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L'empreinte du bois flotté (4)

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Message  ptipubi Mar 13 Jan 2009 - 11:48

Quel adjectif peut-il mettre à toutes ces pensées ; improbables, irréelles, virtuelles, prémonitoires, pathologiques ? Il n’en sait rien, mais il ressent une soudaine lassitude à cause du mouvement trop rapide de ses jambes sur le trottoir. Un banc public l’accueille un moment. Il repense à Dona, à sa femme Virginie et un peu à ses enfants. En même temps que sa propre vie, ces maudits tiraillements du cœur lui ont servi de guides mais aussi de contraintes dans son avancée dans le temps. Il se compare souvent à ces poètes et ces écrivains, que certains disaient sans monde intérieur, qui s’imposaient des contraintes pour mettre sur page des mots à la cohérence aléatoire forgeant un monde nouveau trouvé a posteriori . Un monde que l’auteur ne maîtrise pas mais que chacun peut reconstruire selon sa propre lecture. Aujourd’hui, c’est un mécanisme bateau que tout bébé poète adopte, où est le mal ?
Mais c’est un peu laisser le destin et les autres décider de sa propre dérive, ne pas se débattre pour ne pas se fatiguer pour que le courant vous entraîne sur une plage un peu plus loin pour s’échouer et n’être plus qu’une empreinte dans la mémoire des autres. Ca le fatigue. Il ne veut pas être une empreinte mais une douleur dans le crâne des siens, une présence sur un rocking-chair ; une tumeur bénigne s’arc-boutant dans le corps des autres. Il veut bien vieillir mais ne pas être vieux.
Tous ces immeubles créent des ombres et sur leur peau, de part et d’autre du boulevard, Rongiès scrute les varices qui continuent leur ascension sinueuse vers des réceptacles totalement poreux avec des envies de se regarder et de regarder, de se chauffer, parfois de communiquer, regarder sans écoute. Pustulées de balconnières, ces façades ressemblent aux jambes trop sollicitées d’un athlète en fin de carrière qui succombe à la chimie ; pour ne pas se décevoir mais aussi pour ne pas décevoir le trou du cul lambda qui attend autre chose que l’ordinaire de la rue. Dans cette cité spectacle, ces varices attestent, à la fois des efforts consentis et imposés durant un temps et aussi de ses limites dans un mouvement déshumanisé. Ca pendouille, ça n’attire plus l’œil de personne, même des esthètes.
Quelquefois, il feint d’être un vieux, un vrai, un seignor pur souche ; de ceux qui haïssent tout, regrettent tout, n’aiment rien, ne transmettent rien, le cheveu blanc dont la mèche rebelle rebute ceux qui voudrait y trouver du réconfort ou du moins un semblant d’accoudoir ou de repose-tête. Mais, vraiment, il ne parvient pas à endosser ce rôle, et, quand il a fini son numéro l’ensemble de son corps sourit et rayonne en pensant à une pensée qu’il a notée, il y a de cela quelques années : fripés, vieux cons et jeunes trous du cul, sans jamais regarder derrière eux, se toisent et reniflent leur trace laissée à l’humanité ; un petit fumet de pourriture.
Ses narines sont attaquées par des odeurs rances de viennoiseries à l’aspect factice et peu avenant. Des kyrielles de viennoiseries de dînette que l’on mange avec des gros bruits de bouche sous les yeux d’une petite-fille apeurée qui redoute que tout soit mangé. Quel plaisir de la consoler, ses cheveux raides et fins étalés sur la joue , après une razzia sur l’étal théâtral d’oranges, courgettes, tomates, choux, poivrons, bananes, frites, hamburgers et autres couleurs criardes. Du plastique à en vomir.
C’est là ! Il passe la porte d’entrée et commence à gravir les marches de l’immeuble, vite.
Comme il a la clé, Il ne sonne pas.


Chapitre 2
Comme l’ours va l’amble.

Il referme la porte derrière lui tranquillement, pourtant, tout en lui est en ébullition. Il avance dans le couloir après avoir suspendu sa veste au porte manteau de l’entrée et essaie, comme à chaque fois, de trouver une pointe d’humour dans les deux reprographies de Dali qui agrémentent deux murs trop proches. Mais c’est en vain parce qu’il n’y retrouve pas le pittoresque des dessins érotiques qui l’avaient fasciné, des années auparavant, à Figueiras. Hormis le mécanisme de la pendule, l’appartement ne dissimule aucun bruit. C’est le bruit de ses pas associé à celui du sachet de croissants crispé dans sa main que Dona perçoit dans son demi-sommeil. Une visite comme toujours impromptue et imprévue qui la gêne mais ne la surprend jamais.
Elle humecte sa bouche pâteuse pour atténuer l’agglomérat d’une nuit de sommeil à respirer la bouche ouverte. Il va falloir l’embrasser puis veiller à garder une distance raisonnable entre son haleine et les orifices nasales de son amant pour ne pas ternir les délicates senteurs d’aquarelle que Paul a brumisées en venant, ce matin, avec des viennoiseries et son air perdu. Posé dans l’embrasure de la porte, une main sur le chambranle, si bien que Dona le devine plus qu’elle ne le voit, Paul reste là, à observer mollement sa maîtresse, si bien qu’elle finit par se hisser sur les coudes pour capter son regard et découvre dans son autre main le sachet blanc et froissé de ces putains de croissants. Elle l’observe et se dit qu’il est encore venu la culotte à la main.
Il a envie d’elle, elle le sent. Mais ce qu’elle veut c’est se brosser les dents ensuite on verra. Avec l’âge, elle a appris à ne plus badiner avec sa bouche surtout quand on redoute, comme elle, que l’odeur de vieux n’y perdure à jamais. Pensant que la gelée amère de la sénilité peut couler le long de la luette et instiller son jus au plus profond de la gorge jusqu’à y gésir de manière naturelle, elle brique scrupuleusement l’intérieur de sa bouche, un goût d’huile de lin permanent à l’arrière de la langue. Impavide.
Il a ouvert les volets et la lumière latérale a adouci son visage, le rendant enfantin. Elle n’est pas dupe mais elle aime tous ces moments où on rajeunit seul avant de faire l’amour ; loin d’y penser continuellement, Dona se force à ne pas oublier ce plaisir fugace. Quand elle jouit ce n’est que le prélude d’une vieillesse arrivant par à coups, des pattes d’oies creusées et un sentiment de vide privé d’explications. Qu’il reste ainsi. Pendant ce temps-là, elle va assainir son corps par un brossage de dents et une mélodieuse giclée d’urine sur la faïence blanche. Dans la salle d’eau adjacente à la chambre, elle commence par se poser sur la lunette des toilettes en se brossant les dents, elle se rince la bouche, puis enlève le surplus de dentifrice de la commissure de ses lèvres par un coup rapide de serviette et finalement – un geste qu’elle trouve pénible et pavlovien – elle s’essuie en se passant un petit morceau de papier hygiénique entre les cuisses de la vulve vers l’anus, toujours. Il s’affaire dans la cuisine, pense-t-elle la croupe basse et la tête redressée.

En rentrant dans la chambre, le pull violet de Paul jure avec l’accord pastel de leur lieu de coucheries. Il en faudrait moins que cela à certaines pour mettre à mal leur libido, Dona, elle, accepte ce manque d’harmonie sans états d’âme car il lui semble qu’on ne demande pas à un pur sang d’être caméléon. Dans le lit, nu, Paul est en train de manger une pomme tandis que slip, chaussettes, chemise, pull et pantalon se détendent sur un fauteuil en osier. Le sac éventré de croissants gît, sans charme, sur un vieux plateau poussiéreux qu’il a cru bon de dénicher dans un placard de la cuisine.
- Viens prendre un croissant avec moi. Dis moi pourquoi t’es-tu empressé de te brosser les dents quand tu m’as vu ?
- Mon petit Paul, passé un certain âge, l’hygiène de la bouche c’est la clé de voûte de ton corps. Les microbes indigènes établissent leur camp pour casser de l’émail et toi, tu prévois de quoi tenir le siège mais, sans aucun doute, tes croissants seront ma deuxième priorité, mon cœur.
Voilà ce qu’elle aimerait lui répondre sur le moment mais elle se contente du beaucoup plus sobre :
- Je n’ai pas grand appétit, Paul. J’ai passé une nuit catastrophique. Viens m’embrasser.
Il déleste le lit du plateau et des croissants et y accueille Dona d’un baiser qui ne laisse rien présager de platonique. Elle a des lèvres charnues dont le contact synthétique lui rappelle un yaourt aromatisé, le dessus de celles-ci est plus que duveteux ; seules ses fesses abondantes et flasques lui inspirent du désir.Ils ferment les yeux, il sent la peau rugueuse et striée de sa maîtresse et la caresse inlassablement pour réchauffer leurs corps. En même temps que ses doigts glissent sur le corps de son amante, Paul repense à cette aventure qu’il a eue avec une femme mariée quand il était étudiant à Rennes. Ce sont des souvenirs sensuels, étourdissants - presque kinesthésiques- remaniés au gré de son humeur lui permettant de donner un sens à sa vie les jours où le monde extérieur semble fade et répétitif : des images et des synopsis qu’il croise délicieusement à l’infini.
A l’époque Rennaise, il fermait les yeux pour garder en mémoire ces après-midi et les revivre sur d’autres corps à travers ses mains. Aujourd’hui, il les ferme pour ne pas voir son propre corps ridé et distendu parce qu’il refuse d’être un homme d’âge mûr faisant l’amour à une femme d’âge mûr. Il est un jeune homme donnant du plaisir à une femme d’expérience. Le corps vergeturé de Dona lui permet de croire que le temps n’a pas eu de prise sur son visage, son ventre bardé d’abdominaux et ses triceps saillants. Il en est sûr, ce sont les triceps en forme de hamac qui trahissent l’âge d’un homme, plus sûrement que le carbone 14 .
Plusieurs fois, auparavant, Paul a hésité à ouvrir les yeux pendant l’amour mais à chaque fois il a redouté ce qu’il aurait pu entrevoir. Il imagine deux peaux tannées de rhinocéros se frottant au milieu de miettes de croissants dans une chambre où le doux crissement des draps est un paquet de chips que l’on malaxe en matant un polar. Ce serai le raffinement à l’état gazeux.
Début de la séance. Zapping pensée sinon pas d’orgasme. Repenser à Rennes, à cette femme mariée, aux études, à l’insouciance, aux nuits portugaises, à Portimão, au duvet trop étroit pour deux, aux étoiles source de sérénade, à la jeunesse, à ... Il retire son préservatif, y fait un nœud et, avec un protocole parodié, va jeter sa non-descendance dans la poubelle de la salle de bain.
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Message  Invité Mer 14 Jan 2009 - 14:46

J'ai fais tout mon possible pour m'accrocher, apprécier ton projet: une telle somme de boulot le mérite. Malheureusement la sauce ne prend pas, sans qu'il soit possible de détailler, ça prendrait des heures, voir, des semaines.
Tu devrais interrompre écriture et postage, repartir sur de bonnes bases, en plus fluide et aéré. C'est urgent, au vu des commentaire sur les chapitres précédent. C'est plus que mon avis, c'est un conseil franc. Qui ne vaut peut-être pas un clou. C'est toi l'chef.
.

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Message  Sahkti Jeu 22 Jan 2009 - 11:25

J'ai le sentiment, pas vraiment agréable, que cette histoire n'avance pas. Tout est prétexte à disséquer les pensées, à revenir en arrière, à s'attarder sur soi... et pendant ce temps, le lecteur observe et, qui sait, baîlle.
Je rejoins Panda quand il parle de l'effort fourni, il semble considérable mais ne suffit malheureusement pas à me faire aimer ces textes, même si je leur trouve tout de même quelque chose. Désolée.
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