Gamineries
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Gamineries
Jardin des Pionniers, 1902[/b]
Un homme donne des coups de pied aux pigeons. En tue deux.
En garde un pour le souper.
Une petite fille aux nattes grasses porte un ballon rouge au bout d'un fil invisible.
Au cliquetis des fourchettes, elle répond par des pas ciselés et dansants.
Un chien androgyne.
Un volatile soprano.
Des pulls en laine suivent une robe à fleurs,
Regards féroces de méduses, la mèche laquée, les ongles brillants.
L'accouplement sera rude.
En 1903, s'agitera un bambin à cagoule avec des bottes roses.
Un gardien siffle les caravelles flamandes parties à la conquête de la rive gauche du
[bassin;
Les accordéons malades.
[b]Jardin des Pionniers, 2038
Ioméla Tavernier, « Journal intime »:
« 28 Mai,
Aujourd'hui je suis allé au Jardin des Pionniers rencontrer Tomate même si je sais très bien que c'est impossible:
a) Il ne me connaît pas
b) Il est mort avant hier
Il a fait chaud, très chaud. Comme à leur habitude, les chiens se sont rejoint autour du monument au mort pour déposer leur CV chimique. A part eux, personne.
Sauf moi.
Sur le chemin du retour, une étoile morte se prenait pour je-ne-sais-pas-qui en essayant de ressusciter.
Je reviendrai demain.
30 Mai,
Je suis retournée au Jardin des Pionniers. J'ai vu l'ombre de Tomate. C'était lui, j'en suis sûre. Entouré de caresses, il nageait sur un courant d'air.
Je suis restée jusqu'à la nuit. Jusqu'à la pluie. Je reviendrai demain.
31 Mai,
Je suis malade, je n'ai rien fait de la journée.
2 Juin,
Comme je suis rétablie, je suis retourné m'asseoir sur le banc du Jardin des Pionniers.
Le seul banc qui reste après le bombardement d'Avril 2022. Sacrés Canadiens.
L'été meurt et je n'ai pas encore vu Tomate. Sa légende est en marche. Des parcs et des écoles portent son nom. Des T-shirts le montrent sur les torses enfantins. Je n'aime pas ces T-shirts, ils sont bleus et sans couleur. Leur odeur est une mort en soi.
Tant pis pour Tomate. Je reviendrai demain.
3 Juin,
Je ne sais pas comment je fais pour écrire. J'ai rencontré Tomate aujourd'hui.
Il m'a demandé de le suivre et m'a poignardé de sueur.
Je vois tout blanc. Les cendriers sentent le thym. Mes cigarettes sont des branches d'acacia séchées.
Je revois Tomate ce soir, il m'a assuré qu'on se verrait souvent maintenant.
Je le crois.
Le banc du Jardin des Pionniers n'existe plus, un quadrupède fauve l'a détruit en s'endormant. Un nouveau devrait le remplacer, encore plus rond, encore plus étroit.
Je reviendrai demain. »
Un homme donne des coups de pied aux pigeons. En tue deux.
En garde un pour le souper.
Une petite fille aux nattes grasses porte un ballon rouge au bout d'un fil invisible.
Au cliquetis des fourchettes, elle répond par des pas ciselés et dansants.
Un chien androgyne.
Un volatile soprano.
Des pulls en laine suivent une robe à fleurs,
Regards féroces de méduses, la mèche laquée, les ongles brillants.
L'accouplement sera rude.
En 1903, s'agitera un bambin à cagoule avec des bottes roses.
Un gardien siffle les caravelles flamandes parties à la conquête de la rive gauche du
[bassin;
Les accordéons malades.
[b]Jardin des Pionniers, 2038
Ioméla Tavernier, « Journal intime »:
« 28 Mai,
Aujourd'hui je suis allé au Jardin des Pionniers rencontrer Tomate même si je sais très bien que c'est impossible:
a) Il ne me connaît pas
b) Il est mort avant hier
Il a fait chaud, très chaud. Comme à leur habitude, les chiens se sont rejoint autour du monument au mort pour déposer leur CV chimique. A part eux, personne.
Sauf moi.
Sur le chemin du retour, une étoile morte se prenait pour je-ne-sais-pas-qui en essayant de ressusciter.
Je reviendrai demain.
30 Mai,
Je suis retournée au Jardin des Pionniers. J'ai vu l'ombre de Tomate. C'était lui, j'en suis sûre. Entouré de caresses, il nageait sur un courant d'air.
Je suis restée jusqu'à la nuit. Jusqu'à la pluie. Je reviendrai demain.
31 Mai,
Je suis malade, je n'ai rien fait de la journée.
2 Juin,
Comme je suis rétablie, je suis retourné m'asseoir sur le banc du Jardin des Pionniers.
Le seul banc qui reste après le bombardement d'Avril 2022. Sacrés Canadiens.
L'été meurt et je n'ai pas encore vu Tomate. Sa légende est en marche. Des parcs et des écoles portent son nom. Des T-shirts le montrent sur les torses enfantins. Je n'aime pas ces T-shirts, ils sont bleus et sans couleur. Leur odeur est une mort en soi.
Tant pis pour Tomate. Je reviendrai demain.
3 Juin,
Je ne sais pas comment je fais pour écrire. J'ai rencontré Tomate aujourd'hui.
Il m'a demandé de le suivre et m'a poignardé de sueur.
Je vois tout blanc. Les cendriers sentent le thym. Mes cigarettes sont des branches d'acacia séchées.
Je revois Tomate ce soir, il m'a assuré qu'on se verrait souvent maintenant.
Je le crois.
Le banc du Jardin des Pionniers n'existe plus, un quadrupède fauve l'a détruit en s'endormant. Un nouveau devrait le remplacer, encore plus rond, encore plus étroit.
Je reviendrai demain. »
Re: Gamineries
Très beau, prenant ! J'aime cette mise en perspective sur deux siècles, ces esquisses révélatrices, cette tragédie par petites touches... Chapeau.
Invité- Invité
Re: Gamineries
Un peu à l'image d'un film qui se construirait par touches, tu donnes ici des fragments, éléments constitutifs d'une fresque évolutive. J'apprécie le procédé et le contraste (pas toujours si contrasté, justement) entre aujourd'hui et demain, entre hier et maintenant.
Personnellement, je trouve les images de 1902 très parlantes par leur côté terre-à-terre.
Personnellement, je trouve les images de 1902 très parlantes par leur côté terre-à-terre.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
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