Mes fleurs
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Mes fleurs
MES FLEURS
9 novembre 2008
I
9 novembre 2008
I
J’ai failli tomber par terre en apprenant la nouvelle…
Il faut que je vienne, il faut que je te vois, que je te touche, et vite. Il y a des moments où rien ne peut attendre. Je plante tout, mais c’est nécessaire. A mon retour, bien sûr si je reviens, il y aura des milliers de mail dans ma boîte aux lettres, les gens me regarderont bizarrement et diront « mais t’étais où ? Tu pouvais pas nous planter comme ça ! » Mais j’en ai rien à foutre. Comme une autre fois, il y a déjà longtemps…
Je te retrouverai chez toi … J’ai pris un billet de train… Je pars tout à l’heure.
II
Ces six heures de trajet en train me paraissent réellement une éternité. J’ai passé des coups de téléphone désagréable. Non je ne viendrai pas. Oui je connais les conséquences. Non je ne veux pas vous voir. Non ce n’est pas à cause de vous. Oui je vais bien. Non je ne m’excuse pas. Les paysages défilent à travers mes larmes… Ma tête explose… Je m’endors, finalement, puis me réveille en sursaut. Mes voisins me trouvent étrangement pâle. Les sanglots m’étouffent. La voix du contrôleur retentit dans mes oreilles. On appelle un médecin. Il me donne des calmants. Je me rendors.
III
Ici le massif central… Les arbres sont givrés, le sol est dur… Il me faut des fleurs… Je veux un bouquet énorme, de quoi achever tous les asthmatiques de la terre. Je veux une explosion de couleur à t’en rendre aveugle. Je veux quelque chose de tout à fait déplacé. Je veux qu’elles soient si intenses qu’elles donnent l’impression d’un vacarme épouvantable… Je veux vider mon compte en banque, je veux vendre tout ce que je possède pour t’offrir ces fleurs.
Le fleuriste est inquiet. Je m’en tiens à ce qu’il a de plus voyant et de plus cher.
IV
J’ai enlevé mes épaisseurs de vêtement, je ne porte plus qu’un simple tee shirt. Le vent me glace mais me garde alerte. Je marche inlassablement, il était hors de question que je prenne un taxi. Le bouquet est trop lourd et mon poignet en est douloureux. Parfois je le tiens à bout de bras, parfois dans mes bras. Il fait tellement froid… Le silence m’entoure, je t’atteins enfin.
V
Je reprends un peu mes esprits en arrivant près de toi, je me rhabille et j’éternue. Heureusement il n’y a personne… Il y a déjà beaucoup de bouquets sur ta tombe, j’ai soudain envie de tous les balancer, de les écraser. Mais je me reprends. Il y a des plaques, des petits poèmes mortuaires. Je pose le bouquet dans un coin. Je ne m’assois pas. Je ne fais même pas de prière… Je dois partir… Je dois partir… Je cours à travers le cimetière, à travers le village...
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desaparecer- Nombre de messages : 45
Age : 39
Localisation : Paris
Date d'inscription : 04/12/2007
Re: Mes fleurs
ça me plaît beaucoup cette espèce d'urgence pour un disparu qui a désormais l'éternité devant lui... j'ai trouvé ça très très chouette, bien rendus le(s) coup(s) de folie, l'argent dépensé, le froid qu'on ne sent pas. Le tout avec des phrases succinctes. La fin tombe un peu en quenouille, avec la toute dernière phrase dont je ne suis pas sûre qu'elle soit nécessaire.
Last but not least : la lecture aurait été encore plus agréable avec moins de fautes d'accord :-)
Last but not least : la lecture aurait été encore plus agréable avec moins de fautes d'accord :-)
Invité- Invité
Re: Mes fleurs
Voici un texte qui éveille beaucoup d'échos en moi, des souvenirs forts et douloureux.
J'aime cette urgence qui n'en est une que pour celui qui la vit, l'autre pouvant attendre. Tu décris bien tout cela, par fragments expressifs.
J'aime cette urgence qui n'en est une que pour celui qui la vit, l'autre pouvant attendre. Tu décris bien tout cela, par fragments expressifs.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Mes fleurs
Un décalage intéressant oui mais la volonté de faire de ces quelques lignes un texte à chute m'a déçue.
Je ne remets pas en question le choix de cette course vers quelque chose, ou plutôt quelqu'un, qui n'est déjà plus; non, je dis juste que le texte pouvait très bien tenir sans cet effet de "fin coup de poing".
Je ne remets pas en question le choix de cette course vers quelque chose, ou plutôt quelqu'un, qui n'est déjà plus; non, je dis juste que le texte pouvait très bien tenir sans cet effet de "fin coup de poing".
Re: Mes fleurs
La chute, puisque chute il y a, n'est guère surprenante.
Tu me diras, on la connaît, cette chute-là. Elle nous attend. Pas de surprise...
Mais quand même...
Et puis, j'ai hésité entre l'humour ("je plante tout") et le grave, dans ma lecture, et ça m'a un peu coincé aussi.
Bref, sincères condoléances- si du vécu palpite là-dessous. Mais, la prochaine fois, essaye de nous bleuir la tête.
A la prochaine- et bienvenue au cleube.
Tu me diras, on la connaît, cette chute-là. Elle nous attend. Pas de surprise...
Mais quand même...
Et puis, j'ai hésité entre l'humour ("je plante tout") et le grave, dans ma lecture, et ça m'a un peu coincé aussi.
Bref, sincères condoléances- si du vécu palpite là-dessous. Mais, la prochaine fois, essaye de nous bleuir la tête.
A la prochaine- et bienvenue au cleube.
pierre-henri- Nombre de messages : 699
Age : 65
Localisation : Raiatea
Date d'inscription : 17/02/2008
Re: Mes fleurs
J'ai loupé ce texte. Un gout de trop peu car la progression me convient.
Le parfum du vrai, comme ce bouquet trop lourd, est bien présent.
Le parfum du vrai, comme ce bouquet trop lourd, est bien présent.
Invité- Invité
Re: Mes fleurs
Inspirée par vos commentaires j'avais écrit une autre version (j'espère que ça ne compte pas dans le un texte/semaine.............)
la voici
MES FLEURS
9 novembre 2008 – 14 janvier 2009
I
Je manque de m’écrouler en apprenant la nouvelle. La douleur me submerge, elle est un temps divertie par la voix de Sylvain
-Louise, ça va, tu m’entends ?
Comment a-t-il eu mon numéro ? Devant mes yeux obscurcis par le chagrin passe rapidement un soir d’automne, trop plein de rires, d’alcools doux et de chaleur. Toi mort, mon corps s’affaisse, mes mains tremblent, une chaleur prend mes épaules et s’insinue jusqu’à mon visage. Je crois que je suffoque. C’est au tour de la douleur physique de m’apaiser momentanément. Immédiatement rattrapée par le reflux de la souffrance morale. En face de moi, Sarah me dévisage. Mais il faut que je vienne, il faut que je te vois, que je te touche, ou que je touche la terre près de laquelle tu reposes, il faut que je parte. Quand je reviendrai, si je reviens, il y aura ces centaines de mail, des priorités, des gens mécontents, des irruptions permanentes et urgentes dans mon quotidien. Quelqu’un me dira « tu pouvais pas nous planter comme ça » mais j’en ai rien à foutre, je le crie à mon interlocuteur imaginaire et, d’un revers de main, j’envoie balader la montagne de papier qui s’accumule sur mon bureau avant de tomber assise par terre, les larmes m’étouffent.
Je te retrouverai chez toi … J’ai pris un billet de train… Je pars tout à l’heure.
II
Ces six heures de trajet en train me paraissent une éternité. Je passe quelques coups de téléphone. Non je ne viendrai pas. Oui je connais les conséquences. Non je ne veux pas vous voir. Non ce n’est pas à cause de vous. Oui je vais bien. Non je ne m’excuse pas. Les paysages défilent à travers mes larmes… Ma tête explose… Je m’endors, finalement, puis me réveille en sursaut. Mes voisins me trouvent étrangement pâle. Les sanglots m’étouffent. On appelle un médecin. La voix du contrôleur retentit dans mes oreilles… « Si un médecin se trouve dans le train, nous le prions de bien vouloir se présenter en voiture 6 » Reflux de la douleur physique… Je vomis dans la voiture 6... J’ai l’impression de cracher tout ce que possède mon ventre, mon corps et même mon esprit, j’ai terriblement mal au ventre, je souhaite m’évanouir, je souhaite ne plus penser. Un grand homme presque chauve, avec des habits bizarres bouge devant moi, ses mains glacées me touche, je me sens mieux. Il me donne des calmants. On me transporte sur une couchette, je me rendors instantanément. Une main très douce me caresse les cheveux, se peut-il que, comme dans ces livres pour enfants, ton fantôme revienne pour me consoler ? Se peut-il qu’en ouvrant les yeux je ne trouve aucune présence si ce n’est celle diffuse de la fraîcheur sur mon front ? Mais une vieille dame me regarde avec tristesse et retire sa main quand je me réveille.
III
Ici le massif central… Les arbres sont givrés, le sol est dur et l’atmosphère est blafarde. Le ciel a l’air laiteux. Et soudain je me souviens que tu es mort, qu’il y a eu un cercueil, un enterrement, des prières… J’essaie de me rappeler mes enterrements, mes visites au cimetière… Je cherche comment cela peut bien se passer. Je me souviens de la Toussaint, on mettait dans mes mains des pots de fleurs pour des gens qui étaient morts bien avant ma naissance et je regardais partout autour de moi en saluant ma famille, en faisant rouler des cailloux sous mes chaussures. Les plus jolies tombes étaient toujours celles des récents disparus, fleuries et presque gaies, et le marbre disparaissait sous ces effusions colorées. Je décide qu’il me faut des fleurs… Et je veux un bouquet énorme, de quoi achever tous les asthmatiques du monde, de quoi vider les entrailles de la terre. Je veux une explosion de couleur à t’en rendre aveugle. Je veux quelque chose de tout à fait déplacé. Je veux qu’elles soient si intenses qu’elles donnent l’impression d’un vacarme épouvantable… Je veux des fleurs d’amoureux transi, prêt à commettre des folies. Je veux vider mon compte en banque, je veux vendre tout ce que je possède pour t’offrir ces fleurs.
Le fleuriste est inquiet. Je m’en tiens à ce qu’il a de plus voyant et de plus cher.
IV
J’ai enlevé mes épaisseurs de vêtement, je ne porte plus qu’un simple tee shirt. Le vent me glace mais me garde alerte. Je marche inlassablement, il était hors de question que je prenne un taxi. Le bouquet est trop lourd et mon poignet en est douloureux. Parfois je le tiens à bout de bras, parfois dans mes bras. Il est trop gros, j’ai du mal à voir où je marche, je ne sais pas comment le porter. Je trébuche et le sol verglacé vient vite sous mes doigts crispés. Il fait tellement froid… Mes larmes refroidissent instantanément et laissent des traînées glacées, aussitôt sèches sur mes joues. Si je me rhabille j’ai peur de retomber. J’essaie un instant de courir mais cela me fait mal au cœur. Le silence m’entoure, finalement je vois le cimetière, je me remets à courir et recueille la douleur.
V
Je reprends un peu mes esprits en arrivant près de toi, je me rhabille et j’éternue. Heureusement il n’y a personne… Il y a déjà beaucoup de bouquets sur ta tombe et j’ai envie de tous les balancer. Mais je me reprends. Je pose mes fleurs dans un coin. Je ne m’assois pas. Je cherche une prière « Je vous salue, Marie pleine de grâce ». Le cours de mes pensées obscurcit le contenu de la prière et je ne trouve plus mes mots. Tu n’aurais pas aimé mes fleurs, ni ma prière, ni rien, ni personne. Il y a des plaques, des petits poèmes mortuaires. Mes yeux s’y posent et par un stupide réflexe, je lis leur contenu : « regrets éternels ».
la voici
MES FLEURS
9 novembre 2008 – 14 janvier 2009
I
Je manque de m’écrouler en apprenant la nouvelle. La douleur me submerge, elle est un temps divertie par la voix de Sylvain
-Louise, ça va, tu m’entends ?
Comment a-t-il eu mon numéro ? Devant mes yeux obscurcis par le chagrin passe rapidement un soir d’automne, trop plein de rires, d’alcools doux et de chaleur. Toi mort, mon corps s’affaisse, mes mains tremblent, une chaleur prend mes épaules et s’insinue jusqu’à mon visage. Je crois que je suffoque. C’est au tour de la douleur physique de m’apaiser momentanément. Immédiatement rattrapée par le reflux de la souffrance morale. En face de moi, Sarah me dévisage. Mais il faut que je vienne, il faut que je te vois, que je te touche, ou que je touche la terre près de laquelle tu reposes, il faut que je parte. Quand je reviendrai, si je reviens, il y aura ces centaines de mail, des priorités, des gens mécontents, des irruptions permanentes et urgentes dans mon quotidien. Quelqu’un me dira « tu pouvais pas nous planter comme ça » mais j’en ai rien à foutre, je le crie à mon interlocuteur imaginaire et, d’un revers de main, j’envoie balader la montagne de papier qui s’accumule sur mon bureau avant de tomber assise par terre, les larmes m’étouffent.
Je te retrouverai chez toi … J’ai pris un billet de train… Je pars tout à l’heure.
II
Ces six heures de trajet en train me paraissent une éternité. Je passe quelques coups de téléphone. Non je ne viendrai pas. Oui je connais les conséquences. Non je ne veux pas vous voir. Non ce n’est pas à cause de vous. Oui je vais bien. Non je ne m’excuse pas. Les paysages défilent à travers mes larmes… Ma tête explose… Je m’endors, finalement, puis me réveille en sursaut. Mes voisins me trouvent étrangement pâle. Les sanglots m’étouffent. On appelle un médecin. La voix du contrôleur retentit dans mes oreilles… « Si un médecin se trouve dans le train, nous le prions de bien vouloir se présenter en voiture 6 » Reflux de la douleur physique… Je vomis dans la voiture 6... J’ai l’impression de cracher tout ce que possède mon ventre, mon corps et même mon esprit, j’ai terriblement mal au ventre, je souhaite m’évanouir, je souhaite ne plus penser. Un grand homme presque chauve, avec des habits bizarres bouge devant moi, ses mains glacées me touche, je me sens mieux. Il me donne des calmants. On me transporte sur une couchette, je me rendors instantanément. Une main très douce me caresse les cheveux, se peut-il que, comme dans ces livres pour enfants, ton fantôme revienne pour me consoler ? Se peut-il qu’en ouvrant les yeux je ne trouve aucune présence si ce n’est celle diffuse de la fraîcheur sur mon front ? Mais une vieille dame me regarde avec tristesse et retire sa main quand je me réveille.
III
Ici le massif central… Les arbres sont givrés, le sol est dur et l’atmosphère est blafarde. Le ciel a l’air laiteux. Et soudain je me souviens que tu es mort, qu’il y a eu un cercueil, un enterrement, des prières… J’essaie de me rappeler mes enterrements, mes visites au cimetière… Je cherche comment cela peut bien se passer. Je me souviens de la Toussaint, on mettait dans mes mains des pots de fleurs pour des gens qui étaient morts bien avant ma naissance et je regardais partout autour de moi en saluant ma famille, en faisant rouler des cailloux sous mes chaussures. Les plus jolies tombes étaient toujours celles des récents disparus, fleuries et presque gaies, et le marbre disparaissait sous ces effusions colorées. Je décide qu’il me faut des fleurs… Et je veux un bouquet énorme, de quoi achever tous les asthmatiques du monde, de quoi vider les entrailles de la terre. Je veux une explosion de couleur à t’en rendre aveugle. Je veux quelque chose de tout à fait déplacé. Je veux qu’elles soient si intenses qu’elles donnent l’impression d’un vacarme épouvantable… Je veux des fleurs d’amoureux transi, prêt à commettre des folies. Je veux vider mon compte en banque, je veux vendre tout ce que je possède pour t’offrir ces fleurs.
Le fleuriste est inquiet. Je m’en tiens à ce qu’il a de plus voyant et de plus cher.
IV
J’ai enlevé mes épaisseurs de vêtement, je ne porte plus qu’un simple tee shirt. Le vent me glace mais me garde alerte. Je marche inlassablement, il était hors de question que je prenne un taxi. Le bouquet est trop lourd et mon poignet en est douloureux. Parfois je le tiens à bout de bras, parfois dans mes bras. Il est trop gros, j’ai du mal à voir où je marche, je ne sais pas comment le porter. Je trébuche et le sol verglacé vient vite sous mes doigts crispés. Il fait tellement froid… Mes larmes refroidissent instantanément et laissent des traînées glacées, aussitôt sèches sur mes joues. Si je me rhabille j’ai peur de retomber. J’essaie un instant de courir mais cela me fait mal au cœur. Le silence m’entoure, finalement je vois le cimetière, je me remets à courir et recueille la douleur.
V
Je reprends un peu mes esprits en arrivant près de toi, je me rhabille et j’éternue. Heureusement il n’y a personne… Il y a déjà beaucoup de bouquets sur ta tombe et j’ai envie de tous les balancer. Mais je me reprends. Je pose mes fleurs dans un coin. Je ne m’assois pas. Je cherche une prière « Je vous salue, Marie pleine de grâce ». Le cours de mes pensées obscurcit le contenu de la prière et je ne trouve plus mes mots. Tu n’aurais pas aimé mes fleurs, ni ma prière, ni rien, ni personne. Il y a des plaques, des petits poèmes mortuaires. Mes yeux s’y posent et par un stupide réflexe, je lis leur contenu : « regrets éternels ».
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