De Parisien à Parisien

[choobe]

Rue du Caire dans le deuxième arrondissement de Paris, au rez-de-chaussée d'un immeuble, un dentiste exerçait, dans son cabinet, sa profession de bourreau d'enfants et d'adultes, en châtiant à coups de roulette les gourmands et en couronnant les vainqueurs du laxisme de l'hygiène buccal. Comme ces derniers ne manquent pas à Paris comme partout ailleurs, uns salle d'attente acceuilliait les martyrs suivants, où ils pouvaient s'installer sur des fauteuils second empire contrefaits
en se laissant cajoler par un orchestre philharmonique qui inondait la salle piane-piane. Au fond de la pièce, sur le fauteuil à côté de la fenêtre un homme d'une quarantaine d'année patientait, la jambe droite passée par-dessus la gauche à la manière d'une femme, son long coat
expertement plié et posé sur l'acoudoire, la cravate légèrement desserrée, sa chemise italienne impeccablement repassée, le cuir de ses chaussures ciré aux limites de l'excès, un homme d'une quarantaine d'année, d'une élégance et d'un chic qui vont si bien aux hommes d'une quarantaine d'années. C'était un habitué, il ne redoutait pas son tour sur la chaise capitonnée, surtout qu'il était venu que pour un simple détartrage, la routine. Décontracté, il arrachait machinalement les poils drus qui lui poussait sur ses oreilles en se demandant quelle pièce de théâtre il irait voir ce soir. Un peu plus tard, un autre homme d'une quarantaine d'années, élégant et chic car ça lui va si bien à son age,
entra dans la salle et s'assit en face de son congénère. Lui aussi était un habitué des détartrages et des contrôles mensuels, or son ancien dentiste s'est retrouvé depuis peu derrière les barreaux pour avoir escroqué la sécurité sociale. Mais ce cabinet a bonne allure et une bonne réputation, et à en juger par le monsieur chic et élégant en face de lui, la clientèle est soignée. Lorsqu'ils se sont retrouvé à deux dans la salle, le premier arrivé mit un terme à son épilation lobaire et afficha le sourire affable et chaleureux que les hommes de son age savent si bien faire. Après les trivialités cordials sur l'éternel manque d'anticyclones, ils poursuivirent leur discussion pour ne pas à devoir subir la présence silencieuse de l'un l'autre avec la truite de Shubert en fond, et dévoilèrent petit à petit leurs vies intimes et leurs personnalités jusqu'ici masquées par la pudeur de la courtoisie.

-Vous êtes fidèle à ce dentiste depuis longtemps?
-Oui depuis que j'habite le quartier, ça doit déjà faire une bonne quinzaine d'années. Les premiers mois toutefois j'en fréquentais un autre dans une rue perpendiculaire à celle-ci mais quand j'ai remarqué qu'il avait obtenu son diplôme, accroché à la vue de tous, dans une école hors de Paris je l'ai vite boycotté.
-Vous avez bien fait, les meilleurs chirurgiens sont formés ici pour sûr.
-J'en conviens, j'ai confiance en lui et je lui confie toute ma famille.
-Vous êtes marié?
-Depuis douze ans déjà, avec trois enfants en bas ages. Et vous, vous avez des enfants?
-Hélas ma femme est gymnophobe, je ne pourai jamais avoir cete joie. Vos enfants sont-ils adolescents?
-Et bien non, comme je vous l'ai dit, ils sont en bas age, ils ont entre deux et sept ans.
-Ha pardon, excusez-moi, en fait je viens juste de comprendre la signification de bas age. Voyez-vous je pensais que bazage était un mot en lui-même, qui voulait dire avoir à charge être responsable de, ou quelque chose comme ça. Je suis si distrait.
-C'est une erreur tout à fait comprenable, certaines liaisons prêtent à confusion. Et si je puis me permettre, heureusement que l'on ne dit pas:
" J'ai des enfants en haut ages" cela serait d'une cocasserie.
-Heureusement en effet, sinon je me serai attiré des ennuis en appelant le GIGN pour rien. Une mésaventure similaire m'était arrivé pour ces mêmes raisons de liaisons. Ma femme est agoraphobe donc je m'occupe des achats alimentaires de notre ménage.
Elle est aussi très friande de confiture et un jour elle m'a demandé de lui acheter un pot de confiture d'airelles. Or une airelle est rarement seule, n'est-ce-pas, une airelle est souvent avec d'autres airelles, ce qui nous donne des zairelles, des zairelles au sucre, une tartelette aux zairelles... voyez-vous? Je n'avais jamais entendu des zairelles autrement qu'au pluriel de toute ma vie. Donc pour en venir au fait, j'ai demandé au commis de l'épicier, un jeune berbère, s'ils avaient de la confiture de zairelles. Et cet insolent m'a ri au nez en me répétant ma faute de français. Moi je n'y croyais pas a cette histoire d'airelle au singulier et je me suis fâché, mais il m'a apporté un pot de confiture où il était écrit noir sur blanc: confiture d'airelles. Que j'ai eu honte ce jour-là.
- Et bien vous auriez mieux fait d'acheter de la confiture de myrtilles.
-Très juste, mais je suis habitué à les appeler des zairelles, question de culture j'imagine.
-Il parait que la culture c'est comme la confiture, moins on en a plus on l'étale.
-Je ne saurai vous le confirmer, j'étale uniquement du Nutella.
-Vous saviez que si nous étions sur un plateau de télévision vous auriez été coupé au montage pour avoir prononcé ce mot?
-Quel mot?
-Pâte à tartiner.
-Non je ne le savais pas, quelle horreur.
-Voyez-vous, mon aîné a l'ambition de devenir animateur télé. Moi je souhaite que le bonheur de mes enfants, mais je suis convaincu que l'on obtient rien sans rien, alors je lui inculque les règles de la télévision dès son plus jeune age, en m'évertuant de lui montrer le bon exemple. Lorsque le nom d'une marque lui échappe c'est considéré comme un gros mot et je l'envoie au coin.
-Vous avez raison, c'est à cet age qu'ils sont le plus malléable. Et sur quel chaîne désire-t-il exercer son futur métier?
-Sur TF1, il voudrait remplacer Dechavanne pour présenter la roue de la fortune avec Victoria Silvstedt, vous connaissez?
- Je connais mais je ne regarde pas, Dechavanne est trop cul-cul-qué-quètte à mon goût.
- Ha mais vous savez, pour faire de l'audimat, il faut se mettre au niveau des gens qui regarde la télé. La classe moyenne je veux dire, ceux qui mangent du saucisson accompagné d'une bouteille de vin rouge à cinquante centimes. C'est une autre base de la télé: faire rire. C'est pour ça que j'amène Louis, mon aîné, faire la tournée des bars après l'école, on s'assied au comptoir et nous écoutons les divers blagues
des ouvriers du bâtiment et des cheminots présents. Deux heures d'immersion totale dans le prolétariat. C'est un exercice très éprouvant mais nécessaire pour la carrière de mon enfant.
-J'imagine le calvaire.
-Vous ne savez pas si bien dire. Tenez, un aperçu de leur humour:
où est-ce-que les femmes sont-elles le plus frisées?
-En Afrique je suppose.
-Vous la connaissiez?
-Du tout, mais la réponse me semble toute indiquée.
-En effet oui, mais cette réponse, logique pour vous et moi, n'est pas celle qui vient en première à l'esprit d'un carreleur ou d'un électricien. Et ils trouvent cela très amusant.
- Je vois où vous voulez en venir, c'est d'une grossièreté.
-Oui, mais hélas neuf dixièmes de la France est peuplée par ce genre d'individus, des provinciaux, car tous les provinciaux sont des cheminots ou des ouvriers du bâtiment .
-Il me semble qu'il y a aussi des postiers dans le nord.
-C'est possible, mais ils ne valent pas mieux que les autres. Tout ce à quoi ils servent c'est à faire de l'audimat et à envoyer des sms pour leurs chanteurs préférés. Tous des bouzeux et des immigrés, descendants de bouzeux et d'immigrés qui engendrent que des bouzeux et des immigrés.
-Et encore vous pesez vos mots.
-Enfin bref, le monde est ainsi et il faut divertir le peuple. Du pain et des jeux comme dirait l'autre. En tout cas vous m'êtes fort sympathique, je ne crois pas que nous ayons fait connaissance. Antoine Levarech pour vous servir.
-Michel Tortellini enchanté...

[Lucy]

Il y a des petites choses qui me gênent dans ce texte.

Par exemple, j'aurais apprécié de trouver un narrateur extérieur à cette scène. Je veux dire, par là, que ces deux types sont proprement imbuvables et que les propos qu'ils tiennent sont assez déplaisants ( pour ne dire que cela ). Je vois où tu veux en venir mais avec une narration extérieure à ce dialogue, qui créerait un certain recul avec le reste, cela passerait bien mieux.

Pour le coup, je suis juste agacée. Désolée !

[Invité]

Je pense que tu as voulu faire une satire de l'esprit de clocher parisien, mais ça n'est hélas pas crédible : le dialogue d'une part, et puis les circonstances (d'ailleurs pourquoi chez le dentiste ? Coincés dans un ascenseur m'aurait paru plus approprié aux confidences; d''ailleurs, et encore à propos du dentiste, personne ne va se faire faire un contrôle dentaire tous les mois !). La fin est abrupte, peut-être prélude t-elle à une suite ?
En fait, tout va trop vite dans ce texte. il faudrait prendre le temps de mettre les personnages et le contexte en place, affiner les dialogues. Ou alors faire court, carrément caricatural.

Sur le plan de l'expression, "comprenable" n'existe pas => compréhensible

[Loupbleu]

Le texte ne fonctionne pas.

Je m'avance peut-être, mais il me semble que tu pars de faits imaginés plutôt que de faits observés. Le "parisianisme", c'est me semble t-il tout sauf ça.

Par exemple : un Parisien ne va pas regarder d'où vient le diplôme de son dentiste, mais il préfère en cas d'urgence rentrer de vacances se faire soigner à Paris parce qu'il pense qu'en province, il n'y a que des apprentis charcutiers. Disons que tu tapes à côté parce que le parisianisme, dans tout ce qu'il a de plus énervant c'est pas ça.

Le début, sur les hommes élégants de 40 ans (mince, va falloir que je m'achète un costard, moi); est meilleur, parce que plus crédible et me semble t-il mieux vu.

En second lieu, sur un point plus "technique" tu fais dialoguer des "clones", et ça donne forcément peu de dynamique (pas de divergence d'intêret, d'opinion, etc.). Le texte ressemble à un sketch (sans en être tout à fait un) dont l'introduction est une longue didascalie. Cela à mon sens ne t'emmène pas vers une bonne voie.
Je crois qu'il faut que tu repenses une structure.

Enfin je crois – pour autant que tu veuilles les faire caricaturaux – qu'il faut repenser tes dialogues, que tu as écrit parfois plus comme de la narration.

J'ai lu de toi des textes que j'ai nettement préféré (c'était très bon), il me semble que celui-ci demande à être repensé.
Bonne continuation !

[Invité]

J'ai assez rapidement décroché du texte, et je crois que ce qui me l'a aliéné, c'est ce bout de phrase : "il arrachait machinalement les poils drus qui lui poussait sur ses oreilles", qui m'a paru totalement incongru dans un ensemble qui se voulait, je crois, réaliste.
Explication : j'essaye régulièrement de m'arracher un poil qui pousse sur un grain de laideur facial, et c'est presque impossible à cause de la texture du poil : il est trop fin ; je ne peux pas imaginer que des poils de lobes d'oreille (puisqu'on parle d'"épilation lobaire"), même "drus", offrent assez de prise pour se faire arracher sans pince à épiler !

[mentor]

je ne peux pas imaginer que des poils de lobes d'oreille (puisqu'on parle d'"épilation lobaire"), même "drus", offrent assez de prise pour se faire arracher sans pince à épiler !

j'ai pas lu ce texte, mais juste votre remarque, socque, et je confirme : c'est tout à fait possible, je viens de me le refaire, là, à l'instant ;-)

c'est Modestine qui m'a expliqué comment faire sans avoir mal :-))

[Invité]

Alors les poils de lobes d'oreilles sont particulièrement épais ? On en apprend tous les jours... Merci mentor, et bonne année 2009 !

[mentor]

Alors les poils de lobes d'oreilles sont particulièrement épais ? On en apprend tous les jours... Merci mentor, et bonne année 2009 !

pas particulièrement, je n'ai pas l'impression, en tout cas on peut le faire à condition d'avoir des ongles, sinon ben ça glisse ;-)

ça devient clinique ici...

Bonne année également ! ;-)

[Sahkti]

je ne peux pas imaginer que des poils de lobes d'oreille (puisqu'on parle d'"épilation lobaire"), même "drus", offrent assez de prise pour se faire arracher sans pince à épiler !

j'ai pas lu ce texte, mais juste votre remarque, socque, et je confirme : c'est tout à fait possible, je viens de me le refaire, là, à l'instant ;-)

c'est Modestine qui m'a expliqué comment faire sans avoir mal :-))

Alors les poils de lobes d'oreilles sont particulièrement épais ? On en apprend tous les jours... Merci mentor, et bonne année 2009 !

Et bien... ce test a été effectué ce week-end sur mon homme et ça marche, oui :-)

[Sahkti]

Attention aux fautes d'ortho, Choobe !

J'ai eu beaucoup de mal avec ce texte pour diverses raisons. Le propos me paraît par moments bien trop caricatural, trop pour être réellement pertinent ou amusant. De plus, les dialogues sonnent faux, ça ne tient pas la route à mes yeux. Chacun est d'accord avec l'autre, pas de réelle contradiction qui permettrait de développer de bons arguments et de convaincre le lecteur qui assiste, impuissant, à une diatribe somme toute peu intéressante.

A revoir peut-être? J'ai lu d'autres textes de toi plus grinçants et subtils.

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