Silence

[Kilis]

Silence

Six. Six lances en fer. Elles ne brillent pas. Elles sont debout dressées devant des hommes debout. Les hommes sont petits et leurs regards scrutent le mien à même hauteur ou presque. Six pygmées. Six guerriers. Six hommes. Denses, compacts, immobiles, concentrés dans leur attitude. J’ai huit ans. Je tiens la main de mon père. Je ne baisse pas les yeux. Derrière les hommes, des cases tortues. Derrière les cases tortues, la forêt muraille : les marungus. Par-dessus un ciel s’écarlate. Il est cinq heures et demie. Le soir.
Il y a du sang humide encore sur la pointe des lances et des mouches noires s’y agglutinent.
Mon père parle.
Silence.
Les deux guerriers du milieu avancent de deux pas vers nous. Se figent à nouveau. Prennent tour à tour la parole.
Mon père répond.
C’est tout.
Nous rentrons à pied en silence par la route. Notre gîte est déjà dans le noir. Bonaventure a allumé la lampe Coleman. Mon frère et ma mère sont assis, la table est dressée. Nous mangeons.

[Invité]

Un très beau flash, intense, intrigant. Pour moi la phrase "Par-dessus un ciel s’écarlate." détonne dans l'ensemble, cependant : je la trouve trop littéraire, l'emploi décalé du verbe trop recherché et "joli-poétique" pour ce texte dense, sobre, où la beauté naît du prosaïque.

[Mano]

D'accord absolument avec Socque. Les images qui viennent en tête viennent du travail simple d'acriture qui est efficace. De plus, on est irresistiblement intrigué par cet enfant de huit an. Ce père, cette tente avec une famille. On se demande l'époque... bref, ça fonctionne à merveille comme introduction.

C'est bien, on se tente un peu à l'Afrique...

[Invité]

L'enfant voit, ne fait que voir, n'interprète pas, et le lecteur ressent. Je veux dire que c'est le côté factuel, la description brute (comme matière brute) de la scène qui causent justement chez le lecteur l'émotion que le texte n'exprime pas explicitement. Et ça c'est très fort.

[Invité]

Comprend plus, j'ai deja lu et commenté ce texte dans une autre vie.
Oui, je suis sur, la lampe. Bonne deuxième chance à ce texte alors. :-)

[bertrand-môgendre]

Déjà lu sous une autre forme cette part africaine de toi qui te façonne l'esprit en bien.

[Lonely]

Intrigant, oui... encore un bel effort dans le non-dit, ou comment laisser un immense champs d'interprétation au lecteur : que font-ils là ? Pourquoi ? Connaissent-ils ces guerriers ? Que s'est-il dit ? La banalité du repas final ne cache pas la tension qui s'est installée, au contraire.

Je trouve que la place laissée au lecteur est très grande? Peu d'informations capitales pour comprendre les tenants et les aboutissants (il n'y en a pas), ce qui ne laisse submerger qu'une étrange émotion, voire une sensation de malaise.

C'est en tout cas ce que j'ai ressenti.

[mentor]

déjà lu aussi dans une autre vie
visuel, et auditif, très
sensuel donc ;-)

[lemon a]

Accrocheur, visuel. On est propulsé directement dans la scène et on se pose des questions.

(trop court toutefois)

Où est la suite ?

[Sahkti]

Déjà lu et commenté aussi dans une autre vie :-)
Ce qui n'empêche pas de profiter d'une relecture et d'apprécier le texte, pour sa sobriété et la force de ses images.

[milo]

...

Un silence

Ensuite le premier mot qui m'est venu n'en était pas vraiment un. C'était plutôt de l'ordre de l'onomatopée. Le genre de bruit que l'on peut faire lorsque les yeux font un peu plus que cligner sur un texte.
Le genre de bruit que peut faire un homme lorsqu'il tombe le masque.

Sobre, et puissant, voila peut-être les mots que je n'ai pas trouvé de suite...

impact, aussi.

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