du début à la fin dans la manière de raconter.
C'est difficile de surprendre et d'innover dans ce style (enfin, je suppose) et le risque est là de vouloir en faire trop, que ce soit par le détail de l'action ou par une surenchères de personnages et de batailles. Ce à quoi tu tends ici dans les suites proposées.
Si tu ajoutes à cela des phrases longues et des adjectifs inutiles, cela explique cette sensation de lourdeur dans le récit; ce serait pas mal de revoir cet aspect des choses.
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