U212 / 48°30'40'' N / 23°12'21'' O / Mars 1943

[loic]

UB 212 / 48°30'40'' N / 23°12'21'' O / Mars 1943


Frappé par les embruns dans une baignoire de fer
A travers les lames et sous des pluies d'enclumes
Chassant les Léviathans au loin des destroyers
Il se noie solitaire dans cette mer qui fume

Et au râle des diesels hurlant dans les schnorchels
Tandis que les damnés au ventre de ces torpilles
S'asphyxient doucement dans des vapeurs de fuel
Je revois nos soirées sous les arbres à Dortmund

Que Keroman est loin en ces temps d'équinoxe
Sur cet Océan gris où nos chemins sans croix
Tracés en longues meutes de loups gris aux abois
Nous mènent par le fond en de tristes paradoxes

Les pistons du Daimler cognent dans les cylindres
Et les arbres d'hélices meulent notre destin
Tandis que sous l'étrave les vagues s'épanouissent
Je revois nos soirées sous les arbres à Dortmund

Et ce jeune aspirant qui pleure doucement
Devinant son destin en se tordant les mains
Vers quelles avanies les conduis-je en songeant
A mes deux tout petits et Inge leur maman

Les culbuteurs cliquettent éventrant les soupapes
Les compresseurs fredonnent un dernier requiem
Tandis que les haubans vibrent au chant des rafales
Je revois nos soirées sous les arbres à Dortmund

J'entends les cris d'horreur de ceux qui vont partir
Vers les fonds éternels dans ce cercueil de fer
Déjà les tôles gémissent c'est l'heure du Lüger
……………..

[Flaneuse]

Réalisme mêlé de poésie. Nul besoin de deviner, on sait ce qui s'écrit là, l'histoire se pose ici, entre ces lignes harmonieuses. Et voilà que l'on se laisse couler par le fond.

[Invité]

L'alexandrin te va bien. J'apprécie les détails techniques qui se marient parfaitement aux réminiscences, aux émotions, et rendent la tragédie palpable.

[pierre-henri]

Je t'ai préféré ailleurs.
Le premier vers, déjà, d'un point de vue sonore, ne m'emballe pas. Moins encore le premier de la deuxième strophe (et au: ce et est-il bien utile? On aurait 12, en 6/6, sans lui, non ?), dans la même strophe, le "ventre", me semble-t-il s'élide mal- flanc, peut-être ?

Il y a, aussi, des vers splendides- que je jalouse. Par ex:

Tracés en longues meutes de loups gris aux abois
Mais pas celui qui suit, là aussi, l'élision de trist' me pèse.(trist' pa, c'est dur à dire et à "chanter").

Les compresseurs fredonnent un [tout?] dernier requiem

Bref, j'ai été un peu déçu, tu avais placé la barre plus haut, sur d'autres textes.

[loic]

Ph il faudra vraiment qu'un de ces jours je m'intéresse à tout ce fatras de règles et de métrique, ici j'apprends et je réfléchis, j'essaye de comprendre vos remarques et appréciations, de là à écrire en respectant des structures... je ne sais pas si j'en ai envie

en de tristes paradoxes se passerait bien volontier du "de";un (tout) dernier réquiem c'est dur à dire

dans certaines productions comme celles ci je cherche plutôt l'évocation poétique, dans d'autres ce que je resssens : la rage, l'amour, le plaisir d'écrire

easter et flaneuse je vous remercie sincèrement

merci de votre fidélité, amicalement Loic

[Lucy]

Ouf ! Mon quota de poésie est off pour la semaine. Que du bon, décidément.
Le titre m'a interpellé. Vraiment.
J'ai apprécié ma lecture. Vraiment. ^^

[Roz-gingembre]

Je suis impressionnée par ce texte. La forme classique lui va à merveille et le chantant de l'alexandrin s'oppose avec intelligence à la ferraille et aux moteurs. Il en ressort un texte fort dont la lecture reste agréable.

[Sahkti]

Va savoir pourquoi, ceci me plaît et m'interpelle: Je revois nos soirées sous les arbres à Dortmund

Tu insuffles à ton poème un souffle d'Histoire qui se marie plutôt bien avec la tonalité poétique que tu mets en avant. Froideur et chaleur, élégance et sobriété, tout s'entremêle pour raconter un drame.
Attention, peut-être, à ne pas abuser de termes trop techniques ou "métalliques" dans l'âme, qui risquent à la longue de ternir quelque peu la douceur poétique de l'ensemble. On le sent sur la longueur, il y a des sonorités moins heureuses que d'autres.

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