Coup d'oeil

[Kali Lorca]

Il était midi et la Capitale tournait sur elle-même. Comme toujours les Parisiens étaient pressés, courant après leur retard avec l’espoir incertain de le rattraper.

Les cadres, et autres professions qui se caractérisaient par un costume noir et une cravate étaient soient épuisés par les affaires soient hilares au téléphone à gaspiller ce fameux temps.

Tout autour d’eux, les autres. Ces hommes, ces femmes qui courent pour aller au travail, pour rentrer chez eux nourrir leurs enfants, pour aller voir une personne malade et enfermée dans un espace-temps donné. Toutes ces personnes en concurrence dans la course de la vie. Qui aura le dernier sandwich du marchand du coin ? Bref, ils se poussent et se gênent mutuellement.

Et à côté, ces autres humains : les étranges. Ceux qu’on ne côtoie pas, qu’on critique, dont on a peur. Ceux qui ne font rien de leur journée. Les fainéants, les créateurs. Vous entendriez la mamie du quartier : « et tu fais quoi maintenant ? » « Comment ça tu écris ? » « Mais tu écris quoi ? » « C’est un métier ça ? Un passe temps, un entre deux !» « Créateur de vide, de néant, d’absurdité en tout genre, oui !! » « c’est honteux, scandaleux ! Tu ferais mieux de te secouer un peu ». Nous sommes ces êtres souvent à part. Ces personnes qui demeurent seules pour s’arracher à ce monde qu’elles ne supportent pas. Du vide, du vent, un RIEN absolu. Et pourtant, combien de personnes s’abritent dans les galeries d’art, feuillettent des livres … boivent et vivent au détour des mots ? Combien de personnes passent leurs minutes libres à lire un livre, à le dévorer, à enfin vivre ? Les créateurs de rêve, d’un rêve que seul l’auteur comprend. Même entre nous, nous nous faisons la guerre. La guerre du style, de la personnalité, des mots. Poussons l’autre, tuons le sur le sentier des mots. Nous sommes une nuée sur la ligne de départ et une poignée bien maigre à l’arrivée. Nous sommes du sable. Imaginons une bonne grosse poignée de sable. Les grains, se fraieront un chemin pour tomber insensiblement jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de sable dans la main. Certains resteront collés dans une main humide. Ici, juste là, pour le dire enfin : il faut des millions de grains de sables pour faire une plage. Alors pourquoi cette propension à écarter l’autre ?

Alors moi, jeune indécise, sans personnalité ni style propre j’observe ce peuple qui m’entoure.
Et à son contact, par lui et par ses mots je devine qui je devrais être. Je vois un dessin prendre forme. Mais j’ai mes mots, vous avez vos mots et stop, restons à nos places… J’ai ma colère, mon histoire et MA façon de la coucher sur du papier. Alors Madame, vous pour qui j’avais du respect je me demande : « qui êtes-vous pour parler ainsi ? ». Et je ris, pour une raison idiote. Je ris parce que chaque matin, quand je pars étudier je la vois la tête encapuchonnée. Je suis son corps voûté recouvert d’un manteau matelassé. Je la vois arriver lentement à l’arrêt de bus et attendre comme une petite fille sage. Elle monte, toussote, s’approche des places assises, crachote, bougonne et finit par faire entendre sa voix : « ces places sont réservées aux personnes âgées ». Elle finit par s’asseoir, satisfaite et enfin prête à faire son open tour personnel.

Et moi, au milieu de tout ça j’observe. Je vois le sans abris avoir froid. J’imagine comment sa vie pourrait prendre un tout autre tournant et comment il restera là, forcément. Je tourne et retourne sur moi et je ne vois qu’une course. Je ne vois que des gens absorbés, que des gens qui se meurent en silence. Je ne vois que fierté mal placée, je ne vois qu’hypocrisies et regards noirs sur l’homme qui pue et dérange le riche.
Alors je sors mon carnet gris, d’un mouvement convenu je fais sortir le stylo vert des anneaux et je commence à écrire. Toujours en vert, pour l’espoir et l’amertume. L’espoir d’un demain meilleur et l’amertume d’un monde trop indifférent à l’autre, trop froid, décourageant…

[Invité]

Alors, je vais être directe : les sujets "trip artiste", avec l'humain à part qui observe et qui jauge le troupeau, ont le don de m'exaspérer ; je trouve la démarche extrêmement arrogante. Il m'est donc difficile d'apporter un commentaire constructif, sinon que, pour moi, l'écriture est simple, efficace, mais un peu plate.

[Invité]

C'est vrai que cela présente de l'intérêt surtout pour la personne qui observe et rédige. Pour le lecteur, bof. Ca manque d'action, ça se balade un peu partout (suit la pensée de l'observateur), mais ça n'accroche pas vraiment. Rien à redire sur l'écriture agréable, sans vrai relief, mais fluide.

[Kali Lorca]

Alors, je vais être directe : les sujets "trip artiste", avec l'humain à part qui observe et qui jauge le troupeau, ont le don de m'exaspérer ; je trouve la démarche extrêmement arrogante. Il m'est donc difficile d'apporter un commentaire constructif, sinon que, pour moi, l'écriture est simple, efficace, mais un peu plate.

Je ne suis pas d'accord avec toi ... mais autant de personne que d'avis !

Je ne conçois pas un auteur qui ne se pose pas un instant pour observer les autres. C'est par les autres qu'on apprend à se connaître, à se voir et trouver sa place. L'auteur est par nature dans une quête ... dans un autre univers qu'il cherche à transmettre.
Enfin c'est ma vision des choses et chacun la sienne.

[ptipubi]

Alors, je vais être directe : les sujets "trip artiste", avec l'humain à part qui observe et qui jauge le troupeau, ont le don de m'exaspérer ; je trouve la démarche extrêmement arrogante. Il m'est donc difficile d'apporter un commentaire constructif, sinon que, pour moi, l'écriture est simple, efficace, mais un peu plate.

Je ne suis pas d'accord avec toi ... mais autant de personne que d'avis !

Je ne conçois pas un auteur qui ne se pose pas un instant pour observer les autres. C'est par les autres qu'on apprend à se connaître, à se voir et trouver sa place. L'auteur est par nature dans une quête ... dans un autre univers qu'il cherche à transmettre.
Enfin c'est ma vision des choses et chacun la sienne.

Un texte un peu plat, sans doute, pourtant j'aime sa vision tranchée voire manichéenne. Il navigue entre sociologie et fiction,et du coup, il me semble manquer d'objectivité : c'est sans doute les limites de ce genre de texte.
On a trop dit que la nouvelle génération était peu réactive face à ce qui les entoure, que quand elle s'exprime avec un soupçon de révolte, j'aime l'écouter. C'est l'une des fonctions de l'écriture : est-ce de la littérature? On s'en fout.
Merci pour ce texte et comme le disait Roger Couderc: " allez les petits!"

[Kali Lorca]

Un texte un peu plat, sans doute, pourtant j'aime sa vision tranchée voire manichéenne. Il navigue entre sociologie et fiction,et du coup, il me semble manquer d'objectivité : c'est sans doute les limites de ce genre de texte.
On a trop dit que la nouvelle génération était peu réactive face à ce qui les entoure, que quand elle s'exprime avec un soupçon de révolte, j'aime l'écouter. C'est l'une des fonctions de l'écriture : est-ce de la littérature? On s'en fout.
Merci pour ce texte et comme le disait Roger Couderc: " allez les petits!"

Merci pour votre commentaire !

J'ai conscience que ce genre de rapport au monde n'est pas forcément agréable à lire. C'est une démarche très personnelle, dans le fond, puisqu'on perçoit tous le monde de manière différente de toute façon. Ici, ce que je voulais faire ressortir c'est les différents rapports (personne / monde, temps).
Je n'arrive toujours pas à comprendre en quoi c'est une démarche arrogante que de regarder les autres (dont parle socque). Dans mon texte je n'ai pourtant pas l'impression de "jauger le troupeau"

[Invité]

Je n'ai pas été précise : ce n'est pas regarder les autres (ni même, en fait, les jauger ou les juger) que je trouve arrogant, c'est d'écrire un texte où on se met en scène regardant et jaugeant les autres. Cela ne préjuge pas de la manière dont vous considérez les gens : je parle ici de l'impression que me donne ce genre de texte.

Pour préciser, déjà, le "classement" des êtres humains en trois catégories : "Les cadres, et autres professions qui se caractérisaient par un costume noir et une cravate", "les autres. Ces hommes, ces femmes qui courent" à leurs diverses activités, enfin "les étranges. (...) Les fainéants, les créateurs" me paraît bien lapidaire. Tout de suite on comprend (je comprends) que ces "étranges", socialement décriés, sont en fait le sel de la terre et que la narratrice se place d'emblée parmi eux.

La suite nous apprend qu'en effet "Nous sommes ces êtres souvent à part. Ces personnes qui demeurent seules pour s’arracher à ce monde qu’elles ne supportent pas." C'est le thème du "créateur maudit" que je vois ici, thème éminemment romantique, que je trouve lui aussi empreint d'arrogance, comme si la narratrice me disait : "Je suis à part, seule sur mon éminence, considérant le monde de mon point de vue élevé où l'air est plus rare et plus précieux..." (Je caricature, hein, c'est pour préciser l'impression que me donnent ces lignes.)

Le thème est ensuite décliné avec des variations : "Les créateurs de rêve", "Nous sommes une nuée sur la ligne de départ et une poignée bien maigre à l’arrivée."

Puis la narratrice entre en scène, elle illustre le thème : "j’observe ce peuple qui m’entoure." Le peuple l'entoure, ce qui indique qu'elle n'en fait pas partie, elle est "à son contact" : elle fait partie des fameux créateurs. Plus loin : "Et moi, au milieu de tout ça j’observe." Elle est là pour porter témoignage, elle voit "le sans abris avoir froid", "imagine comment sa vie pourrait prendre un tout autre tournant", voit "une course", "des gens absorbés"... Bref, elle est au spectacle, observe, jauge ceux qui jugent et méprisent le sans-abri.

C'est là que je perçois de l'arrogance, dans cette manière d'être hors de la société, de l'observer et de se penser en quelque sorte au-dessus de sa dynamique, dans la posture de l'aigle planant dans les cieux.

Pour terminer, je précise qu'il s'agit de mon ressenti. J'ai essayé de dire ce qui l'avait provoqué, mais il est bien évident que j'ai pu me méprendre quant à vos intentions. Sachez simplement que ce texte, en particulier, a entraîné ces réactions chez moi.

[Kali Lorca]

C'est là que je perçois de l'arrogance, dans cette manière d'être hors de la société, de l'observer et de se penser en quelque sorte au-dessus de sa dynamique, dans la posture de l'aigle planant dans les cieux.

En réalité ce n'était peut être pas assez explicite. Mais ce n'est pas du tout de l'arrogance, c'est du désespoir. Le personnage dépérit. Il ne se retrouve pas dans cette société et tente, en regardant, de trouver sa place.
Il n'est absolument pas comme un aigle planant au dessus de sa proie future. Il cherche un moyen de vivre, d'avancer ... et surtout de s'accrocher à cette société qui le repousse.

C'était dans ce sens là, c'est pour ça que je ne comprenais pas en quoi il y a avait de l'arrogance.
Merci beaucoup, de vous être exprimée, je comprends mieux votre opinion.

[Loreena Ruin]

autant de personne que d'avis !

Moi, c'est ça le seul truc qui me révolte! Non, désolée, ne pas défendre un avis que l'on pense juste, c'est laisser l'autre dans l'ignorance (et donc ne pas le considérer comme apte à discuter ou à défendre sa position, ou encore cela peut vouloir dire que l'on méprise son avis, ce qui est un manque de respect tout particulier). Et ça pour moi, c'est criminel. Rien de pire que la tolérance par certains côtés (ce qui ne veut pas dire qu'il faille toujours imposer son avis, l'autre peu nous en apprendre aussi, mais pour ça, il faut rentrer dans le dialogue!).

Sinon, sans vraiment aimer le texte (et le sujet), pour les raisons susdites, j'ai adoré la première phrase, vraiment bien tournée:

Comme toujours les Parisiens étaient pressés, courant après leur retard avec l’espoir incertain de le rattraper.

Amicalement,
Ruin.

[Kali Lorca]

Je pourrais défendre mon avis autant de temps que tu veux, et même me laisser convaincre

[Sahkti]

C'est comme si le narrateur avait oublié qu'il s'adresse à un lecteur qui sait ce qu'est un jeune cadre dynamique affamé, un SDF qui crève de froid, un glandeur patenté ou une ville puante grouillant de gens pressés. Il y a donc un tas d'explications inutiles et de longueurs, puisque le lecteur sait et qu'il lui est quasiment impossible de jouer à celui qui ne saurait pas, on parle d'un quotidien connu par plein de gens ici, celui d'une ville.

Il y a également un sentiment d'inachevé par rapport à ce même narrateur. Il se place en extérieur mais pas suffisamment, ça n'est pas l'extraterrestre qui débarque sur la planète terre ou un indien d'Amazonie qu'on emmène au sommet de la Tour Eiffel. Pourtant, il raconte tout cela comme si c'était quelque chose de jamais vu, d'étrange et exceptionnel. A nouveau, ça ne fonctionne pas en ce qui me concerne.

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