Un ange passe
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Un ange passe
2005
Un ange passe
Elle était jolie comme un jour de pluie et il pleuvait. Elle attendait le bus, sagement assise sous l’abri de verre. Elle a levé la tête, à peine, lorsque je me suis amené. Puis, sans un mot, elle a replongé le nez dans son magazine.
Un instant, j’ai bien cru que le vert de ces yeux-là, je ne le connaissais pas. Pas plus que la teinte de ses cheveux. Auburn, je crois.
Elle arquait les sourcils sur sa lecture, une mèche dégringolait de tout là-haut, ondulait et venait se faire mâchouiller par deux lèvres peintes en rouge, distraites, mécaniques.
Je me suis adossé face à elle, adossé à une publicité de fille en sous-vêtement. Elle était bien balancée l’image, mais rien à foutre, j’avais mieux à regarder.
Elle me faisait penser à La naissance du printemps de Botticelli. Je vous jure, elle avait les mêmes traits, la même grâce. La regardant, je me suis demandé si les anges existaient, et aussi, ou elle avait planqué ses ailes ? Pas sous sa robe, parce que visiblement, y avait pas la place.
Mais peut-être que les anges portent leurs ailes devant et les replient, les enroulent en forme de seins ?
N’empêche que ça expliquerait bien des choses.
Elle avait une jolie paire d’ailes qui pointaient vers le ciel, toutes prêtes à s’envoler.
Sans doute s’est-elle senti observée parce qu’elle m’a balancé un regard en point d’interrogation. Sans doute aussi, qu’elle à pas été déçu, parce que juste derrière, elle m’a refourgué un sourire, un du genre « Je te ravage. Tu paris ? »
Et le bus s’est ramené dans les éclats de pluie.
Comme elle s’est levée, je me suis dit que ce bus-là ou un autre, c’était du pareil au même. Je l’ai invité à me précéder, ce qu’elle à fait, tandis que je réalisais que les anges avaient des épaules, une taille, des hanches, un cul, le tout assemblé, roulé comme pas permis.
Il y avait une banquette de libre, nous l’avons occupé. Ainsi, j’ai pu dévorer son profil à loisir.
Elle avait ressorti son magazine des méandres de son sac et replongé le nez dedans, repris une mèche en bouche qu’elle mâchouillait distraitement. Je rêvais d’elle la regardant, j’ai pas trouver la chose ordinaire. J’ai glissé un œil dans son décolleté, mais c’était trop bien rangé là-dedans, j’y voyais que dalle. Puis je suis tombé sur l’article qui l’occupait. Il traitait des troubles comportementaux consécutifs à la consommation massive de cigarettes qui font rigoler. C’était du sérieux, un truc à transformer un pétard en engin suicidaire toutes catégories. Vous aviez pas une chance de vous en tirer : pauvres drogués.
— C’est des conneries, j’ai dit.
Elle n’a pas relevé la tête, n’a pas esquissé un geste.
— C’est des conneries, j’ai répété un peu plus fort.
Mais rien. Alors je me suis penché sur elle et j’ai glissé mon nez entre ses boucles, juste derrière son oreille. Ça sentait le frais. Un petit bout de shampoing, un bout de parfum, un bout de peau et plein de vie, c’était ça son arôme. Madone, ça m’a salement agité le cœur, bousculé les neurones, et j’ai plus su ce que j’étais venu foutre ici.
Je l’ai respiré comme une fleur.
Elle s’est retournée si brusquement que nous sommes tombé nez à nez, yeux dans les yeux. Les siens se la jouait pupilles de nickel brut avec, autour, une myriade de scintillement lumineux, ambrés un peu. Je me suis perdu dedans, j’ai pas demandé mon chemin. Non, moi j’étais prêt à rester-là une vie durant, je réalisais qu’une vie, au fond, c’était pas grand chose, mais elle m’a repoussé par les épaules. C’était un geste doux, dépourvu d’agressivité.
Elle a placé un doigt en travers de sa bouche et de l’autre main, elle a dessiné un signe que je n’ai pas saisi. Face à un ange, c’est pas la logique qui domine vos réflexions, juré. La raison, la mienne, avait foutu le camp, s’occupait l’esprit ailleurs. Sitôt que l’on parle d’amour, de toute manière, elle se tire. J’en ai l’habitude, je m’en plains pas.
J’attendais, et elle, elle battait des paupières comme un sémaphore. Je ne sais ce que j’attendais, mais j’attendais, balayé par un intermittent rayon vert et donc, ne sachant quoi, et donc, ça pouvait pas durer. Elle s’est saisie du stylo que j’accroche dans l’encolure de mon tee-shirt, toujours, — ben oui j’écris — et sur le dos de son magazine, elle à griffonné quelques mots qu’elle ma tendu.
« Je suis sourde, muette. »
J’ai dégainé mon calepin — ben oui, je vous l’ai dit : j’écris. Et j’ai récupéré mon stylo. Au passage, j’ai touché sa main, ça m’a fait du bien, et j’ai inscrit :
« Moi aussi, souvent. Et vous vous appelez ? »
« …Esméralda, et toi ? »
« Quasimodo »
Elle a ri. À sa façon, en silence. C’était gentil parce que j’imaginais que ce n’était pas la première fois qu’on lui faisait le coup.
J’ai pas eu le temps de m’imprégner du ridicule qui m’assaillait, pas eu le temps de me rouler dedans vu que le bus s’arrêtait, qu’elle se levait, qu’elle descendait ici.
Je l’ai suivie.
Elle n’a pas feint de s’en étonner, merci Mon Dieu.
Nous avons marché un peu. Elle semblait savoir ou elle allait, désormais sous le soleil.
Comme nous passions devant la terrasse d’un bistrot, je lui ai pris la main et je l’ai entraîné entre les tables. Il y avait du monde assis, plein, et j’étais pas peu fier d’être au bout de cette main-là. Je l’ai assise, poussant une chaise sous son joli petit cul et j’ai pris place pile en face, je voulais pas louper ça. Attendant le serveur, je lui ai adressé deux trois phrases automatiques parce que j’avais oublié, et comme elle me refilait un regard navré, qu’elle semblait triste d’un coup, je lui ai écrit ma théorie à propos de la Naissance de Botticelli, de leurs ressemblances, de leurs beautés, et j’ai osé lui demander ou elle planquait ses ailes.
« Devant. » a-t-elle écrit.
« Enroulées » a-t-elle précisé.
Évidemment.
Elle habitait une ruelle contiguë au paradis, dans un coin de ciel bleu, tout là-haut.
Lorsque sa robe est tombée à ses pieds, frrrrrr, j’ai douté de Botticelli. À mon avis, il n’avait pas regardé la Naissance si bien que ça, promis, je le soupçonne même de n’avoir jamais vu un ange.
Elle a déplié ses ailes.
J’ai fermé les paupières.
Le divin, le nez dessus, fait mal aux yeux.
Un instant, j’ai bien cru que le vert de ces yeux-là, je ne le connaissais pas. Pas plus que la teinte de ses cheveux. Auburn, je crois.
Elle arquait les sourcils sur sa lecture, une mèche dégringolait de tout là-haut, ondulait et venait se faire mâchouiller par deux lèvres peintes en rouge, distraites, mécaniques.
Je me suis adossé face à elle, adossé à une publicité de fille en sous-vêtement. Elle était bien balancée l’image, mais rien à foutre, j’avais mieux à regarder.
Elle me faisait penser à La naissance du printemps de Botticelli. Je vous jure, elle avait les mêmes traits, la même grâce. La regardant, je me suis demandé si les anges existaient, et aussi, ou elle avait planqué ses ailes ? Pas sous sa robe, parce que visiblement, y avait pas la place.
Mais peut-être que les anges portent leurs ailes devant et les replient, les enroulent en forme de seins ?
N’empêche que ça expliquerait bien des choses.
Elle avait une jolie paire d’ailes qui pointaient vers le ciel, toutes prêtes à s’envoler.
Sans doute s’est-elle senti observée parce qu’elle m’a balancé un regard en point d’interrogation. Sans doute aussi, qu’elle à pas été déçu, parce que juste derrière, elle m’a refourgué un sourire, un du genre « Je te ravage. Tu paris ? »
Et le bus s’est ramené dans les éclats de pluie.
Comme elle s’est levée, je me suis dit que ce bus-là ou un autre, c’était du pareil au même. Je l’ai invité à me précéder, ce qu’elle à fait, tandis que je réalisais que les anges avaient des épaules, une taille, des hanches, un cul, le tout assemblé, roulé comme pas permis.
Il y avait une banquette de libre, nous l’avons occupé. Ainsi, j’ai pu dévorer son profil à loisir.
Elle avait ressorti son magazine des méandres de son sac et replongé le nez dedans, repris une mèche en bouche qu’elle mâchouillait distraitement. Je rêvais d’elle la regardant, j’ai pas trouver la chose ordinaire. J’ai glissé un œil dans son décolleté, mais c’était trop bien rangé là-dedans, j’y voyais que dalle. Puis je suis tombé sur l’article qui l’occupait. Il traitait des troubles comportementaux consécutifs à la consommation massive de cigarettes qui font rigoler. C’était du sérieux, un truc à transformer un pétard en engin suicidaire toutes catégories. Vous aviez pas une chance de vous en tirer : pauvres drogués.
— C’est des conneries, j’ai dit.
Elle n’a pas relevé la tête, n’a pas esquissé un geste.
— C’est des conneries, j’ai répété un peu plus fort.
Mais rien. Alors je me suis penché sur elle et j’ai glissé mon nez entre ses boucles, juste derrière son oreille. Ça sentait le frais. Un petit bout de shampoing, un bout de parfum, un bout de peau et plein de vie, c’était ça son arôme. Madone, ça m’a salement agité le cœur, bousculé les neurones, et j’ai plus su ce que j’étais venu foutre ici.
Je l’ai respiré comme une fleur.
Elle s’est retournée si brusquement que nous sommes tombé nez à nez, yeux dans les yeux. Les siens se la jouait pupilles de nickel brut avec, autour, une myriade de scintillement lumineux, ambrés un peu. Je me suis perdu dedans, j’ai pas demandé mon chemin. Non, moi j’étais prêt à rester-là une vie durant, je réalisais qu’une vie, au fond, c’était pas grand chose, mais elle m’a repoussé par les épaules. C’était un geste doux, dépourvu d’agressivité.
Elle a placé un doigt en travers de sa bouche et de l’autre main, elle a dessiné un signe que je n’ai pas saisi. Face à un ange, c’est pas la logique qui domine vos réflexions, juré. La raison, la mienne, avait foutu le camp, s’occupait l’esprit ailleurs. Sitôt que l’on parle d’amour, de toute manière, elle se tire. J’en ai l’habitude, je m’en plains pas.
J’attendais, et elle, elle battait des paupières comme un sémaphore. Je ne sais ce que j’attendais, mais j’attendais, balayé par un intermittent rayon vert et donc, ne sachant quoi, et donc, ça pouvait pas durer. Elle s’est saisie du stylo que j’accroche dans l’encolure de mon tee-shirt, toujours, — ben oui j’écris — et sur le dos de son magazine, elle à griffonné quelques mots qu’elle ma tendu.
« Je suis sourde, muette. »
J’ai dégainé mon calepin — ben oui, je vous l’ai dit : j’écris. Et j’ai récupéré mon stylo. Au passage, j’ai touché sa main, ça m’a fait du bien, et j’ai inscrit :
« Moi aussi, souvent. Et vous vous appelez ? »
« …Esméralda, et toi ? »
« Quasimodo »
Elle a ri. À sa façon, en silence. C’était gentil parce que j’imaginais que ce n’était pas la première fois qu’on lui faisait le coup.
J’ai pas eu le temps de m’imprégner du ridicule qui m’assaillait, pas eu le temps de me rouler dedans vu que le bus s’arrêtait, qu’elle se levait, qu’elle descendait ici.
Je l’ai suivie.
Elle n’a pas feint de s’en étonner, merci Mon Dieu.
Nous avons marché un peu. Elle semblait savoir ou elle allait, désormais sous le soleil.
Comme nous passions devant la terrasse d’un bistrot, je lui ai pris la main et je l’ai entraîné entre les tables. Il y avait du monde assis, plein, et j’étais pas peu fier d’être au bout de cette main-là. Je l’ai assise, poussant une chaise sous son joli petit cul et j’ai pris place pile en face, je voulais pas louper ça. Attendant le serveur, je lui ai adressé deux trois phrases automatiques parce que j’avais oublié, et comme elle me refilait un regard navré, qu’elle semblait triste d’un coup, je lui ai écrit ma théorie à propos de la Naissance de Botticelli, de leurs ressemblances, de leurs beautés, et j’ai osé lui demander ou elle planquait ses ailes.
« Devant. » a-t-elle écrit.
« Enroulées » a-t-elle précisé.
Évidemment.
Elle habitait une ruelle contiguë au paradis, dans un coin de ciel bleu, tout là-haut.
Lorsque sa robe est tombée à ses pieds, frrrrrr, j’ai douté de Botticelli. À mon avis, il n’avait pas regardé la Naissance si bien que ça, promis, je le soupçonne même de n’avoir jamais vu un ange.
Elle a déplié ses ailes.
J’ai fermé les paupières.
Le divin, le nez dessus, fait mal aux yeux.
Yali- Nombre de messages : 8624
Age : 59
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Un ange passe
J'aime bien ta façon de débusquer le sacré dans le charnel..., c'est presque ta signature.
Invité- Invité
Re: Un ange passe
L'amour aveugle :-)
Un ton juste ce qu'il faut de léger pour un sujet sensible. Pas facile. Et réussi.
Un ton juste ce qu'il faut de léger pour un sujet sensible. Pas facile. Et réussi.
Invité- Invité
Re: Un ange passe
Un moment de pur bonheur ce coup de foudre !
Merci pour cette ange qui passe sur mon coeur si sage.
Merci pour cette ange qui passe sur mon coeur si sage.
Re: Un ange passe
Sans doute aussi, qu’elle à pas été déçu, parce que juste derrière, elle m’a refourgué un sourire, un du genre « Je te ravage. Tu paris : Inattention ?
Mince, je m'attendais à une telle rencontre.
Prémonition, fiche moi la paix.
Mince, je m'attendais à une telle rencontre.
Prémonition, fiche moi la paix.
bertrand-môgendre- Nombre de messages : 7526
Age : 104
Date d'inscription : 15/08/2007
Re: Un ange passe
Quelle agréable lecture... Images charnelles, eau de rose à l'état brut ... Le passage dans le bus un régal!
Juste pour vous dire que j'ai aimé vous lire.
Juste pour vous dire que j'ai aimé vous lire.
cyclid- Nombre de messages : 24
Age : 47
Localisation : Marseille
Date d'inscription : 03/11/2008
Re: Un ange passe
Hum. En toute franchise, j'ai trouvé l'ensemble assez banal. La femme-ange, pourquoi pas, mais à condition de trouver quand même quelque chose de neuf à dire, ou une nouvelle manière de le dire... Là, pour moi, ça n'a pas marché.
En outre, j'ai repéré plusieurs fautes assez balèzes ; j'ai l'impression que tu ne t'es pas suffisamment relu sur ce coup-là.
En outre, j'ai repéré plusieurs fautes assez balèzes ; j'ai l'impression que tu ne t'es pas suffisamment relu sur ce coup-là.
Invité- Invité
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