Les feuilles d'eau

[Ole Touroque]

Ventenac-sur-Aude, Minervois.

C’est une peau de sang qui pleure du décor qu’elle entoure. Les ponts avec leur grande bille, les façades des murs et leur ombre au soleil, le chemin de terre, tout est plus chaud, plus rouge, plus jaune.
Le canal se repose tout en vivant. Il est un crocodile, il dort les yeux ouverts. Autour de lui les branches se dénudent malgré le froid. La caresse des péniches longue et statique comme une peine fumante.
Le canal est un puissant personnage au travers d’une cuirasse instable, il électrise l’air, fait mourir les poissons, il vide l’éclair et gonfle la mer. Sa balade est triste comme les ruines du château emporté par la vague d’une mère paradoxe, sa balade est un sourd écho au cheminement de l’âne, une pièce de monnaie dans un puits géocentrique. Et il nous invite à se taire, à venir chercher la solitude qui fait souffrir, celle qui heurte et qui bâtit entre les étoiles des fantômes de caravelles flamandes.

[Invité]

De très belles images, des phrases très visuelles... Je ne suis pas "rentrée" immédiatement dans le texte, et regrette du coup qu'il n'ait pas été plus long pour me permettre de m'installer davantage dans le voyage.

[Invité]

J'entre dans ton monde avec un plaisir grandissant au fur et à mesure des textes. Celui-ci me plaît beaucoup avec des images fortes, des associations originales mais qui vont de soi, des inventions que je ne me lasse pas de goûter :

C’est une peau de sang qui pleure du décor qu’elle entoure.
Autour de lui les branches se dénudent malgré le froid.
la solitude qui fait souffrir, celle qui heurte et qui bâtit entre les étoiles des fantômes de caravelles flamandes.

Et puis tant que je'y suis, tout le dernier paragraphe ! Bravo.

[loic]

c'est vrai qu'ici ce canal est puissant, ces chemins d'eau absorbent la poesie

[Sahkti]

J'aime, tout simplement. Les images, la sobriété, la langue qui coule comme un fleuve... ça me plaît beaucoup.

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