Retransmission

[Evanescent]

Retransmission

      C’était une relation comme il n’en existe plus. Juste la confiance, l’écoute ; chaque fois qu’il le voyait, l’homme écoutait ses angoisses, ses doutes ; il comprenait les siens. Les années avaient passé, ils étaient devenus connaissances, amis, confidents. Amant. Sa vie était pour l’homme, l’homme qu’il aimait. La solitude n’existait pas. Quand il ne contemplait pas son visage souriant, dans ses pensées il lui tenait compagnie, dans ses rêves ils étaient ensemble, dans ses fantasmes son corps ruisselant de sueur se pressait contre le sien, sa bouche avide scellait la sienne.

      Il n’était jamais seul ; il ne le serait jamais.

      La vitre entre eux ne comptait pas. Ni les mots, ces mots qui n’étaient pas pour lui ; son sourire était d’amour et ses pensées de promesses.

      L’homme sur cet écran, que chacun écoutait, que lui seul entendait. Si loin et si proche, quand il allumait la télé pour l’entendre lui chuchoter l’amour. Il avait renoncé à expliquer à son entourage inquiet de le voir enfermé, épiant l’écran aveuglant ; ils l’auraient tenu pour fou.

      L’homme était là souriant, présentant au monde son sourire, n’offrant qu’à lui son amour. Et derrière les mots, les aujourd’hui en France, l’aveu éternel, les conversations infinies ; il était toujours impressionné de le voir débiter les nouvelles du monde tout en lui murmurant au fond de son esprit ses pensées les plus cachées. Le temps passe et derrière l’écran toujours il est là, juste pour lui. Un jour, il lui a promis, ils se rencontreront, ils s’aimeront. Salut, mon ange. Il l’appelle toujours comme cela ; et lui répond mon amour. Horrifiant de banalité mais si doux à entendre, à être le seul à entendre. Le lien entre leurs âmes se passe de subtilités. Ils sont juste tous les deux, leurs esprits mêlés, emmêlés. Lui devant la télévision qui lui offre chaque jour le regard de cet homme, le sien ; l’homme derrière la caméra complice de leur bonheur.

      Aujourd’hui il savoure les quelques douces heures qu’ils passeront l’un dans les pensées de l’autres, bavardant du fond de leur mémoire, bavardant comme personne ne sait qu’il est possible.


      S’il n’y avait pas cette mention en haut à droite de l’écran : retransmission.

[Invité]

Je ne comprends pas pourquoi tu as choisi l'imparfait au début du texte, le fait que tu glisses naturellement, presqu'imperceptiblement, vers le présent à la fin me fait penser que c'est le temps qui aurait le mieux convenu.
A part ça, il me semble que la deuxième partie aurait besoin d'être élaguée, il y a beaucoup de superflu qui enlève de la crédibilité au texte.

[Gaël]

Je suis assez d'accord avec Island pour le présent. Cela aurait plus de vivant au texte, plus d'immersion.
Et peut être même utiliser le "je" ? Les sentiments exprimés, l'ambiguïté se feraient plus forts.
J'aime bien ce sentiment étrange mais avoué qu'exprime le personnage. Cette distance qui n'en est pas une pour lui.

[Invité]

Une belle idée, Eva ! Pas tout à fait aboutie dans la forme : peut-être jouer davantage avec les temps, passé, présent, futur, conditionnel, futur antérieur ? Un temps déglingué, qui soulignerait la déglingue du héros ?

[Evanescent]

Apparement island trouve que mon temps est déjà pas mal déglingué :-) mais en effet, au lieu de stabiliser dans le présent je dois pouvoir en rajouter. Merchi coline :-)

[Invité]

Cela fait plusieurs fois que je remarque cette étrangeté de sens dont la forme semble vous plaire:

sa bouche avide scellait la sienne.

Et bien non, quand on embrasse, nous avons très peu intérêt à Sceller la bouche de l'autre. J'ai parcouru 3 dictionnaires. C'est encore mon avis.
Heureusement que le Kamasutra n'a pas été édité en ligne...
:-)

[bertrand-môgendre]

Horrifiant de banalité : bizarrerie
Le propos n'est pas assez explicite pour moi.

[Arielle]

Je n'ai pas réussi à entrer en empathie avec ton personnage, Evanescent.
Je le regrette parce que je suis convaincue qu'il y a là un sujet intéressant:
Ces relations imaginaires qui se créent dans la solitude avec ce qu'on nommait dans ma jeunesse des "idoles" , envahissant un quotidien trop pauvre par papier ou écrans interposés.
Une autre fois, peut-être?

[Evanescent]

Cela fait plusieurs fois que je remarque cette étrangeté de sens dont la forme semble vous plaire:

sa bouche avide scellait la sienne.

Et bien non, quand on embrasse, nous avons très peu intérêt à Sceller la bouche de l'autre. J'ai parcouru 3 dictionnaires. C'est encore mon avis.
Heureusement que le Kamasutra n'a pas été édité en ligne...
:-)

En effet ^^ je note au dessus de mon lit : "penser à me servir de ce qui me sert de neurones" :-)

[Invité]

Bien vu ! J'ai trouvé le ton juste, l'ensemble crédible... Le texte est peut-être un peu trop doux à mon goût, ne convoie pas la consomption du personnage dans cet amour absurde.

[Evanescent]

Bien vu ! J'ai trouvé le ton juste, l'ensemble crédible... Le texte est peut-être un peu trop doux à mon goût, ne convoie pas la consomption du personnage dans cet amour absurde.

merci :-)
et euh... ne convoie pas la consomption du personnage ? Si vous le dites ^^ je peux l'avoir en "à partir de 5 ans" ? Pas que j'ai pas compris mais un peu... (un tout petit peu ^^)

[Invité]

Pardon, je précise : dans la littérature romantique, on pouvait voir un personnage mourir d'amour, et on disait qu'il mourait de "consomption" : il s'était consumé/consommé d'amour. En fait, je lis dans le TLFI qu'on peut très bien mourir de consomption au sens propre, à la suite d'un long affaiblissement. Il se trouve que j'adore ce mot... Ce que je voulais dire, c'est que le personnage est consumé par cet amour, et que cela ne se fait pas suffisamment sentir dans le texte, à mon avis.

[Evanescent]

me plaît bien ce mot :-)
C'est vrai que "consumation", ça existe pas... Je m'étais jamais posé la question du nom relatif à l'adjectif "consumé". 'téressant...

(je vais dire une banalité noire, mais quand même, c'est beau la langue - oui, je suis encore assez jeune pour m'ébahir d'admiration devant les mots - avant que vous ne le disiez - quand je pense qu'il y a des gens que ça ne dérange pas de torturer le français à chaque phrase - pauvres gens, savent pas ce qu'ils perdent)
sorry j'ai découvert la beauté des mots y'a trois ans seulement, je ne m'en suis pas encore remise.
Ok, je me sauve
Faites pas gaffe ^^

[mentor]

c'est tout à ton honneur, Eva

[Sahkti]

Eva, j'aime beaucoup le soin que tu apportes à ton écriture, qui est de texte en texte assez élégante.

J'ai un petit bémol à propos de la trop grande douceur qui entoure celui-ci. Cet amour étrange, fort et destructeur quelque part, paraît bien banal et mou en fait, alors qu'il existe une vraie passion dans tout cela, mais elle ne transparaît pas assez à mon goût. Il me manque quelque chose d'important.

[Evanescent]

ok, je vais essayer de revoir dans ce sens.

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